M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est dans un esprit constructif remarquable que notre Haute Assemblée a examiné, amendé et enrichi ce projet de loi qui va apporter - le groupe UMP en est certain - une réponse pérenne à la crise sociale et économique qui touche les départements d’outre-mer.

Un certain nombre de mesures urgentes et à moyen terme ont été finalisées à l’issue des négociations entre les syndicats et le Gouvernement. La plupart d’entre elles sont d’ordre réglementaire et ne pouvaient naturellement pas faire l’objet de dispositifs législatifs.

Pour la partie législative, celle qui nous concerne, le groupe UMP se félicite des avancées de ce texte.

Un certain nombre de solutions ont été apportées, qui devraient permettre de soutenir l’économie ultramarine, afin de répondre à un chômage endémique et endogène, qui ne doit cependant pas être une fatalité.

Les zones franches d’activité et les exonérations de charges sociales, entre autres mesures, vont encourager l’activité économique et donc forcément l’emploi.

D’autres mesures, en faveur du logement social par exemple, que notre collègue et rapporteur pour avis Anne-Marie Payet a évoqué, vont également aider nos compatriotes en difficulté, en leur permettant d’améliorer leurs conditions de vie.

Toutefois, les changements les plus structurels seront opérés à l’issue des états généraux de l’outre-mer – nous saluons M. le délégué général à l’outre-mer ici présent –, qui s’ouvriront après le vote du texte dont nous discutons aujourd’hui.

Le rôle du Sénat sera prépondérant, grâce aussi à la mission commune d’information chargée d’évaluer la situation des départements d’outre-mer, que le Sénat a mise en place sur la proposition de l’ensemble des présidents des groupes politiques de la Haute Assemblée, et dont de nombreux membres sont présents ce soir encore à cette heure.

Le groupe UMP ne doute pas que les travaux de cette mission et que les états généraux se dérouleront dans le même état d’esprit que celui qui a présidé aux travaux sur le projet de loi de développement économique de l’outre-mer.

Au-delà de nos divergences politiques, nous avons réussi à nous retrouver sur l’essentiel.

Un grand nombre de dispositions ont été votées à l’unanimité – ce que les présidents de séance ont justement souligné –, grâce à un travail en profondeur de l’ensemble des sénateurs ultramarins.

Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à saluer votre compétence, votre qualité d’écoute, l’ouverture dont vous avez fait preuve, y compris envers l’opposition, et l’attention bienveillante que vous avez portée sur un certain nombre d’amendements sénatoriaux, que vous avez parfois préférés à d’autres amendements du Gouvernement.

Je tiens également, au nom du groupe UMP, à saluer le travail de nos rapporteurs : pour la commission des finances, Éric Doligé, qui s’est beaucoup investi, mais aussi Marc Massion, qui a travaillé dans un bel esprit de consensus et d’ouverture, sans oublier naturellement l’éminent président Jean Arthuis, ainsi que les excellents rapporteurs pour avis, Anne-Marie Payet, Jean-Paul Virapoullé et Daniel Marsin.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote.

M. Gaston Flosse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, en plus de trente ans de vie parlementaire, je me suis très rarement abstenu lorsqu’un projet de loi concernant l’outre-mer était soumis à notre vote. C’est pourtant ce que je vais faire ce soir, à regret mais sans hésitation !

En conscience, je ne peux pas voter contre ce projet de loi parce que je suis, comme je l’ai toujours été, solidaire des autres collectivités d’outre-mer.

Les points positifs de ce texte, en particulier pour les départements d’outre-mer, sont incontestables. Je ne voterai pas contre des dispositions qui peuvent apporter une amélioration à la situation de mes compatriotes des Antilles, de la Guyane et de la Réunion.

Mais un élu de la Polynésie française ne peut pas, par son vote, apporter son soutien à un projet qui marque pour nous une régression par rapport à la loi de programme de 2003.

J’ai proposé des amendements raisonnables qui ne remettaient pas en cause l’équilibre du projet de loi. Tous ont été rejetés.

J’observe d’ailleurs que la quasi-totalité des amendements présentés par l’opposition ont été rejetés. On peut légitimement se demander - et je suis certain de ne pas être le seul à me poser cette question - si le secrétaire d’État et la majorité se prononcent vraiment sur le contenu des amendements ; ne se prononceraient-ils pas plutôt sur la couleur politique de celui qui les défend ?

La réponse à cette question ne fait guère de doute quand on regarde la liste des amendements acceptés ou rejetés.

Je ne peux pas cautionner une telle partialité. Je m’abstiendrai donc.

M. le président. M. Gaston Flosse me donne l’occasion de préciser que, sur 444 amendements déposés, 90 amendements ont été adoptés : 27 du Gouvernement, 6 de la commission des lois, 4 de la commission des finances, 2 de la commission des affaires sociales, 7 de la commission des affaires économiques, 6 du groupe Union centriste, 19 du groupe UMP, 1 du groupe CRC-SPG, 6 du groupe RDSE, 11 du groupe socialiste et 1 de la réunion administrative des non-inscrits.

La parole est à notre collègue Daniel Marsin, pour explication de vote.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis des conditions dans lesquelles nous avons étudié ce texte qui, du début jusqu’à la fin de ce débat, a bénéficié d’une très bonne ambiance de travail, même si les uns et les autres ont exprimé assez clairement leur position.

Monsieur le secrétaire d’État, votre projet de loi est apparu dans un contexte très particulier lié à la situation de crise que connaissaient la plupart des départements d’outre-mer. Compte tenu des revendications qui se sont exprimées, des attentes particulières existaient par rapport à ce projet de loi, qui allaient en réalité au-delà de ses objectifs et de ses moyens.

Nous savons qu’au départ 1,35 milliard d’euros étaient prévus ; nous sommes passés à 1,5 milliard d’euros et, après les quelques ajustements auxquels nous avons procédé, peut-être sommes-nous maintenant à 1,6 milliard, voire 1,7 milliard d’euros. Il faut donc reconnaître qu’en termes de moyens un effort significatif a été fait.

Les objectifs étaient, me semble-t-il, assez clairs ; il s’agissait de stimuler la création et le développement d’entreprises, de relancer le logement social et de consolider un dispositif de continuité territoriale.

Sur le premier objectif, je constate que – même si, bien sûr, nous aurions souhaité obtenir beaucoup plus – des avancées ont tout de même été réalisées.

D’abord, je note que les îles du sud de la Guadeloupe ainsi qu’un certain nombre de territoires à la Martinique et à la Réunion ont été reconnus comme prioritaires. C’est une avancée dont je prends acte.

Par ailleurs, je constate qu’un certain nombre de secteurs prioritaires ont été définis conformément à nos attentes. C’est, là aussi, une avancée.

En toute dernière minute, c’est-à-dire après que le projet de loi eut été déposé, des avancées ont encore été réalisées en ce qui concerne la taxe professionnelle, la taxe sur le foncier non bâti, et il a bien évidemment été tenu compte du fait que la brutalité de la dégressivité des exonérations de charges pouvait poser un certain nombre de problèmes – des correctifs ont été apportés.

Monsieur le secrétaire d’État, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans l’une de mes interventions, je compte vraiment sur le Gouvernement pour favoriser la sortie de crise dans de bonnes conditions en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion. Au-delà des textes, je crois que le Gouvernement devrait utiliser ses prérogatives pour aider les entreprises dans cette période de sortie de crise, car la reprise ne sera pas facile après le mois et demi que nous avons vécu, notamment en Guadeloupe.

Sur le logement, deuxième objectif, je considère également que l’on ne s’en sort pas trop mal, et même que l’on s’en sort plutôt bien.

La LBU, que tout le monde a évoquée, est maintenue, pour trois ans au moins. La défiscalisation représente donc un « plus » – dont j’ai pris acte – pour les logements sociaux.

Je me suis beaucoup inquiété pour les logements intermédiaires. Finalement, les dispositions relatives aux parts de ces logements dans les programmes de logements sociaux ajoutées au « Jégo social », pour reprendre l’expression de notre collègue Jean-Paul Virapoullé, sont de nature à m’apporter quelque apaisement. Quant à la réhabilitation, elle a été réintroduite à la suite de nos différents échanges.

Enfin, sur la continuité territoriale, le dispositif actuel, qui a été consolidé, a le mérite d’exister. Certes, j’aurais souhaité aller plus loin sur ce point et c’est pourquoi j’avais demandé que soit établi un rapport sur les conditions d’une véritable continuité territoriale. Toutefois, cela ne m’empêche pas de constater que ce dispositif nous apporte tout de même certaines possibilités, que nous ne devons pas ignorer.

Nous avons avancé sur d’autres questions, comme le contrôle des prix, la maîtrise et les conditions de formation des prix. De même, sur des sujets qui ont fait l’objet de négociations en Guadeloupe – le bonus, les produits locaux, le logement social –, des réponses ont pu être apportées. Le reste dépendra des stratégies qui seront définies lors des états généraux. Mais je ne peux pas dire que ce projet de loi n’apporte rien à l’outre-mer.

Pour conclure, un certain nombre de mes collègues du RDSE, qui auraient souhaité aller plus loin, sont conscients des avancées apportées et s’abstiendront ; les autres, dont je fais partie, voteront en faveur de ce texte, qui comporte un certain nombre d’avancées qu’il convenait de souligner en cette fin de discussion. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis trois jours, j’ai l’impression que la France a parlé à la France. Jamais, depuis que j’exerce des responsabilités publiques, on avait eu un débat aussi long, aussi fouillé sur l’outre-mer. Nous avons eu parfois quelques joutes et plaisanteries ! J’avais vraiment le sentiment d’être en outre-mer, où les accès de rage, les propos durs n’empêchent pas la sympathie.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez vécu une période très difficile. C’est le moment de vous rendre publiquement hommage. Je n’aurais jamais pu supporter ce que vous avez enduré. Tel un coureur de fond, vous avez affronté des conditions extrêmement difficiles lorsque vous êtes venu en Guadeloupe. Je vous l’ai déjà dit, j’avais peur, car l’étincelle s’approchait doucement, sûrement, de la poudre. Je connais bien l’outre-mer et ses violences, dont ma famille a, hélas ! beaucoup souffert.

Vous avez eu le courage de dire publiquement aux Domiens que vous ne connaissiez pas l’outre-mer, et vous vous êtes fait applaudir parce que vous avez tenu le langage de la vérité.

Vous avez écouté tout le monde, ce qui n’était pas facile vu le brouhaha dans lequel on travaillait. Convoqués à 10 heures, nous commencions souvent à midi pour terminer à 4 heures du matin, et tout cela au son des tambours !

Vous n’avez cessé de revoir le texte, malgré le combat organisé concernant l’essence, malgré les socio-professionnels qui ont donné des coups de boutoir pour « casser » votre projet et qui ont pris la responsabilité historique de bloquer les rues.

Vous avez reçu, écouté, essayé de comprendre, tout en gardant une très grande sérénité. Vous êtes parti, puis vous êtes revenu. Ceux qui vous avaient fortement critiqué – il est habituel, en outre-mer, de critiquer –, qui avaient appelé aux manifestations silencieuses et au blocage total, ont été les premiers à vous recevoir de nouveau. Vous avez même quasiment été séquestré en Guadeloupe, puisqu’on ne voulait plus que vous repartiez !

Le texte qui nous est soumis offre le reflet des contradictions des outre-mer. Réussissons-nous toujours à nous comprendre, à nous connaître ? De la Guyane à la Guadeloupe, en passant par la Martinique et Saint-Pierre-et-Miquelon, avons-nous une vision globale de ce que nous représentons ? Nous sommes, disons le franchement, des enfants très gâtés d’une France qui a toujours fait preuve à notre égard d’une attention affectueuse.

Mais aujourd'hui cette forme de paternalisme n’est plus supportée par notre jeunesse, qui souhaite être traitée à égalité de droits et de devoirs. Souvenez-vous, le lendemain de votre arrivée en Guadeloupe, vous avez entendu les jeunes vous dire qu’ils aspiraient à travailler. L’un d’entre eux vous a même avoué qu’il avait brûlé des poubelles pour s’amuser, même si le maire allait lui tirer les oreilles !

Alors que les conditions étaient fort difficiles et que vous subissiez des critiques – mais c’est ça la politique ! –, vous avez rétabli le dialogue. Vous avez essayé de traduire dans les textes – que l’on peut toujours critiquer – la réalité du terrain.

C’est vrai, il faut davantage de logements sociaux, notamment pour les personnes âgées ; c’est vrai, il faut aller plus loin sur le dossier de la continuité territoriale, dont on parle depuis des années. Vous voulez l’excellence pour l’outre-mer afin de le repositionner dans le bassin caribéen. Vous souhaitez que notre jeunesse soit formée et responsabilisée.

Vous avez écouté tous les représentants politiques, et il faut vous en rendre hommage. Élue depuis très longtemps, je ne me souviens pas d’avoir vu sur un texte de loi autant de réunions, d’échanges, d’écoute, de courriers et de propositions. Et c’est ce que nous devons retenir aujourd’hui. Certes, le texte n’est pas parfait, mais il ne le sera jamais.

Monsieur le secrétaire d’État, nous attendons des états généraux un complément, un grand débat, un déballage, afin de développer la connaissance, notamment la vôtre, de l’outre-mer. Et je me réjouis que de nombreux parlementaires métropolitains soient intervenus – en bien ou mal, peu importe ! – dans ce débat.

Le grand malaise qui frappe l’outre-mer est né du sentiment que nos problèmes n’intéressaient plus la métropole. Le grand désordre, les immenses défilés qu’ont connus Basse-Terre, Pointe-à-Pitre, Fort-de-France et la Réunion seront bientôt oubliés. Ce qui restera, c’est la volonté de la métropole de prendre à bras-le-corps les problèmes de ces hommes et femmes qui vivent à des milliers de kilomètres et qui conservent dans leur cœur le sentiment très profond d’appartenir à une même nation et de partager les mêmes valeurs. Et là est l’essentiel, ce soir ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Virapoullé. Je tiens à remercier M. le secrétaire d’État et à saluer son courage. Grâce à son écoute et à l’humilité avec laquelle il a abordé ce débat, l’outre-mer a été pris en compte dans sa diversité, et nous envoyons aujourd'hui des messages forts à la nation et aux outre-mer.

Il y a deux semaines, alors que nous demandions légitimement comment nous allions discuter de ce texte et que le désordre régnait dans certains départements d’outre-mer, qui aurait pu penser que nous débattrions pendant trois jours dans un climat de sérénité, j’ose dire de fraternité, caractérisé par un respect réciproque ? Nous avons tous participé à cette discussion riche et constructive avec la même volonté de faire réussir les outre-mer et d’apporter notre contribution à un changement de cap.

Comme Lucette Michaux-Chevry l’a souligné, avec beaucoup de talent et d’émotion, ce grand désordre n’aura finalement pas été inutile : il a réveillé les consciences en métropole et, surtout, outre-mer. Aujourd'hui, nous voulons tous profiter des efforts fournis par l’Europe et par la nation pour renforcer la cohésion sociale, par une répartition plus juste et par la recherche d’un développement qui soit au service des hommes, et non plus des lobbies.

Le débat qui s’est tenu pendant ces trois jours n’a pas été habituel : tenant compte du cri lancé notamment par la jeunesse, nous n’avons pas eu peur d’évoquer des sujets tabous et d’aller au fond des choses sur un certain nombre de domaines – d’autres seront revus au moment des états généraux. L’analyse a été différente de celle de toutes les lois que nous avons votées jusqu’à présent sur l’outre-mer.

Ce changement de cap est un gage de réussite. Ce vote quasi-unanime et l’abstention du groupe socialiste sont la marque de cette volonté d’union, au-delà de nos différences, au service d’un intérêt supérieur : faire de l’outre-mer une chance pour l’Europe et la France, et valoriser ses atouts au service des populations de ces régions.

Je vous le dis franchement, ce soir je suis ému. J’ai 65 ans et depuis 40 ans que je suis élu continûment au service de la population, j’ai rarement vu un tel débat. Nous nous sommes dit que nous devions crever l’abcès qui cause tant de problèmes outre-mer et que, si nous n’y arrivions pas maintenant, nous le ferions au moment des états généraux.

L’article 1er A, courageusement présenté par la commission des finances, donne une arme offensive aux consommateurs pour défendre leur pouvoir d’achat et contraindre les lobbies à pratiquer la concurrence et la vérité des prix. C’était inconcevable il y a encore quelques années, et nous avons voté cette disposition à l’unanimité.

Je ne reviendrai pas sur les points que nous avons évoqués au cours du débat ni sur tous les amendements qui ont été adoptés.

Ce soir, en votant cette grande loi voulue par le chef de l’État et par le Gouvernement et acceptée par une large majorité de cette assemblée, nous disons aux jeunes qui sont inquiets, aux chômeurs, à ceux n’ont pas de logement, à ceux qui ont de faibles revenus, que nous allons modifier la répartition du flux des transferts importants provenant de la métropole et de l’Europe. En effet, si ce flux est bon, sa répartition oriente trop la solidarité vers ceux qui ont déjà beaucoup, au détriment de ceux qui en auraient besoin.

Ce changement de cap suscite en moi l’espoir que cette loi soit l’acte fondateur d’un nouvel avenir pour l’outre-mer.

Aussi, je remercie l’ensemble de la représentation nationale, le Gouvernement, le chef de l’État, les collaborateurs de M. le secrétaire d’État et les fonctionnaires du Sénat de nous avoir permis de travailler avec efficacité afin d’enrichir le texte. En votant ce projet de loi, j’ai conscience de servir mon pays et les outre-mer. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous voici au terme d’un débat qui nous aura mobilisés pendant trois journées entières. Il y a eu des moments d’hésitation avant que l’on se saisisse de ce texte, mais je me réjouis que son examen ait pu être mené à bien.

Pour la commission des finances, ce projet de loi constitue une première, puisque deux rapporteurs, Éric Doligé et Marc Massion, ont alternativement transmis ses avis et délivré son message. On peut également dire que le Sénat s’est rassemblé autour de ce texte dans la mesure où pas moins de quatre commissions permanentes – la commission des finances, saisie au fond, la commission des lois, la commission des affaires sociales et la commission des affaires économiques, saisies pour avis – ont travaillé ensemble. À cet égard, je remercie les rapporteurs pour avis, Jean-Paul Virapoullé, Anne-Marie Payet et Daniel Marsin.

Pour avoir pris part à plusieurs débats sur l’outre-mer, je peux dire, monsieur le secrétaire d’État, que si ce texte ne constitue peut-être pas une rupture, il marque une inflexion sensible, sans doute est-ce en parfaite harmonie avec votre engagement personnel et les semaines éprouvantes que vous venez de vivre.

Mes chers collègues, nous avons brisé un certain nombre de tabous. Le sort de l’outre-mer, l’attachement profond que nous avons pour nos compatriotes ultramarins et ces territoires divers nous ont fait prendre conscience que les politiques conduites jusqu’à maintenant, qui se mesuraient à l’ampleur des crédits publics et en termes de défiscalisation, ne contribuaient pas forcément au développement de l’outre-mer. Il nous a donc fallu changer notre approche, mettre le doigt sur les problèmes, faire fi des discours convenus et des conservatismes pour tenter de redonner à chaque territoire des activités diverses et équilibrées.

Poussée à l’extrême, je l’ai dit pendant le débat, la situation de l’outre-mer pourrait préfigurer celle de la métropole. Nous vivons en effet dans une économie globalisée. Dès lors, méfions-nous de ne pas faire naître des sociétés au sein desquelles seuls ceux qui mettent sur le marché gagnent de l’argent et ceux qui sont rémunérés par la sphère publique perçoivent un salaire, les autres se trouvant en marge dans des formations professionnelles, dont certaines n’ont pas d’issue véritable, ou avec des ressources d’assistance.

Cette fois-ci, hommage doit vous être rendu, monsieur le secrétaire d’État, nous avons enfin soulevé les problèmes : la formation des prix, les limites de la défiscalisation et ses conséquences souvent fâcheuses, car on fausse totalement les comportements et le marché, si tant est qu’il y ait encore une logique de marché.

Oui, ce texte est prometteur ! Mais tous ensemble, ultramarins et métropolitains, nous devons avoir conscience de la situation dans laquelle se trouve la France, la République. À la commission des finances, nous ne pouvons pas faire abstraction de l’état de nos finances publiques. L’outre-mer et la métropole doivent donc avoir la même ambition : contribuer à ramener l’équilibre, car c’est à l’aune de la répartition de la charge publique et surtout de la compétitivité de notre pays que nous serons jugés.

Je l’ai dit, ce texte amorce une inflexion sensible. La démarche est entamée, mais il faut maintenant aller jusqu’au bout. En attendant, je me réjouis que nous ayons pu mener à bien ce travail en commun.

Pour notre commission, ce projet de loi a également été l’occasion de mettre en œuvre la nouvelle procédure issue de la révision constitutionnelle.

Monsieur le président, vous avez cité le nombre d’amendements examinés en séance. Je rappelle que la commission des finances a elle-même modifié par quarante-sept amendements le texte issu, il y a quelques mois déjà, des délibérations du conseil des ministres. C’est donc sur le texte de la commission des finances que s’est engagée la discussion ici même.

Nos débats ont été conduits avec méthode. J’en remercie la présidence, notamment vous-même, monsieur le président Fischer, qui avez eu par moment les accents et la tonicité d’un coach parlementaire. (Sourires.) Grâce à vous sans doute, nous avons pu mener à bien nos travaux dans cette nuit de jeudi à vendredi alors même que nous pensions qu’il faudrait y consacrer le vendredi. Nous avons même cru à un moment, compte tenu du nombre d’amendements extérieurs, que nous ne terminerions que lundi prochain.

Nous avons donc très bien travaillé. Soyez-en remercié, monsieur le secrétaire d’État. Je remercie également vos collaborateurs, qui ont été très coopératifs, ainsi que les fonctionnaires du Sénat. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. « Au bout du petit matin », pour reprendre les mots célèbres d’Aimé Césaire, un matin qui conduit vers un jour nouveau, voici que quelque chose s’est passé. En témoignent la solennité et la qualité des interventions qui viennent clore ce débat ainsi que l’attention que chacun y a porté. J’ai quelques années d’expérience parlementaire, certes moins que d’autres ici présents (Sourires), et j’ai rarement vu un débat se terminant à cette heure avoir des auditeurs aussi attentifs. C’est un signe !

D’abord, il faut le reconnaître, c’est sans doute le résultat de l’application du nouveau dispositif constitutionnel. Le Parlement se sent plus respecté, plus écouté, car nous examinons le texte issu des travaux de la commission. Je pense que c’est une chance pour ce projet de loi.

Ensuite, les événements qui ont secoué l’actualité – je remercie d’ailleurs celles et ceux qui ont pensé à l’épreuve qu’ils avaient pu constituer pour moi, mais l’épreuve la plus lourde reste celle que traversent encore nos départements d’outre-mer – sont venus apporter un éclairage particulier à nos travaux. Des exigences nouvelles sont apparues, mais un espoir fort s’est aussi fait jour chez celles et ceux que vous représentez ici, mesdames, messieurs les élus de l’outre-mer. Nos compatriotes ultramarins attendent en effet beaucoup de la République.

Pour avoir découvert cet outre-mer, ou ces outre-mer, cette singularité plurielle qui fait la diversité de la France, je suis persuadé que la meilleure réponse à apporter au cri que nous avons entendu et aux revendications qui se sont exprimées, c’est précisément la République.

La République, c’est la liberté, ne serait-ce que parce qu’elle offre la transparence et les exigences de la loi. Elle sait créer les conditions d’une véritable égalité, celle qui donne plus à ceux qui ont moins, celle qui compense réellement les handicaps et qui ne donne donc pas la même chose à tout le monde. Dans le débat qui nous a occupés pendant ces trois journées, nous sommes en phase avec cette logique de différenciation des moyens.

La République, c’est aussi la fraternité. Dans les départements et collectivités d’outre-mer, la solidarité des hommes face aux contraintes de la nature, face aux tensions de l’histoire fait que la fraternité prend tout son sens, quelquefois de façon brutale. La confrontation peut en effet surprendre celui qui est né loin des trois océans. Mais cette véritable fraternité a aussi été incarnée, je le crois, dans nos débats.

En cette fin de discussion, je ne vous parlerai pas de milliards, de moyens, de techniques, mais de nouvelle approche. Ce projet de loi ouvre en effet une perspective nouvelle, crée une boîte à outils grâce aux moyens de l’État et à la bonne volonté de chacun au milieu d’un monde bouleversé, d’un équilibre de nos finances qui est difficile à appréhender. C’est un premier pas vers un nouveau cap, vers l’entrée de nos outre-mer dans le XXIe siècle.

Au-delà de ce moment rendu si particulier par la solennité des lieux, par la grâce que confèrent l’hémicycle et l’honneur que nous avons d’élaborer la loi, sachons établir les racines du futur des outre-mer et apporter à celles et à ceux qui nous regardent la lueur d’espoir qu’ils attendent pour repartir d’un bon pied après une période de chaos. Agissons comme après un cyclone ou une éruption : reconstruisons ensemble un outre-mer pleinement français et si singulier. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)