M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 139.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur pour avis. L’introduction dans la Constitution d’une procédure d’information et de contrôle du Parlement sur les interventions des forces armées à l’étranger constitue une importante nouveauté.

D’ailleurs, le Sénat avait joué un rôle précurseur dans ce domaine, puisque notre regretté collègue Jean Lecanuet avait déposé une proposition de loi constitutionnelle sur le sujet dès 1991.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. C’est vrai !

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. Tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale, le dispositif proposé me paraît satisfaisant.

En effet, il préserve l’équilibre entre la nécessité d’associer le Parlement et celle ne pas empiéter sur les prérogatives de l’exécutif, afin de ne pas nuire à l’efficacité des interventions de nos forces armées et à la sécurité de nos militaires.

Toutefois, le texte soulève encore quelques interrogations.

Ainsi, la notion d’« interventions des forces armées à l’étranger » reste à préciser. Cela comprend-il, par exemple, les officiers affectés dans les états-majors internationaux ou les interventions à caractère humanitaire ?

Par ailleurs, certaines opérations ne concernent que quelques militaires, comme la mission d’observation de l’ONU au Sinaï, alors que d’autres font appel à plusieurs centaines, voire à plusieurs milliers d’hommes, comme les opérations de l’OTAN au Kosovo ou en Afghanistan.

Monsieur le ministre, je voudrais donc vous interroger sur les critères qui permettent d’établir une distinction entre les interventions devant donner lieu à une information du Parlement et les autres.

D’ailleurs, si cela pouvait nous aider à mieux cerner le problème, nous pourrions éventuellement envisager la constitution d’un groupe de travail auquel participeraient les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des questions de défense, afin d’approfondir la question.

De même, le texte du projet de loi ne précise pas le point de départ du délai de trois jours pour l’information du Parlement. Est-ce la date de la décision prise par le pouvoir politique ou bien le jour à partir duquel les troupes sont engagées sur le terrain ?

Étant donné l’important décalage temporel qui est souvent constaté, par exemple pour l’opération EUFOR au Tchad et en République centrafricaine, une telle question n’est pas sans importance. Compte tenu de la complexité de la chaîne de décision, il est souvent difficile de définir précisément le point de départ d’une intervention. Peut-être pourriez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre ?

M. le président. L'amendement n° 257 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :

Cette information donne lieu à un débat suivi d'un vote, dans les conditions fixées par le règlement des assemblées, dans les deux semaines suivant le début de l'intervention.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Notre amendement porte sur un article particulièrement important, qui concerne les conditions d’engagement de nos troupes dans des opérations à l’étranger.

Nous sommes l’un des rares pays européens dans lesquels le Parlement n’est ni informé ni consulté en cas d’intervention des armées à l’extérieur des frontières.

Ce sont pourtant des décisions d’une grande importance, puisqu’elles sont menées au nom de la France et qu’elles engagent souvent la vie des hommes et des femmes qui servent dans nos forces armées.

Or ce type de décision est pris en cercle restreint et, in fine, par un seul homme, le Président de la République.

À notre époque, où l’information circule vite, il n’est plus possible que la représentation nationale soit tenue à l’écart de décisions aussi graves.

En outre, de telles opérations se sont multipliées ces dernières années. Elles sont dangereuses – en tout cas, elles exposent la vie de nos hommes de troupe –, puisque nous avons perdu plusieurs dizaines d’hommes et que nous déplorons plusieurs centaines de blessés. Elles sont également de plus en plus longues et de plus en plus coûteuses. Comme vous venez de le confirmer, leur coût total s’élève à 880 millions d’euros pour l’année 2008, et il est estimé à un milliard d’euros pour l’année 2009.

Dans ces conditions, il semble tout à fait logique et démocratique de proposer un contrôle du Parlement sur l’emploi de nos forces à l’étranger, et pas seulement une information dans un délai donné.

En ce sens, vous proposez de timides avancées, par exemple en modifiant le rapport entre le Parlement et l’exécutif sur un sujet essentiel. Si vous avez vraiment la volonté de renforcer les pouvoirs du Parlement, nous vous proposons de passer effectivement à l’acte !

Vous prévoyez une information rapide sur les conditions et les objectifs de ces opérations extérieures. À mon sens, c’est la moindre des choses.

Le débat est aussi nécessaire pour que le pays, par ses représentants, puisse connaître les tenants et les aboutissants de chaque situation.

Mais, vous l’aurez compris, nous ne pouvons nous satisfaire d’une simple information. Inscrire dans la Constitution l’autorisation du Parlement, accordée par un vote, serait tout simplement la marque du respect du peuple français.

Pour être légitimes, les interventions de nos troupes à l’étranger ne peuvent se réaliser qu’avec le soutien de la nation. Comment peut-on imaginer mener de telles opérations contre l’opinion publique ou contre les forces politiques du pays ? Si l’opération est clairement exposée, en toute transparence, pourquoi douter de l’adhésion du pays ?

Ce sont les raisons pour lesquelles nous proposons, avec cet amendement, que le Parlement puisse voter sur l’opportunité d’une opération extérieure quinze jours après le début de l’intervention. Il s’agit, me semble-t-il, d’un délai raisonnable avant que la mise en place de nos troupes soit difficilement réversible.

M. le président. L'amendement n° 457, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :

Cette information donne lieu à un débat qui peut être suivi d'un vote.

La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Cet amendement a pour objet d’inscrire dans le texte même de la Constitution que l’information – elle sera donc désormais obligatoire – des assemblées parlementaires par le Gouvernement de l’intervention des forces armées à l’étranger peut donner lieu à un débat éventuellement suivi d’un vote.

À plusieurs reprises, l’engagement de la France dans des opérations militaires d’importance a fait l’objet de déclarations gouvernementales suivies d’un débat, mais le Parlement n’a pu s’exprimer qu’une seule fois, à l’occasion de l’intervention des forces françaises en Irak, au mois de janvier 1991.

Cet amendement tend donc à réparer une faille structurelle dans le dispositif adopté par l’Assemblée nationale. Selon nous, assurer un droit à « l’information » du Parlement, c’est un peu court quand il s’agit d’exercer un rôle de contrôle parlementaire un tant soit peu efficace.

Un tel contrôle doit s’exercer en prenant en compte les remarques effectuées par les responsables opérationnels des interventions extérieures, s’agissant notamment des aspects tactiques. Il doit également préserver l’équilibre entre deux nécessités : d’une part, celle d’associer le mieux possible le Parlement et, d’autre part, celle de ne pas empiéter sur les prérogatives de l’exécutif, sans recréer toutefois un « domaine réservé » rénové. En outre, et nous en sommes naturellement pleinement conscients, le dispositif que nous adopterons ne doit pas nuire à l’efficacité des interventions militaires.

Selon nous, la nécessaire information du Parlement sur les opérations extérieures peut être soumise à un vote dès l’engagement de nos troupes. Il faut considérer que, devant les graves matières concernant la guerre et la paix, le Parlement saura prendre ses responsabilités.

Le Parlement sera consulté et il devra donner son autorisation au bout de quelques mois. Dès lors, pourquoi ne pas l’associer à la décision initiale, plutôt que de le placer devant le fait accompli en le cantonnant à un débat sans vote ? De quoi a-t-on peur ? La légitimité politique des interventions en sortirait renforcée.

On ne peut plus nier la nécessité d’une consultation du Parlement sur l’engagement des opérations extérieures, de manière à permettre à la représentation nationale de s’exprimer sur une décision mettant en jeu non seulement les intérêts fondamentaux du pays, mais aussi, et surtout, la vie de ses soldats.

En outre, ces engagements ont des conséquences financières. Il suffit de voir le montant des opérations extérieures de l’année en cours, qui vont s’élever à environ un milliard d’euros. Je le rappelle, nous avons dû budgéter plus de 300 millions d’euros.

M. Michel Charasse. Chaque année, c’est pareil !

M. Didier Boulaud. Et cela ira en augmentant.

Pourquoi donc le Parlement, qui est généralement compétent pour la définition des sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens, serait-il réduit au silence lorsqu’il s’agit d’exposer les militaires français au risque suprême ? Il faut pouvoir en débattre et voter dès le début de l’intervention.

Je reste persuadé du bien-fondé d’un débat en séance plénière quand des troupes sont envoyées à l’étranger.

Monsieur le ministre, lors du débat à l’Assemblée nationale, vous avez déclaré ceci : « Il importe que Parlement soit informé au moyen de formules souples adaptées à la nature de l’opération ». Il peut s’agir d’un courrier adressé aux parlementaires, aux présidents des commissions compétentes ou d’une déclaration devant ces commissions ou en séance publique. Manifestement, on a oublié les SMS et les pigeons voyageurs... (Sourires.) Pourquoi pas ? Tous les moyens sont bons !

Toutefois, n’oublions pas l’essentiel : les parlementaires que nous sommes souhaitent être mieux armés pour pratiquer un contrôle parlementaire efficace. Informer le Parlement, c’est bien ; débattre et voter, c’est mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 20 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet, MM. Fortassin et A. Boyer, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :

Cette information peut donner lieu à la convocation du Parlement en session extraordinaire, dans les conditions prévues à l'article 29, et à un débat qui n'est suivi d'aucun vote sauf application de l'article 49.

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes dans un domaine qui touche au régalien le plus sacré puisque, dans ce type de situation, on imagine bien que rien n’est facile pour personne. C’est un domaine qui touche à la défense du territoire et à sa sécurité et, ce qui est de plus en plus le cas – et c’est d’ailleurs plutôt ce cas qui est visé –, à l’application de nos engagements internationaux, que ce soit la Charte de l’ONU ou les accords particuliers de défense, par exemple, dont parlait M. Boulaud voilà un instant.

Je vous dis d’ailleurs par parenthèses, monsieur le ministre, que les accords signés au lendemain des indépendances des pays africains n’ont pas tous été ratifiés, tant s’en faut, mais passons !

Je me souviens d’une nuit à l’Élysée, où le Président de la République m’avait demandé, vers quatre heures du matin, de lui trouver l’accord de défense avec le Tchad ou la Centrafrique parce qu’il fallait le mettre en œuvre d’urgence. Ayant trouvé aussitôt cet accord, je lui ai dit : « Monsieur le Président, il est peut-être difficile de l’appliquer car il n’a jamais été ratifié, le Parlement n’en ayant pas été saisi ! »

Par conséquent, à l’occasion de ces dispositions, peut-être le ministère de la défense pourrait-il revoir la pile des accords de coopération – notamment ceux qui ont été signés par le général de Gaulle en matière militaire après les indépendances –, simplement pour que l’on ne se trouve pas un jour dans une situation délicate conduisant à mettre en cause les autorités exécutives qui auraient agi sans base légale.

Bien entendu, les représentants du peuple doivent être informés autant que se peut, de façon qu’ils puissent contrôler, dans les limites qu’impose l’intérêt national. On sait très bien que tout ne peut pas toujours être dit, même si, en 1991 – M. Boulaud l’a rappelé –, au moment de l’affaire de l’Irak, le Président Mitterrand a tenu, contre l’avis de certains dans les états-majors, à aller le plus loin possible dans sa communication parlementaire. Le Premier ministre M. Rocard était en plein accord avec le Président sur ce point. Cela veut dire aussi qu’il ne faudra pas exclure dans ce type d’affaire la réunion des Chambres en comité secret.

M. Hervé Morin, ministre. Un comité secret de 850 personnes !

M. Alain Gournac. Le secret sera bien gardé !

M. Michel Charasse. Après tout, certaines choses ne peuvent pas être rendues publiques mais peuvent être dites en comité secret, comme ce fut le cas notamment en 1914-1918 – comme en 1939-1945 –, et la Haute Cour et les tribunaux ont impitoyablement poursuivi et sanctionné les trahisons et les fuites, car Clemenceau n’était pas tendre en la matière !

De même, je le rappelle, les autorités parlementaires peuvent toujours contrôler les opérations sur place : c’est une décision du Président du Conseil Édouard Daladier en mars 1940, confirmée depuis, étant entendu que les parlementaires sont interdits de contrôler les questions qui touchent à la préparation des opérations. Ces points ont été rappelés très clairement par le rapporteur général du budget, M. Marini, puis par le Conseil constitutionnel, lorsque nous avons décidé fin 2001 un contrôle des fonds spéciaux de la DGSE par une commission spéciale constituée par les deux assemblées du Parlement et la Cour des comptes.

Donc, s’il faut que l’exécutif soit contrôlé et rende compte, il ne faut pas que le Parlement se substitue en quoi que ce soit aux autorités chargées de la conduite des opérations militaires.

Je rappellerai d’ailleurs ce que disait Clemenceau : « La guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires. » Par conséquent, il faut que la haute main reste toujours aux autorités civiles qui en sont chargées.

Pour en revenir à mon amendement, monsieur le président, il ne faut pas se trouver dans une situation où l’on s’interdit, notamment parce qu’on est hors session, de convoquer le Parlement en session extraordinaire. Il faut que cette faculté soit ouverte. Vous me direz peut-être qu’elle l’est : j’ai prévu dans mon amendement de rappeler qu’il en est ainsi.

Dès lors que le Parlement siège, c’est la Constitution de la Ve République qui s’applique, et on ne peut pas exclure la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale par le biais de l’article 49 de la Constitution, sur l’initiative de l’Assemblée nationale ou sur celle du Gouvernement lui-même, en vertu de l’article 49, alinéas 1er, 2 et 4, ce dernier concernant le Sénat.

C’est uniquement l’objet de mon amendement, qui rappelle que les droits du Parlement en matière de contrôle et de mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement ne peuvent jamais être prescrits dans ces circonstances.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 111 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 140 est présenté par M. de Rohan, au nom de la commission des affaires étrangères.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa de cet article :

« La prolongation de l'intervention au-delà de quatre mois est autorisée en vertu d'une loi. Aucun amendement n'est recevable. 

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 111.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. M. le rapporteur pour avis, qui a déposé un amendement identique, va le présenter.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l’amendement n° 140.

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. La formulation selon laquelle « en cas de refus du Sénat, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur la prolongation de l’intervention » n’est pas la plus heureuse.

L’amendement n° 140 vise donc à prévoir que l’autorisation parlementaire est donnée « en vertu d’une loi », formulation qui me paraît à la fois plus élégante et plus respectueuse de la Haute Assemblée.

S’agissant d’un vote d’autorisation, le droit d’amendement n’aurait pas vocation à s’appliquer.

Le Parlement autorisera ou non la prolongation de l’intervention, mais il ne pourra pas la soumettre à des conditions tenant, par exemple, aux objectifs assignés, à l’ampleur des effectifs engagés ou à la durée de l’intervention.

M. le président. L'amendement n° 258 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

L'autorisation de cette prolongation est renouvelée de quatre mois en quatre mois.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Cet amendement tend à éviter les dangers d’enlisement d’une opération extérieure et de combler un vide juridique.

On voit bien que, quand une opération dure trop longtemps et que les raisons qui l’ont motivée ont évolué – je pense précisément à l’Afghanistan ou à la Côte d’Ivoire –, il convient de s’interroger sur l’opportunité de la présence de nos troupes dans le pays dans lequel ces dernières opèrent.

Quelle est la meilleure façon de le faire au bout de trois, quatre ou cinq ans, monsieur le ministre, comme c’est le cas pour certaines opérations aujourd’hui, sinon d’en saisir le Parlement ?

L’Assemblée nationale nous propose d’autoriser la prolongation d’une intervention à l’étranger si celle-ci excède quatre mois. Nous savons que ce délai de quatre mois correspond à la durée moyenne de séjour des unités envoyées à l’étranger. Fort bien ! Mais que se passera-t-il quatre mois après que les assemblées auront voté l’autorisation, si l’opération se poursuit ?

Si rien n’est prévu, comment les assemblées seront-elles informées de l’évolution de la situation, et surtout pourquoi n’auraient-elles pas à se prononcer à nouveau sur le maintien ou le retrait de nos troupes ?

C’est la raison pour laquelle nous proposons de renouveler ou non par un vote tous les quatre mois l’autorisation de prolonger une intervention militaire à l’étranger.

M. le président. L'amendement n° 459, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

Au-delà de ce délai de quatre mois, la poursuite des opérations est soumise au vote des assemblées tous les six mois.

La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. La prolongation d’une intervention des forces armées à l’étranger au-delà de quatre mois doit être, de notre point de vue, soumise à l’autorisation du Parlement de six mois en six mois.

Dans notre esprit, la première autorisation donnée par le Parlement ne vaut pas pour une durée illimitée.

Il ne s’agit donc pas simplement d’informer le Parlement de la prolongation sine die d’une opération extérieure, dont on a du mal aujourd’hui à imaginer les contours et les objectifs. Toutefois, s’il est vrai que des opérations courtes – quelques semaines, quelques mois – peuvent avoir lieu, il est aussi certain que, si l’on regarde les cas extrêmes de l’intervention en Afghanistan ou, même si nous ne sommes pas directement concernés, de la guerre en Irak, on doit compter alors sur de très longues périodes, des années parfois.

En prévision de ces cas, il est souhaitable que nous prévoyions que la poursuite des opérations soit soumise au vote des assemblées de manière très régulière. Nous ne pourrions pas nous contenter de simples auditions menées par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ou d’un débat purement budgétaire à l’occasion de la discussion annuelle de la loi de finances.

Un simple débat, selon nous, ne vaut pas autorisation, et c’est de cela justement qu’il s’agit si nous voulons donner au Parlement un rôle autre que celui de spectateur désengagé.

C’est la raison pour laquelle l’amendement présenté ici vise à instituer un renouvellement périodique de l’autorisation des opérations extérieures, avec un débat suivi d’un vote. C’est une question suffisamment importante et grave pour que cela le justifie.

M. le président. L'amendement n° 279 rectifié, présenté par MM. Pozzo di Borgo, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat et Payet, MM. Merceron, Nogrix, J.L. Dupont, Dubois, Jégou et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Supprimer la seconde phrase du troisième alinéa de cet article.

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement vise à supprimer le droit donné par le projet de loi constitutionnelle à l’Assemblée nationale de se prononcer en dernier ressort sur la prolongation d’une intervention des forces armées françaises à l’étranger.

En effet, l’article 13 du présent projet de loi porte une véritable avancée en matière de rééquilibrage institutionnel en faveur du Parlement.

J’en rappelle brièvement l’économie : il prévoit non seulement que le Gouvernement informe le Parlement des interventions des forces armées à l’étranger mais encore, et surtout, que, en cas d’intervention d’une durée supérieure à quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il s’agit d’une réelle avancée constitutionnelle, eu égard à nombre de constitutions européennes.

C’est là reconnaître un droit de regard et même de décision en matière d’intervention armée de l’organe législatif, ce qui paraît bien légitime. Ce n’est pas d’une matière anodine qu’il est question : c’est de la guerre et de la paix, de la vie d’hommes et de femmes, de la vie des territoires français !

Au regard de ces enjeux, il paraît bien naturel, dans une république moderne, que le Parlement partage avec l’exécutif le pouvoir de décision. L’article 13 s’inscrit pleinement dans la logique générale de la révision.

Néanmoins, alors que l’article 13 modernise la Ve République, il laisse paradoxalement subsister en son sein un archaïsme que je trouve injustifiable, à savoir le membre de phrase prévoyant que, « en cas de refus du Sénat » de prolonger une intervention armée, « le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur la prolongation de l’intervention ».

Pourquoi, en la matière, une telle primauté serait-elle accordée à la représentation nationale sur la représentation territoriale ?

M. Jean-Pierre Raffarin. C’est aussi la représentation nationale !

M. Yves Pozzo di Borgo. Rien ne le justifie, et ce d’autant moins que cela entre directement en contradiction avec l’objet de la révision qui est de rééquilibrer les pouvoirs du Parlement face à l’exécutif.

Rééquilibrer les pouvoirs du Parlement, c’est renforcer le bicamérisme, et non soumettre arbitrairement l’une des deux chambres à l’autre. L’esprit de la révision, c’est de permettre au Parlement de peser dans ses deux composantes face à l’exécutif.

En l’occurrence, pour une question aussi grave que celle de la prolongation d’une intervention armée, il ne serait guère judicieux de ne pas imposer constitutionnellement la recherche d’un consensus des deux assemblées.

M. le président. L'amendement n° 341, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

I - Après l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À l'expiration d'un délai de six mois après la première autorisation de prolongation de l'intervention, le Gouvernement soumet toute nouvelle prolongation à l'autorisation du Parlement, dans les conditions fixées à l'alinéa précédent. Cette autorisation devra intervenir, pour toute prolongation ultérieure, tous les six mois dans les mêmes conditions.   

II - Dans le dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :

du délai de quatre mois

par les mots :

des délais mentionnés aux alinéas précédents

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Mes chers collègues, si nous décidons à travers cette réforme de mieux contrôler l’envoi de forces françaises à l’étranger, il faut alors les contrôler du début à la fin.

En effet, le contrôle doit commencer en amont, notamment sur la légalité en droit de notre intervention. Si j’ai bien compris M. Charasse, faute de ratification, on peut s’interroger sur la légalité de l’intervention. C’est donc un véritable problème en amont. (M. Michel Charasse s’exclame.)

Par ailleurs, avec l’article 13 tel qu’il est rédigé, il s’agit purement et simplement d’accorder un blanc-seing au Gouvernement, une fois la prolongation de l’intervention votée, au bout de quatre mois de présence.

Notre rôle n’est pas seulement de contrôler l’envoi des troupes ; nous devons également contrôler l’évolution de ces troupes et leur maintien.

Or l’article 13 ne propose rien de ce point de vue : une fois les forces envoyées et la prolongation accordée, le Parlement fermera les yeux sur l’avenir de nos contingents ainsi que sur l’issue de cette intervention.

Pourtant, le véritable risque s'agissant des interventions à l’étranger tient non pas à l’envoi des troupes mais à l’enlisement éventuel dans des opérations militaires aussi coûteuses qu’inutiles, en termes tant financiers qu’humains. L’expérience américaine en Irak tout comme celle des troupes françaises en Afghanistan nous le prouvent.

Ce contrôle sera donc non seulement un contrôle d’opportunité mais aussi un contrôle d’efficacité. Il permettra au Gouvernement de justifier devant la représentation nationale l’utilité stratégique et politique d’une telle intervention.

C’est pourquoi je vous propose, par cet amendement, de mettre en place un contrôle régulier du maintien des troupes françaises à l’étranger. Puisque ce projet de loi vise à octroyer plus de pouvoirs au Parlement, notamment un pouvoir de contrôle, je suggère de donner corps à cette volonté en adoptant notre amendement.

Par ailleurs, notre proposition permettrait aussi aux Français de mieux comprendre l’intervention de nos troupes à l’étranger, car le peuple se pose parfois des questions sur certaines opérations militaires.