M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Je ne me place pas sur le même terrain que M. Michel Charasse. Je voudrais simplement rappeler que, dans l'intergroupe OGM du Grenelle de l'environnement, une somme de propositions avaient été promues de façon consensuelle, après de longs débats, et quelques propositions avaient été notées comme n'étant pas votées par l'ensemble.

L'honnêteté intellectuelle me conduit à dire que la FNSEA nous avait effectivement demandé que soient sanctionnés de façon plus sévère les faucheurs d'OGM, etc.

Mais, à ce stade du débat, il faut quand même comparer le devenir de tout ce qui a été proposé dans cet intergroupe. Autrement dit, où en sommes-nous aujourd'hui ?

Nous voulions la garantie de pouvoir cultiver sans OGM ; nous avons la garantie de pouvoir cultiver avec.

Nous voulions une vigilance sur les apiculteurs. Tout le monde a versé sa petite larme, mais ils sont absents du texte.

Nous avons refusé aujourd'hui par nos votes d'affirmer les droits de l'agriculteur préexistant. Il n'a qu'à se débrouiller avec la pollution qui lui arrivera. Nous avons refusé les droits du préexistant, y compris ceux qui vont perdre des AOC ou des IGP.

On a exonéré l'aval de la coopérative, c'est-à-dire l'importation, la transformation, le conditionnement, la distribution. Aucune vigilance, aucune exigence !

On recueille l'avis de la Haute autorité, devenue Haut conseil, mais uniquement de sa composante scientifique, alors que l'histoire nous apprend que les usagers et les donneurs d'alerte ont été, dans les catastrophes sanitaires - je pense à l'hormone de croissance -, vraiment utiles et, hélas, mal entendus.

Face à cela, l'amendement répressif, dont Mme la ministre a montré qu'il visait à moins de prison et à plus d'argent - il est vrai qu'il est plus amusant de détruire les gens à petit feu - ressemble plus à une vengeance. J'en appelle donc à la hiérarchie de nos arbitrages, car je trouve anormal de suivre une telle proposition. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. Je souhaite simplement rappeler la volonté de l'immense majorité de nos concitoyens. Je soutiendrai évidemment l'amendement de notre rapporteur qui nous a bien expliqué qu'il s'agit de rétablir un équilibre : à partir du moment où nous faisons le choix d'identifier les parcelles cultivées, ceux que notre collègue Charasse appelle des « hurluberlus »...

M. Michel Charasse. Cet après-midi, j'ai décidé d'être aimable !

M. Dominique Braye. ... quant à moi, je préfère les appeler « délinquants », ont la partie facile. Je suis donc d'accord pour que les sanctions soient aggravées à leur encontre.

Nous le savons tous, actuellement, ces délinquants sont parfois plus considérés que ceux qui respectent la loi dans notre pays. Étant élu d'une collectivité où se trouvent des quartiers « sensibles », je me suis entendu dire à de nombreuses reprises, par des jeunes qui ont brûlé des voitures et ont été condamnés pour cette raison, que des gens qui détruisaient des champs, avec des conséquences économiques autrement graves, étaient manifestement toujours en liberté et même parfois honorés, voire embrassés en public ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Il y avait longtemps !

M. Dominique Braye. Tout cela pour dire que l'on ne s'y retrouve plus ! Nous souhaitons que le droit soit respecté, que le Gouvernement et les services de sécurité aient enfin le courage de le faire respecter, qu'il n'y ait plus deux poids et deux mesures...

M. Paul Raoult. On s'éloigne du sujet !

M. Dominique Braye. ... et que la sanction de la justice ne soit pas réservée aux faibles, qui sont sévèrement condamnés pour des faits souvent plus légers, voire mineurs.

Nous souhaitons que la répression soit beaucoup plus lourde pour ces délinquants qui détruisent soit des biens privés, soit - et c'est beaucoup plus grave - des champs consacrés à la recherche sur la mucoviscidose ou d'autres maladies.

Je me fais le porte-parole de tous nos concitoyens et, en tout cas, des plus faibles et des plus fragiles (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste) pour que notre Gouvernement retrouve enfin le courage qui, depuis quelque temps, lui a beaucoup manqué vis-à-vis de certains ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Quelle ambiance ! Je crois que certains d'entre nous perdent leurs nerfs ; en termes de goujaterie, excusez-moi, cher collègue, vous vous posez là ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Charles Pasqua. Pourquoi : « goujaterie » ?

M. Jacques Muller. Vous avez bien entendu en quels termes M. Braye a parlé de Mme la secrétaire d'État !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je peux me défendre toute seule !

M. Dominique Braye. On le connaît, Muller !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Jacques Muller. Monsieur le président, je n'ai pas interrompu M. Braye et je ne souhaite pas être interrompu !

Cet amendement tend à instaurer une amende de 75 000 euros pour le délit de fauchage. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que nous allons discuter, à l'article suivant, de l'indemnisation des victimes : nous avons souvent parlé de la défense du droit des victimes ces derniers temps !

Mais quid des victimes de contaminations par des organismes génétiquement modifiés ? Elles verront leur indemnité évaluée « au pèse-lettre » en fonction de la différence entre le prix « OGM » et le prix « non OGM ». En Europe, cela signifie que, pour un hectare de maïs bio pollué par des cultures OGM, l'agriculteur biologique serait généreusement indemnisé à hauteur de 30 euros. Et voilà que l'on veut punir le délit de fauchage d'une amende de 75 000 euros !

Pardonnez-moi, mais ce n'est pas cela, la justice !

Mme Évelyne Didier. C'est disproportionné !

M. Jacques Muller. Oui, ces montants sont totalement disproportionnés ! On entre dans l'irrationnel, l'idéologie, et je pèse mes mots ! Je refuse catégoriquement ce type d'article !

Revenons-en à la loi. Soyons clairs : il existe déjà aujourd'hui une loi qui protège les biens des personnes. Nous n'avons pas à nous prononcer sur la manière dont les juges appliquent les lois. Si des juges ont rendu des décisions qui ne vous conviennent pas, ils n'ont fait que leur métier en interprétant la loi.

Je terminerai en rappelant ce que j'avais dit dans mon intervention lors de la discussion générale : les troubles que nous connaissons aujourd'hui dans notre pays trouvent leur origine dans le vide juridique qui prévaut, puisque la directive n° 2001/18/CE aurait dû être transposée depuis octobre 2002 ! C'est en raison de ce vide juridique qu'on observe effectivement des désordres.

De grâce, ne mettons pas sur un même pied 30 euros d'indemnisation et 75 000 euros d'amende, c'est franchement indécent !

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Je souhaiterais rebondir sur l'intervention de notre collègue Marie-Christine Blandin, qui a fait la liste des préconisations présentée par le groupe OGM au cours du Grenelle de l'environnement et mis en lumière le fait que, face à toutes les préconisations qui n'ont pas été reprises, la seule qui est ici retenue a trait à la répression, comme par hasard !

Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, au-delà du problème particulier des OGM, je ressens un grand malaise : j'ai participé au Grenelle de l'environnement, notre collègue Dominique Braye également ; ce processus a été mis en place en grande pompe, sur la demande du Président de la République ; par ailleurs, on a créé le grand ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ou MEDAD ; M. Borloo a mis toute son énergie dans la question, Mme Kosciusko-Morizet également.

Nous étions donc en présence d'un grand dessein, présenté et porté par l'ensemble du Gouvernement, du moins semblait-il ! Or, au fur et à mesure des discussions, il s'avère que M. Le Grand a des états d'âme, que des amendements sont retirés et que, chaque fois que l'on évoque le Grenelle de l'environnement, certains dans les rangs de la majorité font la fine bouche, voire réagissent très mal.

Je ne peux donc que poser la question : cette démarche n'était-elle pas, d'une certaine façon, contre-nature par rapport aux thèmes défendus habituellement par la majorité et ne sommes-nous pas en train de vivre en direct la fin du Grenelle de l'environnement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.

M. Laurent Béteille. Pour en revenir à l'amendement qui nous est présenté par la commission, je souhaiterais tout d'abord rappeler à notre collègue Muller qu'il confond la sanction et l'indemnisation. On ne peut comparer l'une et l'autre, puisqu'elles répondent à des finalités différentes. (M. Jacques Muller fait un geste de dénégation.)

Cela dit, je n'ai aucune sympathie pour les gens qui détruisent le bien d'autrui, qu'il s'agisse de véhicules ou de récoltes. Les deux sont également inadmissibles.

Pour autant, des dispositions législatives existent déjà et il ne me paraît pas nécessaire d'en faire plus. Si nous voulons que la loi pénale soit intelligible pour tous, n'ajoutons pas des textes à d'autres textes, ni des textes spécialisés aux textes généraux qui peuvent déjà s'appliquer.

Cet amendement, si compréhensible soit-il, ne me paraît pas utile à notre droit pénal. De plus, il instaure une proportion différente entre la peine d'emprisonnement et la peine d'amende, or je vous rappelle qu'il existe un principe de proportionnalité dans notre droit pénal et qu'il ne semble pas devoir être modifié.

De grâce, pour l'équilibre de notre droit pénal, n'adoptons pas cet amendement malvenu ! En ce qui me concerne, je ne pourrai pas le voter.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je pense effectivement que cette mesure est idéologique : elle est à mettre en relation avec d'autres débats en cours sur l'emprisonnement.

On va condamner des faucheurs à la prison. Mais, puisqu'on nous dit qu'il ne faut pas relâcher un récidiviste, et puisque nous savons bien qu'un faucheur volontaire est déterminé, combien de temps va-t-on l'enfermer ? C'est ma première question.

La deuxième porte sur le « profil » des délinquants, que l'on ne manque pas de mettre en exergue. N'a-t-on pas entendu dire que certains peuvent être délinquants, ou rebelles, dès la naissance ou dès l'adolescence ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) On sera donc fiché comme rebelle !

Bref, combien de temps va-t-on nous enfermer et à partir de quand va-t-on nous considérer comme rebelles ?

Mme Isabelle Debré. Vous vous trompez de débat !

M. Jean Desessard. Mes chers collègues de l'UMP, comme vous ne voulez pas de débat devant les Français - vous n'avez pas voulu du référendum, mais c'est une autre question - et comme vous voulez durcir la loi, que se passera-t-il lorsqu'il y aura des confrontations ?

Il est facile d'employer de grands mots, d'évoquer le bien d'autrui, comme si nous nous trouvions dans une société parfaite, sans pauvres ni riches, où tous seraient égaux. Mais non, nous sommes dans une société injuste !

M. Jean Desessard. Les OGM profitent aux lobbies agricoles, aux firmes multinationales (Exclamations sur les travées de l'UMP.) et les gens les combattent en fauchant les cultures, comme les ouvriers défendent leurs entreprises en les occupant ! Certaines formes de résistance ne sont peut-être pas légales, mais elles sont justes !

M. Laurent Béteille. C'est n'importe quoi !

M. Jean Desessard. Aujourd'hui, vous dites que ce combat est injuste et vous voulez condamner les gens le plus possible, dès l'adolescence, jusqu'à ce que leur résistance soit brisée !

Aujourd'hui, vous affirmez idéologiquement que vous êtes bien la droite, celle qui entend réprimer ceux qui veulent résister ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Luc Miraux. Intolérant !

M. le président. Mes chers collègues, gardons notre calme !

M. Paul Blanc. Monsieur le président, j'espère que vous avez un défibrillateur en état de fonctionnement !

M. Michel Charasse. Voilà ce qui arrive, quand on ne mange que du bio ! (Sourires.)

M. Dominique Braye. On lui avait dit que c'était dangereux !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Notre pays est un État de droit, avec des règles, des droits et des devoirs. Ces règles existent et ce n'est certainement pas dans cet hémicycle qu'il convient de les remettre en cause.

Je fais partie de ceux qui condamnent tous ceux qui détruisent les biens d'autrui,...

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Jean-Marc Pastor. ... qu'il s'agisse de voitures ou d'autre chose. Ces agissements sont inadmissibles et la République française s'est dotée d'une justice à même de régler ce type de problème.

M. Dominique Braye. Encore faut-il appliquer les lois votées !

M. Jean-Marc Pastor. Avant de proposer des sanctions dans une loi portant sur un sujet bien précis - parce que nous n'en finirons pas d'identifier la sanction la mieux adaptée -, commençons par appliquer ce que le législateur a déjà voté ! Force est de le constater, mes chers collègues, on pourrait parler longtemps du problème de l'application des lois.

M. Dominique Braye. Nous le regrettons autant que vous !

M. Jean-Marc Pastor. Je ne regrette rien, je fais un constat !

La loi existe, la justice l'applique, elles ont l'une et l'autre leur raison d'être, n'en rajoutons pas ! Seuls les régimes extrémistes prévoient toujours la répression et la condamnation comme solution à tous leurs problèmes.

Mes chers collègues, sur un sujet comme celui-ci, je préfère de très loin recourir à l'information et à la pédagogie. Une série d'amendements, que nous avons vus avant-hier et que nous reverrons demain, prévoient une information pédagogique de l'ensemble de nos concitoyens, chaque fois que l'on emploiera des OGM. Voyons donc ensemble comment apporter une information supplémentaire afin que, demain, les gens ne se braquent pas contre les OGM. Nous avons un travail collectif à faire sur ce sujet.

Je préfère inscrire cette démarche dans le texte de la loi plutôt que de savoir que telle personne fera tant de mois ou d'années de prison si elle va faucher une parcelle ou détruire le bien d'autrui - alors que je considère effectivement que ces agissements méritent d'être sanctionnés par notre justice. Ne confondons donc pas les approches ! Je préfère l'information et la pédagogie à la répression et à la condamnation, telles qu'on voudrait les inscrire dans le texte de la loi.

Les propos que vient de tenir notre collègue Laurent Béteille me conviennent parfaitement, et je suis tout à fait sur la même ligne.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. J'avoue que j'essaie de retrouver mon calme et mes esprits après ces échanges.

Monsieur Desessard, vous nous aviez habitués à davantage d'humour et de courtoisie - vous vous êtes « lâché », mais comme l'a dit M. Charasse, c'est peut-être dû à un excès d'aliments bio... (Sourires.)

M. Michel Charasse. Simple supposition !

M. Jean Bizet, rapporteur. Je vous laisserai à votre régime, je préfère le mien, mais je vous conseille de ne pas trop forcer ! (Nouveaux sourires.)

En revanche, j'ai beaucoup apprécié les propos de notre collègue Pastor : nous sommes dans un État de droit, il faut sans cesse le rappeler. Si nous ne le faisons pas au Parlement et, notamment, au Sénat, je ne sais pas où on le fera !

S'agissant de ces notions d'emprisonnement et d'amende, je tiens à rappeler que notre texte repose sur un équilibre.

Ceux qui mettent en place des cultures de plantes génétiquement modifiées en s'affranchissant d'un certain nombre de règles seront, on l'a rappelé, condamnés par la justice à des peines d'amende et d'emprisonnement, dont nous avons établi le niveau.

De même, puisqu'il s'agit d'équilibre, ceux qui détruisent illégalement des cultures doivent être sanctionnés. Il faut le rappeler, car, depuis un certain nombre d'années, un certain laxisme me semble s'être instauré dans la répression de la destruction illégale de cultures ayant fait l'objet d'un avis favorable du ministre de l'agriculture après avis des ministres de l'environnement et de la santé. Ce n'est pas moi qui irai juger les juges, mais, au fil du temps, une forme de tolérance s'est tout doucement installée. Cela devient inacceptable.

Voilà comment nous sommes en train de glisser insensiblement d'une société de l'inquiétude vers une société de la confusion. Certes, j'approuve les propos de M. Pastor quand il insiste sur la pédagogie. Toutefois, à force de faire de la pédagogie sans être entendu, on en arrive à être obligé de passer à la sanction. Il y a un temps pour tout, et voici précisément venu le temps de la sanction.

M. Dominique Braye. Absolument !

M. Jean Bizet, rapporteur. Par ailleurs, j'indiquerai à M. Charasse que, si je ne suis pas, comme lui, un juriste distingué, il ne me paraît pas souhaitable, s'agissant de la destruction de parcelles, d'envisager à cet instant le cas de cultures non autorisées. Nous nous intéressons en l'occurrence aux cultures autorisées de plantes génétiquement modifiées dont la destruction constitue, à notre avis, un délit spécifique. En ce qui concerne les cultures « classiques », elles relèvent en quelque sorte des dispositions générales du droit commun relatives à la destruction du bien d'autrui.

Je voudrais ensuite, répondant ainsi indirectement à M. Béteille, souligner qu'il est important de définir un délit de fauchage et un délit de fauchage aggravé, si je puis dire, comme il existe un délit de grand excès de vitesse. Nous avons eu l'occasion d'échanger sur ce point avec le Gouvernement. Cela a été rendu nécessaire parce que les juges, au fil du temps, ont presque banalisé de tels actes. Ceux qui les ont commis n'ont pas été sanctionnés comme ils auraient dû l'être.

Mme la secrétaire d'État a trouvé que prévoir une peine de trois ans d'emprisonnement en cas de circonstances aggravantes, contre cinq ans antérieurement, revenait en somme à faire montre de clémence. Sans vouloir être provocateur - ce n'est pas mon style -, je lui ferai remarquer que nous pouvons revenir à cinq ans d'emprisonnement si elle le souhaite ! Il n'y a pas de problème, le Sénat est généreux !

Plus sérieusement, nous en resterons à trois ans, car notre volonté, je le redis, est de parvenir à un équilibre. Il s'agit surtout de donner plus de lisibilité au dispositif, afin qu'il soit plus facile à adapter par le juge.

Enfin, j'avoue que j'ai de plus en plus de mal à comprendre M. Muller !

M. Dominique Braye. Vous n'êtes pas le seul !

M. Jean Desessard. Moi, je le comprends bien ! (Sourires.)

M. Dominique Braye. Cela ne nous étonne pas !

M. Jean Bizet, rapporteur. Je fais pourtant des efforts !

M. Muller a évoqué une indemnisation à hauteur de 30 euros par hectare des producteurs de maïs biologique dont les cultures auraient été contaminées par des OGM. Je lui répondrai que nos calculs sont fondés, parce que c'est la règle communautaire qui le veut, sur un différentiel de prix économiques de cultures.

À cet égard, il faut être attentif au fait que, comme on commence déjà à le constater dans le Sud-Ouest après trois années de culture du maïs Bt, la structure des prix est en voie de s'inverser, tout simplement parce que le maïs Bt a acquis une qualité supérieure sur le plan de la sécurité sanitaire, au regard des mycotoxines. Les agriculteurs ne s'y trompent pas !

Mon cher collègue, c'est là toute la problématique du « bio ». J'y reviendrai sans aucune agressivité : si les agriculteurs biologiques ne veulent pas écouter le message qu'on leur adresse, s'ils refusent la main qu'on leur tend, s'ils veulent s'engager par une obligation de résultat, ils vont progressivement s'isoler et nous serons alors obligés de mettre le doigt là où ça fait mal, c'est-à-dire de nous pencher sur la question de la sécurité sanitaire et du niveau de mycotoxines.

Vous le savez très bien, mon cher collègue, la situation devient extrêmement dangereuse. C'est la raison pour laquelle la structure de prix des cultures est en train de s'inverser. Faites donc très attention quand vous vous exprimez sur ce sujet. Je le répète encore une fois, ce que nous voulons, au travers de ce texte, c'est trouver un équilibre, et non pas faire de la provocation.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. En fait d'équilibre, je le redis, diviser par deux la durée des peines d'emprisonnement pour multiplier par deux le montant des amendes ne me paraît guère satisfaisant.

Je suis tout à fait d'accord, sur ce point, avec les propos de M. Béteille. Cela dit, la loi pénale relève de la responsabilité du Parlement. C'est pourquoi le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Sans vouloir mettre en cause, si peu que ce soit, les efforts méritoires du rapporteur, je soulignerai que, si le Sénat doit le suivre, il faudra que la commission mixte paritaire revoie cette question, afin de coordonner avec cette disposition particulière les dispositions générales que Mme le secrétaire d'État a rappelées il y a un instant.

En effet, il ne faut pas en arriver à une situation où détruire une parcelle non autorisée coûterait plus cher que détruire une parcelle autorisée ! Il y a tout de même là un petit problème de logique et de coordination !

Par ailleurs, je le dis amicalement à M. Bizet, je ne crois pas au renforcement des amendes car, la plupart du temps, les personnes concernées ne les paient pas. On ne les poursuit pas pour les y obliger puisque, dans ce domaine comme dans bien d'autres, il y a longtemps qu'il n'y a plus d'État !

Par conséquent, il vaut mieux prévoir une sanction significative autre qu'une amende.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

M. Gérard Le Cam. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cet amendement présente un fort caractère d'affichage. Je crois que son dispositif ne sera pas efficace et n'empêchera pas, malheureusement, les faucheurs d'agir. C'est du même « tonneau » qu'une loi antigrève qui n'empêche pas les fonctionnaires de faire grève !

M. Georges Gruillot. Belle mentalité !

M. Dominique Braye. Je ne sais pas pourquoi nous sommes là !

M. Gérard Le Cam. Cette question me fait penser à un autre débat, très ancien, entre terrorisme et résistance.

Personnellement, je suis naturellement, comme tous mes collègues, pour le respect du bien d'autrui. Cela étant, je crains que, notamment en matière de plantes génétiquement modifiées, il n'y ait, d'un côté, des faucheurs de maïs, et, de l'autre, des gens qui vont « faucher » dans les poches des agriculteurs français et du monde entier, notamment ceux qui appartiennent à la petite paysannerie. Où se situe donc la plus grande délinquance ?

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Voter un texte de circonstance parce que des incidents impliquant des faucheurs sont survenus les années précédentes ne me paraît pas de bon aloi.

M. Dominique Braye. La loi sert toujours à régler des problèmes !

M. Paul Raoult. Il y a une loi, qui s'applique quels que soient les circonstances et les délits commis. Je ne vois pas pourquoi il faudrait mettre en exergue le cas particulier de la dégradation de cultures de plantes génétiquement modifiées.

Si l'on en est arrivé à cette situation passionnelle, c'est parce que, de façon générale, on n'a pas eu le courage, dans ce pays, de voter un tel texte voilà quelques années !

M. Paul Raoult. Dès lors, la situation est devenue passionnée et passionnelle. Si l'on avait élaboré un texte adéquat en temps et en heure, on n'aurait pas connu ces incidents à répétition,...

M. Paul Raoult. ... et la loi aurait été mieux respectée. Il est clair que, à gauche comme à droite, on n'a pas su prendre les décisions au moment où il le fallait.

M. Dominique Braye. Ça, c'est sûr !

M. Paul Raoult. Je rappelle que la jurisprudence actuelle nous dit que, en somme, dans le domaine qui nous occupe, ce qui n'est pas autorisé est interdit. Dans ces conditions, certains ont pu se croire fondés à donner libre cours à leurs réactions passionnelles.

Cela étant, agiter aujourd'hui le chiffon rouge d'une aggravation des sanctions financières ne me paraît pas non plus être une bonne réponse à la situation que nous vivons, bien au contraire ! La question des OGM est problématique, on le sait, et nous nous interrogeons tous sur l'opportunité d'accepter le développement de leur culture à l'avenir.

Par conséquent, il est aberrant de menacer les faucheurs de parcelles de plantes génétiquement modifiées de leur infliger des amendes d'un montant bien supérieur à ce que prévoit la loi « ordinaire », puisqu'il a été dit tout à l'heure que celui qui dégraderait une culture classique serait moins lourdement sanctionné !

M. Paul Raoult. Le barème doit être le même quelle que soit la nature des plantes détruites. Le montant de l'amende ne doit pas être supérieur quand il s'agit d'OGM. Cela n'a pas de sens sur le plan du droit ; c'est même ridicule !

Je vous en conjure donc, mes chers collègues, gardez votre sang-froid. Ne prévoyez pas des amendes spécifiques visant un cas particulier, mais restez dans le domaine de l'universel, qui doit être celui de la loi.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. Je voudrais souligner que dix orateurs ont expliqué leur vote, M. Charasse ayant d'abord proposé une interprétation du texte et indiqué seulement ensuite quel serait son vote. Je pense donc que nous sommes maintenant en mesure de nous prononcer ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié.

M. Auguste Cazalet. Je m'abstiens.

M. Charles Pasqua. Moi aussi !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 198, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 671-14 du code rural par un alinéa ainsi rédigé :

« Les sanctions que l'autorité administrative peut prononcer comprennent la destruction totale ou partielle des cultures incriminées. Les frais entraînés par ces sanctions sont à la charge de l'exploitant.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Cet amendement rédactionnel vise à insérer à l'article L. 671-14 du code rural les dispositions relatives aux sanctions que peut prendre l'autorité administrative.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement en raison, d'une part, d'un problème de constitutionnalité, et, d'autre part, d'un problème de cohérence. Je crois m'être déjà exprimé précédemment sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Il me semble que cet amendement pose un vrai problème juridique, puisque les sanctions administratives sont déjà prévues à l'article L. 663-9 du code rural. Il n'y a donc pas vraiment lieu de les mentionner à l'article L. 671-14 du même code, qui concerne les sanctions pénales.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Au nom du principe selon lequel il ne faut pas se faire justice soi-même, M. Charasse nous a alertés sur le fait qu'il ne fallait pas parler de cultures « autorisées ». Ce mot le gêne, à très juste titre, parce que le Conseil d'État a récusé les autorisations données par le Gouvernement sur avis de la Commission du génie biomoléculaire, car celle-ci avait laissé de côté des études aux conclusions gênantes et inquiétantes.

Par ailleurs, toute entreprise, y compris rurale, se doit de couvrir le risque lié à son activité par le biais d'une assurance. Or, aucun assureur ne garantit le risque dans le domaine qui nous intéresse, et les champs de plantes génétiquement modifiées ne sont donc pas assurés.

J'informe donc notre collègue que, même autorisées, ces cultures ne respectent pas la loi.

Par conséquent, l'amendement n° 198 vient à point, même si l'on nous affirme qu'il n'est pas à sa place. En effet, même si l'on refuse d'interpréter le geste de faucher une culture de PGM comme une alerte, cet amendement nous ramène à la préconisation de M. Charasse : c'est une autorité publique qui exerce la sanction. Mes chers collègues, si vous préférez que des fonctionnaires, plutôt que des militants par des actions sauvages, fassent ce qui doit être fait, c'est-à-dire détruire des cultures illégales, il faut soutenir cet amendement.

M. Jean Desessard. Les faucheurs devraient être payés !

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. Puisque nous allons en finir avec la question des sanctions, je voudrais rappeler une évidence : celles-ci sont d'abord là pour prévenir ; elles ont pour but de dissuader les faucheurs volontaires de commettre les exactions auxquelles ils se livrent tous les jours.

Je voudrais attirer votre attention sur un point : nous sommes les uns et les autres profondément fautifs, car nous n'avons pas apporté suffisamment d'informations à nos concitoyens sur le sujet des OGM !

M. Dominique Braye. Comme certains orateurs socialistes l'ont souligné, 90 % de nos concitoyens ne veulent pas d'OGM dans leur assiette ; les mêmes affirment ne disposer d'aucune information sur la question et ne rien y connaître.

Cela soulève un véritable problème démocratique : il est profondément condamnable que nous obligions nos concitoyens à se prononcer sur un dossier aussi important sans leur apporter un minimum d'informations.

J'assistais hier dans ma commune à une réunion sur les OGM. Sur les 150 personnes présentes, 90 % étaient, en toute logique, contre les OGM. Et pourtant, je peux vous garantir que pratiquement personne ne savait ce qu'était un OGM. Je leur ai expliqué qu'il ne s'agissait pour l'instant que de faire des essais, mais que, à mon humble avis, cette technique constituerait demain un grand progrès non seulement pour l'agriculture, en permettant de nourrir plus de personnes, mais aussi pour la prévention et la santé publiques. Nous avons aussi évoqué les mycotoxines dont personne n'avait entendu parler. De même, aucun ne savait que les OGM permettent de diminuer l'épandage de pesticides alors que nous les utilisons depuis onze ans ! À part quelques lombrics peu vivaces trouvés par le président de la Haute autorité au bout du champ qu'il a lui-même expertisé (Sourires.), il n'a jamais été démontré de façon scientifique que les OGM soulèvent des problèmes. En revanche, il est indéniable que les pesticides provoquent des décès que l'on peut aisément quantifier en recensant le nombre de cancers. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. Mais cela fait très longtemps qu'on le sait, ma chère collègue ! C'est pour cette raison que je répète ce que j'ai déjà dit dans ce débat : les OGM sont aux pesticides ce que le nucléaire est aux gaz à effet de serre.

Il n'y a pas si longtemps, tout le monde était contre le nucléaire. Maintenant, on se félicite d'un tel choix, eu égard à nos faibles émissions de gaz à effet de serre. Il faut bien reconnaître, en toute humilité, que cela a été rendu possible grâce à l'impulsion du général de Gaulle en la matière.

Nous devons donc tous accomplir des efforts très importants pour éclairer nos concitoyens sur la question.

Pour terminer, je voudrais évoquer le principe démocratique. Mme Évelyne Didier s'est désolée en estimant que le Grenelle de l'environnement était foulé aux pieds. Quant à M. Jacques Muller, il s'est présenté hier, je crois, comme le « fantassin du Grenelle ».

Rappelons-nous ce que répondait le ministre du travail, M. Xavier Bertrand, lorsqu'il était interrogé sur le problème des relations avec les partenaires sociaux : les choses se sont passées tout à fait comme elles le devaient.

M. Jean Desessard. On verra bien !

M. Dominique Braye. Le problème vient effectivement du fait qu'en donnant une tribune à certaines personnes on leur a laissé croire que le débat démocratique n'allait pas se dérouler conformément aux règles républicaines. En effet, ces individus ont pu bénéficier d'une audience proportionnellement bien supérieure à ce qu'ils représentent dans la population. Ils ont donc naturellement cru que, une fois les décisions prises à la table du Grenelle, le Parlement ne serait qu'une chambre d'enregistrement. Mais ce n'est pas comme cela que fonctionne la démocratie !

Dans nos communes, si nous croyons en la démocratie participative, nous commençons par informer la population - nous voulons qu'elle se prononce en connaissance de cause -, puis nous la consultons avant de décider. C'est aux instances délibératives telles qu'elles sont prévues par nos institutions qu'appartient le pouvoir de décision. Il est ensuite de notre devoir d'aller expliquer les raisons de nos choix. En l'espèce, nos décisions ne vont pas forcément dans le sens des opinions de ceux qui, disposant d'une tribune, croyaient qu'ils allaient arbitrer alors qu'ils ne représentaient pas grand-chose.

Les institutions sont là, et notre République fonctionne de manière satisfaisante depuis un certain temps. Tout est bien respecté.

Ce sujet me tenait à coeur depuis un certain temps. Je regrette que Mme Évelyne Didier ne soit pas là, car c'est à elle que s'adressait ma réponse. Mais je compte sur mon collègue Gérard Le Cam pour lui rapporter les propos que j'ai tenus.