Mme la présidente. Monsieur Larcher, les amendements nos 399 et 400 sont-ils maintenus ?

M. Serge Larcher. Je prends acte des avis de la commission et du Gouvernement et je retire mes amendements.

Mme la présidente. Les amendements nos 399 et 400 sont retirés.

L'amendement n° 391, présenté par MM. Patient, Antoinette, Tuheiava, Lise, S. Larcher, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le douzième alinéa de cet article, après le mot :

Guyane,

insérer les mots :

en concertation avec les collectivités locales,

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Il s’agit d’un amendement qui porte sur le schéma minier de Guyane.

Découlant d’une initiative du Président de la République prise sous la pression de bon nombre d’acteurs politiques locaux, le schéma minier est élaboré et révisé par l’État et ne mentionne donc pas, en l’état actuel, la participation des collectivités locales dans son élaboration. Or il est fondamental que le schéma minier prenne en compte les propositions des différents acteurs locaux, particulièrement celles qui émanent de la représentation publique locale.

Conformément aux lois de décentralisation, les acteurs politiques locaux doivent être impliqués tout au long du processus et non pas seulement lorsque ce dernier touche à son terme, pour avis. Je pense tout particulièrement au conseil régional que ses compétences en matière économique et d’aménagement du territoire placent au cœur du projet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. La mise en place du schéma minier en Guyane est de la compétence de l’État. La conception de ce schéma minier, dont l’élaboration est quasiment terminée, se fait en lien avec les collectivités locales concernées.

Cet amendement est donc satisfait de fait. Le satisfaire en droit risquerait surtout de retarder la finalisation du schéma minier.

Cela dit, la commission émet un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le schéma minier est bien de la responsabilité de l’État. Il est néanmoins évident que les collectivités doivent être associées à son élaboration.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 391.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 392, présenté par MM. Patient, Antoinette, Tuheiava, Lise, S. Larcher, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le douzième alinéa de cet article, après les mots :

schéma minier

insérer les mots :

et marin

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Actuellement en cours de préparation, le schéma minier institué par le Président de la République se limite au minier terrestre, excluant de fait le minier marin et son éventuel potentiel de développement. En effet, des explorations sont effectuées au large du littoral guyanais, dans la zone économique exclusive, pour évaluer le potentiel d’un gisement de pétrole off shore.

Pour tenir compte des richesses marines, nous demandons donc d’élaborer plus qu’un simple schéma minier : un schéma minier et marin.

Mme la présidente. L'amendement n° 347 rectifié, présenté par MM. Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le douzième alinéa de cet article, après le mot :

économique ;

insérer un membre de phrase ainsi rédigé :

élaborer et adopter ensuite un schéma minier marin pour la Guyane ;

La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.

M. Jean-Etienne Antoinette. Avec l’exploitation aurifère en Guyane, nous sommes déjà au cœur du conflit d’intérêts opposant développement économique à court terme et préservation de l’environnement pour un développement soutenable à long terme.

Tâchons d’éviter de nous retrouver confrontés au même conflit à propos d’éventuelles activités extractives au large des côtes guyanaises.

Il paraîtrait totalement insensé de prétendre inventorier la biodiversité marine d’outre-mer afin de mieux la préserver, tout en laissant par ailleurs se développer, sans les encadrer de manière très stricte, des activités par essence polluantes, et même à l’origine de catastrophes marines.

Si l’urgence est aujourd’hui le schéma minier terrestre –  puisque le mal est fait, il doit être jugulé au plus vite –, il importe néanmoins qu’un schéma minier marin soit également élaboré très rapidement : mieux vaut en effet prévenir que guérir.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ça, c’est sûr !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Comme l’exposé des motifs de l’amendement n° 347 rectifié l’indique, des explorations au large du littoral guyanais cherchent actuellement à évaluer le potentiel d’un gisement, par exemple, de pétrole ou de nodules polymétalliques. Hélas ! n’ayant encore rien trouvé, nous ne disposons pour l’instant d’aucune connaissance sur d’éventuelles ressources.

Il serait donc inadéquat d’indiquer explicitement que le schéma minier qui est sur le point d’être finalisé, en concertation avec les collectivités locales, porte aussi sur les zones marines.

Je note par ailleurs que l’article 64 du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, ou Grenelle II, prévoit l’élaboration d’un « schéma d’orientation minière » sans indiquer que ce dernier est uniquement terrestre.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 392 et 347 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements nos 392 et 347 rectifié.

J’ajoute que leur adoption retarderait celle du schéma minier terrestre, pourtant urgente. Par ailleurs, nous ne connaissons ni la biodiversité ni les ressources des fonds sous-marins.

M. Jean-Pierre Caffet. Il s’agit donc bien d’un schéma minier terrestre !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Au stade actuel, le schéma minier est bien un schéma terrestre.

Par ailleurs, une stratégie nationale pour la mer est bien prévue dans le cadre du Grenelle II. Il convient d’adopter celle-ci avant de progresser, ainsi dotés d’une vision commune, sur les principes d’un schéma minier marin.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Vous avez bien compris, mes chers collègues, le sentiment de la commission. Si elle émet un avis défavorable, c’est uniquement pour éviter de retarder l’adoption du schéma minier, lequel, comme je l’ai dit, est à la fois terrestre et marin. Libre à vous, évidemment, de vouloir le retarder.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette, pour explication de vote.

M. Jean-Etienne Antoinette. Je me permets de rappeler à M. le rapporteur que, si nous ne disposons pas encore des conclusions des études actuellement en cours concernant la Guyane française, il y a tout de même du pétrole au Venezuela, au Guyana et au Surinam.

Par ailleurs, nous ne cherchons pas à lier les deux schémas, terrestre et marin. Nous pouvons faire en sorte que les finalisations respectives de chacun des deux schémas soient indépendantes l’une de l’autre.

Le rôle de la loi n’en est pas moins d’encadrer, de définir des règles et même d’anticiper. Notre amendement vise précisément à permettre d’anticiper.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Certes, les amendements sont, si j’ose dire, de la même veine (Sourires.), mais je pense que l’amendement n° 347 rectifié ne devrait pas poser de problème d’ordre temporel. Le texte de l’amendement précise bien que le schéma minier marin serait adopté « ensuite ». Voilà qui ne retarde en rien l’adoption du schéma minier terrestre.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Comme souvent, M. Raoul a raison. Nous pouvons donc, mes chers collègues, retenir l’amendement n° 347 rectifié, mais non l’amendement n° 392.

Mme la présidente. Monsieur Patient, l'amendement n° 392 est-il maintenu ?

M. Georges Patient. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 392 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 347 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 346 rectifié, présenté par MM. Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le douzième alinéa de cet article, après le mot :

économique ;

insérer un membre de phrase ainsi rédigé :

dans ce schéma, prévoir une augmentation progressive de la taxe aurifère spécifique de la Guyane proportionnellement aux gains des sociétés et entreprises assujetties à cette taxe ;

La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.

M. Jean-Etienne Antoinette. Avant la loi de finances rectificative pour 2008, les seules impositions spécifiques auxquelles les entreprises exploitantes d’or en Guyane étaient soumises étaient les redevances départementale et communale des mines.

Le montant de la redevance communale est de 41,9 euros par kilogramme d’or extrait. Son produit est affecté aux communes d’implantation des exploitations ainsi qu’aux communes où se trouvent domiciliés les salariés des exploitations minières.

Le montant de la redevance départementale s’élève pour sa part à 8,34 euros par kilogramme. Son produit est perçu par les départements sur le territoire desquels les mines sont exploitées.

En outre, cette redevance des mines tient lieu de taxe professionnelle en ce qui concerne les opérations d’extraction, de manipulation et de vente des matières extraites.

Les entreprises exploitantes d’or payaient donc environ 50 euros par kilogramme d’or au titre de ces deux taxes, le kilogramme d’or valant aujourd’hui 20 000 euros.

Comme vous le savez, le Président de la République a pris la décision à la fois volontariste et controversée d’interdire le projet minier de la montagne de Kaw, site de Guyane particulièrement exemplaire en termes de biodiversité.

M. Bruno Sido, rapporteur. Il a eu raison !

M. Jean-Etienne Antoinette. Ce projet devait entraîner la création de 450 emplois.

Aussi, lors de son passage en Guyane, le Président de la République a pris, devant professionnels et élus, l’engagement d’augmenter la taxe aurifère afin de favoriser, a-t-il dit, la structuration d’une véritable filière, d’impliquer davantage la région en lui permettant d’en bénéficier et d’appliquer plus rigoureusement le principe du pollueur-payeur.

C’est ainsi que la loi de finances rectificative pour 2008 a instauré une taxe au bénéfice à la fois de la région et d’un conservatoire écologique à créer en Guyane afin de mener des actions de préservation de la biodiversité.

Ces deux objectifs devaient être atteints grâce à des recettes évaluées, à ce jour, à 600 000 euros.

Je vous invite à mettre ces 600 000 euros en regard des dégâts produits par l’exploitation de l’or en Guyane. Je vous rappelle par ailleurs que la production annuelle déclarée d’or est de trois tonnes alors que son exportation atteint dix tonnes : c’est dire la part de l’extraction clandestine dans l’exploitation totale de l’or !

Il faut savoir que l’extraction d’un kilogramme d’or demande l’utilisation d’1,3 kilogramme de mercure, ce mercure qui pollue ensuite les fleuves, infecte les poissons et, de ce fait, nuit à la santé et menace la vie des populations locales, tout en privant également ces dernières de la source de revenus que constitue la vente des produits du fleuve, désormais impropres à la consommation. Le mercure est en effet un neurotoxique qui atteint les fœtus, entrave le développement psychomoteur des enfants et entraîne chez l’adulte divers troubles de la vision, de la coordination, etc.

Avouez que, vu les dégâts causés, les 600 000 euros consacrés au développement économique et à la biodiversité sont une faible somme au regard des 200 millions d’euros que rapportent dix tonnes d’or aux exploitants !

Le plus triste, le plus révoltant, lorsque l’on regarde la carte de l’imprégnation au mercure des populations – elle est disponible auprès de l’agence française de sécurité sanitaire ou de la direction de la santé et du développement social –, c’est que ce sont les Amérindiens vivant dans la Guyane la plus profonde, c’est-à-dire, en somme, les populations les plus écologiques et les plus proches de la nature, qui subissent le plus fortement les effets de la pollution au mercure. C’est un comble !

Or que représente concrètement pour les exploitations la taxe adoptée en loi de finances rectificative pour 2008 ? Elle est indexée sur le cours annuel moyen de l’or, le tarif ne pouvant, pour les petites et moyennes entreprises, être supérieur à 1 % de ce cours tel que constaté sur le marché de l’or de Londres l’année précédant celle au titre de laquelle la redevance est due.

À titre indicatif, pour le cours moyen constaté pour l’année 2008 – 19 833 euros par kilogramme –, le tarif maximum de la redevance serait de 198 euros par kilogramme. La loi précise que le tarif de la redevance ne pourra être inférieur à 40 euros.

Pour les autres entreprises – les plus grosses –, le tarif maximal de la redevance est fixé à 2 % du cours moyen de l’année précédente, sans pouvoir être inférieur à 80 euros. Une marge existe donc, et une évolution progressive du montant de la taxe, qui tienne compte à la fois du cours de l’or et de l’importance des gains, paraît totalement justifiée au regard des enjeux de la situation en Guyane.

Parallèlement, l’orpaillage clandestin doit être vigoureusement combattu.

Il est en outre évident que la recherche a déjà permis de développer des applications technologiques alternatives au mercure, moins agressives que le recours à ce dernier, telles les tables de séparation. Dans l’immédiat, la prévention envers les populations les plus exposées doit être renforcée.

Je ne vous demande pas, mes chers collègues, de fixer dès à présent la valeur, ni même les modalités de calcul de cette augmentation, puisque c’est en principe l’objet du Grenelle II. Je vous invite simplement à adopter le principe de cette augmentation. Conscients d’enjeux environnementaux aujourd’hui mondiaux, vous accomplirez ainsi un acte de responsabilité éco-citoyenne et un geste de solidarité envers la Guyane et les Guyanais.

Pour conclure, permettez-moi de citer le discours prononcé par le Président de la République en Guyane : « Lorsque j’étais ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, je m’étais étonné que la France soit le seul pays au monde à demander aux exploitants miniers 50 euros pour un kilo d’or qui en valait 15 000. Il en vaut, aujourd’hui, plus de 20 000… J’avais donc émis l’idée que l’on augmente très nettement la redevance minière et qu’on l’indexe sur la valeur de l’or des marchés mondiaux ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. L’article 99 de la loi de finances rectificative pour 2008 a instauré une taxe spécifique à la Guyane sur les quantités de minerais aurifères. L’augmentation de cette taxe proportionnellement aux gains des entreprises assujetties, outre qu’elle ne relève pas a priori d’une loi de programmation, aurait, nous semble-t-il, des conséquences néfastes sur l’industrie minière en Guyane, qui connaît déjà une situation difficile.

En effet, l’exploitation minière est pour l’essentiel artisanale, et il est nécessaire d’accompagner la modernisation du secteur minier afin que l’exploitation soit plus structurée et plus respectueuse de l’environnement. Faire peser une charge supplémentaire sur ce secteur nuirait à la modernisation souhaitée ; surtout, elle profiterait aux orpailleurs illégaux, que l’on essaie par ailleurs de combattre.

Cependant, mon cher collègue, je vous ai écouté très attentivement. Vous avez souligné que le Président de la République avait fait une promesse allant dans le sens de votre demande. Aussi, je me tourne vers le Gouvernement, dont je souhaite entendre l’avis.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Une nouvelle taxe minière a été effectivement créée dans la loi de finances rectificative, ce qui revenait en fait à multiplier par dix la précédente taxe et à appliquer un taux porté de 0,2 % à 2 %. Cela a permis de rétrocéder 1,5 % aux collectivités, les 0,5 % restants allant à la biodiversité, et de nous situer à un niveau de taxes correspondant à celui qui est pratiqué dans les pays voisins. Nous avons donc déjà répondu à votre attente, monsieur le sénateur.

En outre, le principe de cette taxe ne peut pas être lié au schéma minier, dont l’objet est d’encadrer d’autres aspects, notamment les équilibres entre le maintien de la biodiversité et l’exploitation des ressources.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Antoinette, l’amendement n° 346 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Etienne Antoinette. J’ai bien entendu les observations de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État. Mais que sont 600 000 euros de recettes en regard des 200 millions d’euros de bénéfices ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Non, 200 millions d’euros, c’est le chiffre d’affaires !

M. Jean-Etienne Antoinette. Je ne rappellerai pas non plus la situation économique de la Guyane, la nécessité de trouver des sources de financement pour, précisément, son développement, en particulier pour les populations les plus touchées : les populations amérindiennes et bushinenge, qui vivent le long des fleuves aujourd’hui pollués de par ces activités.

Bien sûr, tout le monde est favorable au soutien de l’activité économique ! Aujourd’hui, il s’agit de retenir le principe d’une augmentation : nous sommes bien dans l’esprit de la loi, puisque nous souhaitons non pas fixer la progressivité de la taxe, mais appliquer un principe partagé par tous, à savoir le principe pollueur-payeur. Le Président de la République n’évoquait-il pas, hier encore, la taxe carbone ?

Je maintiens l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement no 346 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement no 393, présenté par MM. Patient, Antoinette, Tuheiava, Lise, S. Larcher, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le quatorzième alinéa de cet article, après les mots :

bassins versants ;

insérer un membre de phrase ainsi rédigé :

assurer un égal accès à l'eau potable à tous les citoyens ;

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Cet amendement vise à assurer un égal accès à l’eau potable à tous les citoyens de Guyane.

La situation dans ce domaine est en effet honteuse et reflète bien la réalité guyanaise, réalité que le Gouvernement connaît d’ailleurs très bien.

En effet, en 2005, une mission d’expertise sur l’alimentation en eau potable en Guyane était commandée par M. Gilles de Robien, alors ministre de l’équipement, des transports, de l’aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, et M. Serge Lepeltier, ministre de l’écologie et du développement durable.

Dans une lettre commune du 8 février 2005, ils écrivaient ceci : « La Guyane, département français d’outre-mer de 90 000 kilomètres carrés, est caractérisée par une croissance démographique exceptionnelle évaluée à 5 % par an qui génère des besoins en infrastructures publiques essentielles particulièrement importants. En dépit de la mobilisation conjuguée des fonds structurels européens, des financements de l’État et de la contribution des collectivités locales, la région continue à accuser un retard inquiétant, notamment en matière de production et d’adductions en eau potable. Cette situation entraîne des risques sanitaires majeurs, en particulier pour les populations des communes isolées au sein desquelles la fréquence des troubles intestinaux d’origine hydrique est très préoccupante. Mais le risque de dégradation de l’accès à l’eau potable existe désormais également dans certains des principaux centres urbains comme Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni, en raison de l’écart grandissant entre l’augmentation des besoins de la population et les capacités de production. »

Quant au rapport de la mission, il concluait ainsi : « les infrastructures et les équipements sont insuffisants, qu’il s’agisse des routes, des ports, de la situation énergétique, ou encore, le rapport l’illustre, de l’eau potable et de son pendant, l’assainissement, en complète déshérence. La Guyane ne bénéficie pas, tant s’en faut, de l’égal accès aux équipements de base et aux services de première nécessité comme l’AEP [alimentation en eau potable], tel qu’affirmé dans le troisième rapport de cohésion de la Commission européenne. La Guyane est un territoire réellement en détresse, la satisfaction des besoins en eau potable – une eau saine pour tous, partout et à tout instant – apparaissant comme LA mesure de priorité absolue pour tenter de contrecarrer cette évolution ».

Aujourd’hui, la situation n’a guère évolué et le constat est sans appel. Selon le ministère de l’agriculture et de la pêche, la part de logements non desservis en eau potable est, en Guyane, de 4 % dans les communes de plus de 10 000 habitants et de 40 % dans les plus petites communes. En milieu rural, en effet, où la densité est extrêmement faible, certains villages n’ont aucune installation et offrent par conséquent un terrain propice au développement des maladies liées à l’eau. Cela pose de graves problèmes de santé publique : entre 1995 et 2004, il a fallu faire face à dix épidémies de typhoïde. L’eau est souvent distribuée gratuitement, mais douze des vingt-sept installations contrôlées par la direction de la santé et du développement social connaissent des problèmes bactériens ou ne fonctionnent plus à cause du manque d’entretien.

Il est donc urgent de mettre en place un système d’alimentation en eau potable pérenne qui garantisse ce droit fondamental.

De la même manière que les députés ont obtenu que soit inscrit le droit à l’égal accès de tous les citoyens à l’électricité, j’aimerais que le Sénat se préoccupe du droit à l’égal accès à l’eau potable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Mon cher collègue, il est indiqué dans la loi sur l’eau – nous avions voté cette disposition dans un article additionnel inséré avant même l’article 1er, me semble-t-il – que « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

Je pourrais donc vous opposer que votre amendement est satisfait.

Pourtant, je ne le ferai pas, considérant que nous pouvons effectivement inscrire dans la loi le droit à l’égal accès de tous à l’eau potable, comme nous l’avons fait pour l’électricité.

J’émets par conséquent un avis favorable sur l’amendement n° 393.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Même avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 393.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement no 394, présenté par MM. Patient, Antoinette, Tuheiava, Lise, S. Larcher, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le quatorzième alinéa de cet article par un membre de phrase ainsi rédigé :

en particulier, en Guyane, procéder sans délai, à des analyses sur tous les forages d'alimentation en eau potable et en cas de détection positive apporter rapidement des solutions durables ;

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Cet amendement est le pendant du précédent en ce sens qu’il aborde la question des pollutions aquatiques, problème malheureusement récurrent en Guyane.

En 2003, le taux d’incidence des maladies entériques dépassait le seuil de 25 dans une commune de l’intérieur et celui de 5 dans quatre autres. De 1995 à 2004, la Guyane a connu dix phénomènes épidémiques de typhoïde, dont huit sur le Maroni et deux sur l’Oyapock. Le problème du mercure sur les zones d’orpaillage clandestin – mon collègue l’évoquait tout à l’heure – a également été largement abordé par les élus guyanais.

Pour ma part, je suis actuellement confronté à un problème de pollutions aquatiques. En effet, le 30 juillet 2008, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, a remis un rapport faisant état d’une radioactivité supérieure aux normes admises dans l’eau du réseau public de Javouhey, qui dépend de la commune dont je suis le maire. Par mesure de précaution, la consommation et l’utilisation de l’eau ont donc été déclarées fortement déconseillées aux nourrissons, aux femmes enceintes et aux enfants.

Il existe de nombreux forages de ce type en Guyane. Aussi, au nom du principe de précaution, des analyses doivent être effectuées sans délai sur tous les forages d’alimentation en eau potable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement me semble satisfait.

Certes, l’eau pose un vrai problème de santé publique en Guyane, situation qui peut être rapprochée de la pollution des sols aux Antilles liée au paraquat et au chlordécone. Cependant, l’ensemble de ces problèmes sont visés à l’article 49, où est prévu « un programme pour remédier à la pollution des sols par les substances dangereuses ».

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Javouhey représente effectivement un cas particulier pour lequel des mesures spécifiques vont être prises. Ailleurs, nous disposons d’ores et déjà des moyens nécessaires pour assurer normalement le suivi et la détection.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Patient, l'amendement no 394 est-il maintenu ?

M. Georges Patient. Le problème de Javouhey, c’est vrai, est bien connu. Mais nombre de petites communes de l’intérieur sont alimentés par des forages d’alimentation en eau, et je ne sache pas que des analyses aient été pratiquées pour tous !

D’après les informations dont je dispose, ces analyses tendant à la recherche de particules radioactives coûtent très cher, ce qui expliquerait que, pour l’heure, elles n’aient été réalisées que pour une commune du littoral. Je souhaite qu’elles soient étendues à tous les forages d’alimentation en eau potable existant en Guyane.

Je maintiens donc mon amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement no 394.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement no 348 rectifié, présenté par MM. Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du seizième alinéa de cet article par les mots :

sans négliger la piste du transport ferroviaire, dans une perspective de désenclavement, de meilleure préservation des espaces naturels et agricoles, de limitation de l'usage de la voiture individuelle et de développement durable

La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.