M. François Rebsamen. Cet amendement vise à moduler les taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’affectation du bénéfice réalisé.

Une telle mesure serait, me semble-t-il, positive, car elle aurait une forme de vertu pédagogique ou incitative. D’ailleurs, il s’agit d’un principe bien connu, celui du bonus et du malus.

Nous proposons ainsi de minorer l’imposition d’un dixième si les bénéfices sont investis à hauteur d’au moins 60 %, afin d’encourager la production, plutôt que la distribution des dividendes aux actionnaires ou le rachat d’actions à des visées spéculatives, comme cela arrive parfois. À l’inverse, nous suggérons de majorer l’imposition lorsque le taux de bénéfices réinvestis est inférieur à 40 %. Et le taux d’imposition resterait inchangé entre les deux niveaux que je viens d’évoquer.

À mon sens, la référence à des notions qui sont bien ancrées dans le code général des impôts rend de telles dispositions aisément applicables.

Dans nos débats, nous faisons toujours la distinction entre bénéfices réinvestis et bénéfices distribués. À cet égard, le Président de la République a lui-même proposé la règle des trois tiers, que vous aviez refusée peu de temps auparavant. Selon nous, cette distinction, qui est d’ailleurs retenue par certains de nos voisins, constitue un outil de politique fiscale pertinent pour inciter les entreprises à investir plus fortement dans l’économie productive.

Nous pensons donc que vous auriez toutes les raisons de voter cet amendement, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s’agit d’une proposition qui revient de temps à autre dans nos débats et qui a été évoquée à l’occasion de législations précédentes. (M. François Rebsamen acquiesce.)

Toutefois, faut-il véritablement interférer à ce point dans la gestion des sociétés et la répartition de leurs résultats ?

En matière fiscale, je crois aux vertus de la neutralité. Dès lors, et même si le dispositif que vous proposez est, j’en conviens, relativement modéré, proportionner le taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’affectation du bénéfice réalisé créerait une complexité et les sociétés françaises seraient pénalisées par rapport à d’autres entreprises implantées sur des territoires ne fixant pas les mêmes contraintes.

En outre, au sein d’un groupe formé de sociétés localisées dans différents pays, ce serait une difficulté supplémentaire à gérer. Parfois, cela pourrait peut-être même contribuer à dissuader de choisir la France pour implanter le siège social de telle ou telle filiale ou de telle ou telle entité du groupe.

Par conséquent, la commission n’est pas convaincue par les arguments qui ont été développés. Elle appelle donc au retrait ou, à défaut, au rejet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons effectivement déjà eu un tel débat, qui mérite d’ailleurs d’être approfondi.

Pour ma part, j’ai pris des engagements. Nous sommes ainsi en train d’interroger à la fois le Trésor public et la Direction de la législation fiscale pour avoir leur expertise sur le sujet. Nous attendons de connaître leurs conclusions et, comme je l’avais déjà indiqué, nous aurons alors un rendez-vous, peut-être lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010.

Vous le savez, un tel dispositif a été supprimé au début des années deux mille. À l’époque, sous certaines conditions, le taux de l’impôt sur les sociétés pouvait être de 19 % lorsque des profits qui auraient pu être distribués aux actionnaires restaient dans le capital de l’entreprise. Ce mécanisme a dû être abandonné en raison de son insuccès et de ses difficultés de mise en œuvre.

Par conséquent, la question reste ouverte et nous pouvons évidemment la reposer. Je formulerai simplement une observation. Adopter un tel dispositif revient à considérer a priori la distribution des profits comme moins vertueuse que le fait de les garder dans le capital de l’entreprise. Ce serait en effet le message que l’État enverrait s’il appliquait des taux d’imposition différents. Or, d’une certaine manière, cela peut nuire à la liberté de l’entreprise.

Lorsque la liberté de l’entreprise est totale, la question de la position de l’État peut évidemment être posée. Mais lorsque tel n’est pas le cas, par exemple parce que l’entreprise est rachetée dans le cadre d’un leveraged buy-out, ou LBO – certes, cela se produit moins souvent ces temps-ci –, il ne paraît pas anormal que celle-ci redistribue ensuite ses dividendes afin de rembourser la dette.

Une telle disposition créerait donc une discrimination en défaveur des entreprises qui n’ont pas le choix entre distribuer les profits ou les préserver en partie dans le capital.

Quoi qu’il en soit, nous aurons évidemment ce débat de manière plus approfondie, et je ne veux pas préjuger de ses résultats. De même, le moment venu, nous aurons d’autres discussions sur le partage des profits.

Mais, pour l’instant, le Gouvernement ne peut pas être favorable à un tel amendement.

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.

M. François Rebsamen. Monsieur le ministre, la politique fiscale doit avoir des vertus incitatives en la matière. L’objectif est non pas de surtaxer ou de sous-taxer, mais de faire preuve de pédagogie, à l’instar de ce qui se pratique dans d’autres pays.

D’une manière plus générale, les dispositions qui ont été prises à une époque ou à une autre doivent, me semble-t-il, évoluer en fonction des situations économiques : elles ne sont pas gravées dans le marbre. C’était le sens de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Rebsamen, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article 235 ter ZA du code général des impôts, il est inséré un article 235 ter ZB ainsi rédigé :

« Art. 235 ter ZB. - Les personnes morales sont assujetties, dans les conditions prévues aux II à V de l'article 235 ter ZA, à une surtaxe temporaire de solidarité égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au 1 de l'article 219. Cette fraction est égale à 10 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2011 inclus.

« Sont exonérées les personnes morales ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions d'euros. Le chiffre d'affaires à prendre en compte s'entend du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise au cours de l'exercice ou la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu pour 75 % au moins, par des personnes physiques.

« Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placements à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d’innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. »

La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Cet amendement est sous-tendu par la même logique que les amendements défendus précédemment.

Aujourd'hui, les situations peuvent être totalement différentes selon les entreprises. Ainsi, et j’ai entendu des collègues de la majorité s’en féliciter, certaines sociétés ont réalisé l’an dernier, ou sont en situation de réaliser cette année, des profits extraordinaires, voire des surprofits. C’est notamment le cas dans le secteur de l’énergie. En l’occurrence, ces surprofits résultent, au moins pour partie, de ponctions effectuées sur les contribuables.

Dès lors, nous estimons que, dans une période particulièrement difficile, il faudrait instituer des surtaxes temporaires de solidarité égales à une fraction de l’impôt sur les sociétés. Ces recettes, qui ne seraient pas pérennes – j’ai bien précisé qu’elles seraient temporaires –, pourraient servir à abonder le Fonds stratégique d’investissements, puisque nous sommes, nous aussi, très attachés au développement de l’investissement. Chacun le sait, les investissements d’aujourd'hui sont les emplois non seulement d’aujourd'hui, mais également de demain.

Il nous semble donc nécessaire d’infléchir la fiscalité des entreprises. De telles mesures ont déjà été mises en place à d’autres époques et les changements que nous vivons actuellement appellent, je le crois, une grande réactivité. En effet, des entreprises qui réalisent des bénéfices importants et qui ne réinjectent pas suffisamment dans l’appareil productif ou qui ne font pas preuve d’un effort de solidarité annexe n’apportent pas leur contribution à la résolution de la crise que nous traversons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le mécanisme qui nous est proposé est finalement similaire à celui de la contribution supplémentaire à l’impôt sur les sociétés instituées en 1995 : c’est la « surtaxe Rebsamen » à la place de la « surtaxe Juppé ». (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)

Au-delà de cette analogie, qui ne saurait naturellement être poussée bien loin, il ne semble pas indispensable d’alourdir la fiscalité directe des sociétés qui demeurent rentables malgré la crise. Cela reviendrait à les affaiblir et il s’agirait assurément d’un signal extrêmement négatif dans la présente période.

La commission est donc tout à fait défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.

M. François Rebsamen. Je remercie M. le rapporteur général de ses comparaisons extrêmement flatteuses. (Sourires.)

Mais j’ai trouvé encore plus flatteur : le dispositif que je propose est tout simplement celui qui avait permis la relance économique en 1997, lorsque Dominique Strauss-Kahn était ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. (M. le rapporteur général manifeste son scepticisme.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un établissement de crédit qui bénéficie de fonds au titre du dispositif de soutien institué par l'article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie ne peut verser des dividendes ou racheter ses actions, dès lors qu'il n'a pas remboursé l'intégralité du prêt consenti.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Il s’agit de border un peu mieux les aides de l’État aux établissements de crédits.

La dimension essentiellement financière de la crise a suscité des réactions massives de tous les pays pour éviter une catastrophe bancaire. Il était urgent d’apporter une garantie de l’État aux prêts interbancaires et à certaines opérations de recapitalisation des banques.

Aujourd'hui, certains observateurs soulignent qu’il aurait été nécessaire d’exiger un juste retour de la part des établissements de crédits concernés. L’objet de cet amendement est de mettre en place une contrepartie au soutien de l'État.

Le sauvetage du système financier ne peut être effectué au profit de ceux qui portent une lourde responsabilité dans la survenue de la crise. En outre, les actionnaires privés ne peuvent être mis systématiquement à l’abri des défaillances en laissant les clients des banques, en majorité modestes, en payer seuls le prix.

En l’absence d’une telle contrepartie, les actionnaires des banques bénéficieront mécaniquement et directement de la recapitalisation, sans même avoir été associés à l’effort nécessaire, pendant que les contribuables en supporteront la charge.

Nous proposons que les établissements bancaires concernés ne puissent verser de dividendes ou racheter leurs actions dès lors qu’ils n’ont pas remboursé l’intégralité des prêts qui leur ont été consentis, ce qui est une exigence très légitime de la part de l’État, donc du contribuable.

Il nous paraît conforme à l’éthique d’exiger que les actionnaires privés des établissements bénéficiant du concours de l’État attendent quelque temps avant d’avoir accès à leurs dividendes ou d’interdire le rachat d’actions de nature à augmenter leurs dividendes.

Cet amendement s’inscrit bien dans l’actualité d’un problème que nous connaissons tous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je rappelle tout d’abord que le rachat d’actions est d’ores et déjà prohibé par les conventions qui ont été souscrites.

Par ailleurs, faut-il vraiment interdire aux banques en question de distribuer des dividendes, notamment à l’État ? Il nous paraît légitime que ce dernier soit rémunéré dès lors qu’il participe au renforcement des fonds propres, et ce pour la trésorerie qu’il apporte non seulement dans le cadre des opérations de financement, mais aussi – espérons-le, monsieur le ministre – par le biais de la Société de prise de participation de l'État, la SPPE.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission n’est pas favorable à l’adoption de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. M. le rapporteur général vient d’employer un excellent argument, s’agissant en particulier de la SPPE. Il n’y a aucune raison d’interdire aux entreprises dans lesquelles l'État investit de verser des dividendes à ce dernier.

En outre, les conventions passées entre l'État et les banques sont très précises.

Tout d’abord, les dispositions concernant les rémunérations des dirigeants devaient être améliorées ; c’est maintenant chose faite.

Ensuite, un certain nombre d’obligations s’imposent aux entreprises aidées par l'État : croissance de leur encours de crédits à l’économie, adhésion aux recommandations de l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, et du MEDEF, engagement – à la suite d’un décret récent – de ne pas racheter d’actions pendant la période de détention des titres souscrits par l’État pour la SPPE.

Ces contraintes me paraissent parfaitement appropriées à la situation actuelle.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aucun établissement distribuant des produits visés aux articles L. 313-14, L. 313-14-1 et L. 313-14-2 du code de la consommation ne peut bénéficier des dispositions visées à l'article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Cet amendement est sous-tendu par la même philosophie que le précédent.

Les propos que vient de tenir le ministre du budget confirment le bien-fondé de notre démarche en reconnaissant que les exigences formulées par le Gouvernement étaient insuffisantes, puisqu’il a fallu prendre en catastrophe un décret pour compenser l’absence de contrepartie, de sécurité ou de garantie. Cela prouve que nos propositions répondent bien à une légitime éthique.

Le présent amendement vise à interdire aux établissements financiers qui distribueraient des crédits reposant sur le mécanisme de l’hypothèque rechargeable de prétendre au bénéfice des mesures de soutien aux banques votées dans le cadre du collectif budgétaire pour 2008.

L’hypothèque rechargeable a été mise en place sur l’initiative du ministre des finances de l’époque, Nicolas Sarkozy. Cette volonté s’est traduite par une ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés.

Rappelons que l’hypothèque rechargeable devait permettre « à l’emprunteur, qui a déjà constitué une hypothèque pour l’achat d’un bien immobilier, d’affecter une partie de l’hypothèque, proportionnelle au montant du crédit déjà remboursé, à la garantie d’un autre crédit ».

Le dossier de présentation des projets du Gouvernement en matière d’hypothèque rechargeable était particulièrement éclairant, car il indiquait ceci : « L’hypothèque est dynamisée : elle prend en compte l’évolution de la vie, avec ses aléas et ses désirs. Ce n’est plus maison ou voiture, mais maison et voiture ».

Nicolas Sarkozy a souligné l’intérêt de ce type de produit lors de la convention de l’UMP de septembre 2006, en déclarant qu’il fallait encourager par ce moyen l’accès à la propriété : « Le premier moyen d’y parvenir, c’est d’utiliser le crédit hypothécaire. Cela paraît très compliqué, mais c’est en réalité très simple.

« C’est ce qui permet à près de 70 % des Britanniques et des Américains d’être propriétaires de leur logement, contre seulement 56 % en France. Dans ces deux pays, les crédits sont garantis par l’existence du bien. En France, nous privilégions la garantie sur les personnes, ce qui conduit les établissements bancaires à écarter du marché du crédit tous ceux dont la situation professionnelle n’est pas assez stable pour assurer des revenus durables.

« Cette tradition n’est pas une fatalité. Il suffit de changer les règles prudentielles imposées aux banques, de simplifier le recours à l’hypothèque et d’en réduire le coût. »

Tels sont les propos que tenait le ministre des finances en 2006, puis le candidat, Nicolas Sarkozy, qui comptait d’ailleurs explicitement réviser, dans un sens moins protecteur, les règles prudentielles imposées aux banques. C’est ce projet qu’il a porté lors de sa campagne présidentielle.

Nous l’avons échappé belle ! On ne peut que se féliciter de l’échec de la mise en œuvre de ce projet. Le fait que la consommation ne soit pas directement liée à la valeur du patrimoine immobilier est, en effet, un élément positif pour la situation de nombreux ménages français, et l’on peut s’en réjouir. En outre, nul n’ignore l’effet multiplicateur à la baisse que peuvent provoquer des difficultés majeures sur le marché immobilier.

Pour l’ensemble de ces raisons, cet amendement a tout son sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La manière dont notre collègue s’en prend au mécanisme de l’hypothèque rechargeable me paraît tout à fait injustifiée. En effet, ce dispositif récent ne saurait être comparé au dévoiement des subprimes pour plusieurs raisons.

Premièrement, la convention dite de rechargement doit être passée devant notaire.

Deuxièmement, c’est la valeur d’acquisition du bien hypothéqué qui est retenu et non pas la valeur marchande au jour du rechargement de l’hypothèque.

Troisièmement, on ne peut pas augmenter le volume d’emprunt au fur et à mesure que le bien prend de la valeur.

Par conséquent, ce dispositif, qui est sécurisé, a été construit précisément dans l’intention de s’écarter des risques excessifs constatés sur les marchés anglo-saxons.

Compte tenu des explications que je viens de formuler, vous devriez, mon cher collègue, retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.

On ne peut établir de parallèle entre, d’une part, ce qui s’est passé aux États-Unis avec des hypothèques rechargées selon des valeurs qui n’avaient rien à voir avec la réalité du bien et qui poussaient à une consommation excessive de crédits – on a vu le résultat ! – et, d’autre part, la loi française qui est, comme souvent, d’une grande prudence et limitée en termes de rechargement. D’ailleurs, personne n’utilise ce produit, car il n’est pas très incitatif.

L’amendement présenté ne doit pas être retenu parce qu’il ne correspond pas à la réalité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 8 à 10 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat sont abrogés.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte sur notre opposition à l’allégement des droits de mutation, qui constitue une perte de recettes importante pour l’État, évaluée à 2 milliards d’euros, et qui nous conduit à proposer de supprimer l’ensemble des dispositions ayant conduit à ce choix fiscal et politique.

Je prendrai l’exemple d’un couple avec quatre enfants, qui dispose d’un patrimoine de 2 millions d’euros, dont environ 300 000 euros en liquidités bancaires immédiatement disponibles. Avec la loi TEPA, il a pu bénéficier d’une marge de donation de 1,2 million d’euros en pleine propriété et de 240 000 euros en numéraire, le tout sans frais.

Outre l’économie de droit réalisée sur la donation, que je vous laisse imaginer, ce couple se retrouve sous le plancher d’imposition de l’impôt de solidarité sur la fortune, avec un actif net de 560 000 euros. Le résultat est perceptible dès l’année suivante : au lieu de 8 000 euros de droits au titre de l’ISF, il ne paiera bien sûr rien.

Bien entendu, la mesure est encore plus profitable pour celui qui figure dans la tranche la plus élevée de l’ISF. Si l’impôt ne disparaît pas, il peut, en effet, être réduit de 24 120 euros dans le cas que je viens d’exposer.

En quelque sorte, pour reprendre un slogan publicitaire connu, « une chance au grattage, une chance au tirage ».

Cette hypothèse d’école, qui a pu trouver une illustration dans la réalité, participe de la perte sèche de 2 milliards d’euros de recettes fiscales pour l’État, perte liée à la mise en œuvre des articles 8 à 10 ; ce sont les articles de la loi TEPA à avoir trouvé une large application.

Cela a-t-il résolu la crise du logement ? Non !

Cela a-t-il permis la relance de l’activité économique, notamment dans le bâtiment ? Guère plus ! Il suffit de considérer le niveau des mises en chantier.

Ces mesures de préservation des patrimoines acquis ont donc eu un impact macro-économique négatif et ont participé à la crise, notamment en tarissant l’offre de logements anciens remis sur le marché de la vente comme de la location.

Mes chers collègues, utiliser 2 milliards d’euros d’argent public pour obtenir un tel résultat conduit tout de même à s’interroger !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission ne peut évidemment s’associer à cette initiative.

Les mesures de réduction des droits de mutation à titre gratuit prévues dans la loi TEPA sont plafonnées à un certain niveau et sont destinées à la classe moyenne et, plus particulièrement, au conjoint survivant. Prendriez-vous aujourd’hui la responsabilité de rétablir des droits de succession pour les conjoints survivants appartenant à la classe moyenne ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mme Goulet a une réaction tout à fait naturelle, car on ne peut imaginer une pareille extrémité.

Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. S’il est une mesure admise par tous les Français, approuvée, voire applaudie – il suffit d’aller dans une réunion, quelle que soit la nature des participants, pour s’en convaincre –, c’est vraiment celle-là.

En 2008, 100 % des époux ou pacsés survivants ont été exonérés des droits de successions ; il n’y a pas de plafond. En ce qui concerne les ascendants, 84 % d’entre eux ont été exonérés. Les chiffres sont de 94 % pour les enfants, de 76 % pour les petits-enfants et de 71 % pour les frères et sœurs. Pour les liens de parenté relativement éloignés –  les neveux, les nièces ou autres –, les abattements n’ont pas été revus et le taux se situe entre 9 % et 14 %.

C’est une mesure très utile de la loi TEPA, qui instaure un véritable équilibre fiscal. Nous devons poursuivre dans cette voie, comme les Français nous le demandent.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Cette mesure utile coûte 2 milliards d’euros !

Vous employez les mêmes arguments que ceux que vous aviez avancés lorsque nous avions présenté des amendements sur cette partie de la loi TEPA.

De la même manière que les petites entreprises sont des chevaux légers que l’on envoie se faire tailler en pièces pour mieux protéger la cavalerie lourde des plus grandes entreprises, les petites successions, déjà largement exonérées avant la loi TEPA, sont instrumentalisées pour mieux masquer les allégements considérables dont bénéficient, par la grâce du texte d’août 2007, les plus grosses successions.

Les choses sont encore plus « juteuses » pour les donations que l’on réalise de son vivant.

Vous n’avez pas contesté les exemples que j’ai cités ! La réalité est simple : la moyenne nationale n’est dépassée que dans la région d’Île-de-France, singulièrement à Paris, dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines. Ce qui signifie que la mesure votée en août 2007 visait un électorat choisi et des patrimoines dont il est évident qu’ils sont concentrés dans certains départements bien précis du territoire national.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)