M. le président. L’amendement no 34, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du dernier alinéa de cet article, après le mot :

peut

insérer les mots :

, avec le consentement de l’étranger, dûment informé dans une langue qu’il comprend,

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un amendement de repli.

Vous connaissez notre position de principe : refuser toute audience au sein de la zone d’attente. Nous pensons en effet que la justice doit être rendue dans des lieux qui lui sont dédiés. Or, tout un chacun peut le constater, une zone d’attente – bâtiment se situant hors d’un établissement judiciaire, contrôlé par la police et grillagé – est l’opposé d’un lieu approprié à l’accomplissement d’une telle mission.

Si la délocalisation des audiences devait avoir lieu, il faudrait donc que ce soit de façon tout à fait exceptionnelle. En outre, l’étranger, informé dans une langue qu’il comprend, devrait expressément donner son accord.

En vertu de l’ordonnance du 2 novembre 1945, ce consentement devait être recueilli pour que puisse être mise en œuvre la visioconférence. L’article L. 213-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a inversé le principe : l’audience peut se tenir au sein de la zone d’attente, au moyen de la visioconférence, « sauf si l’étranger dûment informé dans une langue qu’il comprend s’y oppose ». Encore faut-il que, malgré l’urgence et la pression psychologique que constitue un placement en zone d’attente, l’étranger comprenne les enjeux d’une telle délocalisation et pense à s’y opposer !

L’article 1er de la proposition de loi ne fait même plus référence au consentement de l’étranger, que ce soit pour la délocalisation de l’audience dans la zone d’attente ou pour l’utilisation de la visioconférence.

Le principe de l’audience au sein d’une zone d’attente porte gravement atteinte au droit à un procès équitable. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle des magistrats et des avocats refusent toujours de siéger dans la salle d’audience située dans la zone d’attente de Roissy.

Nous regrettons que le Gouvernement s’entête sur cette question et continue de prévoir la possibilité de délocaliser les audiences. Il faut donc au minimum que l’étranger, j’y insiste, manifeste expressément son consentement à toute délocalisation de son audience, au lieu, comme le prévoit actuellement la loi, d’avoir à s’y opposer.

M. le président. L’amendement no 10 rectifié bis, présenté par Mme Boumediene-Thiery, MM. C. Gautier, Yung et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat et Frimat, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Peyronnet, Povinelli, Sueur, Sutour, Tuheiava, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer la deuxième phrase du dernier alinéa de cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’objet de cet amendement est de supprimer purement et simplement l’audience par visioconférence.

Depuis la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, la visioconférence est devenue le principe régissant la justice en France. Mme la garde des sceaux a même signé une circulaire enjoignant aux chefs de cour de recourir à cette méthode sous peine de sanctions. Cette orientation augure mal de l’image que l’on donne de notre justice et, surtout, du respect des principes élémentaires du droit à un procès équitable.

Le souci de faire des économies et de rationaliser les coûts ne doit pas s’imposer au mépris des droits des citoyens, notamment de leur droit à un procès équitable, qui, je le répète, est un principe fondamental.

Nous nous opposons donc fermement au procédé de la visioconférence ; aussi, nous proposons de le supprimer.

M. le président. L’amendement no 24, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du dernier alinéa de cet article, après les mots :

zone d’attente

insérer les mots :

et avec l’accord exprimé par l’étranger, dûment informé de cette possibilité dans une langue qu’il comprend

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s’agit d’un amendement de repli.

Le dispositif qui nous est proposé en matière de visioconférence est tout simplement contraire à la Constitution. À cet égard, M. le rapporteur a une interprétation très partiale de la décision du Conseil constitutionnel du 20 novembre 2003 relative à la constitutionnalité d’un tel dispositif ! (M. le président de la commission des lois proteste.)

Voici la lettre des considérants 82 et 83 de cette décision : « Considérant que le déroulement des audiences au moyen de techniques de télécommunication audiovisuelle est subordonné au consentement de l’étranger, à la confidentialité de la transmission et au déroulement de la procédure dans chacune des deux salles d’audience ouvertes au public ;

« Considérant que, dans ces conditions, les dispositions précitées garantissent de façon suffisante la tenue d’un procès juste et équitable ».

Telles sont les conditions cumulatives pour qu’une audience au moyen de techniques de télécommunication audiovisuelle soit conforme à la Constitution : au premier rang figure le consentement de l’étranger ! Or la proposition de loi ne respecte pas ce critère.

M. le rapporteur a précisé en commission qu’il était déjà recouru à cette technique en matière de procédure pénale. Or ce n’est pas le principe de son utilisation qui est en cause – ce serait là un autre débat –, ce sont les conditions de son utilisation !

En l’occurrence, les conditions posées par le Conseil constitutionnel sont très claires. Aussi, ne pas les retenir rendrait le dispositif contraire à la Constitution. Il en va d’ailleurs de même pour ce qui concerne l’ouverture au public des deux salles d’audience, mais j’y reviendrai en présentant un autre amendement.

Nous proposons donc de nous conformer aux observations du Conseil constitutionnel et de rétablir le consentement de l’étranger comme préalable à la mise en œuvre de la visioconférence.

M. le président. L’amendement no 35, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du dernier alinéa de cet article, après les mots :

zone d’attente

insérer les mots :

et avec le consentement de l’étranger, dûment informé dans une langue qu’il comprend

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il s’agit également d’un amendement de repli tendant à prévoir que la visioconférence ne peut être mise en œuvre qu’avec le consentement exprès de l’étranger, dûment informé dans une langue qu’il comprend. Nous tenons à insister sur ce point.

M. le président. L’amendement no 21, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

I. – Dans la deuxième phrase du dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

ouverte au public

II. – Après cette même phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :

La salle d’audience de la zone d’attente et celle de la Cour sont ouvertes au public.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je reviens à la charge pour aborder, cette fois-ci, l’ouverture des salles d’audience au public.

Cet amendement vise l’exigence de publicité de l’audience, plus particulièrement la nécessité d’ouvrir les deux salles d’audience, celle de la zone d’attente et celle de la CNDA.

Je vous le rappelle une fois de plus, monsieur le rapporteur, les conditions posées par la décision du Conseil constitutionnel que j’ai citée il y a quelques instants avaient trait à l’accord de l’étranger et à l’ouverture au public de chacune des deux salles d’audience. C’est d’ailleurs sur cette base que la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, en son article 25, a généralisé les audiences par visioconférence sous une double réserve : le consentement de l’ensemble des parties et l’ouverture des salles d’audience au public. Nous pouvons difficilement nous écarter de ces exigences, sous peine de voir cette proposition de loi censurée par le Conseil constitutionnel.

Je le répète, nous refusons le recours à la visioconférence. Mais, si elle doit exister, qu’au moins ce soit dans le respect des principes constitutionnels et du droit à un procès équitable ! L’objet de cet amendement est donc de prévoir expressément que les salles d’audience soient toutes deux ouvertes au public.

Une fois de plus, je ne fais qu’exprimer le souhait du Conseil constitutionnel.

M. le président. L’amendement no 11 rectifié bis, présenté par MM. C. Gautier et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat et Frimat, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Peyronnet, Povinelli, Sueur, Sutour, Tuheiava, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La décision du président de la Cour ou du président de section délégué à cet effet est susceptible d’appel dans un délai d’un mois devant le Conseil d’État. Cet appel n’est pas suspensif. »

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement vise à rétablir la possibilité d’intenter un recours contre la décision du président de la CNDA ou celle du président de section délégué. En effet, nous ne sommes pas convaincus par l’argument selon lequel ce recours n’a pas lieu d’être au motif que, parce qu’il est non suspensif, il ne revêtirait plus qu’un caractère théorique pour le requérant.

Nous pensons au contraire que, sur ce point, la réforme doit se faire à droit constant. Actuellement, il est possible de former devant le président de la cour administrative d’appel, dans un délai de quinze jours, un recours, non suspensif, contre la décision du président du tribunal administratif ou du magistrat désigné par lui. Ce qui ne posait aucune difficulté en 2007 ne devrait pas nous gêner en 2009, puisque nous reprenons le caractère non suspensif de l’appel !

Dans de très nombreuses procédures, l’appel n’est pas suspensif. Cette situation n’ôte pas l’intérêt de l’action. Les arrêts du Conseil d’État forment un corpus jurisprudentiel qui participe à l’élaboration et à l’application de la loi. Si l’on ne rétablit pas une voie d’appel, les décisions de la CNDA seront seulement susceptibles d’un recours en cassation devant le Conseil d’État.

Comme vous le savez, le pourvoi en cassation contre la décision de rejet de la CNDA est une voie de droit exceptionnelle : ce n’est pas un appel. Dès lors, le juge de cassation ne rejuge pas l’affaire. Il se contente de vérifier le respect des règles de procédure et des règles de forme et la correcte application du droit par la Cour.

Si le texte reste en l’état, la France risque à nouveau d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, comme cela s’est déjà produit par le passé. En effet, nous avons beau dire que notre pays est le plus exemplaire en la matière, il est aussi celui qui est le plus souvent épinglé.

M. le président. L’amendement no 36, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La décision du président de la Cour est susceptible d’appel dans un délai d’un mois devant le Conseil d’État. Cet appel est suspensif. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Aux termes de la proposition de loi, les décisions de la CNDA ne seraient pas susceptibles d’appel, mais pourraient seulement faire l’objet d’un recours en cassation devant le Conseil d’État.

Actuellement, les décisions du tribunal administratif sont susceptibles d’appel devant la cour administrative d’appel territorialement compétente. Cependant, ce recours n’est pas suspensif, ce qui, malheureusement, le rend souvent vain. C’est d’ailleurs le motif que vous invoquez, monsieur le rapporteur, lorsque vous écrivez que cette « garantie supplémentaire est très théorique. Avant que la cour administrative d’appel ait statué, soit l’étranger a été admis sur le territoire français, soit il a été éloigné ».

Vous reconnaissez donc le caractère théorique de l’appel, mais, au lieu de le rendre opérant et protecteur pour les étrangers, vous préférez purement et simplement le supprimer !

Pour notre part, nous avions déposé en octobre 2008 une proposition de loi visant à assurer un droit à un recours effectif afin de porter ce délai d’appel à un mois et de rendre le recours suspensif. C’est également l’idée que nous avions défendue en octobre 2007, lors de l’examen du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile. Nombre de nos collègues avaient alors dénoncé le délai de quinze jours imposé pour la formation de l’appel dans le cadre de la nouvelle procédure créant un recours suspensif.

Le recours ne sera effectif que si l’appel est lui aussi suspensif ; sinon, comme l’indique très bien M. le rapporteur, rien n’empêchera les autorités d’éloigner l’étranger du territoire avant même que la cour d’appel ne statue.

La situation que nous présente la proposition de loi est néanmoins différente du fait que la possibilité de faire appel n’existe plus. Nous souhaitons donc la réintroduire en l’adaptant à la nouvelle procédure devant la CNDA, puisque celle-ci est une juridiction nationale alors que les cours administratives d’appel ont une compétence limitée à leur ressort.

C’est pourquoi nous proposons de faire du Conseil d’État la juridiction compétente pour former appel, ce qu’il est encore dans de rares cas. De plus, nous intégrons nos propositions de porter le délai d’appel à un mois et de rendre cet appel suspensif.

M. le président. L’amendement no 20, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le décret mentionné au premier alinéa prévoit également les conditions dans lesquelles il est dressé, dans chacune des deux salles d’audience, un procès-verbal des opérations effectuées. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à garantir la publicité des débats, conformément à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le principe de la publicité des débats constitue l’une des garanties essentielles du procès équitable : il protège le justiciable d’une justice secrète échappant au contrôle du public.

Or les difficultés d’accès aux audiences délocalisées, par exemple à Coquelles et à Roissy, et l’isolement des salles où elles se tiennent, enclavées dans des lieux clos sous haute surveillance policière, témoignent du non-respect de la publicité effective de telles audiences. Même si ces salles d’audience sont ouvertes au public, elles sont en pratique difficiles d’accès, au point même que certains avocats et certains juges refusent d’y aller.

Pour toutes ces raisons, nous proposons que les débats fassent l’objet d’un procès-verbal, que tout individu pourra consulter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les amendements nos 29 et 3 rectifié bis visent à s’opposer au transfert du contentieux de l’asile à la frontière à la Cour nationale du droit d’asile, transfert qui est l’objet même de la proposition de loi déposée par M. Buffet. La commission ne peut donc qu’émettre un avis défavorable.

L’amendement no 40 me plonge dans l’embarras. Le Gouvernement n’a en effet pas pu le présenter à la commission avant le début de la séance en raison, je dois le reconnaître, d’une difficulté technique insurmontable : M. Besson était au conseil des ministres ce matin. (Sourires.)

À titre personnel, je trouve intéressante l’argumentation développée par M. le ministre, et j’en retiendrai deux aspects.

Le premier est l’argument relatif au caractère éventuellement sommaire de la motivation de la requête. Pour nombre de sénateurs, dont j’étais, une requête motivée devait être en quelque sorte « spécialement » motivée, ce qui alourdissait la procédure. Or une requête pourra être considérée comme suffisante même si elle n’est que sommairement motivée.

Le deuxième argument est bien sûr la position du HCR.

Il n’en reste pas moins que, cet amendement étant directement contraire à la position prise par la commission des lois, je ne peux, en tant que rapporteur, qu’émettre un avis défavorable.

L’amendement no 4 rectifié bis tend à modifier la computation du délai de recours de soixante-douze heures en n’y incluant que les jours ouvrés. Je peux le comprendre, ayant moi-même hésité entre les deux hypothèses.

Si je me suis finalement décidé, comme la commission, pour le délai de soixante-douze heures, c’est que cette solution me paraît présenter un certain nombre d’avantages : la simplicité, ce délai étant compréhensible par tous ; le fait qu’il s’applique à tous les étrangers placés en zone d’attente, ce qui évitera que certains ne bénéficient d’un délai de quarante-huit heures et d’autres d’un délai de soixante-douze heures. Surtout, la solution à laquelle tend l’amendement de Mme Boumediene-Thiery est nécessairement plus complexe puisque, le délai de recours effectif variant selon le jour de notification de la décision de refus d’asile à la frontière, le calcul de la durée maximale de placement en zone d’attente sera inéluctablement affecté ; en outre, elle va à l’encontre du principe selon lequel les délais exprimés en heures s’écoulent d’heure à heure.

Quant aux ponts de trois jours – nous venons de passer celui de Pâques, et celui de la Pentecôte approche, même si l’on peut désormais s’interroger à son propos –, je répondrai par un double argument. D’une part, les étrangers ont pu préparer leurs recours par anticipation, avec l’aide de l’ANAFé, pendant le délai d’instruction de la demande d’asile à la frontière par l’administration. D’autre part, peut-être faudrait-il faire en sorte qu’une association comme l’ANAFé puisse s’organiser, éventuellement avec le concours des pouvoirs publics, pour être en mesure d’assurer une présence même durant ces ponts. L’avis de la commission est donc défavorable.

Comme je l’ai déjà souligné au cours de la discussion générale, c’est tout de même au Sénat que nous devons l’allongement du délai, porté de vingt-quatre heures à quarante-huit heures, puis de quarante-huit heures à soixante-douze heures. Certes, je le comprends, on peut souhaiter davantage, mais j’estime qu’il y a déjà eu une évolution assez favorable.

La commission n’est pas favorable à l’amendement no 7 rectifié bis tendant à substituer au président de la CNDA ou au président de section statuant seul la Cour siégeant en formation collégiale, et ce essentiellement pour deux raisons que je vais rappeler, même si notre collègue Charles Gautier, faisant un peu lui-même les questions et les réponses, les a déjà évoquées.

M. Charles Gautier. C’est que je lis dans vos pensées !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Comme dans un livre ouvert ! (Sourires.)

En premier lieu, la procédure est enserrée dans des délais très courts. En second lieu, et c’est le point le plus important, il est demandé au juge de statuer sur le caractère manifestement infondé ou non d’une demande d’entrée en France afin de bénéficier du droit d’asile, mais aucunement sur le bénéfice du statut de réfugié. La question soumise au juge est donc nettement moins complexe, et il est vrai que nous pouvons douter que le HCR souhaite en connaître. Ses représentants exprimant déjà, parfois, des réticences à siéger au sein de la CNDA ; cet amendement pourrait leur poser de nombreuses difficultés.

Si l’on suivait l’argumentation de notre collègue, il faudrait même aller plus loin et réfléchir à la possibilité de déplacer l’examen du bénéfice du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire au moment de l’entrée en France. Nous n’y sommes pas favorables, car l’étranger concerné peut très bien se trouver alors dans une situation personnelle particulièrement difficile qui ne le place pas dans les conditions les plus favorables pour présenter l’ensemble des arguments susceptibles de convaincre la CNDA. L’avis de la commission est donc défavorable.

L’amendement no 30 a le même objet que l’amendement no 7 rectifié bis : substituer au juge unique une formation collégiale. Pour les raisons déjà évoquées, la commission émet un avis défavorable.

Je voudrais cependant répondre plus particulièrement à un argument avancé par Mme Gonthier-Maurin à propos des risques d’encombrement de la CNDA. Je ne partage pas totalement son inquiétude à ce sujet. J’ai relevé dans mon rapport les raisons pour lesquelles, depuis 2003, les délais de la CNDA avaient tendance à augmenter. La principale tient à l’effort d’assainissement du stock des dossiers les plus anciens : naturellement, lorsque l’on se consacre prioritairement à l’examen de ces dossiers, les délais s’allongent. Cependant, des progrès considérables ont été réalisés puisque ce stock a été réduit environ de moitié entre 2003 et 2008, passant de plus de 35 000 dossiers à 19 000 dossiers. Nous pouvons donc être un peu plus optimistes sur ce point – même s’il est bien certain, monsieur le ministre, qu’il faudra donner à la CNDA les moyens d’accomplir au mieux sa mission.

L’amendement no 32 a lui aussi un objet similaire à celui des amendements nos 7 rectifié bis et 30. La commission émet donc un avis également défavorable.

Les auteurs de l’amendement no 31 veulent éviter que le contrôle exercé par la CNDA ne glisse vers un examen au fond de la demande d’asile. Bien entendu, nous partageons totalement cet objectif. Cependant, l’amendement précise que la Cour se limitera « à un contrôle de l’excès de pouvoir ». Or j’éprouve les plus grandes difficultés à discerner les limites d’un tel contrôle, celui-ci variant très sensiblement selon la volonté du juge. Les juristes distinguent en effet le contrôle minimum, qui porte sur une éventuelle erreur manifeste d’appréciation, le contrôle normal, qui s’attache à la qualification juridique des faits, et le contrôle maximum, qui confine au contrôle d’opportunité et que l’on baptise « contrôle de proportionnalité » pour ne pas se poser la question de savoir si le juge ne se livrerait pas à des appréciations d’opportunité qui, théoriquement, ne sont pas de sa compétence. La précision selon laquelle le contrôle de la CNDA se limite à un « contrôle de l’excès de pouvoir » n’est donc pas, à mes yeux, une véritable précision. En conséquence, la commission émet un avis résolument défavorable.

L’amendement no 5 rectifié bis, qui tend à exclure le recours aux ordonnances, est totalement contraire aux vœux de la commission. Par un amendement désormais intégré au cœur du texte de la proposition de loi, elle a inséré un article 3 confirmant l’application de l’article L. 733-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, c’est-à-dire la possibilité de recourir aux ordonnances. L’article 3 de la proposition de loi précise en effet que l’article L. 733-2 du CESEDA s’appliquera également aux dispositions relevant de l’article L. 213-9 du même code : la commission exprime donc bien la volonté que la procédure des ordonnances puisse continuer à s’appliquer. Je signale au demeurant que, actuellement, la CNDA peut y recourir dans le cadre de son contentieux habituel et qu’il est précisé à l’article R. 733-5 du CESEDA que « le président […] peu[t], par ordonnance, donner acte des désistements » – est-il vraiment attentatoire aux libertés que de pouvoir, par ce biais, donner plus rapidement acte des désistements ? –, « constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur un recours » – nous pourrions poser la même question – « et rejeter les recours entachés d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance ». La commission considère que cette possibilité doit être maintenue ; elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

À la différence de l’amendement no 5 rectifié bis, l’amendement no 6 rectifié bis admet le recours aux ordonnances mais en limite le champ aux seuls cas de désistement et de non-lieu à statuer. Certes, c’est probablement surtout dans de tels cas de figure que la procédure des ordonnances pourra être utilisée, mais il en est d’autres pour lesquels il ne serait pas prudent d’exclure a priori la possibilité d’écarter par voie d’ordonnance des recours entachés d’une irrecevabilité manifeste, par exemple lorsqu’un requérant n’invoque que des motifs économiques. L’« asile économique » est parfaitement respectable, mais il ne relève nullement du régime de l’asile politique. Il me paraît donc raisonnable de pouvoir écarter une telle demande d’asile par voie d’ordonnance. Cela permet de préserver un équilibre entre droits des demandeurs et bon fonctionnement de la Cour. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

L’amendement no 8 rectifié bis tend à permettre à l’étranger d’être assisté par un conseil et de bénéficier du concours d’un interprète. Mme Boumediene-Thiery avait justement anticipé ma réponse : l’amendement est déjà satisfait par l’article L. 733-1, qui s’applique à ce nouveau contentieux et dispose que « les intéressés peuvent présenter leurs explications à la Cour nationale du droit d’asile et s’y faire assister d’un conseil et d’un interprète ». Je ne suis pas sûr que dire deux fois la même chose tende vraiment à stabiliser les droits : ce type de répétition ne traduit-il pas une inquiétude quant à l’application de la règle plus qu’un renforcement de celle-ci ?

Pourtant, objectera-t-on à mon objection, la possibilité de se faire assister d’un conseil et d’un interprète est réaffirmée dans certains cas. En particulier, Mme Boumediene-Thiery me demandait pourquoi, dans la proposition de loi, le nécessaire respect des conditions prévues à l’article L. 733-1 est rappelé à propos de la visioconférence, et à son propos seulement.

Ma chère collègue, il faut considérer que, lors d’une visioconférence, une communication est établie entre deux endroits distincts : d’une part, le lieu où se trouve la Cour elle-même ; d’autre part, le lieu où se trouve l’étranger demandeur. Préciser que le conseil et l’interprète doivent alors se trouver aux côtés de l’étranger n’introduit donc pas l’incohérence que vous aviez dénoncée, et aucun doute ne subsiste à propos de leur présence. Qui plus est, les débats témoignent de l’intention du législateur : vous aurez très largement contribué, madame, à ce que le doute se dissipe complètement !

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement no 8 rectifié bis.

Comme je l’ai déjà indiqué en commission, l’amendement no 25 de Mme Boumediene-Thiery est très intéressant et original. Il fait écho à l’audition de M. François Bernard, ancien président de la commission des recours des réfugiés, devenue la CNDA.

M. Bernard s’interrogeait – on peut le comprendre ! – sur la possibilité de résoudre radicalement le problème de la demande d’asile à la frontière en déplaçant à ce stade l’examen au fond du bénéfice du statut de réfugié. Cette solution rendrait sans objet les interrogations sans fin sur ce qu’est une demande manifestement infondée. L’OFPRA, puis la CNDA, se prononceraient dans des délais très brefs.

L’idée est séduisante, mais elle pose quelques difficultés. En premier lieu, je l’ai déjà rappelé, un examen en urgence peut être dangereux : certains demandeurs sont traumatisés et peuvent avoir du mal à faire le récit de leur histoire dès leur arrivée en France. En second lieu, serait ainsi créée une inégalité de traitement entre les demandeurs se présentant à la frontière et ceux qui se trouvent déjà sur le territoire français, puisque la procédure serait différente.

Mme Boumediene-Thiery propose une solution intermédiaire plus subtile : l’examen à la frontière demeurerait un examen de l’admission sur le territoire français afin d’y demander l’asile ; toutefois, après avoir annulé une décision de refus d’entrée, la CNDA pourrait proposer à l’étranger d’examiner sa demande d’asile au fond. Ce serait une simple possibilité, et l’accord de l’intéressé serait exigé.

Cependant, les objections déjà soulevées contre la solution avancée par M. Bernard me paraissent demeurer valables. En outre, je vois mal pourquoi l’étranger admis à entrer sur le territoire français prendrait le risque de cette procédure en urgence, puisque, si le statut de réfugié lui était refusé, il se trouverait en situation d’être immédiatement éloigné. Enfin, ce serait prendre le risque d’une confusion entre les procédures pour demander l’asile à la frontière et pour obtenir le statut de réfugié. Or nous nous sommes entourés de toutes les précautions nécessaires pour éviter une telle confusion. La commission émet donc un avis défavorable.

L’amendement no 9 rectifié bis vise à exiger le consentement de l’étranger pour tenir une audience foraine dans une salle auprès de la zone d’attente. Je remarque tout d’abord que, dans tous les cas où le CESEDA permet de statuer en audience foraine, le consentement de l’étranger n’est pas requis : je ne vois donc pas les raisons qui l’imposeraient en l’espèce. Surtout, si l’on estime que les audiences foraines respectent le droit à un procès équitable et la publicité des débats, le consentement n’a pas à être exigé. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement no 33 tend à exclure les audiences foraines et le recours à la visioconférence. Or les audiences foraines, si elles sont réalisées dans de bonnes conditions, épargnent aux étrangers les désagréments du transfèrement ; elles n’ont donc pas seulement des aspects négatifs. Quant à la visioconférence, compte tenu des délais très courts, elle est concrètement indispensable pour statuer lorsque la demande d’asile à la frontière est présentée, par exemple, outre-mer. Mayotte ou la Nouvelle-Calédonie sont très éloignées de la métropole ! Comment, sans visioconférence, rendre une décision dans les soixante-douze heures ?

Il ne faudrait pas que l’arbre cache la forêt ! Aux termes de la proposition de loi, le recours à la visioconférence n’est possible que lorsque l’éloignement de l’étranger la rend nécessaire. Or un peu plus de 97 % des demandes d’asile à la frontière sont déposées dans les zones d’attente de Roissy et, dans une moindre mesure, d’Orly, et ne sont pas concernées par la visioconférence ! La commission a donc émis un avis défavorable.

Comme l’amendement no 9 rectifié bis, les amendements nos 23 et 34 tendent à exiger le consentement de l’étranger pour tenir les audiences foraines dans une salle auprès de la zone d’attente. Pour les mêmes raisons, la commission y est défavorable.

L’amendement no 10 rectifié bis tend à supprimer la possibilité d’utiliser la visioconférence. Comme je viens de l’expliquer, c’est concrètement impossible dans un certain nombre – certes limité – de cas de figure. La commission a donc émis un avis défavorable.

L’amendement no 24 vise à prévoir le consentement de l’étranger avant d’utiliser la visioconférence.

Le recours à la visioconférence s’est largement diffusé depuis 2003, notamment en matière de procédure pénale, sans que le consentement du prévenu ou du condamné soit requis. Même si la décision du Conseil constitutionnel que vous avez citée m’a quelque peu déstabilisé, madame Boumediene-Thiery, il me semble que, à partir du moment où l’on admet que la visioconférence préserve le droit à un procès équitable ainsi que la publicité des débats, il est inutile de demander le consentement de la personne, sauf à admettre qu’une personne puisse consentir à l’abaissement de ses droits.

Quant au Conseil constitutionnel, il reste la possibilité de le saisir et de lui demander son avis sur ce point. Je le répète, nous discutons d’une hypothèse concernant moins de 3 % des cas !

L’amendement no 35 ayant un objet identique à celui de l’amendement no 24, la commission y est également défavorable.

L’amendement no 21, qui tend à imposer l’ouverture au public des deux salles d’audience, est déjà satisfait par la proposition de loi. En effet, le texte de la commission – à la suite, précisément, de l’adoption d’un amendement de Mme Boumediene-Thiery – prévoit déjà que la salle d’audience foraine est ouverte au public : cela va de soi aussi bien pour la visioconférence que pour la CNDA.

Sans être en désaccord avec Mme Boumediene-Thiery, je considère qu’il n’est pas nécessaire d’enfoncer des portes ouvertes : son amendement étant satisfait, je lui demande de bien vouloir le retirer, à défaut de quoi je serais conduit à émettre un avis défavorable.

L’amendement no 11 rectifié bis tend à introduire une procédure d’appel des décisions de la CNDA devant le Conseil d’État. Voilà une quinzaine de jours, la commission avait refusé que l’appel soit formé auprès d’une cour administrative d’appel : cela aurait été curieux, s’agissant des décisions d’une juridiction nationale ! En ce sens, l’appel devant le Conseil d’État qui nous est proposé aujourd’hui est plus rigoureux.

Il existe néanmoins d’autres objections d’ordre purement juridique. En particulier, la CNDA étant une juridiction nationale, ses décisions ne peuvent faire l’objet devant le Conseil d’État que d’un recours en cassation.

Je prendrai l’exemple de la reconnaissance du statut de réfugié : après la décision de l’OFPRA peuvent intervenir la décision de la Cour nationale du droit d’asile, première décision juridictionnelle, puis le recours en cassation. Je rappelle que le Conseil d’État n’est aujourd’hui juge d’appel que dans quelques cas très limités concernant toujours des jugements des tribunaux administratifs, non les décisions de juridictions à compétence nationale.

De la même manière, les décisions des ordres professionnels statuant en matière nationale sont également susceptibles de recours en cassation devant le Conseil d’État.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement no 36 est très proche de l’amendement no 11 rectifié bis. Pour les raisons que je viens d’indiquer, la commission en demande le retrait ou émettra un avis défavorable.

J’ajoute qu’un appel suspensif d’un mois devant le Conseil d’État supposerait un allongement considérable de la durée de rétention de l’étranger en zone d’attente. Je ne suis pas certain que nos collègues du groupe CRC-SPG y soient particulièrement favorables.

Enfin, l’amendement no 20 tend à préciser qu’à l’occasion de la visioconférence il est dressé un procès-verbal dans chacune des deux salles d’audience.

Cette disposition n’apparaît ni nécessaire ni utile. À la différence de l’audience devant le juge des libertés et de la détention, le consentement de l’étranger n’est pas requis ici. Le procès-verbal, qui permet de s’assurer du consentement de l’étranger, n’a donc pas d’intérêt en l’espèce. En outre, en cas de pourvoi en cassation, le Conseil d’État se prononcera exclusivement sur la décision de la Cour nationale du droit d’asile.

La commission est donc défavorable à cet amendement, qui aurait pour effet d’alourdir la procédure au lieu de la simplifier.