compte rendu intégral

Présidence de M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question et la ou le ministre qui lui répond disposent chacun de deux minutes trente.

Je veillerai à ce que les temps de parole soient respectés, afin que tous les auteurs de question puissent bénéficier de la retransmission télévisée de leur intervention.

prix des carburants

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.

M. Yves Krattinger. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Les prix des carburants ont battu cette semaine des records. Ainsi, le prix du fioul a franchi la barre de 1 euro le litre. Il a augmenté de 50 % en un an, celui du diesel de 30 % et celui de l’essence de 20 % ! Quant au prix du gaz, le Gouvernement a décidé deux hausses, s’élevant au total à 10 %.

L’énergie devient un produit de luxe, et ces augmentations provoquent une chute très inquiétante du pouvoir d’achat et du moral des ménages, qui descendent aux enfers ! (Exclamations sur les travées de lUMP.) Nous voyons aujourd’hui certains de nos concitoyens acheter leur fioul par bidons de cinq litres !

Il est révélateur, par exemple, qu’un retraité de l’agriculture percevant 700 euros par mois sacrifie deux mois et demi de sa pension pour remplir de fioul sa cuve de 1 500 litres !

Tandis que de nombreux Français voient leur pouvoir d’achat sévèrement amputé, les compagnies pétrolières accroissent leurs profits ! Le groupe Total a ainsi réalisé, au premier trimestre de 2008, un bénéfice net en hausse de 9 %, estimé à plus de 3 milliards d’euros. Quant aux rémunérations des patrons du CAC 40, elles ont augmenté de 58 % en 2007 !

Le Président de la République a annoncé une réévaluation de 50 euros de la prime à la cuve, …

M. Yves Krattinger. … financée par les surplus de TVA sur les produits pétroliers, surplus qui restent, vous le savez, madame la ministre, aléatoires.

Au lieu de financer cette mesure par un prélèvement sur les superprofits des compagnies pétrolières, par une taxe sur les plus-values exorbitantes réalisées grâce à leurs stock-options par les patrons du CAC 40, ainsi que sur la spéculation financière, l’État – dont la Cour des comptes vient de réévaluer à hauteur de près de 10 milliards d’euros le déficit pour 2007 –, et par conséquent les Français, va mettre la main à la poche.

Qu’envisagez-vous de faire pour les millions d’entre nos compatriotes qui utilisent leur voiture pour aller travailler ? Nous avons proposé la création d’un « chèque transport », mais vous l’avez refusée. Il permettrait pourtant de mettre à la charge des entreprises une partie significative des frais de déplacement entre le domicile et le lieu de travail.

M. le président. Veuillez poser rapidement votre question, monsieur Krattinger !

M. Yves Krattinger. Madame la ministre, se chauffer et se déplacer sont des droits fondamentaux, dont l’exercice n’est plus garanti pour un grand nombre de nos concitoyens. Il ne suffira pas de les inviter à marcher et à faire du vélo pour les rassurer. (« La question ! » sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Posez votre question, monsieur Krattinger !

M. Yves Krattinger. Le risque est très sérieux, désormais, d’une propagation du désespoir aux secteurs économiques dépendant du prix des carburants.

Madame la ministre, il y a urgence ! Qu’allez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Très bonne question !

M. le président. Je demande à chaque intervenant de respecter son temps de parole ! Vous avez dépassé le vôtre de 50 secondes, monsieur Krattinger !

La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. Nous allons chronométrer la durée de sa réponse !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur Krattinger, je vais vous exposer précisément quelle est l’action du Gouvernement s’agissant du pouvoir d’achat des ménages, eu égard en particulier au prix du carburant, ainsi que de la façon dont ils peuvent l’utiliser.

M. Robert Hue. Ce ne sera pas long !

Mme Christine Lagarde, ministre. Tout d’abord, il est exact que le prix du baril a considérablement augmenté – à hauteur de 30 % depuis le 1er janvier. Devant cette situation, le Gouvernement a deux réponses.

À court terme, sous l’impulsion du Président de la République, nous envisageons d’utiliser le surcroît de TVA – seule taxe assise sur la valeur et non pas sur le volume –, dont le montant s’établit aujourd’hui à 160 millions d’euros, pour le mettre à la disposition des ménages les plus touchés par la hausse considérable du prix du carburant.

À long terme – je parle, à cet instant, sous le contrôle de M. Jean-Louis Borloo et de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet –, nous entendons orienter les moyens de la recherche vers les énergies de demain, notamment les énergies renouvelables.

Un effort semblable à celui que la France a consenti dans les années soixante-dix dans le domaine de l’énergie nucléaire et qui lui donne aujourd’hui une place de leader

M. René-Pierre Signé. C’est nul !

Mme Christine Lagarde, ministre. … doit de toute évidence être engagé dans le domaine des énergies renouvelables. C’est la responsabilité de tous ceux qui sont aujourd’hui aux commandes d’orienter la dépense publique dans cette direction.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a plus de pain, mangez de la brioche !

Mme Christine Lagarde, ministre. En ce qui concerne maintenant le pouvoir d’achat des Français, notre action suit deux axes principaux.

En premier lieu, nous souhaitons permettre à chacun de travailler plus. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. René-Pierre Signé. Et gagner moins !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, écoutez la réponse de Mme la ministre !

Mme Christine Lagarde, ministre. Les dispositions de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat élargissent la possibilité de faire des heures supplémentaires. Aujourd’hui, six entreprises sur dix, dont près de 80 % de celles qui comptent plus de 500 salariés, recourent à ce mécanisme.

En second lieu, le projet de loi de modernisation de l’économie, dont vous aurez prochainement à débattre… (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Charles Gautier. Tu parles !

Mme Christine Lagarde, ministre. Attendez d’en connaître le contenu avant de vous exclamer ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Ce texte vise à introduire une plus grande concurrence afin de faire baisser les prix. J’espère que nous serons tous au rendez-vous, vous et nous, pour élaborer des mesures qui seront favorables aux Français ! (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’UC-UDF.)

M. René-Pierre Signé. Pour fermer les commerces !

continuité du service des soins

M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud.

M. Philippe Arnaud. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et porte sur la permanence des soins de proximité dans certaines spécialités.

Le 14 mai dernier, de nombreux malades, accompagnés de leurs proches, ont manifesté à Angoulême pour la défense d’une cancérologie ouverte, pluraliste et de qualité.

Ils exprimaient ainsi leur profond désarroi après le dépôt de bilan de deux médecins libéraux du service de cancérologie d’une clinique. La convention qui liait ces médecins à l’hôpital départemental public pour l’utilisation de matériels de radiologie avait pris fin le 29 février dernier, sans être renouvelée, pour des raisons purement locales.

Pour les malades du cancer du département de la Charente, l’inquiétude fut grande et légitime. Cette rupture de soins brutale, sans préavis, risquait de concerner plus de trois cents patients !

Certes, fort heureusement, grâce au sens des responsabilités des acteurs locaux, tant du secteur hospitalier que du secteur privé, une réponse adaptée à la situation a été trouvée, avec la création d’un groupement de coopération sanitaire, qui est actuellement en cours de constitution.

Cet exemple est significatif et révélateur, car il peut se reproduire n’importe où en France.

Madame la ministre, ma question, si elle comporte trois volets, est simple.

Premièrement, pouvez-vous m’assurer que l’État, au travers des services de votre ministère et de l’assurance maladie, favorisera la mise en place de ce groupement de coopération sanitaire et ne sera pas source de complications ou de retards, ce qui est parfois le cas ?

Deuxièmement, de quels moyens disposez-vous pour répondre à ce genre de situation et assurer la permanence des soins dans l’hypothèse où les acteurs locaux, publics et privés, ne sont pas en situation de s’entendre ?

M. Philippe Arnaud. Troisièmement, on ne peut exclure le cas où, même dans le cadre d’un groupement de coopération sanitaire, il y ait carence d’un praticien spécialisé. De quels moyens disposez-vous alors pour pourvoir à son remplacement, ne serait-ce que de façon temporaire ? (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Arnaud, vous m’interrogez sur la question de la permanence des soins en cancérologie dans la région d’Angoulême.

En effet, à la suite de la fermeture d’un site privé, les tensions qui sont apparues – je parle en termes pudiques ! – entre la clinique Sainte-Marie et le centre hospitalier d’Angoulême ont pu faire naître des craintes quant à la prise en charge des patients suivant une chimiothérapie ou une radiothérapie.

Saisie de cette affaire, j’ai immédiatement demandé à la directrice de l’Agence régionale de l’hospitalisation de prendre un certain nombre de mesures.

Il s’agissait d’abord de réunir les partenaires publics et privés et de leur enjoindre de créer un groupe de coopération sanitaire, notamment pour la chimiothérapie et la radiothérapie.

J’ai également demandé que soit élaboré un protocole transitoire de traitement, en particulier en chimiothérapie. Les quatre-vingt-huit malades traités par chimiothérapie dans la clinique privée ont été pris en charge par le centre hospitalier d’Angoulême. Il n’y a eu aucune rupture dans le traitement des malades cancéreux qui étaient soignés par chimiothérapie.

Aujourd’hui, les choses avancent bien ! Le groupement de coopération sanitaire est en cours de constitution, grâce au sens des responsabilités des médecins et à l’action tout à fait remarquable de la directrice de l’Agence régionale de l’hospitalisation, et le protocole transitoire est en phase d’élaboration. Je salue cette démarche qui préfigure les processus prévus dans le projet de loi « santé, patients et territoires » que je vous présenterai à l’automne.

Vous me demandez, monsieur Arnaud, ce qui se passera si, tout d’un coup, un spécialiste exerçant au sein d’un établissement privé est absent.

Il est tout à fait possible qu’un établissement public, par convention et de façon temporaire, mette à disposition d’un établissement privé du personnel. C’est le directeur de l’Agence régionale de l’hospitalisation, dans le cadre du schéma régional de l’organisation sanitaire, qui est garant de la permanence des soins. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

commission copé sur l'audiovisuel

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Jack Ralite. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le 8 janvier dernier, le Président de la République annonce, avec une feinte désinvolture, la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publiques, sans concertation aucune.

Le 16 février, il crée une commission pour réfléchir au « nouveau modèle de télévision publique », présidée par Jean-François Copé, et la compose de personnalités qu’il choisit pour leur « compétence ».

Le 21 mai, la commission présente des hypothèses de financements alternatifs, notamment une augmentation très modeste de la redevance.

Le 27 mai, le Président de la République réplique : « Je vous le dis, c’est non. »

L’arrogance et l’arbitraire présidentiels (Protestations sur les travées de lUMP.) déprécient, désavouent, méprisent, encagent et, en fait, « démissionnent » la commission devenue « incompétente ».

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Vous tenez des propos amers, parce que vous n’êtes plus au Gouvernement !

M. Jack Ralite. En ces temps de révision constitutionnelle, le Président de la République décide sans jamais débattre, engage et démet à son gré, pose des questions et ordonne la réponse. (M. Dominique Braye s’exclame.) C’est la démocratie au plafond bas ! Comme les héros de Molière, « j’enrage » !

Ce mauvais coup est à plus longue portée. Si la commission préconisait des taxes sur les fournisseurs d’accès à Internet, les opérateurs de télécommunications et la manne publicitaire que récupéreront les chaînes privées, l’Europe a prévenu de son opposition à une telle solution.

M. Dominique Braye. Vous voulez spolier les citoyens !

M. Jack Ralite. Le service public de la télévision, déstabilisé le 8 janvier dernier, n’a plus de visibilité quant à ses ressources.

M. Dominique Braye. Vous voulez taxer les plus modestes ?

M. Jack Ralite. Il est à un moment brèche de son histoire : on nous annonçait son renouvellement, c’est son déclin qui est programmé, le privé se tricotant un bel avenir, soutenu par l’Élysée.

L’esprit des affaires l’emporte sur les affaires de l’esprit, c’est le règne de la loterie du marché. (Protestations sur les travées de lUMP.) À cela, je vous le dis, c’est non ! (Exclamations amusées sur les mêmes travées.) J’exerce la fonction du refus, ne vous en déplaise, à l’étage voulu ! C’est l’heure exacte de la conscience ! (Mêmes mouvements.)

Voilà cinquante ans que la télévision publique fait visage jusque dans le plus petit village et dans le logement le plus modeste. Elle est comme une maison commune, détentrice d’une grande part de la mémoire et de l’imaginaire de notre pays.

M. le président. Mon cher collègue, veuillez poser votre question !

M. Dominique Braye. Vous voulez taxer les plus modestes !

M. Jack Ralite. Une telle richesse, pour ne pas avoir de « retard d’avenir », doit se mettre en état d’alerte, et, autour d’elle, la société française. C’est ce que feront nombre d’associations artistiques en se réunissant le 2 juin à Paris et les personnels de la télévision en se mettant en grève le 18 juin.

La commission Copé une fois « démissionnée » par son auteur, la « globale-manipulation » du Président de la République a éclaté ! (« La question ! » sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Posez rapidement votre question !

M. Jack Ralite. Je conclus, mais si nos collègues ne criaient pas tant, il y a belle lurette que j’en aurais terminé ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Je demande à M. le Premier ministre de revenir sur la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publiques et d’organiser en urgence un débat parlementaire.

En réponse à la discourtoisie de certains parlementaires de la majorité, je soulignerai que, au sein de la commission Copé, leurs collègues de droite sont eux aussi, tout comme moi, enragés ! (Applaudissements vifs et prolongés sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Vifs applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, le Président de la République a annoncé cette réforme au début du mois de janvier non pas avec désinvolture, mais avec conviction.

Il l’a d’ailleurs rappelé ce matin en conseil des ministres : il a en la matière une réelle ambition culturelle, celle de faire que notre audiovisuel public, qui est déjà de qualité, devienne encore meilleur. (Rires sur les travées du groupe CRC.) Il entend mettre fin à la dictature de l’audimat, qui empêche la programmation de certaines émissions en début de soirée et repousse leur diffusion à une heure beaucoup plus tardive. Je sais que c’est chez lui une profonde conviction, qu’il a réaffirmée ce matin.

La commission Copé, composée pour partie de parlementaires et dont vous êtes un membre tout à fait éminent, monsieur Ralite, a été mise en place et a commencé à travailler. C’est un processus très démocratique. Elle procède à de multiples auditions et a déjà fait des préconisations, qui paraissent constituer des pistes intéressantes, sur la suppression partielle de la publicité et sur l’organisation de France Télévisions, ainsi que sur le développement d’un « global média ». Il faut en effet que l’audiovisuel public français soit présent sur Internet, avec la possibilité de podcaster des émissions et de mettre en œuvre la catch up TV.

M. Jean-Pierre Sueur. Pauvre langue française !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas une réponse !

Mme Christine Albanel, ministre. Ces points sont essentiels pour la modernité de l’audiovisuel public.

La commission a également suggéré des pistes de financement, qui ont toutes en commun de garantir le respect du contrat d’objectifs et de moyens et la compensation des pertes de recettes publicitaires.

L’engagement est vraiment profond, car, dans tous les cas de figure, les 450 millions d’euros seront réunis, par des voies différentes.

Évidemment, les opérateurs sont favorables à une augmentation de la redevance, mais pas les Français,…

M. Dominique Braye. Absolument, pas les Français !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On augmentera vos impôts, mon cher collègue !

Mme Christine Albanel, ministre. … dans un contexte de tensions sur le pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Le Président de la République en a fait état. Pour autant, son engagement à compenser les pertes de recettes publicitaires est entier. Je souhaite que la commission poursuive ses travaux, qui sont d’excellente qualité, jusqu’à leur terme, au service d’une ambition collective. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUC-UDF.)

M. Robert Hue. C’est une réponse digne de Dallas !

situation des chrétiens d'irak

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Monsieur le ministre, la guerre civile qui fait rage en Irak touche cruellement toutes les composantes de ce pays. Pas un jour ne se passe sans qu’un attentat ou une prise d’otages ne nous rappelle le calvaire subi par un peuple tout entier.

Depuis l’intervention américaine, les chrétiens d’Irak, accusés d’avoir la même religion que les soldats de la puissance occupante, ne cessent de subir des persécutions, qui s’apparentent à une véritable « épuration » religieuse.

Les plus aisés d’entre eux réussissent à obtenir un visa et partent pour l’Europe ou les États-Unis. Les plus déshérités, lorsqu’ils sont accueillis dans les pays voisins, y vivent dans des conditions de précarité scandaleuses.

Quant à ceux qui restent sur place, ils connaissent le chantage et le martyre. Des familles voient leurs enfants enlevés, et libérés à la seule condition d’abjurer leur religion ou de verser des rançons. Certaines sont obligées de donner leurs jeunes filles en mariage à des musulmans. Enfin, régulièrement, des membres du clergé sont assassinés. La récente mort en captivité de l’archevêque de Mossoul montre qu’il n’y a plus de limites dans l’horreur.

Monsieur le ministre, je sais que vous vous êtes récemment inquiété de cette situation. Des solutions ont été envisagées, mais elles ont chacune leur inconvénient.

Le transfert massif des chrétiens d’Irak vers l’Occident serait, à mon sens, une mauvaise solution, dans la mesure où, en plus de leur imposer un déplacement forcé, il donnerait raison aux islamistes.

Quant au regroupement de cette communauté dans une province autonome au nord de l’Irak ou au Kurdistan, il risquerait de constituer une forme de ghettoïsation, qui ne mettrait d’ailleurs pas les chrétiens à l’abri de la violence.

Ma question est la suivante : que compte faire la France, qui assurera prochainement la présidence de l’Union européenne, pour apporter une solution à cette situation intenable ?

Le Président de la République a fait du respect de la diversité religieuse un préalable au règlement des conflits qui secouent le monde arabo-musulman. Une conférence sur ce sujet ne serait-elle pas envisageable pour cette communauté présente en Irak depuis les origines de la chrétienté et qui est garante d’une société pluraliste et ouverte sur le monde ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le sénateur, vous avez raison d’attirer l’attention sur le sort cruel qui est réservé aux chaldéens et à l’ensemble des chrétiens d’Irak. Toutes les communautés du pays sont visées, mais plus particulièrement celle-ci, puisque les chrétiens d’Irak, qui étaient environ 1,3 million en 1980, ne sont plus que 400 000 aujourd’hui !

Les exactions que vous décrivez sont quotidiennes, poussant d’abord les chrétiens à fuir dans les pays voisins, où ils ont été pris en charge par le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies. La Syrie et la Jordanie ont consenti un très grand effort pour accueillir les réfugiés.

Pour avoir rencontré, voilà quelques mois, Sa Béatitude le patriarche des chaldéens d’Irak, je sais que la région du Nord abrite un certain nombre de chrétiens. Un religieux de haut rang y a d’ailleurs été enlevé, torturé et tué.

Nous avons l’intention d’ouvrir très prochainement un consulat dans cette région. En effet, nous sommes assaillis de demandes émanant des chaldéens et des autres réfugiés. Brice Hortefeux et moi avons décidé de leur apporter une réponse en accueillant en France, dans un premier temps, quatre cents d’entre eux, puis cinq cents. D’autres suivront, les premières familles chrétiennes étant arrivées voilà quelques jours.

Pour le moment, je ne vois pas d’autre solution que d’accueillir les plus malheureux. Cela étant, ces populations devraient évidemment être protégées en Irak, mais ce n’est, hélas, pas possible à l’heure actuelle. Afin de soutenir les chrétiens d’Irak, nous allons, comme l’ont fait d’autres pays, tels que la Suède, accroître le nombre des personnes accueillies sur notre sol, qui était jusqu’à présent très faible.

J’ajoute que, malheureusement, ce n’est pas qu’en Irak que les chrétiens sont menacés : c’est devenu une triste habitude au Moyen-Orient. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’UC-UDF et du RDSE.)