M. le président. L'amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. Hérisson et Carle, est ainsi libellé :

I. - Supprimer la deuxième phrase du troisième alinéa du 1° du I de cet article.

II. - Après le mot :

secteur

supprimer la fin de la dernière phrase du même alinéa.

La parole est à M. Pierre Hérisson.

M. Pierre Hérisson. Cet amendement va dans le même sens que le précédent.

Le projet de loi avait retenu pour point de départ du délai de paiement la date d’émission de la facture. Cette disposition convenait parfaitement. Elle a évolué au cours de la discussion à l’Assemblée nationale. Des explications doivent donc être fournies à ceux qui n’arrivent pas à comprendre cette évolution.

Décidément, la France restera le pays de l’Union européenne qui n’est pas capable de gérer correctement ses délais de paiement…

M. Pierre Hérisson. …et où certaines entreprises feront leur trésorerie sur le crédit fournisseurs ou sur le crédit clients.

M. Pierre Hérisson. Ayant été chef d’entreprise pendant une partie de ma vie, je sais ce que cela signifie que de se voir imposer des délais de paiement dans un sens et de ne pas pouvoir répercuter dans les mêmes conditions.

Mon collègue Jean-Claude Carle et moi-même avons longuement rencontré les entreprises sous-traitantes de l’automobile, en particulier celles de la mécatronique dans la vallée de l’Arve. Je crois qu’il faut s’en tenir au projet de loi tel que vous l’avez proposé, monsieur le secrétaire d’État. La multiplication des régimes dérogatoires est parfaitement nuisible aux PME de notre pays.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Pierre Hérisson. Certes, je comprends le point de vue des grandes entreprises. Mais nous ne pouvons pas continuer à demander à des petites entreprises de jouer le rôle de banquiers auprès des plus grandes. Les banques sont là pour ça !

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons vivement supprimer la fin de la dernière phrase du troisième alinéa du 1° du I de l’article 6 pour revenir au projet de loi initialement présenté au Parlement.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Roland Courteau. Les deux amendements ont le même objet !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’amendement n° 403 rectifié vise à revenir au texte initial du Gouvernement.

Comme les députés, la commission reconnaît cependant que la date de réception des marchandises est parfois plus objective et plus conforme à la pratique. Dans l’hypothèse où cette date serait retenue comme point de départ du calcul du délai de paiement par le biais d’accords conclus entre des organisations professionnelles, elle pourrait permettre, dans certains cas, d’éviter les contentieux ou les difficultés.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. Roland Courteau. Vous revenez en arrière !

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Les observations que je viens de présenter valent également pour le premier objet de l’amendement n° 97 rectifié.

S’agissant de son second objet, il paraît difficilement envisageable à la commission de laisser perdurer au sein d’un même secteur des délais de paiement différents. Elle maintient donc qu’il est utile de pouvoir étendre au secteur entier les termes d’un accord interprofessionnel.

Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement, sauf si M. Hérisson accepte de le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Dans son texte initial, le Gouvernement visait la date d’émission de la facture. Cette date reste la règle, la norme.

À la demande du rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale et sous réserve d’un accord professionnel, c’est-à-dire d’un accord qui intègre la chaîne des entreprises concernées, la possibilité de déroger à cette règle a été admise pour des secteurs spécifiques. Pour ce qui concerne les produits frais, par exemple, il est explicitement prévu qu’ils s’apprécient à la date de réception de la facture. Certains secteurs peuvent donc connaître un sort spécifique, mais – j’insiste sur ce point – la règle, c’est la date d’émission de la facture.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 403 rectifié et 97 rectifié. Je le regrette, monsieur Hérisson, et je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Roland Courteau. Et nous ? (Sourires.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je le regrette aussi pour le groupe socialiste, mais un peu moins ! (Nouveaux sourires.)

M. Roland Courteau. Merci, monsieur le secrétaire d'État, de cette réaction spontanée ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. L’amendement n° 403 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Raoul. Bien sûr, monsieur le président : vous comprendrez que les membres du groupe socialiste restent sur leur position initiale.

Monsieur le secrétaire d’État, tout le monde connaît la pratique consistant à refuser de signer le bon de livraison, d’accuser réception de la marchandise : c’est ainsi que la marchandise reste chez le client final pendant quinze jours sans que celui-ci en ait accusé réception, le temps pour lui d’effectuer prétendument diverses vérifications. En réalité, le but n’est que de faire reculer d’autant l’émission de la facture ! Or c’est précisément cette pratique qu’avalise le texte.

Monsieur le secrétaire d’État, allez sur le terrain et vérifiez ce qu’il en est réellement des délais de réception !

M. le président. Monsieur Hérisson, l'amendement n° 97 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre Hérisson. Après concertation avec mon collègue de la Haute-Savoie, oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 403 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Daniel Raoul. Ils avaient pourtant le même objet !

M. le président. Ils étaient en effet très proches !

L'amendement n° 511, présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le 1° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les produits agricoles frais et périssables, le délai de règlement des sommes dues est fixé au septième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. Les produits non conformes aux cahiers des charges prévus dans le contrat de vente devront être constatés à la livraison. Le réceptionnaire de la marchandise devra apporter la preuve de cette non-conformité et l'adresser immédiatement par courrier électronique aux fournisseurs. »

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Cet amendement prévoit, pour les produits agricoles frais et périssables, de fixer le délai de règlement des sommes dues au septième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée, au lieu des trente jours prévus par le texte.

Nous sommes très attachés, comme vous avez pu le constater au cours des débats sur la loi en faveur des petites et moyennes entreprises, sur la loi d’orientation agricole ou encore sur la loi Chatel, à ce qu’il soit tenu compte, dans les mesures proposées, de la fragilité des producteurs de telles denrées.

En raison du caractère périssable des denrées qu’ils fournissent, les professionnels dont il s’agit sont d’autant plus exposés aux abus de leurs acheteurs. En effet, trop souvent les marchandises achetées par les centrales d’achat sont retournées aux groupements de producteurs sous prétexte de l’endommagement des produits. Un produit abîmé peut justifier le retour à l’expéditeur de la cagette entière, alors que le prix d’achat tient déjà compte du caractère périssable des denrées.

En réalité, il s’agit fréquemment d’invendus que la grande distribution ne veut pas prendre à sa charge, faisant peser ainsi tous les risques économiques sur les producteurs, alors même qu’elle réalise des marges importantes à leur détriment, comme à celui des consommateurs. Les fournisseurs en sont alors réduits à gérer des stocks qui devraient relever des distributeurs.

Très souvent, d’ailleurs, les centrales d’achat achètent plus que de besoin et retournent la marchandise pour faire pression sur les prix. Elles ont aussi généralisé la pratique des factures antidatées, qu’elles émettent en fait après la livraison. Ces pratiques échappent largement aux contrôles du fait de la peur des fournisseurs de représailles économiques et de l’ampleur de la tâche en regard des moyens dont disposent les autorités de contrôle.

C’est pourquoi nous vous proposons, pour mettre un terme à ces pratiques abusives, le passage à un délai légal de paiement de sept jours.

M. Charié, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, tout en affirmant sa sensibilité au problème, a considéré que le délai était trop limité. Nous ne le pensons pas. Ce délai nous semble parfaitement adapté à un secteur où les cycles sont également très courts. Notons que, aujourd’hui, la longueur des délais moyens pèse considérablement sur des producteurs, souvent de faible taille, qui doivent alors gérer d’importants problèmes de trésorerie, susceptibles de les acculer à la faillite.

De plus, ce délai ne devrait pas poser de problème en raison des moyens administratifs importants qu’ont les distributeurs pour s’acquitter matériellement de ces factures.

Il est également suffisant, car il laisse le temps au distributeur de juger de la qualité du produit. En réduisant le délai à sept jours nous empêcherions le distributeur d’attendre de savoir si la marchandise se vend ou non, et nous ne pénaliserions en aucun cas les distributeurs de bonne foi.

Enfin, en faveur également de ces derniers et dans un souci d’assainissement des relations commerciales, nous proposons que la non-conformité éventuelle des produits soit constatée à la livraison, le réceptionnaire devant apporter la preuve de cette non-conformité en en informant, par courrier électronique, le producteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Le délai de sept jours qui nous est proposé est particulièrement court. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 511, même si elle reconnaît qu’il soulève de vraies questions, liées au comportement abusif de certains acheteurs. Peut-être le Gouvernement sera-t-il en mesure de nous apporter des éléments de réponse à ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Aux termes de l’article L. 443-1 du code de commerce, les produits agricoles frais et périssables bénéficient d’un délai de paiement de trente jours après la fin de la décade de livraison.

Le Gouvernement n’est pas favorable à une réduction de ce délai à sept jours suivant la date de réception de la marchandise qui, sans raison objective, s’appliquerait à ces seuls produits alimentaires. Cette mesure porterait préjudice aux grossistes, car elle leur ferait supporter un effet de ciseau. Leurs principaux clients sont le secteur de la restauration commerciale, dont la situation financière – que chacun connaît – empêche, bien souvent, de réduire les délais de paiement, et les collectivités locales, qui, en temps que gestionnaires de la restauration collective, sont soumises à un délai de règlement de quarante-cinq jours.

C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 511.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 719, présenté par MM. Soulage, Biwer et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le 1° du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les entreprises de produits frais, surgelés, et d'épicerie, le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser vingt jours fin de décade. »

La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Cet amendement a pour objet de faire passer de trente à vingt jours fin de décade le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues pour les produits frais, surgelés et d’épicerie, cette durée étant largement supérieure à la rotation des stocks et donc aux encaissements chez les distributeurs.

Les entreprises de produits frais, surgelés et d’épicerie, qui sont très dépendantes des cours des matières premières, bénéficient à ce jour de délais de paiement à trente jours fin de décade, le législateur de 1992 ayant estimé qu’il n’y avait aucune raison, puisque la rotation des stocks de ces produits est très rapide – inférieure à une semaine –, que les distributeurs bénéficient d’excédents de trésorerie au détriment des trésoreries des fournisseurs.

Cet amendement est motivé par un souci d’équité entre, d’une part, les entreprises de produits frais, surgelés et d’épicerie et, d’autre part, l’ensemble des autres entreprises qui bénéficient déjà, grâce à ce projet de loi, d’un raccourcissement de leurs délais de paiement.

Par ailleurs, cet amendement rétablit une proposition adoptée, avec raison, par la commission des affaires économiques, mais repoussée en séance. Cette mesure, destinée à aider les entreprises de frais, de surgelés et d’épicerie, en particulier les plus petites d’entre elles, leur permettra également de disposer d’une plus grande négociabilité dans les marges arrière, comme le souhaite le Gouvernement.

Cette proposition très mesurée va dans le sens de la réduction des délais de paiement proposée par le Gouvernement pour les autres secteurs d’activité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cette demande de réduction des délais de paiement nous paraît raisonnable dans la mesure où elle concerne les producteurs de produits frais spécifiques, dont la rotation des stocks est rapide. La commission souhaiterait toutefois connaître l’avis du Gouvernement sur les effets d’une telle mesure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Cette réduction des délais de paiement, qui peut paraître justifiée, entraînerait en réalité un certain nombre de difficultés.

En particulier, la restauration commerciale, qui connaît une situation difficile, s’en trouverait forcément affectée. Je souhaite d’ailleurs que nous obtenions, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, une baisse du taux de TVA pour la restauration, comme le Président de la République l’a laissé entendre.

N’en doutons pas, la réduction des délais de paiement à vingt jours aurait des conséquences négatives pour la restauration commerciale et pour l’ensemble des collectivités locales qui sont soumises, au titre de la restauration collective, à un délai de règlement de quarante-cinq jours, délai qu’elles ont parfois des difficultés à tenir.

Je vous rappelle que nous légiférons sur une norme générale, encadrée par des accords contractuels qui sont actuellement en cours de négociation et dont l’objet est de permettre la réduction des délais de paiement à quarante-cinq jours fin de mois, quelques accords dérogatoires spécifiques régissant telle ou telle catégorie.

L’article L. 443-1 du code de commerce, qui fixe un délai de paiement de trente jours fin de décade de la livraison pour les produits alimentaires périssables, me semble tout à fait adapté.

C’est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Soulage, l’amendement n° 719 est-il maintenu ?

M. Daniel Soulage. Cette décision n’est pas facile à prendre !

M. le secrétaire d’État m’indique que certaines professions souffrent, mais c’est aussi le cas des producteurs visés par mon amendement ! Puisqu’il consent d’ores et déjà de grands efforts pour d’autres secteurs, je souhaite qu’il ne s’arrête pas en si bon chemin et qu’il s’engage, après ces premiers pas, à traiter aussi ce dossier.

M. Daniel Soulage. Car cet état de fait ne peut pas durer éternellement. Nos prix sont plus élevés que ceux des pays voisins et la situation de nos agriculteurs, en particulier les producteurs de fruits et de légumes frais, n’est pas bonne.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. J’ai conscience de la situation que vous décrivez, monsieur le sénateur, et je ne voudrais pas que vous ayez le sentiment que mes propos concernaient seulement les difficultés du secteur de la restauration et la norme générale en vigueur.

Je vous propose donc de nous rencontrer à nouveau avant la fin de l’année pour étudier le problème spécifique des produits frais et pour trouver une solution qui vous convienne. En effet, les accords qui sont actuellement négociés par Yvon Jacob en vue de réduire la durée de soixante jours calendaires ou de quarante-cinq jours fin de mois seront examinés avant la fin de l’année.

Il n’y a aucune raison pour que le Gouvernement refuse de consentir, à terme, lorsque le processus que nous avons enclenché aura abouti, un effort supplémentaire dans le sens que vous préconisez.

Je prends donc l’engagement d’examiner à nouveau votre proposition avant la fin de l’année, en espérant que vous accepterez, en conséquence, de retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Soulage, acceptez-vous, dans ces conditions, de retirer l’amendement n° 719 ?

M. Daniel Soulage. Je fais confiance à M. le secrétaire d’État. J’espère qu’il pourra tenir ses promesses ...

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Il les tiendra !

M. Daniel Soulage. ... et que les agriculteurs ne seront pas sacrifiés au profit des restaurateurs.

J’accepte donc de retirer mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 719 est retiré.

L’amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. Beaumont et Gournac, est ainsi libellé :

Compléter le 2° du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 441-6 du code de commerce par les mots :

« pour le transport routier de marchandises » sont remplacés par les mots : « pour les transports routier et fluvial de marchandises » et, après les mots : « pour la location de véhicules avec ou sans conducteur », sont insérés les mots : « et la location de bateaux de marchandises avec ou sans équipage »

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 109, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le II de cet article :

II. - Le 7° du I de l'article L. 442-6 du même code est ainsi rédigé :

« 7° De soumettre un partenaire à des conditions de règlement qui ne respectent pas le plafond fixé au neuvième alinéa de l'article L. 441-6 ou qui sont manifestement abusives, compte tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux, et s'écartent au détriment du créancier, sans raison objective, du délai indiqué au huitième alinéa de l'article L. 441-6. Est notamment abusif le fait, pour le débiteur, de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d'émission de la facture ; »

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La rédaction adoptée par les députés laisse entendre que le fait d’obtenir une émission différée de la facture emporte dépassement du délai légal. Or c’est précisément l’inverse : différer la date d’émission de la facture permet justement au créancier de respecter en apparence le délai légal.

Cet amendement rédactionnel vise donc à distinguer entre deux cas qui engagent la responsabilité du créancier : le fait de dépasser le délai légal de paiement, d’une part, et les pratiques abusives, d’autre part, comme le fait d’obtenir du débiteur qu’il diffère la date d’émission de la facture, pratique qui respecte apparemment le délai légal de paiement mais qui allonge le délai effectif de règlement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui, sans changer le fond de l’article, tend à ordonner de manière plus cohérente la définition des abus en matière de délais de paiement, qui seront sanctionnés civilement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 109.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 315 est présenté par MM. Hérisson et Carle.

L’amendement n° 513 est présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le III  de cet article.

La parole est à M. Pierre Hérisson, pour présenter l’amendement n° 315.

M. Pierre Hérisson. Le III de l’article 6 ouvre si grand la porte aux exceptions qu’il dénature totalement le texte. Il permet la conclusion d’accords de dépassement et l’extension de ces accords, autorisant même le ministre de l’économie à prononcer l’allongement des délais de paiement si aucun accord n’a été conclu dans le secteur.

La combinaison de toutes ces dérogations ne permettra pas à notre pays d’atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement lui-même, à savoir la réduction générale des délais de paiement à soixante jours. L’objectif final de trente jours deviendrait a fortiori utopique.

Cette situation ôterait toute crédibilité à la démarche française au moment même où la Commission européenne annonce son intention d’imposer un délai maximum de trente jours en 2010.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l’amendement n° 513.

Mme Marie-France Beaufils. Le dispositif de l’article 6, dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale, ne nous semble pas assez ambitieux au regard de la durée des délais de paiement. Il est non seulement insuffisant, mais surtout affaibli par les dispositions prévues en cas de non-respect de la règle.

Je rappelle que l’Observatoire des délais de paiements a noté, dans son rapport de décembre 2007, que les pénalités n’étaient appliquées que dans 11 % des cas. Cela est dû à un rapport de force très défavorable aux fournisseurs dans leur face-à-face avec la grande distribution. Il en va d’ailleurs de même pour une PME travaillant presque exclusivement avec une grande entreprise en situation de monopole.

Lorsque le délai de paiement est dépassé, les fournisseurs n’osent pas exiger le versement des pénalités, de crainte que le marché ne leur échappe. La libre négociabilité commerciale que ce projet de loi renforce en son article 21 accentuera encore ce phénomène.

De plus, le maintien des dérogations à la règle remet gravement en question l’effectivité de celle-ci. En effet, non seulement le dépassement du délai légal reste possible, mais les garde-fous qui l’entourent créent une incertitude juridique préjudiciable, ce qui risque d’entraîner des négociations dans de nombreux secteurs et de compliquer la situation lorsque les acheteurs n’appartiennent pas au même secteur.

La date limite de 2012 atténuera sérieusement, en les diluant dans le temps, les effets positifs escomptés de la réduction des délais.

Enfin, la différenciation selon les secteurs soulève la question du financement des stocks par certains fournisseurs pour certains de leurs clients. Je prendrai l’exemple du secteur du bricolage, qui pose un problème délicat, comme l’a rappelé Mme le rapporteur. Dans ce secteur, ce sont les fournisseurs, qui, en assumant les stocks et la mise en place des commandes automatisées, ont aidé les distributeurs à mieux gérer la quasi-suppression des stocks et leur ont évité de supporter les conséquences des retards de paiement.

Les dérogations prévues à l’article 6 risquent d’aggraver les déséquilibres de la relation commerciale entre les PME sous-traitantes et leurs grands clients. C’est pourquoi nous vous proposons la suppression du III de cet article.

M. le président. L’amendement n° 959 rectifié, présenté par MM. P. Dominati, Revet et Gournac, est ainsi libellé :

I. - Après les mots :

dans le secteur en 2007

supprimer la fin du deuxième alinéa (1°) du III de cet article.

II. - Après le III de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les entreprises dont plus de 50 % du chiffre d'affaires est acquis durant une période maximale de quatre-vingt-dix jours consécutifs ne sont pas sujettes aux dispositions du présent article.

L'amendement n° 960, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Supprimer les troisième (2°) à dernier alinéas du III de cet article.

La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter ces deux amendements.

M. Philippe Dominati. L’effort du Gouvernement pour adapter la loi à l’usage qui a cours, notamment, dans un certain nombre de pays européens est certes louable. Mais, pour ma part, je suis extrêmement gêné par les effets pervers induits par l’article 6. Je crains, en l’occurrence, que le remède ne soit bien plus nocif que le mal.

Chaque entreprise est un cas particulier. Or avec un tel dispositif, vous affaiblissez les entreprises nationales ou européennes par rapport aux entreprises étrangères qui, elles, continueront à accorder des délais de paiement très longs et seront donc plus compétitives que nos fournisseurs nationaux.

Par ailleurs, le délai de paiement est, au-delà de la loi, l’un des éléments constitutifs de la relation commerciale : d’abord, il faut fournir un service ou un produit, ensuite définir un prix, puis décider des modalités de paiement. Dans de nombreuses transactions commerciales, il est ainsi d’usage de payer un acompte à la commande.

Est-ce vraiment le rôle du législateur de se battre sur la durée des délais de paiement, alors qu’il suffit au fournisseur de ne plus demander à son client 30 % d’acompte, mais 25 % ou 20 % ? Est-ce son rôle de réglementer, pour chaque secteur, la relation commerciale ? Ne faudrait-il pas plutôt accorder davantage de liberté au chef d’entreprise ?

Conscient des particularités que présent tel ou tel secteur, monsieur le secrétaire d’État, vous vous efforcez d’atténuer les rigueurs d’une règle unique en prévoyant des dérogations. Mais la vraie dérogation, c’est la vie même de chaque entreprise ! Toutes les entreprises n’ont pas besoin de délais de paiement au même moment !

L’un de mes collègues a évoqué le cas des jeunes entreprises. Il se trouve qu’il m’est arrivé d’en créer. Heureusement que j’avais obtenu des délais de paiement de la part de mes fournisseurs ! En effet, après avoir payé l’équipement, le local et les premiers frais, on est bien content de se voir accorder de tels délais ! Et les fournisseurs ne vous les accordent que s’ils ont confiance dans votre projet.

Or, avec ce texte, vous prétendez imposer une règle qui s’appliquera pour tous les fournisseurs français. Mais les fournisseurs étrangers, dans les secteurs de l’ameublement, du jouet, du vêtement ou du textile, en Italie ou en Chine, pourront, eux, continuer à se faire payer avec des délais sensiblement plus longs, ce qui contribuera à rendre les prix de leurs produits plus attractifs !

Bien sûr, vous prévoyez des dérogations, mais les problèmes de paiement apparaissent lorsqu’une entreprise est en difficulté. Pouvez-vous vraiment prévoir, pour tel ou tel secteur, un régime dérogatoire afin de sauver telle ou telle entreprise ? Non ! Ce n’est que lorsque se présenteront les difficultés que le fournisseur pourra prouver sa foi dans le projet de l’entreprise en consentant des délais plus longs. Dans le cas contraire, il cessera de livrer la marchandise et l’entreprise déposera le bilan !

Le régime dérogatoire que vous tentez de mettre en place par la voie législative ne s’appliquera donc pas nécessairement à telle entreprise connaissant, à un moment donné, des difficultés, et cela ne laisse pas de m’inquiéter.

C’est pour cette raison que je suis partisan des régimes dérogatoires d’une manière générale et que je propose cet amendement tendant à prévoir une dérogation pour les secteurs saisonniers, et notamment les industries ou les activités qui réalisent 50 % de leur chiffre d’affaires en l’espace de trois mois.

Certains secteurs d’activité fonctionnent à plein durant les fêtes de fin d’année et réalisent 40 % de leur chiffre d’affaires en quatre semaines. Si ce n’est pas le cas et que les sociétés en question n’ont pas atteint leurs objectifs, il leur faut obtenir un délai de paiement afin de pouvoir patienter jusqu’au prochain évènement commercial, la fête des mères ou la fête des pères, par exemple. Il en va de même pour certaines activités qui sont fortement liées aux saisons touristiques.

Je considère, comme Mme Goulet, qu’il n’appartient pas au législateur de traiter de tous ces cas particuliers, d’autant qu’il ne s’agit ici que de l’un des éléments de la relation commerciale, et non d’une approche globale de cette dernière. Ce que nous faisons est dangereux, et je mets en garde un certain nombre de mes collègues.

On peut défendre les PME en recourant à des arguments qui vont exactement dans le sens contraire. J’ai participé à des franchises. Dans la franchise, les délais de paiement sont extrêmement longs, de même que dans la jeune entreprise, si le projet de cette dernière inspire confiance.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai déposé ces deux amendements, l’amendement n° 160 étant de portée plus générale puisqu’il vise à libérer totalement l’entrepreneur en ne le contraignant pas par une législation qui me semble peu convenir à une activité commerciale.