compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

Mme Christiane Demontès.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Déclaration de l'urgence d'un projet de loi

M. le président. Par lettre en date du 16 février 2009, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat, qu’en application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l’urgence du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer (n° 496, 2007-2008).

3

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat le rapport relatif au bilan et aux orientations de la politique du handicap, établi en application de l’article L. 114-2-1 du code de l’action sociale et des familles.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

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Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Impact du prix du gaz trop élevé sur les activités des serristes

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, auteur de la question n° 419, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Gérard Longuet. Ma question s’adressait initialement à M. le ministre d’État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui a la responsabilité de la politique de l’énergie dans votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, mais je me réjouis que vous puissiez me répondre, car votre connaissance de la vie des entreprises et des questions de l’énergie me rassure sur l’attention que vous porterez à la démarche d’une filière nationale.

La production agricole sous serre, dont le secteur compte près de 10 000 actifs et 7 000 salariés, est présente sur l’ensemble du territoire aussi bien dans des régions de tradition – vous le savez bien, monsieur le président – que dans des régions moins bien servies par la nature, par le soleil notamment, mais qui ont développé des activités de production de qualité à l’image des pays du nord de l’Europe et de notre principal concurrent, les Pays-Bas.

Ces activités sous serre nécessitent évidemment un soutien en matière de combustible et près de 80 % des serristes français ont choisi le gaz naturel. Ils y ont d’ailleurs été fortement incités et aidés depuis près de vingt-cinq ans par les pouvoirs publics, considérant que le gaz naturel est l’une des formes les moins agressives, les plus raisonnables et les plus maîtrisées de combustible pour ce type d’activité.

En France, pour le gaz naturel, il n’y a pas de libre confrontation de l’offre et de la demande, il y a une régulation des tarifs. C’est un choix des gouvernements successifs, qui n’a pas été remis en cause par le vôtre, monsieur le secrétaire d’État.

Le Gouvernement a été amené à fixer les règles d’évolution de cette régulation des tarifs en tenant compte du prix du baril de pétrole, qui est l’indicateur dominant en matière d’énergies fossiles, auxquelles le gaz naturel est nécessairement lié.

C’est la raison pour laquelle, en 2008, année d’explosion du prix du baril – au moins au premier semestre – le Gouvernement a été amené à augmenter d’une façon significative le prix du gaz, dont ont besoin les serristes, avec une hausse de 20 % entre le 1er janvier 2008 et le 15 août 2008.

Or, le 15 août 2008 a eu lieu la dernière augmentation du prix du gaz, qui est en décalage par rapport à l’évolution du prix du baril. Depuis cette date, le prix du baril n’a cessé – heureusement pour l’économie mondiale – de décroître fortement. Après avoir, au mois de juillet 2008, atteint des sommets à plus de 140 dollars le baril, il est redescendu à environ 40 dollars.

Or, depuis huit mois, le Gouvernement n’a pris aucune décision en matière de régulation du tarif du gaz naturel, de telle sorte que ce qui valait à la hausse ne vaut pas, semble-t-il, à la baisse.

La régulation n’a pas été affectée par la diminution spectaculaire du prix du baril et le prix du gaz naturel est toujours déterminé aujourd’hui, en février 2009, en fonction de considérations qui valaient en août 2008, au moment où le baril était à 140 dollars. Or, il n’est plus qu’à 40 dollars.

La filière est aujourd’hui gravement menacée par des coûts de production reposant principalement sur le prix du combustible, en l’occurrence le gaz naturel, qui sont tout à fait préjudiciables pour l’équilibre économique de cette branche et menacent gravement la poursuite de cette activité, dont je rappelais à l’instant qu’elle emploie des salariés sur l’ensemble du territoire français, dans le Midi notamment, monsieur le président, mais également en Lorraine, y compris dans le département de la Meuse.

Je souhaiterais donc savoir, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement va tirer les leçons d’une régulation qui fonctionne à la hausse et qui manifestement ne fonctionne pas à la baisse.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le sénateur, votre question démontre d’abord votre parfaite connaissance du secteur de l’énergie et des défis auxquels sont confrontés les producteurs sous serre, qui subissent de plein fouet les variations du coût de l’énergie.

Je vais m’attacher à répondre à votre question très claire. Si, toutes choses égales par ailleurs, le prix du baril n’évolue pas, nous devrions, dans les prochaines semaines, avoir à donner une bonne nouvelle aux producteurs qui vous ont mobilisé.

S’agissant du gaz naturel, qui est importé à plus de 98 %, comme vous l’avez dit, les hausses effectuées en France ces dernières années n’ont fait que refléter l’évolution des coûts d’approvisionnement des fournisseurs sur les marchés internationaux. Ainsi, Gaz de France-Suez se fournit dans le cadre de contrats à long terme géographiquement diversifiés, notamment auprès des grands pays producteurs : la Norvège, les Pays-Bas, la Russie, l’Algérie. Ces contrats prévoient que les coûts d’achat du gaz sont indexés, vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, sur les cours des produits pétroliers. Le principe d’indexation, mis en place de longue date, permet de garantir la compétitivité du gaz vendu, dans la mesure où celui-ci est substituable aux produits pétroliers avec lesquels il entre en concurrence.

L’évolution des coûts d’approvisionnement de Gaz de France-Suez se répercute dans ses tarifs réglementés de vente, conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi du 3 janvier 2003, selon une formule de lissage convenue avec les pouvoirs publics, indépendante des contraintes éventuelles de rentabilité retenues par les acteurs des marchés financiers.

Le principe du lissage se veut protecteur du consommateur final, atténuant la variabilité des prix et induisant, de ce fait, un effet retard.

Ainsi, le calcul des coûts d’approvisionnement est réalisé, préalablement à chaque date d’évolution tarifaire, à partir de la moyenne des cours des produits pétroliers de référence et du taux de change entre l’euro et le dollar sur une période de six mois se terminant un mois avant la date du mouvement tarifaire, selon la formule de lissage dite « 6-1-3 ».

À titre d’exemple, un mouvement au 1er janvier répercute le cours moyen des produits pétroliers de référence des mois de juin à novembre de l’année précédente. Les trois mouvements tarifaires de 2008 ont répercuté un baril de pétrole d’une valeur moyenne de 56 euros au 1er janvier 2008, 61 euros au 1er avril 2008 – le mouvement a été décalé fin avril – et 67 euros au 1er juillet 2008, le mouvement ayant également été décalé au 15 août 2008.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, le prix du pétrole ayant atteint des records aux mois de juin, juillet et août 2008, toute évolution tarifaire à court terme conduirait à une nouvelle augmentation des tarifs. C’est pour cette raison qu’elle n’a pas été décidée.

En ce qui concerne les exploitants du secteur de la production légumière et horticole sous serre, je souhaite rappeler que, à l’occasion du mouvement d’avril 2008, la hausse moyenne effectuée n’a pas été totalement répercutée sur le tarif Telnuit dont ils bénéficient. II s’agissait alors d’une mesure de soutien à la profession des serristes.

Toutefois, dans son avis consultatif sur ce mouvement tarifaire, la Commission de régulation de l’énergie a indiqué que cette décision risquait de créer des distorsions de concurrence.

Par ailleurs, pour respecter la hausse moyenne décidée par le Gouvernement, Gaz de France-Suez a dû appliquer une hausse sensiblement plus forte sur les autres tarifs, en particulier ceux des immeubles d’habitation chauffés collectivement au gaz naturel, parmi lesquels figurent de nombreux logements sociaux. Dans ces conditions, il n’est pas envisagé d’accorder un traitement tarifaire préférentiel au bénéfice des serristes.

En revanche, le tarif Telnuit évoluera comme l’ensemble des tarifs réglementés du gaz naturel à l’occasion du prochain mouvement tarifaire à la baisse prévu au printemps, si toutefois les prix pétroliers se maintiennent durablement à leur niveau actuel. Une baisse des tarifs interviendra donc dans les semaines qui viennent.

Dans l’immédiat, d’autres pistes, non tarifaires, d’aide à la profession des serristes pourraient être explorées. J’observe notamment que Gaz de France-Suez a pris plusieurs initiatives à l’égard de la clientèle concernée depuis plusieurs années, en particulier sur le plan de l’amélioration de leur performance énergétique.

En outre, Gaz de France-Suez a développé un service de lissage trimestriel des paiements, répondant ainsi au besoin spécifique de trésorerie de la profession. La convention de partenariat signée en octobre 2008 avec la Fédération nationale des producteurs de légumes a reconduit ces mesures pour 2009.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, des mesures seront prises dans les prochaines semaines dans une perspective plus favorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le secrétaire d’État, je note que les pouvoirs publics attachent une attention particulière à cette profession. Le grand rendez-vous de l’agriculture qu’est le salon international de l’agriculture, qui ouvrira ses portes le 21 février prochain, sera, je l’espère, l’occasion pour les serristes d’avoir une explication franche et loyale avec le ministre de l’agriculture et de la pêche, chargé de la profession, et le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui en est sans doute plus éloigné, mais qui, dans ce cas particulier, tient la clé de leurs revenus et de leur capacité à survivre.

Compte tenu des mouvements erratiques violents constatés sur le marché des matières premières, notamment sur celui de l’énergie, il serait sans doute raisonnable d’imaginer un système plus réactif – sinon à la hausse ! – du moins à la baisse, car les serristes ont vraiment le sentiment de payer les conséquences d’une rigidité au détriment de leur activité et de leur capacité à maintenir l’emploi.

avenir du site de meymac appartenant au groupe pharmaceutique bristol-myers squibb

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, auteur de la question n° 407, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Mme Bernadette Bourzai. Ma question s’adressait à Mme Christine Lagarde, mais je remercie M. Hervé Novelli de bien vouloir me répondre.

Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation du laboratoire pharmaceutique américain Bristol-Myers Squibb, BMS, qui se place au neuvième rang des groupes pharmaceutiques mondiaux avec un chiffre d’affaires de 18 milliards de dollars, 44 000 salariés dans le monde entier et 50 filiales.

En France, le groupe BMS emploie 3 280 salariés et détient quatre sites de production et de conditionnement à vocation européenne, deux à Agen, en Lot-et-Garonne, un à Meymac, en Corrèze, et un à Épernon, en Eure-et-Loir.

Le groupe BMS a annoncé, à la fin de 2007, un large plan de restructuration qui passera par la suppression de 4 300 emplois, soit 10 % de ses effectifs actuels, et la réduction de ses coûts à hauteur de 1,5 milliard de dollars, dont 50 % d’économies sur ses sites de fabrication.

La fermeture du site de Meymac, en Corrèze, département rural bien connu des Français, à l’horizon de juin 2010, a été annoncée par le comité central d’entreprise en septembre dernier, ainsi que celle d’Épernon, dont la fermeture est programmée pour la fin de l’année 2009.

Le site de Meymac, construit en 1990, se caractérise par son implication dans la lutte contre le VIH et le sida, notamment au travers de son programme ACCESS, qui permet d’exporter des médicaments à prix fortement réduits vers des pays en voie de développement : 60 % de ses fabrications sont exportés. Ce site emploie 163 salariés, mais on peut estimer les emplois induits dans le bassin d’emploi d’Ussel-Meymac à 200.

C’est donc une filière d’activités très importante pour l’économie de la zone rurale du plateau de Millevaches qui va disparaître, alors que ce bassin d’emploi a déjà subi récemment d’importantes mutations économiques et s’est déjà engagé dans un « contrat de site ».

Je rappelle que l’industrie ne représente plus que 15 % de la population active en France, au lieu de 24 % dans les années quatre-vingt. Ce déclin régulier de l’appareil productif engendre, depuis plusieurs années, des crises sectorielles, régionales et locales, et la fermeture du site de Meymac en est une étape supplémentaire.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour pallier les conséquences du désengagement programmé de BMS ? Comment le Gouvernement peut-il agir pour que l’industrie pharmaceutique de production se maintienne en France ? Enfin, comment comptez-vous aider ce bassin d’emploi corrézien en difficulté ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Madame la sénatrice, comme vous l’avez souligné, le laboratoire américain Bristol-Myers Squibb, présent dans des domaines thérapeutiques majeurs tels que les maladies cardiovasculaires, la virologie ou encore l’oncologie, a annoncé, le 25 septembre dernier, son intention de se désengager d’ici à 2010 des sites français d’Épernon et de Meymac, qui compte 172 salariés et produit des traitements contre le sida.

Je connais particulièrement bien le site de Meymac, car j’ai eu l’occasion d’y piloter l’implantation de ce groupe dans les années 1986-1988, alors que j’avais l’honneur d’appartenir au cabinet du ministre de l’industrie de l’époque. Je déplore donc cette annonce, car je m’étais justement mobilisé il y a maintenant près de vingt ans en faveur de l’installation de cette usine.

BMS se place aujourd'hui en quatorzième position sur le plan mondial, alors qu’il était en quatrième position il y a dix ans. À l’évidence, la situation concurrentielle de BMS s’est détériorée dans un contexte global de généralisation de l’utilisation des génériques et du déremboursement des médicaments.

Le groupe, propriété d’UPSA, souhaite se réorienter vers des produits à plus haute valeur ajoutée et la « biopharma » tout en se réorganisant, ce qui passe par la réduction de ses coûts annuels à hauteur de 1,5 milliard de dollars  et la suppression de 10 % de ses effectifs, soit 4 300 postes, ainsi que la réduction de moitié de ses usines dans le monde, dont le nombre s’élève aujourd’hui à 36.

Dans ce contexte, le groupe souhaite ne conserver qu’un seul site en France, celui d’Agen, qui emploie actuellement un millier de personnes et fabrique l’Efferalgan, médicament bien connu, et les produits effervescents. L’activité du site de Meymac produisant 95 % des produits matures, concurrencés par les génériques, serait transférée à Agen.

Le souhait de BMS est de pouvoir anticiper la fermeture de ce site en cherchant des solutions de réutilisation par un acteur industriel. Ainsi a-t-il mandaté le cabinet BPI à cet effet. Le groupe s’engagera donc dans une démarche de revitalisation du site, notamment pour s’acquitter de son obligation légale, définie par l’article L. 1233-84 du code du travail.

Enfin, nous l’espérons, le contrat de site qui a été engagé sur le bassin d’emploi d’Ussel devrait pouvoir être valablement mis à profit pour atténuer les effets négatifs de cette restructuration sur le territoire.

Face au mouvement global de réorganisation de l’ensemble de l’industrie pharmaceutique et de restructuration de ce groupe, dont la situation est plus difficile en cette période de crise, le Gouvernement est totalement mobilisé pour trouver une issue avec les salariés et les élus locaux de Meymac et fera tout pour gérer au mieux ce dossier.

Tels sont les éléments que je puis vous apporter, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Je tiens à vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, même si vous ne me laissez pas beaucoup d’espoir.

Puisque vous vous êtes impliqué dans l’implantation du laboratoire Bristol-Myers Squibb à Meymac, vous devez savoir qu’il s’agit d’une usine récente extrêmement performante, dont on nous disait qu’elle présentait toutes les caractéristiques d’une usine environnementale et citoyenne. Or je regrette beaucoup que, vingt ans à peine après son installation, on en soit réduit à sa fermeture dans l’immédiat. Avec mes collègues du conseil général et du conseil régional et en coordination avec l’État, nous nous employons d’ailleurs à trouver une solution de reprise du site.

Cela dit, cette stratégie d’entreprise, qui correspond à une adaptation de l’industrie pharmaceutique, n’est pas justifiée par des raisons économiques. Je tiens à souligner que le groupe Bristol-Myers Squibb a réalisé un bénéfice de 1,6 milliard de dollars en 2006 et de 5,2 milliards de dollars en 2008 ! Cela signifie qu’il ne fait pas le choix de favoriser l’emploi, ce que je déplore vivement, tout comme les employés de ce groupe, en grève, que j’ai rencontrés hier après-midi. Je puis vous dire que cette situation est vraiment désastreuse pour eux, car ils n’ont pratiquement aucune chance de retrouver un emploi dans ce secteur.

Pour conclure, je vous invite, monsieur le secrétaire d'État, à consulter le site internet de BMS. Vous y verrez une gracieuse silhouette qui semble attraper la lune, accompagnée du slogan suivant : « Pour BMS, rien n’est impossible ». Malheureusement, pour les employés de Meymac, le pire est possible !

Délocalisations et crise des équipementiers automobiles en Haute-Garonne

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, auteur de la question n° 410, transmise à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le secrétaire d’État, la crise aiguë que traverse depuis plusieurs mois le secteur des équipementiers automobiles français me conduit à vous faire partager ma profonde inquiétude sur la pérennité des emplois des milliers de salariés concernés.

Les constructeurs recourent quasi systématiquement au chômage technique, afin de préserver les effectifs sur leurs chaînes de production. Depuis septembre dernier, plus de 12 500 suppressions d’emplois ont déjà été annoncées. La chute des ventes et les délocalisations sont pointées du doigt.

Le Président de la République a pris des engagements précis à Douai et à Rethel, pour interdire les délocalisations dans l’industrie automobile.

Le Gouvernement a d’ailleurs octroyé un plan de relance exceptionnelle aux grands constructeurs automobiles nationaux. Pour sa part, M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie, Luc Chatel, a organisé des états généraux de l’automobile le 20 janvier dernier.

Aujourd’hui, l’heure est non plus aux engagements, mais aux actes.

C’est la situation de milliers d’hommes et de femmes sur le terrain qui me préoccupe, et tout particulièrement celle des entreprises de sous-traitance en équipements automobiles, notamment électroniques et plastiques. Les salariés et leurs familles vivent cette chronique d’une mort annoncée sur l’ensemble du territoire français, et le département de la Haute-Garonne ne fait malheureusement pas exception.

Je voudrais illustrer mes propos en évoquant le regrettable exemple du site Molex, à Villemur, qui concentre tous les paradoxes.

Ce groupe, détenu à 70 % par des fonds de pension américains, a fait 1,2 million d’euros de bénéfices en France en 2008, mais il n’a pas réinvesti depuis plusieurs années. Il a même procédé à la délocalisation de ses usines du Portugal et d’Inde vers la Slovaquie et la Chine.

Son usine de Villemur emploie aujourd’hui 300 salariés. La fermeture de ce site devrait intervenir en juin prochain, au profit d’une délocalisation vers la Slovaquie. Pourtant, voilà quelques jours, un dernier rebondissement est intervenu, le groupe ayant annoncé la fermeture de ses usines allemandes et slovaques.

Cette annonce, loin de nous rassurer sur la pérennité du site de Villemur, rappelle l’urgence de trouver une sortie de crise. Je voudrais ici rendre hommage à la mobilisation sans pareille de l’ensemble des salariés, de la population et des élus de la commune, du département et de la région. Cette mobilisation a permis d’empêcher jusque-là un déménagement brutal et prématuré des chaînes de montage.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple. Conformément aux engagements pris par le Président de la République pour la relance du secteur automobile français et la lutte contre les délocalisations, quelles mesures exceptionnelles comptez-vous prendre pour pérenniser le site Molex à Villemur ou, le cas échéant, quelle aide l’État compte-t-il apporter pour permettre un plan de reclassement des 300 salariés et de réindustrialisation du site ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Madame la sénatrice Françoise Laborde, vous me posez deux questions : la première concerne l’avenir du site de Molex de Villemur-sur-Tarn et la seconde est relative à la teneur du plan automobile annoncé par le Président de la République le 9 février dernier.

Permettez-moi tout d’abord, madame la sénatrice, de rectifier quelques-unes des informations que vous venez de nous donner.

Contrairement à ce que vous indiquez, le groupe Molex a annoncé des pertes le 23 janvier, pour la première fois de son histoire, et son chiffre d’affaires continue de se dégrader. Molex, dont les pertes devraient atteindre 67 millions de dollars sur l’exercice 2009, va engager le licenciement de 8 200 personnes dans le monde, sur un effectif de 33 000, et réduire ses divisions industrielles de cinq à trois, en supprimant la division Transport et en ne conservant que trois usines de sous-traitance automobile en Chine, aux USA et en Italie. Les sites de Slovaquie et d’Allemagne, où devait prétendument être délocalisée la production de Villemur-sur-Tarn, seront aussi fermés. Cette annonce est très récente.

Le dossier de Molex a défrayé la chronique depuis le mois d’octobre dernier. Il a fait pourtant l’objet d’une attention particulière de mon collègue Luc Chatel, qui a reçu personnellement tour à tour les élus du comité d’entreprise, la direction de l’entreprise et les élus locaux pour trouver des solutions à la restructuration annoncée.

Ces solutions passent inévitablement par la restauration de la confiance entre direction et syndicats qui n’ont eu de cesse, les uns et les autres, de jouer la carte du contentieux, ce qui n’est pas la meilleure chose ! La reprise du dialogue devrait permettre de construire un plan de sauvegarde de l’emploi de qualité et des pistes de réindustrialisation et de revitalisation du bassin d’emplois avec pour objectif le maintien d’un maximum d’emplois.

Vous avez par ailleurs évoqué le pacte automobile annoncé lundi 9 février par le Président de la République.

Ce pacte automobile marque vraiment une rupture par rapport à la situation antérieure. En effet, il redéfinit complètement les rapports entre donneurs d’ordre et sous-traitants au sein de la filière. Concrètement, les constructeurs se sont engagés sur trois points essentiels.

Premièrement, conformément à la loi de modernisation de l’économie, qui vise à ramener les délais de paiement à quarante-cinq jours fin de mois à compter du premier janvier de cette année, ils s’engagent à raccourcir les délais de paiement, ce qui est fondamental pour la trésorerie et donc la survie des sous-traitants.

Deuxièmement, les constructeurs ont signé un code de bonnes pratiques. Ils s’engagent notamment à ne pas imposer aux sous-traitants une part minimale d’achat effectué à l’étranger, dans des pays dits « low cost ». C’est un point fondamental pour le Gouvernement et essentiel pour pérenniser la filière automobile sur notre territoire.

Troisièmement, les constructeurs se sont engagés à hauteur de 400 millions d’euros, qui s’ajoutent aux 200 millions d’euros de la Caisse des dépôts et consignations, pour abonder un fonds d’investissement pour la modernisation des équipementiers.

L’enjeu est simple : il s’agit de faire émerger des sous-traitants plus forts, plus performants, plus à même de faire des investissements et d’établir des rapports de force équilibrés avec les constructeurs.

Toutes ces mesures sont très importantes. Pour autant, il ne faut pas se voiler la face. La crise sera longue, dure, et les restructurations ne vont pas s’arrêter du jour au lendemain. Il est de ma responsabilité de tenir un langage de vérité.

Dès lors, l’enjeu fondamental pour le Gouvernement est de préserver les compétences. Nous activons, pour se faire, deux leviers.

D’abord, l’État augmente sa contribution au financement du chômage partiel des entreprises du secteur automobile.

Ensuite, nous accompagnons les entreprises dans la mise en place de formations durant ces périodes de chômage partiel, afin de sortir de la crise avec des salariés plus compétents et mieux formés. C’est en particulier l’objet de la charte automobile.

Nous sommes engagés dans un effort collectif sans précédent à l’égard du secteur automobile, si important pour l’économie française. Cet effort repose sur une approche volontariste et nouvelle de limiter les effets des restructurations pour les salariés les plus fragiles.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Je remercie M. le secrétaire d’État de sa réponse.

Nous espérons que le pacte automobile portera ses fruits à court et à long termes. Nous resterons d’autant plus vigilants que les délocalisations et les fermetures des petites entreprises auxquelles nous assistons un peu partout en France sont en contradiction avec la création des bassins de vie que nous essayons de prôner, surtout en zone rurale dans les petites communes.