Article 8
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Article 10

Article 9

Le premier alinéa de l'article 47-5 de la même loi est ainsi rédigé :

« Le mandat des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France peut leur être retiré par décret motivé, après avis conforme, également motivé, du Conseil supérieur de l'audiovisuel et avis des commissions parlementaires compétentes dans les mêmes conditions que celles prévues par la loi organique n°         du      précitée. »

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.

M. Guy Fischer. Nous sommes également favorables à la suppression de l’article 9. (Oh ! sur les travées de lUMP.) Vous l’aurez compris, si nous sommes opposés à la nomination du président de France Télévisions et de Radio France par le Président de la République, nous le sommes tout autant, si ce n’est plus, à la possibilité pour le Président de la République de révoquer ceux qu’il a nommés précédemment.

Certes, cet article correspond dans les faits à une certaine tradition juridique, fidèle au principe du parallélisme des formes. Il n’en demeure pas moins que, en matière de presse et, au-delà, d’information, il aurait été souhaitable que celui qui dispose de la capacité de nomination – ô combien politique ! – ne soit pas doté de celle de révocation. Cela aurait pour le moins limité une disposition qui s’apparente, dès aujourd’hui, à un droit de sanction.

Il suffira que tel comportement déplaise au Président de la République, que le président de la société n’ait pas fait preuve de la plus grande allégeance pour que celui-ci subisse les foudres d’une révocation, dont on sait par avance, en raison des modalités mises en place, qu’elle sera accordée.

Là encore, ce que vous nous présentez comme des garanties ne sont en réalité que de bien pâles alibis. Le Président de la République, qui a fait campagne sur le thème de la rupture, aurait eu tout à gagner, tout comme notre démocratie, à appliquer à cette contre-réforme de l’audiovisuel la rupture qu’il prônait.

En matière de nomination et de révocation, nous devions voir ce que nous allions voir ! Nous devions enfin sortir de la République des copains et des nominations partisanes. Mais, en plus d’un an de mandat, c’est l’inverse que nous avons observé : le comité sur la réforme de la Constitution a été présidé par un proche du Président de la République, Édouard Balladur ; la mission d’évaluation de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie a été confiée à M. Leonetti ; le comité de réflexion sur le préambule de la Constitution, à Mme Veil ; le comité pour la réforme des collectivités territoriales, de nouveau à M. Balladur. M. Jean-Pierre Jouyet, ancien ministre, a été nommé à la tête de l’Autorité des marchés financiers. À cela, il faut encore ajouter la nomination par Nicolas Sarkozy de Frédéric Péchenard, son ami d’enfance, à la fonction de directeur général de la police nationale et celle de Michel Gaudin, l’un de ses proches au ministère de l’intérieur, au poste de préfet de police de Paris. Et je ne parle pas de ce qui nous attend demain ! Je pense notamment à la justice aux ordres que le Président de la République nous prépare avec les juges de l’instruction.

Bref, nous sommes loin, très loin, de l’époque où Nicolas Sarkozy annonçait : « La démocratie irréprochable, ce n’est pas une démocratie où les nominations se décident en fonction des connivences et des amitiés, mais en fonction des compétences. » Ces propos, il les a tenus à l’occasion de son investiture. Je regrette qu’il ne les entende pas de nouveau et qu’il ne se les applique pas à lui-même.

Bref, sur ce sujet, comme sur d’autres, nous attendons encore la rupture tant annoncée ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Sur cet article, nous avons déposé un amendement visant à supprimer le pouvoir accordé au Président de la République de révoquer les présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, même dans le cas où celui-ci serait encadré par le dispositif proposé par la commission, que nous examinerons tout à l’heure.

On nous objectera que cette prérogative n’est, juridiquement parlant, que le strict parallèle du droit de nomination des mêmes présidents conféré au chef de l’État par l’article 8. Pourtant, l’affaire est trop grave pour être cantonnée à la seule logique du droit.

Nous n’insisterons pas sur l’hypocrisie consistant à revêtir la décision du Président de la République de l’onction d’une autorité, le CSA, qu’il tiendrait à sa main, comme il tient d’ailleurs largement à sa main la majorité parlementaire – on l’observe chaque jour – en tant que chef autoproclamé de celle-ci et leader de l’UMP. Une telle situation disqualifie d’office – la commission en est elle-même convenue – le dispositif proposé à l’article 9 dans le projet de loi initial.

Cependant, le droit de révocation n’est pas seul en cause : fondamentalement, nous l’avons dit à plusieurs reprises, c’est bien l’ensemble de la procédure donnant au Président de la République la prérogative de nommer et de révoquer qui constitue une régression démocratique sans précédent.

Avez-vous bien conscience, madame la ministre, que les parlementaires de l’opposition ne sont pas les seuls, aujourd’hui, à se mobiliser, aux côtés des personnels de l’audiovisuel public et de nombre d’intellectuels, contre le bon plaisir du chef de l’État ? De très nombreux journalistes et de plus en plus de citoyens ont fait publiquement part de leur désapprobation. Le sondage réalisé par l’institut CSA, en décembre dernier, pour le compte du Parisien-Aujourd’hui en France montre que près des trois quarts des Français jugent la « nomination du président de France Télévisions par le Président de la République » comme une « mauvaise chose ». Méditez ces résultats, mes chers collègues !

Le débat mené à l’Assemblée nationale sur les questions de la suppression de la publicité, sur la compensation de la perte de recettes et la nature de la taxe à prévoir est passé largement au-dessus de la tête des Français. On n’a d’ailleurs pas trop cherché à les interroger sur ces sujets, car on s’attendait à des réponses compliquées. Cependant, je le répète, à la question : « Êtes-vous pour que le Président de la République nomme le président de France Télévisions ? », les trois quarts des personnes interrogées ont répondu : « non ». En effet, les Français, qui ont une conception moderne de la démocratie, souhaitent que les médias soient indépendants. Osons affirmer, dans cet hémicycle, que leur jugement est, en l’occurrence, juste, d’autant qu’il est nourri de l’expérience de vingt mois de présidence Sarkozy, marquée par tant d’inquiétantes atteintes aux libertés.

Essayons d’éclairer nos collègues de la majorité sur la philosophie qui anime leur chef incontesté dans sa volonté de brider le pluralisme de l’information et l’indépendance des médias.

Convenez, mes chers collègues, que le président Sarkozy aurait tout à fait pu tenir le propos suivant : « Mais qui êtes-vous les journalistes ? Vous n’exprimez que des intérêts particuliers. Moi, je représente l’intérêt général, car j’ai été élu par le peuple ! Vous, vous ne représentez que vos lecteurs. »

Pourtant, c’est non pas l’hôte actuel de l’Élysée qui a émis ce jugement d’un mépris sans comparaison pour la presse, mais Napoléon III ! Malheureusement pour notre démocratie, les ressemblances de cette sorte sont trop nombreuses, certaines paroles et certains actes trop concordants pour que, une fois n’est pas coutume, comparaison ne soit pas raison.

Tel est donc le penchant de notre actuel Président de la République, dont on ne peut cependant contester la légitimité démocratique. Il faut le rappeler, si le principe majoritaire est effectivement incontestable dans le fonctionnement d’une démocratie, l’exercice du pouvoir qui en est issu doit rester soumis à des contraintes supérieures sans lesquelles l’État de droit n’aurait aucune existence.

Dans une démocratie, le pouvoir politique doit ainsi préserver certaines procédures et certaines instances du jeu des intérêts partisans. Parmi ces instances, il faut évidemment ranger les organismes du service public de la communication audiovisuelle ; parmi ces procédures, il est logique de compter celle qui a pour objet la nomination – et sa contrepartie : la révocation – des dirigeants de la radio et de la télévision publiques.

C’est pourquoi il est essentiel de ne pas attribuer au Président de la République le pouvoir de révoquer les présidents des sociétés de l’audiovisuel public, ce qui relativiserait substantiellement son pouvoir de nomination.

Mme Catherine Tasca. Très bien !

Mme la présidente. Je suis saisie de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 132 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 262 est présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, MM. Desessard et Muller.

L’amendement n° 339 est présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bourzai, MM. Boutant et Domeizel, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l’amendement n° 132.

M. Ivan Renar. Cet article 9 parfait l’édifice quasi autoritaire imaginé par le Gouvernement : après la nomination, voici la révocation !

Le droit en vigueur en la matière prévoit d’ailleurs souvent d’assortir les révocations de garanties plus importantes que celles qui sont prévues en cas de nominations. C’est le cas, par exemple, pour les magistrats.

Les dispositions du présent article achèvent de soumettre les P-DG des sociétés nationales de programme au bon vouloir d’un exécutif dont les pouvoirs seraient, en la matière, totalement déplacés, et ce malgré les « garanties » – si l’on peut les appeler ainsi… – introduites à l’Assemblée nationale.

En premier lieu, non seulement cette procédure dépend ici quasiment d’une seule personne, mais, en plus, elle ne définit aucunement les cas dans lesquels une telle révocation peut intervenir. Quelle aberration !

La menace de révocation peut ainsi prendre une coloration arbitraire, qui lie définitivement les P-DG des sociétés nationales de programme au bon vouloir du prince qui nous gouverne et qui les nomme, le pouvoir protecteur des avis qui encadrent cette décision étant, comme nous le verrons, discutable.

En deuxième lieu, l’ensemble de ce dispositif de nomination-révocation prive les conseils d’administration des différentes sociétés publiques d’audiovisuel de prérogatives importantes : s’ils ne peuvent ni nommer ni dénoncer leur président, ce dernier n’est donc pas, au fond, responsable devant eux, ce qui n’est pas de nature à contribuer au bon fonctionnement de la démocratie au sein de ces conseils d’administration.

En troisième lieu, pour ce qui est des « garanties » que sont censés constituer les avis conformes du CSA et des commissions parlementaires compétentes, il s’agit d’un encadrement singulièrement léger.

Nous avons déjà discuté de ce qui peut être – ou ne pas être, en l’occurrence – attendu d’un CSA non réformé, surtout si aucun droit de veto n’est prévu. Si l’avis des commissions parlementaires est, en général, une bonne chose, pourquoi ne sont-elles pas consultées en amont et comment exerceront-elles ce droit de veto ?

Fondamentalement, la seule vraie garantie de l’indépendance des directions de l’audiovisuel public à l’égard du pouvoir exécutif est de ne pas confier à ce dernier un pouvoir qui ne lui revient pas, tel que celui de nommer et de révoquer.

Il faut donc supprimer cet article et travailler à construire un système plus démocratique, plus susceptible de permettre le pluralisme, en résumé un système plus juste.

Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous invitons à voter cet amendement de suppression de l’article 9. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 262.

Mme Marie-Christine Blandin. Mes chers collègues, plus grave que la nomination, que vous venez de voter, il y a la menace de révocation.

Entre nomination et révocation, il n’y a pas parallélisme des effets et dégâts collatéraux, il n’y a pas équivalence de dépendance. Pour le prouver, voici comment notre République protège sa démocratie : présidents et membres d’autorités administratives nommés, mais irrévocables ; président du Conseil constitutionnel nommé, mais irrévocable ; magistrats du siège nommés par le Président de la République, mais inamovibles.

L’indépendance des présidents des sociétés de l’audiovisuel public est l’une des conditions de l’exercice effectif d’une liberté garantie par la Constitution.

Monsieur le rapporteur, vous avez précédemment évoqué le climat de méfiance autour des liens suspectés entre le pouvoir et le président à venir de France Télévisions, et ce pour introduire une performance argumentative : selon vos dires, puisqu’il y a suspicion, le Président de la République sera d’autant plus vigilant pour exercer cette responsabilité. Cela me conduit à mettre en perspective le double niveau de risque démocratique.

Dans un premier temps, on a une présidente aux ordres, véritable courroie de transmission du pouvoir. J’espère, mes chers collègues, que vous n’êtes pas intrigués par l’emploi du féminin pour désigner la personne à la tête de France Télévisions, car vous ne l’êtes jamais quand on emploie le masculin !

Dans un deuxième temps, et cela n’a sans doute pas assez été évoqué, l’audiovisuel public vivote, pris dans l’étau de ses dépenses obligatoires – valeur absolue pour la création, investissement massif pour le numérique – et de ses ressources insuffisantes et incertaines. Alors, il bute sur les contraintes, il s’essouffle face à une concurrence déloyale et privilégiée, il ne parvient pas à remplir toutes ses nouvelles missions. Les salaires sont tirés à la baisse, les effectifs sont érodés, le climat social est catastrophique, la qualité des émissions diminue. Et là, le Président de la République fronce les sourcils, s’émeut des déficits, feignant de ne pas les avoir provoqués, et il use de son droit de révocation. (Exclamations sur certaines travées de l’UMP.) Quelle belle invention, mes chers collègues !

Pour résumer, on a, dans un premier temps, le risque du courtisan zélé, puis, dans un second temps, le très commode outil du fusible, utilisé, si possible, après que les vilaines besognes ont été effectuées.

Vous avez donc, mes chers collègues, trois raisons de supprimer l’article 9 : la révocation est inédite et antidémocratique ; il y a le risque d’un pilotage vertical, sous la dépendance du pouvoir ; il y a aussi le risque du recours au trop facile fusible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 339.

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, vous aurez compris que cet amendement est d’une évidence totale. Ce mot « révocation » est terrible. Je le vois bien, il suffit que je le prononce pour que M. Mercier s’en émeuve !

M. Michel Mercier. Je vais vous en parler !

M. Jean-Pierre Sueur. Franchement, qu’un Président tout-puissant puisse nommer une personne par décret, puis la révoquer, comme le faisaient jadis les monarques, heurte le sens démocratique et va à l’encontre de la défense du pluralisme et de la liberté d’opinion qui nous tiennent à cœur.

Si l’article 9 est adopté en l’état, le Président de la République pourra donc révoquer cette personne en ces termes : « Monsieur – ou madame –, je vous révoque, car vous n’avez pas donné satisfaction et vous ne vous êtes pas bien comporté ! » Pis encore, avec une telle menace de révocation planant au-dessus de sa tête, le président de France Télévisions se dira tous les jours : « Il faut que j’accomplisse mon travail en respectant, bien entendu, l’ensemble des personnels, journalistes, producteurs et réalisateurs, en faisant preuve d’une certaine ouverture d’esprit et d’un souci du pluralisme. Mais, attention ! je dois tout de même veiller à ne pas commettre d’actes inconsidérés qui pourraient me porter tort ! »

Par conséquent, cette menace de la révocation est bien présente : même si elle est muette, elle en dit plus qu’un long discours !

Madame Albanel, vous qui êtes ministre de la culture, comment pouvez-vous nous demander de donner à une seule personne le pouvoir de révoquer ? J’observe que M. Mercier est visiblement de plus en plus convaincu par mes propos, et que certains des membres de l’UMP semblent, eux aussi, en train de le devenir ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

Mes chers collègues, il n’est pas digne du Sénat d’adopter une telle disposition. Tous ensemble, disons-le haut et fort : « Non à la révocation ! » (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Ivan Renar. Quel talent !

Mme la présidente. L’amendement n° 133, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :

« Le mandat des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France peut, en cas de manquement grave à leur fonction, leur être retiré par un vote à la majorité qualifiée de leur conseil d’administration. Ce vote peut intervenir à l’initiative du Conseil d’administration des entreprises en question, ou sur proposition motivée de la commission parlementaire pour le pluralisme et les médias instituée à l’article 47-4. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur Sueur, j’ai cru que vous alliez nous parler de la révocation … de l’édit de Nantes ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un autre sujet !

M. Ivan Renar. Pour en revenir à l’amendement n° 133, nous ne le répéterons jamais assez, le dispositif de nomination-révocation est un scandale, qui constitue une aberration démocratique. Il est douloureux, pour les élus attachés aux valeurs de culture, de diversité et de pluralisme que nous sommes, de voir ces dernières instrumentalisées au profit de ce qui semble bien être des intérêts particuliers.

En effet, la teneur des discussions, depuis le début de l’examen de ce texte, montre que l’abracadabrante architecture proposée pour la composition de la direction des sociétés du service public de l’audiovisuel ne se justifie en rien. Elle n’a non seulement rien à voir avec l’objectif affiché d’amélioration de la qualité du service public, mais, surtout, elle est, de ce point de vue, contre-productive et extrêmement dangereuse.

Le présent amendement s’inscrit ainsi dans le prolongement de notre critique du dispositif de nomination-révocation et de notre demande de suppression de l’article 9.

Pour garantir totalement l’indépendance de l’audiovisuel public, il faut délier ce dernier de l’exécutif. Pour cela, nous proposons un véritable système de codécision. Je dis « véritable », car il associe deux entités à la fois légitimes dans de tels rôles et indépendantes l’une de l’autre. Ce sont là des garanties essentielles pour que cette révocation ne s’apparente pas à une lettre de cachet.

À nos yeux, seuls les conseils d’administration respectifs des sociétés audiovisuelles publiques devraient avoir le pouvoir de révoquer leur président ; c’est ainsi que les choses se passent dans toute entreprise.

Pour garantir que ces révocations sont justifiées et encadrées, nous proposons plusieurs dispositions.

Tout d’abord, elles ne pourront intervenir qu’en cas de « faute grave », notion qui a un réel contenu législatif.

Ensuite, la révocation devra être validée par un vote à la majorité qualifiée.

Enfin, ce vote pourra se faire non seulement sur proposition de membres du conseil d’administration de la société en question, ce qui est logique, mais également sur proposition de la commission « pour le pluralisme et les médias », commission commune aux deux assemblées parlementaires dont nous avons proposé la création lors de la discussion de l’article 8.

L’instauration de cette commission aurait permis de disposer d’une instance de vigilance extérieure au conseil d’administration, de nature à garantir que ce dernier fonctionne démocratiquement et dirige l’audiovisuel public en respectant strictement le pluralisme.

Dans la mesure où cette proposition de commission mixte spéciale a été rejetée lors de la discussion précédente, il est tout à fait possible d’adopter un dispositif de repli, en donnant cette prérogative aux commissions parlementaires compétentes.

Ce système à deux niveaux est de nature à protéger réellement l’audiovisuel public : d’une grande simplicité, il serait beaucoup plus légitime que le dispositif proposé dans le projet de loi, qui, disons-le encore une fois, est une monstruosité démocratique.

Mes chers collègues, soyons à la hauteur de la situation en protégeant l’audiovisuel public et, partant, une partie des libertés publiques, et en instituant des dispositifs réellement indépendants. Votez et faites voter cet amendement ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG – M. Claude Bérit-Débat applaudit également.)

Mme la présidente. L’amendement n° 20, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa cet article :

« Le mandat des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France peut leur être retiré par décret motivé après avis conforme, également motivé, du Conseil supérieur de l’audiovisuel et avis public des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles. Il ne peut être procédé à ce retrait lorsque l’addition des votes positifs dans chaque commission représente moins de trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur. Mes chers collègues, la commission a toujours exprimé, depuis le début de ces débats, son désir de renforcer l’indépendance de l’audiovisuel public.

C’est la raison pour laquelle elle vous propose un tel amendement, car, pour elle, la véritable indépendance tient, bien sûr, au mode de nomination, mais, surtout, au mode de révocation éventuelle. Le droit en vigueur le montre : il prévoit la nomination des magistrats du siège sur avis du Conseil supérieur de la magistrature, mais reconnaît leur inamovibilité ; il prévoit la désignation des membres des autorités administratives indépendantes par des autorités politiques, mais prévoit, le plus souvent, leur irrévocabilité. Tout cela est donc logique, car nul n’est réellement dépendant de celui qui l’a nommé s’il ne risque pas d’être révoqué par celui-ci.

C’est pourquoi la commission a souhaité proposer une procédure plus exigeante pour le retrait de mandat – autrement dit, pour la révocation – que pour la nomination du président des sociétés nationales de programme.

Pour la nomination, cela a longuement été évoqué tout à l’heure, il faut en effet un avis conforme du CSA, puis un avis des commissions des affaires culturelles des deux assemblées, lesquelles peuvent opposer leur veto à la majorité des trois cinquièmes.

Pour la révocation, la commission propose en outre que les commissions des affaires culturelles confirment la décision du Président de la République à la majorité des trois cinquièmes. Leur accord sera donc exigé dans l’éventualité d’une révocation du président de France Télévisions, de Radio France ou de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

Compte tenu du seuil exigé, la révocation ne pourra se faire, en pratique, que si l’opposition ou le Sénat s’y opposent. La commission tient à cette mesure, car il lui semble important que le Sénat puisse bénéficier de toute latitude pour s’opposer éventuellement à une telle décision.

La commission tient enfin à préciser qu’il revient au législateur ordinaire de prévoir un tel dispositif. L’article 13 de la Constitution ne vise en effet que la seule nomination et ne serait sans doute pas applicable à la révocation. En revanche, l’article 34 nous donne compétence, depuis la réforme de la Constitution, pour garantir « l’indépendance des médias ». Il nous revient donc de nous saisir de cette compétence.

J’ajoute, enfin, que le dispositif proposé par le Gouvernement offrait des garanties inférieures à celles qui étaient prévues par le droit en vigueur. Jusqu’à présent, l’autorité qui nommait révoquait dans les mêmes formes. Or, dans le projet de loi initial, la procédure de nomination était plus lourde que celle de révocation, ce qui, à l’évidence, constituait un recul qui, à notre avis, aurait été censuré par le Conseil constitutionnel.

Il fallait donc renforcer la procédure de révocation. La commission propose de le faire avec résolution en posant ce principe simple : pour la nomination, le Parlement peut dire « non » ; pour la révocation, il doit impérativement dire « oui ». 

Ces remarques me permettent de revenir sur les supposés manquements à l’indépendance des parlementaires.

Pourquoi les parlementaires seraient-ils moins indépendants que les journalistes, par exemple, en faveur desquels nous avons voté un certain nombre d’amendements visant à garantir leur indépendance, leur liberté de conscience et d’expression ? Nous, parlementaires, ne sommes pas plus qu’eux des moutons de Panurge. C’est la raison pour laquelle nous avons le droit, mais aussi le devoir, d’exprimer en conscience notre vote, le cas échéant.

L’amendement proposé par la commission permettra à chacun, en conscience, d’exprimer ce qu’il souhaite lors d’une éventuelle décision de révocation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 225 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 20, après les mots :

Conseil supérieur de l'audiovisuel

insérer les mots :

, émis à la majorité des membres le composant,

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Je présenterai, en même temps que cet amendement, un point de vue plus général, afin que tout soit dit. Ne vous en faites pas, mon cher collègue, vous me donnerez certainement l’occasion d’intervenir à nouveau ! (Sourires.)

Pourquoi me semble-t-il nécessaire de légiférer sur la question du retrait de mandat, et pourquoi la suppression de l’article 9 serait-elle une grave erreur, qui produirait un effet inverse au résultat recherché ?

Nous ne sommes pas aujourd’hui dans une situation de vide juridique. En effet, si nous ne votons pas l’article 9 du projet de loi, c’est l’actuel article 47-5 de la loi du 30 septembre 1986 qui s’appliquera, lequel dispose, sans poser aucune condition, que le CSA met fin au mandat du président de France Télévisions.