M. Michel Charasse. Et inversement !

M. Jean-René Lecerf. Tout à fait, mon cher collègue !

L'amendement n° 315 vise à concilier la référence à la francophonie avec la reconnaissance des langues régionales. Il me paraît très bien rédigé et si je me permets de le dire, c’est parce que j’ai emprunté sa rédaction à celle qu’avait proposée mon collègue Jacques Legendre pour l’un de ses amendements initiaux.

En signalant dans l'article 1er que « la République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage », avant même qu’il soit fait référence aux langues régionales, la primauté est redonnée au français sur les langues régionales. À mon sens, cela annule tout risque de ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, à laquelle je ne suis personnellement pas du tout favorable.

Il faut considérer l'amendement n° 57 rectifié comme une autre tentative de conciliation. Il vise à maintenir la référence aux langues régionales, tout en la déplaçant à l'article 2 de la Constitution, soit après la mention du français comme langue de la République. Toutefois, je suis bien conscient de l’inconvénient que cela comporte et qui a été signalé par M. le rapporteur : cette reconnaissance serait alors incluse dans le titre Ier intitulé « De la souveraineté », où elle n’a pas grand-chose à faire.

Monsieur le président, je tiens à insister sur ce point. Pour moi-même, comme pour un certain nombre de collègues, il est absolument indispensable de savoir si la référence à la francophonie sera placée avant la reconnaissance des langues régionales. Si tel n’était pas le cas et si elle devait intervenir après l'article 31, cela résoudrait la question de la francophonie...

M. Patrice Gélard. C’est exact !

M. Jean-René Lecerf. ...– Jacques Legendre nous le confirmera –, mais pas celle des langues régionales, ce qui me conduirait à voter en faveur des amendements identiques de suppression.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 57 est présenté par MM. Virapoullé et Lecerf.

L'amendement n° 356 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller,

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Au début du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

L'article 1er

par les mots :

Le premier alinéa de l'article 2

L’amendement n° 57 rectifié a déjà été défendu.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 356.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Là encore, la situation est un peu compliquée.

La révision de l’article 1er de la Constitution est une opération extrêmement grave et il n’est pas question de transformer cet article en un article fourre-tout. Aussi, monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 356 et l'amendement n° 368, pour essayer d’expliquer les raisons qui, à mes yeux, justifient le déplacement de dispositions d’un article à un autre.

En effet, je regrette le maintien à l’article 1er de la référence aux langues régionales, où je considère qu’elle n’a pas sa place. Selon moi, il conviendrait, et c’est l’objet de l'amendement n° 356, de déplacer cette référence de l'article 1er à l'article 2, bien sûr après qu’il est précisé que « la langue de la République est le français ».

S’agissant du principe selon lequel la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, le fait de le faire remonter de l'article 3 à l'article 1er me semble important. En effet, cela permet de montrer que l’égalité entre les hommes et les femmes et la parité doivent exister dans le domaine professionnel et social comme dans le domaine électoral et politique.

S’il est essentiel que ces principes soient inscrits dans la Constitution, ils n’ont pas leur place dans l'article 1er. La parité doit figurer à l'article 3, et la référence aux langues régionales dans l'article 2.

Il paraît aujourd'hui impossible de lutter contre les discriminations sans mentionner celles qui sont fondées sur le sexe et qui se manifestent dans différents domaines, qu’ils soient social, professionnel ou politique, et contre lesquelles la réponse est la parité.

M. le président. L'amendement n° 376 rectifié, présenté par MM. Legendre, Gouteyron, Marini, Romani, Bourdin, Duvernois, Fournier, Gaillard et Cointat, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elle participe à un espace francophone de solidarité.

La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Curieusement, la Constitution ne mentionne pas la participation de la France à la création d’un ensemble solidaire de pays ayant le français en partage.

À plusieurs reprises, des tentatives ont été engagées pour inscrire la francophonie comme un élément de l’action de notre République. Cette disposition a été évoquée en 1995 – si elle avait alors été adoptée par le Sénat, elle n’avait pas été retenue par l'Assemblée nationale –, puis en 1996 et en 1998. Je souhaite rappeler ici la mémoire de Maurice Schumann, avocat déterminé et talentueux à l’origine de cette initiative.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

M. Jacques Legendre. Mais, si cette dernière révision ne permettait pas l’inscription de la francophonie dans la Constitution, aujourd'hui, incontestablement, c’est possible.

Dans quel article de la Constitution faut-il faire référence à la francophonie, c'est-à-dire à la solidarité qui nous lie aux pays ayant le français en partage et que nous devons à notre histoire, comme la géographie nous place, elle, en Europe ? Or nous inscrivons bien dans la loi fondamentale l’Europe comme un élément essentiel de notre espace de vie et d’action.

J’ai déposé cet amendement visant à inscrire la francophonie à l'article 1er, pour des raisons un peu circonstancielles.

Nous venons d’avoir un débat de qualité sur les langues régionales, qui témoigne de notre respect et de notre attachement à toutes les langues. N’opposons pas l’attachement aux langues régionales de certains de nos compatriotes à la langue française, qui est la seule langue de la République, celle qui traduit notre façon de vivre ensemble et inscrit la volonté politique dans la loi.

Toutefois, il me semble impensable de mentionner l’existence des langues régionales avant même d’avoir indiqué dans la Constitution que le français est la langue de la République. Or cette précision n’apparaît qu’à l'article 2.

Si le Sénat devait maintenir la reconnaissance des langues régionales, il serait indispensable d’évoquer antérieurement la francophonie, c'est-à-dire dès l'article 1er. En revanche, si la référence aux langues régionales n’était pas votée, l’inscription de la présence de la France dans la construction de la francophonie pourrait figurer dans un autre article de la Constitution, par exemple au titre XIV, dans un article 87.

Je souhaite que le Gouvernement nous précise sa position sur ce point, afin de savoir s’il accepte que la francophonie soit mentionnée à l'article 1er – une fois clos le débat sur la référence aux langues régionales – ou dans le titre XIV de la Constitution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je rappelle que la disposition votée par l'Assemblée nationale ne porte en rien atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français.

Il s’agissait, pour les députés, d’indiquer dans notre Constitution la valeur et la place des langues régionales dans notre patrimoine.

Ce patrimoine linguistique est le plus riche d’Europe, avec soixante-dix-neuf langues identifiées, notamment celles qui existent dans les collectivités d’outre-mer et dont certaines sont d’ailleurs en voie de disparition.

M. Michel Charasse. Certaines sont de vraies langues, d’autres ne le sont pas !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je pense ainsi au marquisien, mais il en est beaucoup d’autres, que certains de nos collègues élus de l’outre-mer parlent quasiment sans difficulté.

Les questions liées aux langues sont délicates et complexes, car la langue est un élément important de notre identité nationale et un instrument de communication.

Je rappelle la décision du Conseil constitutionnel en date du 15 juin 1999, que certains ont évoquée et qui affirme l’obligation d’utiliser le français, langue de la République, dans la sphère publique. Elle autorise par ailleurs les enseignements en langue régionale, sous réserve qu’ils ne soient pas obligatoires et ne portent pas préjudice aux exigences du service public de l’enseignement.

La disposition adoptée par l'Assemblée nationale ne diminue aucunement la place du français dans notre sphère publique, place qui est affirmée depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, laquelle en a imposé l’usage aux parlements et aux tribunaux.

La commission des lois a donc considéré qu’il ne fallait pas exagérer la portée de la reconnaissance qui serait ainsi accordée aux langues régionales. Même si le débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale n’a certes pas été des plus limpides sur ce sujet, la disposition introduite ne permettrait nullement de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Tel est le point de vue de la commission des lois. C’est d’ailleurs pour cette raison que l'amendement n° 95 reprend cette disposition, sans la modifier.

À ce titre, et sans vouloir rouvrir un débat qui a été extrêmement complexe à l'Assemblée nationale, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression.

Si ceux-ci étaient adoptés, l’amendement de la commission ainsi que les sous-amendements afférents deviendraient sans objet. Dans ce cas, afin d’inscrire dans l'article 1er la référence à l’égalité professionnelle et sociale entre les femmes et les hommes, je déposerais au nom de la commission des lois un nouvel amendement tendant à insérer un article additionnel, qui ne comprendrait que la seconde partie de l'amendement n° 95.

J’en viens aux sous-amendements à l'amendement n° 95.

Sur le sous-amendement n° 304 rectifié, la commission émet un avis défavorable.

En revanche, la précision que tend à apporter le sous-amendement n° 38 rectifié bis me semble pertinente. La commission y est donc favorable.

Pour ce qui concerne le sous-amendement n° 4 rectifié bis, la commission n’a pu l’examiner. (M. Michel Charasse s’exclame.) Selon moi, l’adoption de ce sous-amendement introduirait une précision intéressante.

Le sous-amendement n° 276 rectifié, quant à lui, a pour objet de supprimer l’introduction à l’article 1er de la Constitution du principe selon lequel la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que l’Assemblée nationale avait introduit cette disposition à l’article 34 de la Constitution. Or, ce n’est pas sa place puisque l’article précité fixe les règles dans un certain nombre de domaines.

De surcroît, nous avons déjà adopté, voilà quelques années, une disposition relative à l’égalité en politique. Par la suite, une décision du Conseil constitutionnel a empêché que soit également favorisée l’égalité dans le domaine économique et social.

En déposant l’amendement n° 95, la commission a simplement voulu déplacer la disposition tendant à favoriser l’égal accès aux responsabilités professionnelles et sociales. Elle n’a pas du tout repris le texte de l’Assemblée nationale.

Une question se pose, mes chers collègues : êtes-vous contre ce principe ou contre son introduction à l’article 1er de la Constitution ? Je crois avoir compris que vous y êtes opposés. La commission émet donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 276 rectifié.

J’en viens aux sous-amendements identiques nos 156 et 349. Le choix entre « favorise » et « assure » peut donner lieu à un débat. Mais l’emploi du verbe « favorise » constitue d’ores et déjà un progrès. À chaque jour suffit sa peine !

Mme Annie David. Cela pourrait être mieux !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dans certains cas, assurer l’égal accès des femmes et des hommes pourrait se révéler compliqué, notamment dans l’enseignement ou dans la magistrature. La commission émet donc un avis défavorable.

Concernant le sous-amendement n° 399 rectifié, rappeler la place des handicapés dans notre société est important. Mais on ne peut pas dresser une liste indéfinie des personnes qui doivent être favorisées.

Monsieur About, je vous remercie d’avoir signalé que la Constitution ne doit pas énumérer une liste trop importante de catégories, sinon ce sera incompréhensible et de grands principes ne pourront plus être dégagés. Il est toujours très dangereux de procéder à une énumération. La commission est donc défavorable à ce sous-amendement.

La commission émet le même avis sur le sous-amendement n° 400 rectifié.

L’amendement n° 315 tend à apporter une précision bienvenue, qui contrebalancerait utilement la reconnaissance de la valeur patrimoniale des langues régionales. Toutefois, la commission préfère de loin l’amendement n° 377 rectifié de M. Legendre, qui tend à insérer un article additionnel après l’article 31 et que nous examinerons, par conséquent, ultérieurement. Je vous demande donc, monsieur Lecerf, de bien vouloir retirer l’amendement n° 315 au profit de l’amendement n° 377 rectifié.

M. le président. Monsieur Lecerf, l'amendement n° 315 est-il maintenu ?

M. Jean-René Lecerf. Oui, monsieur le président.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien que ces deux amendements soient très proches, l’amendement n° 377 rectifié me paraît plus complet. De plus, il prévoit d’insérer cette disposition dans le titre XIV de la Constitution, ce qui me semble préférable. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 315.

Je veux faire remarquer en cet instant que depuis ce matin, nous traitons de sujets qui ne constituent pas le cœur de la révision constitutionnelle et qui ne figuraient pas dans le projet de loi initial.

Pour ce qui concerne les amendements identiques nos 57 rectifié et 356, certains veulent faire figurer à l’article 2 de la Constitution les langues régionales, après la référence au français – spontanément, j’aurais agi de même–, mais l’article 2 de la Constitution traite de la souveraineté.

M. Michel Charasse. C’est pire !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Y mentionner les langues régionales poserait un problème. L’article 1er énonce des principes. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Quant à l’amendement n° 376 rectifié, comme précédemment, la commission préfère l’amendement n° 377 rectifié, qui est plus complet. Elle émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Si vous me le permettez, monsieur le président, je traiterai d’abord les amendements relatifs aux langues régionales, puis les autres.

Les langues régionales sont abordées dans les amendements nos 3 rectifié, 77, 145, 157, 250 rectifié ter, 260 rectifié, les sous-amendements nos 304 rectifié, 4 rectifié bis et 38 rectifié bis ainsi que les amendements nos 57 rectifié et 356.

L’article 1erA relatif aux langues régionales résulte d’un amendement introduit par les députés. Il dispose que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. Je constate, en cet instant, l’existence d’un profond désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale sur cette question.

Plusieurs sénateurs UMP. Heureusement !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je tiens à préciser que, initialement, cet article ne faisait pas partie du projet de loi constitutionnelle. Nous avons trouvé un compromis relatif à l’inscription des langues régionales dans la Constitution.

M. Dominique Braye. On va vous aider ! (Sourires.)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Plusieurs amendements, qui vont d’ailleurs bien au-delà de la position de la commission des lois, tendent à la suppression de cette mesure.

Pour plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, une telle disposition n’est pas normative et n’a donc pas sa place dans la Constitution. Selon vous, monsieur Gouteyron, elle remet même en cause les principes d’égalité des citoyens, d’indivisibilité et d’unicité de la République.

Comme vous le savez, de nombreux députés ont manifesté leur grand attachement à la reconnaissance des langues régionales – ils voulaient même que l’on aille bien au-delà – et ils ont souhaité que celui-ci se traduise par une inscription dans la Constitution. Ils ont estimé que le projet de loi annoncé par le Gouvernement tendant à faire mieux vivre les langues régionales dans notre pays était positif, mais qu’une reconnaissance plus solennelle était nécessaire.

Cet amendement répond également aux souhaits émis par nombre d’entre vous lors du débat sur les langues régionales qui a eu lieu ici même le 13 mai dernier.

Il ne s’agit absolument pas de remettre en cause l’article 2 de la Constitution qui dispose que « La langue de la République est le Français ». C'est pourquoi le Gouvernement n’a pas souhaité que les langues régionales soient visées à cet article. Ce point a également fait l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale.

Il ne s’agit pas non plus de créer le droit pour les particuliers d’exiger des administrations l’usage d’une autre langue que le français ou des droits spécifiques pour des groupes.

Il s’agit de reconnaître que les langues régionales sont une richesse de notre patrimoine. Elles font partie de notre identité.

M. Michel Charasse. Comme la bouillabaisse !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il convient donc de les préserver.

Monsieur Charasse, vous dites que l’usage et la pratique des langues régionales ne doivent pas remettre en cause les principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français. Je suis entièrement d’accord avec vous. C'est pourquoi il est proposé de faire figurer ces langues à l’article 1er de la Constitution.

Les principes constitutionnels que vous avez rappelés doivent demeurer, et l’amendement adopté par l’Assemblée nationale ne les remet absolument pas en cause, puisqu’il s’agit, je le rappelle, d’un compromis entre le Gouvernement et les députés. Il ne reconnaît en aucune manière des droits particuliers à des groupes de locuteurs. L’indivisibilité du territoire, l’unicité du peuple français, l’égalité devant la loi ne sont donc pas écornées.

Pour toutes ces raisons, j’estime que les amendements de suppression ou de précision qui ont été présentés sont inutiles.

Monsieur Cointat, vous proposez d’ajouter l’adjectif « culturel » après le mot « patrimoine ». Je ne crois pas que cet ajout soit nécessaire. Le terme « patrimoine » est suffisamment clair et global. (M. Christian Cointat fait un signe de dénégation.) Le patrimoine de la France est notre héritage commun. Il n’est pas nécessaire de le qualifier. Si l’expression « patrimoine culturel » était retenue, demain pourrait être demandée la reconnaissance du patrimoine architectural ou historique. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur votre sous-amendement n° 38 rectifié bis.

Certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, font valoir qu’une telle disposition aurait mieux sa place à l’article 2 de la Constitution. Tel fut le débat à l’Assemblée nationale. Nombre de députés ont d’ailleurs hésité. J’estime que le choix effectué, à savoir le maintien de cette disposition à l’article 1er, fut le bon.

En effet, l’article 2 de la Constitution concerne la République et s’inscrit dans le titre Ier, consacré à la souveraineté. Le français est la langue de la République française, comme il est la langue de la France, ainsi que vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur Renar, depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539.

L’article 1er est relatif à la France, dans toute sa diversité, acceptée et assumée, au nom du principe d’égalité devant la loi et du respect des différences. Cette diversité est prise en compte sur le plan administratif, notamment par l’organisation décentralisée. C'est pourquoi le Gouvernement a estimé que les langues régionales avaient leur place dans cet article, qui mentionne l’organisation décentralisée de la République.

Dans cette reconnaissance de notre diversité, les langues régionales ont toute leur place. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements et sous-amendements que j’ai cités au début de mon intervention.

J’en viens aux amendements et sous-amendements qui ne concernent pas les langues régionales. Le Gouvernement est uniquement favorable à l’amendement n° 95, présenté par la commission. Il est, par conséquent, défavorable au sous-amendement nos 276 rectifié, aux sous-amendements identiques nos 156 et 349, aux sous-amendements nos 399 rectifié et 400 rectifié, ainsi qu’aux amendements nos 315 et 376 rectifié.

L’objectif de parité en matière politique a été reconnu à l’article 3 de la Constitution par la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999.

En première lecture, l’Assemblée nationale a adopté le principe de la parité dans le domaine des responsabilités professionnelles et sociales. Elle a donc introduit de nouvelles dispositions à l’article 34 de la Constitution relatif au domaine de la loi.

Monsieur le rapporteur, vous proposez de regrouper ces dispositions à l’article 1er de la Constitution, qui a trait à la diversité de notre nation et réaffirme les principes d’égalité et de respect mutuel. Cette proposition est tout à fait judicieuse. La Constitution y gagnera en clarté et, surtout, en cohérence. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 95.

Monsieur Détraigne, vous critiquez l’introduction dans la Constitution de la disposition tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales. La question a été soumise au comité de réflexion sur le préambule de la Constitution, dont la lettre de mission comporte l’interrogation suivante : « Doit-on permettre au législateur de mieux garantir l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités, en dehors même de la sphère politique ? » C’est pour cette raison que le Gouvernement s’était déclaré défavorable à l’amendement initial qui avait été déposé au Palais-Bourbon. Toutefois, l’Assemblée nationale a considéré qu’elle était suffisamment éclairée pour trancher la question et a souhaité faire figurer ladite disposition dans la Constitution, et non dans le préambule.

Vous avez également indiqué que la disposition du préambule de 1946 en vertu de laquelle « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » serait plus favorable. Je rappelle que, au contraire, la jurisprudence du Conseil constitutionnel montre les limites de l’application stricte du principe d’égalité.

Ainsi, il n’est pas possible, sans modifier la Constitution, de prévoir une proportion minimale de femmes au sein des conseils d’administration, des conseils de surveillance, des comités d’entreprise, sur les listes des candidats aux conseils de prud’hommes ou autres organismes paritaires de la fonction publique. Telle est la décision prise au mois de mars 2006 par le Conseil constitutionnel. J’en déduis, par conséquent, que l’amendement adopté a toute sa pertinence. De ce fait, le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 276 rectifié.

Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous souhaitent que le principe de parité soit renforcé dans la Constitution et qu’il soit imposé au législateur d’assurer, et non de favoriser, l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités. Le choix du verbe « favorise » a été longuement débattu lors de la discussion de la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le texte adopté à l’époque était déjà le fruit d’un compromis. Il permet au législateur de disposer de la liberté d’appréciation nécessaire pour adopter soit des mesures contraignantes, soit des mesures incitatives. Le comité présidé par Mme Veil examine cette question. C’est pourquoi le Gouvernement avait initialement émis un avis défavorable à l’Assemblée nationale.

Dans l’attente du rapport qui sera remis par le comité d’ici à la fin de l’année, il paraît préférable de maintenir l’équilibre issu de la loi du 8 juillet 1999 et donc de maintenir les mêmes termes. Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir rejeter les sous-amendements déposés à l’amendement n° 95.

Monsieur About, vous souhaitez inscrire à l’article 1er de la Constitution que la loi favorise l’accès à l’emploi des personnes handicapées en mesure de travailler.

Le Président de la République a promis d’engager la France dans une démarche de long terme pour améliorer l’intégration des personnes handicapées au travers non seulement de l’accès à l’emploi, mais également de l’éducation. Des mesures seront prochainement proposées en ce sens par Valérie Létard. Votre préoccupation est donc pleinement prise en considération par le Gouvernement.

Je rappelle qu’il n’est pas nécessaire d’insérer cette proposition dans la Constitution, dans la mesure où plusieurs textes – les lois du 10 juillet 1987, du 12 juillet 1990 et du 11 février 2005 – prennent d’ores et déjà en compte cette préoccupation.

M. Nicolas About. Si les handicapés sont mieux défendus que les femmes, je vais retirer mon amendement !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Compte tenu de la différence de situation que connaissent les personnes handicapées, le Conseil constitutionnel admet que le législateur puisse prendre des mesures spécifiques en leur faveur. Il n’y a donc aucun verrou constitutionnel à lever.

Vous souhaitez aussi inscrire dans la Constitution que la loi favorise le maintien en activité des personnes âgées de plus de cinquante ans.

Là encore, le Gouvernement partage pleinement votre préoccupation et des propositions vous seront présentées très prochainement en ce sens. Il n’apparaît donc pas davantage nécessaire d’insérer ces dispositions dans la Constitution.

Je demande par conséquent au Sénat de rejeter les sous-amendements nos 399 rectifié et 400 rectifié, sauf si M. About accepte de les retirer.

Messieurs Lecerf et Legendre, vous souhaitez consacrer dans notre Constitution le principe de la participation de la France au développement de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage.

La France est particulièrement attachée au développement de la francophonie, qui constitue un espace de plus de 180 millions de personnes. Elle agit avec ferveur en faveur de son rayonnement et cette action s’exprime au travers du réseau des Alliances françaises, des lycées français et des autres centres culturels. Elle s’appuie d’ailleurs sur l’Organisation internationale de la francophonie et sur l’organisation de sommets des chefs d’État.

Le comité de réflexion sur le Préambule de la Constitution, présidé par Simone Veil, examine actuellement si cette question nécessite un ancrage constitutionnel. Nous vous demandons donc de bien vouloir retirer vos amendements, en attendant que ce comité rende ses conclusions. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.