Mme Christine Boutin, ministre. Absolument !

Mme Odette Herviaux. Nous nous étonnons qu’une telle disposition, qui accélérera les procédures contentieuses, soit décrite comme s’inscrivant « dans l’objectif général du Gouvernement de réduire les cas d’expulsion locative ».

M. le président. L'amendement n° 328, présenté par Mme Bout, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. – Dans le premier alinéa de l’article L. 613-1 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « excédant une année » sont supprimés.

II. – Dans la première phrase de l’article L. 613-2 du même code, les mots : « trois mois » sont remplacés par les mots : « un mois » et les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « un an ».

La parole est à Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis.

Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Cet amendement, qui vise à proposer une nouvelle rédaction pour l’article 19, devrait satisfaire les orateurs précédents.

Il a deux objets.

D’une part, il tend à raccourcir le délai minimum que les juges peuvent accorder en cas d’expulsion. Je le dis tout de suite et clairement pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : le plancher de trois mois, paradoxalement, pénalise le locataire, car les juges hésitent à accorder un délai aussi important et préfèrent parfois ne pas donner de délai du tout quand la situation du locataire n’est pas catastrophique.

C’est le cas, par exemple, des baux commerciaux. L’occupant n’aurait en effet besoin que d’un mois supplémentaire pour classer ses dossiers et déménager son matériel. Mais le juge n’accorde pas de délai, car trois mois supplémentaires sans loyer porte trop préjudice au propriétaire.

Permettre aux juges d’octroyer un ou deux mois, c’est donc leur donner la possibilité de s’adapter à ces situations limites et de trouver une solution qui soit plus favorable au locataire.

D’autre part, l’amendement tend à revenir sur le durcissement des conditions d’octroi de délai proposé par cet article.

En effet, l’article incite le juge à considérer que l’hébergement est une solution qui peut l’amener à refuser d’accorder des délais, ce qui n’est pas le cas actuellement. La commission des affaires sociales est en désaccord avec cette proposition pour la raison suivante : sur les 3 660 décisions statuant sur une demande de délai en 2007, seules 488 ont été positives.

Ces chiffres prouvent que les juges se montrent intransigeants avec les procédures abusives et n’aménagent les délais que lorsque les personnes ou les familles sont de bonne foi et risquent de se retrouver à la rue si elles sont expulsées.

Dans ces conditions, on peut légitimement penser que ces personnes et familles constituent des publics prioritaires au sens de la loi DALO.

Les envoyer dans une structure d’hébergement, aux côtés de personnes très fragiles et présentant parfois des comportements excessifs ou agressifs, les expose à plus de difficultés et peut être contre-productif.

Inviter les juges à regarder l’hébergement comme une solution acceptable pour ces personnes et ces familles n’est donc pas juste et raisonnable.

C’est pour ces deux raisons que la commission des affaires sociales a présenté un amendement tendant à une autre rédaction de l’article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 203 est présenté par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché.

L'amendement n° 478 est présenté par Mme Herviaux, MM. Repentin et Raoul, Mmes San Vicente-Baudrin, Voynet et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger comme suit cet article :

Dans le premier alinéa de l'article L. 613-3 du code de la construction et de l'habitation, la date : « 1er novembre » est remplacée par la date : « 15 octobre » et la date : « 15 mars » est remplacée par la date : « 15 avril ».

La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n° 203.

Mme Odette Terrade. Cet amendement reprend les termes d’une proposition de loi que nous avons déposée lors de la session parlementaire précédente.

Dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi, nous indiquions ceci : « Pour nombre d’acteurs du droit au logement, l’adoption de la loi créant le droit au logement opposable avait constitué une avancée demandant à être traduite dans la réalité de la vie quotidienne des victimes de la crise du logement.

« Sa mise en œuvre rencontre, plus d’un an après sa promulgation, nombre de difficultés d’application.

« L’insuffisance de logements sociaux accessibles aux personnes éligibles à l’application des dispositions de cette loi constitue un obstacle majeur, tout particulièrement dans l’agglomération parisienne et la plupart des grandes agglomérations du pays où le secteur immobilier est de plus en plus tendu par la spéculation et la flambée des loyers, supérieure à la progression de l’indice des prix à la consommation.

« Ainsi, malgré la reconnaissance du droit contenue dans la loi du 5 mars 2007, les expulsions de locataires en difficulté continuent d’être la règle, d’autant que nous sommes désormais sortis de la période de suspension d’exécution des procédures arrêtées.

« Cette situation génère une demande sociale particulièrement forte qui, si l’on n’y prend garde, continuera d’alimenter durablement une crise du logement dont les locataires et leurs familles demeurent, en dernière instance, les victimes principales.

« Selon un bilan établi par la Fondation Abbé-Pierre, les juridictions civiles ont rendu en 2006 plus de 100 000 décisions d’expulsion à l’encontre de locataires, dont 47 500 ont fait l’objet d’un commandement de quitter les lieux, remis sous exploit d’huissier.

« Ce qui représente, précisons-le, un nombre de procédures quasiment équivalent à la production annuelle de logements sociaux PLUS et PLAI cette même année 2006 !

« Et plus de 20 000 de ces procédures ont autorisé le recours à la force publique aux fins de les exécuter.

« Ainsi, demeure une véritable contradiction entre droit opposable au logement et poursuite des procédures civiles d’expulsion locative qu’il convient de lever.

« Dans son rapport de mission rendu le 29 janvier dernier, M. Étienne Pinte, député des Yvelines, souligne la nécessité de faire de la prévention des expulsions locatives l’un des axes forts de la politique du logement.

« Il invite notamment le Gouvernement à faire en sorte que :

“ Des instructions seront données aux Préfets pour mettre en place, le plus en amont possible de la procédure judiciaire, une prévention active des expulsions. Dès la saisine par le bailleur de la commission de prévention des expulsions locatives, une enquête sociale sera systématiquement réalisée.

“ Le préfet aura la possibilité de suspendre les expulsions pour les personnes de bonne foi moyennant indemnisation du bailleur ou recours à l’intermédiation locative.

“ Le concours de la force publique, pour toute expulsion, sera subordonné à une proposition d’hébergement. La mise à l’abri à l’hôtel doit être, dans ce cadre, un recours exceptionnel et temporaire. ”

« Le même rapport évalue d’ailleurs à 60 millions d’euros les crédits indispensables à la mise en œuvre de cette priorité. »

Apparemment, il semblerait qu’entre Versailles et Rambouillet, villes pourtant aussi royales l’une que l’autre, on ait du mal à se comprendre dès qu’il s’agit de logement !

Le présent amendement, en allongeant la période pendant laquelle les expulsions ne peuvent avoir lieu, à tout le moins pour les locataires de bonne foi en instance de devoir vider les lieux – ce sont de loin les plus nombreux –, participe de cette démarche.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l'amendement n° 478.

M. Daniel Raoul. L’article 19 pose la question du relogement des personnes concernées par l’expulsion locative, notamment dans les zones à marché tendu.

Nous estimons nécessaire d’allonger d’un mois la durée de la trêve hivernale, et ce afin de permettre aux locataires concernés de saisir la commission de médiation.

Vous n’avez pas cherché à améliorer la prévention des expulsions. Vous tentez juste de préserver le subtil équilibre évoqué par M. le rapporteur et de donner des gages sur la rapidité des procédures.

Je crains que ce ne soit un coup d’épée dans l’eau face aux propriétaires qui sont récalcitrants à mettre leurs biens en location. Pendant ce temps, les ménages expulsés souffriront.

À notre sens, il aurait mieux valu que la garantie des risques locatifs soit généralisée et rendue universelle pour éviter ce type de situation.

Il s’agit, en quelque sorte, d’un amendement de repli.

M. le président. L’amendement n° 319, présenté par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les 1° et 2° du I de cet article :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Le préfet, le juge des référés ou le juge de l’exécution, selon le cas, du lieu de la situation de l’immeuble peut, par dérogation aux dispositions des articles 1444-1 à 1444-3 du code civil, accorder des délais renouvelables excédant une année aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, dont l’expulsion aura été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que lesdits occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation. » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette disposition est applicable aux personnes répondant aux critères définis à l’article L. 300-1. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Cet amendement de repli vise à donner tout son sens à la notion de droit au logement opposable, notamment lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre de procédures d’expulsion locative.

L’article L. 300-1 du code de la construction et de l’habitation dispose : « Le droit à un logement décent et indépendant, mentionné à l’article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, est garanti par l’État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’État, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir.

« Ce droit s’exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent article et les articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1. »

Cet article, dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, doit donc trouver une traduction.

Lorsque l’on nous parle de droit au logement opposable et de personnes qui ne sont pas en situation de se maintenir dans leur logement, c’est clairement par référence aux procédures contentieuses de récupération de locaux frappant des locataires de bonne foi.

Il nous semble donc nécessaire que l’ensemble des familles et des ménages susceptibles de bénéficier de l’opposabilité puissent continuer de profiter des mesures de prévention des expulsions locatives.

Pour ce faire, il convient également que le préfet soit habilité à faire œuvre utile en prévoyant, en amont, l’application des délais de prévenance. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 204, présenté par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° du I de cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement est également un amendement de repli. Il devrait nous permettre de modifier ce projet de loi sur un point qui nous paraît particulièrement essentiel et dont l’application risquerait d’être catastrophique pour les familles en difficulté.

En effet, avec ce projet de loi, ces familles ne pourront plus bénéficier d’une suspension de la décision d’expulsion si une offre d’hébergement leur est faite. Auparavant, elles pouvaient obtenir cette suspension tant qu’une offre de relogement ne leur était pas présentée. Demain, une offre d’hébergement suffirait. Or chacun sait que seul un très petit nombre de structures d’hébergement existantes a vocation à accueillir des familles de façon décente.

Doit-on alors accepter que des familles en retard de paiement de leur loyer soient expulsées, puis hébergées dans un hôtel, dans des conditions de vie indignes et, qui plus est, avec un coût considérable pour la collectivité ? Pour notre part, nous ne saurions nous y résoudre !

Des solutions doivent être trouvées pour prévenir les expulsions, et des démarches d’accompagnement social doivent être entreprises pour aider au maintien dans les lieux. Si un relogement peut être envisagé dans un parcours de soutien au redressement de la situation difficile de ces familles, en aucune circonstance un hébergement ne constitue une solution.

La modification introduite par le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui ne règle rien : elle ne fait que précariser davantage des familles déjà plongées dans de grandes difficultés. Aussi nous vous demandons, en adoptant notre amendement, de ne pas modifier l’article L. 613-1 du code de la construction et de l’habitation, au moins sur cet aspect particulier.

Pour mettre en cohérence ce code avec le présent amendement, nous vous demanderons par ailleurs, à l’amendement n° 205, de ne pas modifier la première phrase de l’article L. 613-2 du code de la construction et de l’habitation.

M. le président. L’amendement n° 320, présenté par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché, est ainsi libellé :

Remplacer le II de cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - La première phrase de l’article L. 613-2 du même code est ainsi rédigée :

« La durée des délais prévus à l’article précédent ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois. »

... - Le premier alinéa de l’article L. 613-3 du même code est ainsi rédigé :

« Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée malgré l’expiration des délais accordés en vertu des articles précédents, il doit être sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 15 octobre de chaque année jusqu’au 1er avril de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un amendement de cohérence, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 205, présenté par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° du II de cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il s’agit également d’un amendement de cohérence, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. L’amendement n° 202 tend à la suppression de l’article 19. Or la commission des affaires économiques soutient le dispositif de l’article 19 et la réduction des délais supplémentaires qui peuvent être accordés en cas de procédure d’expulsion. Nous savions que cet article fournirait matière à des propos manifestement excessifs et compassionnels : nous n’avons pas été déçus ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Les procédures d’expulsion sont déjà longues. Il résulte des différentes étapes de la procédure qu’une décision d’obtention du concours de la force publique demande, en moyenne, une durée de deux années si le locataire refuse de quitter les lieux, et que le délai moyen pour obtenir une indemnisation de l’État si un tel concours n’a pas été accordé s’élève à trente et un mois. Je rappelle qu’il s’agit des délais observés après l’intervention de la décision de justice ordonnant l’expulsion : celle-ci est donc exécutée avec énormément de retard.

Certains acteurs du secteur du logement voient d’ailleurs dans cette situation une « réquisition de fait » de logements privés, sans indemnisation du bailleur privé. Beaucoup a été fait au cours des dernières années pour la prévention des expulsions, comme je l’ai rappelé dans mon rapport écrit. De plus, les locataires menacés d’expulsion sont prioritaires au titre de la loi instituant le droit au logement opposable. L’avis de la commission est donc défavorable.

L’amendement n° 476 est identique à l’amendement n° 202 et recueille le même avis défavorable, pour les mêmes raisons.

En ce qui concerne l’amendement n° 328, présenté par Mme Bout, la suppression de la référence à l’hébergement convient bien à la commission des affaires économiques. Il serait effectivement absurde de prévoir que des locataires occupant un logement soient placés dans une structure d’hébergement après une procédure d’expulsion.

Par ailleurs, la réduction de trois mois à un mois du délai minimal de sursis à exécution des jugements d’expulsion m’apparaît également de bon sens puisque, comme vous l’avez rappelé, le délai de trois mois est parfois excessif par rapport aux besoins des parties prenantes, ce qui conduit donc les juges à n’accorder, au final, aucun délai.

Par conséquent, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 203 et 478 car, dans le prolongement de ce que j’ai déjà indiqué, elle est hostile à l’ajout d’éléments rendant encore plus complexe la procédure d’expulsion, qui est déjà un véritable « parcours du combattant ».

L’amendement n° 319, défendu par Mme Terrade, tend à autoriser les juges à accorder un délai de sursis à exécution renouvelable d’un an, sans limitation de durée, dans les procédures d’expulsion. Ainsi, l’exécution pourrait être suspendue jusqu’à la fin de vie des locataires, quel que soit leur âge et même s’ils sont entrés dans les murs dès leur majorité ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) La commission émet donc un avis défavorable.

L’amendement n° 204 sera satisfait si nous adoptons l’amendement n° 328 de notre collègue Brigitte Bout ; c’est pourquoi je vous en demande le retrait, madame Assassi, pour ne pas émettre un avis défavorable supplémentaire.

Pour ce qui est du renforcement des délais prévu par l’amendement n° 320, la commission émet également un avis défavorable.

L’amendement n° 205 tend à supprimer la référence à l’hébergement. Il sera satisfait par l’adoption de l’amendement n° 328, et c’est pourquoi j’en demande également le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre. Je vais répondre de manière globale aux deux amendements de suppression, puis j’indiquerai les éléments qui justifient la position du Gouvernement sur les autres amendements.

Comme cela a été dit, à peu près 100 000 décisions d’expulsion sont rendues chaque année, dont 10 000 sont exécutées. Ce dernier chiffre peut paraître faible comparé au premier, mais il est déjà excessif, car l’expulsion est un échec, pour les locataires et leur famille, pour les propriétaires, ainsi que pour l’État.

Certains d’entre vous ont posé la question de la prévention que j’ai naturellement présente à l’esprit, notamment avec la généralisation des commissions départementales. Je puis vous préciser que Mme le ministre de l’intérieur et moi-même avons signé, voilà quelques semaines, une circulaire, adressée aux préfets, donnant les instructions relatives à la prévention des expulsions.

Quelques sénateurs ont évoqué le développement de la garantie du risque locatif, la GRL. Nous souhaitons tous son développement, prévu – j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire – dans le cadre de l’accord que le Gouvernement a passé avec les organismes de gestion du 1 % logement. Toutefois, une difficulté étant survenue entre les partenaires sociaux, nous devrions n’en avoir la certitude qu’à la fin de l’année. Il est bien évident que, si la GRL est mise en place dès le début de l’année 2009, nous répondrons à notre objectif commun, à savoir la fin des expulsions.

Cependant, nous devons aussi tenir compte d’une réalité : nous voyons tous les difficultés posées par l’expulsion, en particulier pour les familles de bonne foi, mais être propriétaire ne signifie pas obligatoirement être riche ! Un certain nombre de petits propriétaires ont besoin de percevoir leurs loyers pour assurer l’équilibre de leur budget. Le fait de ne pas leur garantir un minimum fragilise leur situation à l’extrême.

Mon objectif n’est pas d’opposer les locataires aux propriétaires. Encore une fois, nous devons abandonner les vieux schémas ! Comme moi, vous avez certainement tous rencontré dans vos permanences des petits propriétaires complètement désarmés parce que leurs loyers n’étaient plus payés depuis plusieurs mois.

Nous devons donc faire face non seulement à l’échec de la famille visée par une décision d’expulsion non exécutée, qui la soumet à une inquiétude et une angoisse fortes, mais également à celui du propriétaire, en essayant de trouver un équilibre. C’est la raison pour laquelle je crois profondément à la GRL, dont je souhaite la mise en place rapide afin que les commissions départementales fassent leur office.

Enfin, ce projet de loi contient une mesure tout de même importante, malgré ce qui se dit à droite ou à gauche. N’oubliez pas qu’il développe la prévention des expulsions par l’intermédiation locative, qui répond aux difficultés de certaines personnes fragiles. Ce mécanisme participe donc à cette volonté de prévention de l’expulsion.

Il faut aborder les problèmes du logement de façon globale, sans s’arrêter à une vision limitée des choses. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes encore présents à cette heure tardive parce que vous êtes spécialistes du logement : quel que soit votre positionnement politique, vous savez bien qu’on ne peut donner de réponse unique aux problèmes du logement.

Ce projet de loi apporte des réponses en matière de prévention des expulsions. Je souhaite qu’il n’y ait plus d’expulsions dans ce pays. L’expulsion, je l’ai déjà dit, est un échec, c’est une erreur, un drame pour les familles, pour les propriétaires, et une charge pour l’État !

Vous l’aurez donc compris, l’avis du Gouvernement est défavorable sur les amendements identiques nos 202 et 476.

En ce qui concerne l’amendement n° 328, déposé par Mme Bout, je suis très ennuyée. Je comprends ce que vous souhaitez, madame, mais j’avoue que je rencontre quelques difficultés : non seulement, vous voulez réduire à un an le délai du sursis à exécution des jugements d’expulsion, mais vous supprimez également la référence à l’hébergement.

Que voulez-vous faire des personnes concernées ? Sincèrement, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, qui supprime la possibilité de recourir à l’hébergement, alors que la loi instituant le droit au logement opposable reconnaît expressément l’obligation de proposer aux personnes reconnues prioritaires, dont font partie, bien sûr, les personnes menacées d’expulsion à la suite d’une décision de justice, un logement ou un hébergement dans un délai de trois à six mois. Si vous supprimez la possibilité de l’hébergement, nous ne pouvons pas appliquer cette loi aux publics prioritaires, ce qui me paraît à la fois impossible juridiquement et difficile humainement.

Je vous demande donc de retirer votre amendement ; dans le cas contraire, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Je crois, là encore, qu’il faut envisager de façon globale la problématique qui a trait au logement et aux plus fragiles d’entre nous.

Pour les raisons que j’ai déjà évoquées, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 203 et 478, qui visent à étendre la trêve hivernale.

L’amendement n° 319 va à l’encontre du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Je vous rappelle qu’il appartient à la juridiction judiciaire de décider ou non d’accorder les délais en matière d’expulsion locative. Le préfet n’intervient que pour accorder ou non le concours de la force publique. Dans ces conditions, il n’est pas possible de donner un avis favorable à cet amendement.

Sur les amendements nos 204, 320 et 205, auxquels le Gouvernement est défavorable, je vous renvoie aux explications que j’ai données à Mme Bout concernant l'amendement n° 328.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 202 et 476.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 14 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 153
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 328.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 19 est ainsi rédigé, et les amendements nos 203, 478, 319, 204, 320 et 205 n'ont plus d'objet.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Madame la ministre, j’ai promis au président de la fédération des sociétés d’économie mixte, mon ami Jean-Pierre Schosteck, qui a siégé avec brio dans cette assemblée, d’interroger le Gouvernement, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi, sur le point suivant : en ce qui concerne les indemnisations de l’État, M. Schosteck s’inquiète des conséquences pour les bailleurs sociaux d’une circulaire du ministère de l’intérieur du 17 octobre 2005 qui préconise l’application d’un abattement de 20 % à 30 % au titre du règlement amiable des demandes indemnitaires liées au refus d’octroi du concours de la force publique.

À l’instar de M. Jean-Pierre Schosteck, nous estimons tout à fait anormale et injustifiée une telle règle et jugeons également pour le moins paradoxal d’exiger des locataires en difficulté le paiement de la totalité de leurs dettes, mais d’admettre que l’État n’en règle que 70 % à 80 %.

M. Michel Mercier. C’est contraire à la jurisprudence du Conseil d’État !