Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Eh oui !

Mme Muguette Dini. … à savoir le libre choix du médecin par son patient, le respect du secret professionnel, le droit à des honoraires pour tout malade soigné, le paiement à l’acte direct par l’assuré social, la liberté thérapeutique et de prescription et la liberté d’installation.

Cependant, la réforme instituant le médecin traitant et le parcours de soins, la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité médicale et la dimension à la fois territoriale et populationnelle des politiques de santé ont ouvert, à partir de 2004, des perspectives nouvelles en termes d’organisation des soins ambulatoires.

La définition des soins de premiers recours, la reconnaissance des missions des médecins généralistes, la promotion d’actions de prévention en santé et le développement de l’éducation thérapeutique, tous sujets traités par ce projet de loi, sont de nouveaux témoins de ce processus de structuration de l’offre des soins primaires.

Cependant, madame la ministre, mes chers collègues, cette structuration ne sera pas aboutie sans une meilleure répartition territoriale des professionnels de santé libéraux que seules une adaptation de la formation et une évolution du mode d’exercice de ces derniers peuvent entraîner.

Nous cherchons à inciter ou à contraindre, plus ou moins, les médecins à exercer dans telle ou telle zone géographique, alors qu’il convient tout simplement – si je puis dire – de leur assurer des conditions adéquates pour exercer sur l’ensemble du territoire.

Les amendements présentés en commission par notre groupe proposaient d’aller en ce sens. Nous souhaitions agir sur trois axes essentiels.

Le premier était la promotion de la formation au métier de médecin généraliste de premier recours. Il est indispensable de faire connaître, au plus tôt, la médecine générale et d’en vanter les attraits à tous les étudiants engagés dans le cursus des études médicales.

Il convient aussi d’améliorer la lisibilité du métier de médecin généraliste de premier recours en organisant une véritable spécialité, dans le cadre d’une filière universitaire de médecine générale d’une durée – similaire à celle des autres filières de spécialités médicales – de quatre ans. Comment, en effet, valoriser une spécialité si on ne lui consacre que trois ans alors que l’on consacre quatre années aux autres spécialités ?

Le deuxième axe était celui de l’évolution des modalités d’exercice des professionnels de santé en médecine de ville.

Nous devons répondre à leurs aspirations, principalement à celles des plus jeunes, en mettant un terme à l’isolement, en faisant de l’exercice regroupé la nouvelle norme et en favorisant les approches pluridisciplinaires.

Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le taux de regroupement des médecins généralistes est estimé à 39 % ; or il atteignait déjà 30 % au début des années quatre-vingt. Il a donc peu évolué, et l’exercice isolé en cabinet reste la forme la plus répandue. De plus, la pratique en groupe est essentiellement mono-spécialisée et de petite taille.

Les maisons de santé pluridisciplinaires doivent devenir une réalité, en priorité dans les zones sous-dotées médicalement.

Elles apparaissent comme le moyen d’améliorer simultanément la productivité et les conditions de travail. Ce regroupement de professionnels médicaux et paramédicaux en un même lieu permettra la prise en charge d’une demande de soins primaires en augmentation.

En termes de conditions de travail, les médecins récemment installés y voient notamment la possibilité de mieux répartir les contraintes liées à la continuité et à la permanence des soins entre les membres du regroupement, ainsi que de nouveaux challenges en termes de coordination des soins. Les médecins déjà installés y voient une occasion de trouver, à terme, des remplaçants et d’envisager une cessation progressive d’activité.

Le regroupement des médecins, principalement au sein des maisons de santé, répond également aux évolutions sociologiques des professionnels de santé. Concilier vie de famille et vie professionnelle constitue une nouvelle exigence des jeunes médecins des deux sexes, qui les conduit à appréhender différemment leur exercice professionnel et son mode d’organisation.

Le troisième point, que nous souhaitions appuyer par voie d’amendements, est celui de la rénovation du cadre de la coopération entre professionnels de santé. La modification des missions de ces derniers, le partage de leurs rôles et l’articulation de leurs interventions dans le cadre de nouvelles formes de coopération sont des enjeux majeurs pour l’avenir de notre système de santé. Cela doit conduire à une nouvelle répartition des activités ou actes existants entre les différents professionnels de santé actuels et, surtout, à la répartition d’actes émergents entre de nouveaux métiers de soin. Il s’agit concrètement de transférer de nouvelles compétences médicales vers d’autres professionnels de santé.

Le professeur Yvon Berland, président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, parle de la nécessité de recentrer les médecins sur le cœur de leur métier ou encore de libérer du temps médical. Par exemple, la prise en charge du patient atteint d’une pathologie chronique ou de la personne âgée souffrant de polypathologies nécessite un suivi au long cours, des bilans médicaux réguliers et des rappels sur l’observance des traitements et l’hygiène de vie, au travers notamment de l’éducation thérapeutique. L’infirmière et le pharmacien peuvent à ce niveau se voir confier, chacun dans le cadre de ses compétences, le suivi quotidien de cette prise en charge.

Quant aux transferts de compétences vers de nouveaux métiers de soin, le rapport du professeur Berland, datant d’octobre 2003, en a identifié plusieurs, parmi lesquels je citerai les infirmières cliniciennes spécialistes, avec lesquelles pourrait être fait ce qui a déjà été fait avec les infirmières anesthésistes, les infirmières de bloc opératoire et les puéricultrices.

Ainsi des infirmières cliniciennes spécialistes de soins primaires pourraient-elles, au sein de structures pluridisciplinaires de médecine générale, prendre en charge les patients dans le cadre du conseil, de l’éducation, de la prévention, du suivi de traitements.

L’autre exemple de nouveau métier de soin que j’ai retenu est celui de coordonnateur du handicap, capable d’assurer l’encadrement polyvalent des personnes en situation de handicap.

Infirmières cliniciennes, spécialistes et coordonnateurs du handicap seraient des professionnels de niveau de formation master, un grade qui n’existe pas encore au sein des professions paramédicales.

Les trois axes que je viens de développer figurent dans le texte de ce projet de loi à doses homéopathiques. Notre groupe tentera, une nouvelle fois, lors de notre débat, de le faire évoluer.

Je n’ai noté nulle part dans cette loi une vraie question sociologique sur le temps de travail acceptable par les nouveaux médecins, sur le temps médical réel consacré à chaque patient et les répercussions évidentes de ces conséquences sur les numerus clausus à venir. À quand, madame la ministre, une réflexion sur ces sujets, qu’on ne pourra éviter d’aborder ? (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Avant toute chose, je voudrais me réjouir de l’adoption par la commission des affaires sociales de deux des amendements déposés par mon groupe. L’un précise que l’accès aux soins de premiers recours s’apprécie en termes de distance et de temps de parcours, précision importante pour les habitantes et habitants de nos territoires de campagne et de montagne. Le second précise, quant à lui, que les comités de massif reçoivent chaque année un rapport de l’agence régionale de santé sur l’organisation de la permanence des soins.

Ces deux amendements, aussi positifs soient-ils, ne sont toutefois pas de nature à modifier sur le fond votre projet de loi, dans lequel un absent ou, plutôt, des absents se font cruellement remarquer : les territoires.

Certes, on les retrouve dans l’intitulé de votre projet, mais, lorsqu’ils apparaissent dans le texte, c’est pour mieux asseoir l’autorité des agences régionales de santé ou pour organiser la participation de différents comités dont aucun ne dispose des pouvoirs suffisants : les avis, lorsqu’ils existent, sont consultatifs.

Ainsi, la conférence régionale de la santé et de l’autonomie participe par ses avis à la définition de la politique régionale de santé mais ne dispose d’aucun pouvoir réel pour satisfaire les besoins des populations. Les territoires appliquent donc des décisions prises ailleurs, dans des agences régionales de santé et de l’autonomie toutes puissantes, profondément anti-démocratiques, dirigées soit par les représentants de l’État dans les régions soit par des personnes qualifiées, pouvant elles-mêmes être nommées par l’État.

Dans ce rapport très hiérarchique, verticalisé à l’extrême et profondément technocratique, les territoires et leurs représentants n’ont pas voix au chapitre. Or la démocratie sanitaire ne consiste pas seulement à assurer la représentation des acteurs et des points de vue, elle consiste avant tout à répondre aux besoins des populations, dont les élus des territoires sont de bons relais.

Au groupe CRC-SPG, nous défendons une autre vision des agences régionales de santé et de l’autonomie et des établissements publics de santé, selon laquelle les conseils de surveillance des agences régionales de santé et de l’autonomie seraient dirigés par des représentants des conseils régionaux et les conseils de surveillance des établissements de santé par des élus des collectivités locales et territoriales, parmi lesquels les élus des villes, des régions et des départements disposant de réelles possibilités pour remplir partout la mission de service public de permanence des soins.

Nous proposons que ces élus soient plus associés qu’ils ne le sont aujourd’hui à la définition du projet régional de santé, particulièrement en ce qui concerne la lutte contre les déserts médicaux.

Aujourd’hui – et ce sera le cas demain encore plus tant votre projet de loi est indigent en la matière ! –, ce sont les maires qui recherchent partout, y compris en dehors de France, des médecins pour venir s’implanter dans leurs communes, notamment en mettant à leur disposition des logements et des cabinets flambant neufs, exonérés de loyers.

J’en veux pour exemple la démarche entreprise par mon ami Gérard Le Cam, sénateur des Côtes-d’Armor.

Ce sont les régions et les départements qui puisent dans leurs ressources pour financer des bourses destinées aux étudiants en médecine en échange de leur promesse d’installation sur un territoire déterminé. Et ce ne sont pas vos quelque deux cents bourses pour tout le territoire national qui suffiront à pourvoir ce que l’on appelle « les zones blanches » !

Disant cela, je ne voudrais pas stigmatiser les étudiants en médecine qui font le choix de s’installer dans des zones où l’offre est déjà très importante. Comment leur en vouloir quand l’État lui-même abandonne les quartiers difficiles, les zones de montagne et nos campagnes ? Comment en vouloir à des jeunes gens qui voient chaque jour l'État procéder à la fermeture d’une poste, d’une école, de l’ensemble des services publics,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et saccager les cabinets médicaux ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

Mme Annie David. ... des jeunes gens à qui votre Gouvernement demande d’en pallier l’absence et d’être dans certains territoires, bien que relevant pourtant de l’organisation libérale, le dernier représentant de la puissance publique ?

Enfin, je voudrais vous faire part de notre totale opposition à la logique comptable qui gouverne ce projet de loi et qui aura pour effet de contraindre les hôpitaux en situation de déficit, c’est-à-dire l’immense majorité d’entre eux, à procéder à des suppressions massives d’emplois – vingt mille, a-t-on entendu – et à la fusion forcée d’établissements publics de santé, fusion décidée par le directeur général de l’Agence régionale de santé, sans attendre l’accord du conseil de surveillance de l’établissement ou des établissements concernés, ni celui du conseil de surveillance de cette agence, décision autoritaire, comme celles que prend votre Gouvernement de fermer plus d’un tiers des tribunaux des affaires de sécurité sociale, de réviser la carte judiciaire, la carte militaire, de fermer des postes de gendarmerie et de police, tout cela au nom de la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, sans jamais en mesurer l’impact sur les territoires concernés.

Pourtant, nous savons, toutes et tous, combien la fermeture d’un hôpital de proximité peut avoir d’importantes conséquences pour la population qui perd un service public de plus,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il ne s’agit pas de fermeture, mais de transformation !

Mme Annie David. ... pour les communes qui voient se déplacer un nombre important de salariées et de salariés, et pour les personnels eux-mêmes ! Autant de conséquences « impactant » le dynamisme des communes et leur économie locale environnante.

Madame la ministre, les hôpitaux publics, comme l’ensemble des services publics, participent activement à l’aménagement de nos territoires.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tout à fait !

Mme Annie David. C’est pourquoi il est inacceptable que puissent s’opérer des fusions ou des regroupements sans que les élues ou élus locaux aient leur mot à dire.

Pour toutes ces raisons, qui sont complémentaires de celles de François Autain, notre groupe votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.

M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord féliciter et surtout remercier le rapporteur, M. Alain Milon, pour la qualité du travail qu’il a fourni ces derniers mois. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Aucune réforme de la santé ne peut être conduite et aboutir sans une large concertation et une adhésion de l’ensemble des professionnels de santé. C’est grâce aux multiples auditions auxquelles il a procédé et à son écoute que le texte portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, dit HPST, a pu être recentré sur deux problématiques essentielles, à savoir la gouvernance à l’hôpital et la mise en place des agences régionales de santé.

Les établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés, sont d’abord une communauté de soignants au service de « patients malades ». La qualité des soins est due à leur professionnalisme, à leur dévouement et à leurs qualités humaines. Leur efficacité procède de leur compétence. Cette compétence est acquise après de longues années d’étude et de pratique dans les CHU.

L’hôpital souffre de problèmes de management et avec ce projet de loi on nous propose une nouvelle gouvernance.

Il faut rééquilibrer les différents « pouvoirs » au sein de l’hôpital. La décision médicale aux côtés de l’administration est incontournable. Notre rapporteur, M. Alain Milon, a insisté sur les attributions de la commission médicale d’établissement, ou CME, auprès des directeurs pour une gouvernance plus équilibrée des hôpitaux.

Pour l’avoir constaté, il est selon moi également indispensable, dans le cadre du respect des missions des chefs de pôle, de préserver une identité et une autonomie des services spécialisés.

C’est dans le service que s’expriment la responsabilité et l’autorité du chef de service secondé par un cadre infirmier sur l’ensemble du service. Son autorité nécessaire et naturelle procède de son activité et de sa compétence exercées avec toute l’équipe dans le cadre de sa spécialité. C’est la meilleure garantie pour les patients d’un accueil et de soins de qualité qui répondent à leur attente légitime.

Je regrette qu’à l’occasion de l’examen du projet de loi dit HPST vous ayez exclu les CHU, sous le prétexte que nous devions attendre les conclusions, déjà connues, de la commission Marescaux. Nous aurions pu en débattre en commission.

Le CHU est avant tout un hôpital. L’excellence et la qualité des CHU sont indispensables à la vie de tous les établissements périphériques, qu’ils soient publics et privés. Par leur rayonnement et leur implication constante, ils structurent les territoires de santé.

Les CHU sont aussi la base de la formation pratique de tous les médecins de France, qu’elle que soit leur spécialité. Ils sont toujours couplés à une faculté de médecine.

Il est légitime de reconnaître la présence et la place indispensable des doyens de faculté de médecine dans la direction des CHU.

À ce propos, en tant que rapporteur de la branche vieillesse, madame le ministre, je voudrais vous dire qu’il est inadmissible que la retraite des professeurs des universités praticiens hospitaliers, dits PUPH, médecins qui ont donc la double appartenance hospitalière et universitaire, porte essentiellement sur la partie universitaire de leur rémunération.

Au moment où nous voulons redonner plus d’attractivité à la carrière hospitalière publique, nous ne pouvons nous permettre d’occulter cette situation. Nous l’évoquerons à nouveau au moment de la discussion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS pour 2010.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est cela !

M. Dominique Leclerc. Redéfinir avec les ARS une meilleure coordination des soins de ville avec ceux qui sont dispensés à l’hôpital public, c’est organiser la complémentarité public/privé et non pas entretenir une rivalité préjudiciable à tous.

Dans les cliniques privées, comme dans les hôpitaux publics, le rôle de la CME doit être préservé à côté de la direction capitalistique et administrative.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Évidemment !

M. Dominique Leclerc. L’attribution de missions de service public à des établissements privés nous paraît souhaitable et cohérente dans les territoires de santé. Cela suppose des exigences raisonnables et compatibles avec les règles conventionnelles à l’égard des praticiens de ces établissements.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tout à fait !

M. Dominique Leclerc. Madame le ministre, on le sait mais on veut souvent l’ignorer, la nomenclature des actes médicaux arrêtée par la sécurité sociale ne correspond plus, et ce depuis longtemps, à la réalité des actes chirurgicaux, à leur technicité et aux responsabilités assumées par les chirurgiens.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous sommes d’accord !

M. Dominique Leclerc. Je prendrai un simple exemple pour illustrer mon propos : une hernie discale est cotée actuellement 300 euros bruts. Lorsque l’on connaît la technicité de cet acte chirurgical, les compétences requises par l’équipe chirurgicale, sans parler des responsabilités, 300 euros bruts ne correspondent pas à une rétribution juste et acceptable.

Ce n’est pas en pointant du doigt un corps professionnel honorable, responsable et compétent que l’on rendra service à l’ensemble de nos concitoyens.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Dominique Leclerc. Nous devons, nous aussi, agir avec « tact et mesure » ! Les actes doivent tous être justement rémunérés et remboursés dans le cadre conventionnel, permettant un accès aux soins pour tous les patients, quelle que soit leur situation ; c’est essentiel.

Disons-le, ce n’est certainement pas le secteur optionnel qui, avec ses ratios et ses quotas, réglera à terme ces problèmes ; nous le savons bien. Si nous voulons conserver une chirurgie de qualité et des pratiques transparentes, il faut s’en donner les moyens dans le cadre conventionnel, en revalorisant certains actes médicaux et chirurgicaux à un « juste » prix.

Une autre remarque concerne la financiarisation des professions libérales de santé, plus particulièrement de la biologie médicale.

La Commission européenne voudrait considérer la santé comme une prestation de service, donc soumise à concurrence. Or l’article 152 du traité instituant la Communauté européenne garantit le principe de subsidiarité dans l’organisation des services de santé des États membres, n’en déplaise aux eurocrates de Bruxelles !

Une telle financiarisation de la santé serait préoccupante et ne serait pas sans conséquence au regard de notre politique de santé, avec notamment la disparition de certaines professions libérales dans des zones rurales moins attractives. De plus, que deviendront l’indépendance et le sens des valeurs du professionnel de santé face au pouvoir capitalistique et à ses exigences de rentabilité à court terme ?

La biologie médicale était concernée par le 7° de l’article 20 ; il a été heureusement retiré, garantissant le maintien d’une spécialité médicale exercée dans le cadre d’une médecine de proximité qui participe à la permanence de l’offre de soins.

Enfin, madame la ministre, je voudrais soulever un problème qui mérite réflexion.

S’il est légitime que les retraites soient contributives et donc essentiellement financées par les cotisations salariales et patronales sur le travail des actifs, la prestation maladie, en revanche, concerne l’ensemble de nos concitoyens, quelle que soit leur situation au regard du travail.

Les cotisations salariales et patronales ne représentent plus qu’environ 40% des prestations distribuées, alors qu’elles les recouvraient presque totalement lors de la création de la sécurité sociale.

Il me semble désormais anormal que le financement des prestations maladie reste assis sur les revenus des actifs. On pourrait imaginer un financement par l’impôt, type CSG. J’y vois au moins deux avantages.

Le premier est une diminution significative du coût du travail au moment où l’on recherche des dispositifs améliorant la compétitivité des entreprises et l’amélioration du pouvoir d’achat des Français qui travaillent.

Le second avantage est, dans le cadre de la future loi HPST, sous l’autorité des ARS, une cohérence de pilotage de l’offre de soins et de la gestion des risques.

Madame le ministre, au-delà de ces remarques, nous apprécions l’effort de cohérence globale de notre système de santé que représente la future loi HPST. Elle concerne l’ensemble des acteurs et privilégie l’intérêt des patients, et ce sur l’ensemble de notre territoire. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Merci !

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yves Daudigny. Madame la ministre, la procédure d’urgence serait tout à fait justifiée si votre projet l’était lui-même. Or, si l’on entend réellement assurer la viabilité du service public de santé français, l’urgence n’est pas aujourd’hui de réformer – pour ne pas dire de chambarder ! – ses structures et son organisation, qui plus est pour la sixième fois en dix ans, alors que les pôles ne sont pas encore tous mis en place, ni a fortiori évalués. L’urgence est plutôt de pourvoir au financement de ce service public.

Dans un courrier en date du 29 avril dernier, il y a donc très peu, adressé au président de la Fédération hospitalière de France, la FHF, vous avez annoncé le report à 2018 de la convergence tarifaire publique/privée, initialement prévue pour 2012. Le renoncement, cela a été dit, est raisonnable, mais tardif !

De même aviez-vous attendu l’ouverture des débats parlementaires sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale en novembre dernier pour enfin reconnaître la sous-estimation du coût de la prise en charge de la précarité et des polypathologies par le service public, et donc de son sous-financement.

Cela fait des mois, en effet, que les professionnels de santé et nous-mêmes vous alertons sur la gravité de la situation financière des établissements publics et que nous plaidons en faveur d’un plan de résorption des déficits hospitaliers.

Nous demandons donc non pas simplement la levée de l’urgence sur ce texte, mais le retrait pur et simple de ce dernier ; nous aurons d’ailleurs l’occasion de défendre dans la suite du débat la motion que nous avons déposée tendant à opposer la question préalable.

Vous entendez garantir à tous, et partout, un égal accès aux soins et sauver l’hôpital. Mais les outils que vous proposez de mettre en place à cet effet ne sont qu’apparence et paradoxe.

Vous n’offrez que l’apparence d’une réorganisation des parcours de soins. En effet, menée avec un tel « tact » et une telle « mesure », l’offre ambulatoire ne s’en trouvera pas plus accessible, ni géographiquement ni financièrement, et n’en sera pas autrement perturbée. Ceux auxquels votre réforme prétend s’adresser, ceux qui n’ont plus accès aux soins, en sont, paradoxalement, les grands oubliés !

Vous n’installez que l’apparence de « patrons » tout-puissants à la tête de l’hôpital et de l’agence régionale de santé et de l’autonomie : c’est l’État qui prend la main et ils seront aux ordres. Mais cette étatisation évidente organise, dans le même temps, le désengagement de l'État du service public hospitalier, livré aux appétits du secteur privé commercial, et prépare l’abandon de la responsabilité politique et financière de l’organisation du système de santé lui-même.

Les valeurs qui fondent cette réforme sont claires ; les moyens mis à leur service, classiques ; l’objectif est transparent.

Vous vous appuyez sur un principe, pour ne pas dire un dogme : l’optimisation des coûts résultera d’une mise en concurrence. Il faut donc gommer tout ce qui pourrait encore distinguer le secteur public du secteur privé pour glisser le premier dans les habits du second.

C’est l’application des modes de gestion entrepreneuriaux à l’hôpital et à l’organisation du système de santé. C’est la tarification à l’acte déjà mise en place et le démantèlement du service public hospitalier, parcellisé en missions que l’on dispersera ainsi aisément au vent des marchés.

L’objectif, vous l’avez annoncé : des économies à hauteur de 93 millions d’euros doivent être réalisées, car la santé coûte trop cher à l’État. Tel est d’abord le souci comptable présidant à cette réforme et telle est bien la « feuille de route » fixée aux nouveaux « patrons » des agences régionales de santé et de l’autonomie et des hôpitaux publics, qui, sous une apparente liberté de moyens, seront révocables à merci et seront tenus au collet par cette obligation de résultat.

L’effet de l’annonce de cet impératif catégorique financier, déguisé en « maîtrise médicalisée », a d’ores et déjà tétanisé les personnels et gelé les sources de financements des réseaux de santé.

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Yves Daudigny. Plusieurs associations de l’Aisne, qui assurent des prises en charge sanitaires et sociales, m’ont confirmé cette situation d’attente, qui met à mal leur travail et leur survie.

Les moyens mis au service de votre évangile concurrentiel et de son objectif comptable sont classiques : déprofessionnalisation et contractualisation.

C’est l’ouverture des principaux postes du système de santé à des gestionnaires et anciens dirigeants d’entreprises, qui pourront n’avoir aucune connaissance ni aucune expérience du monde de la santé – mais ne serait-ce pas là ce que l’on attend d’eux ? – et c’est l’instauration de relations de gré à gré à tous les niveaux : entre gestionnaires du système de santé entre eux et les « offreurs » de services en santé que deviennent indifféremment toutes les structures, publiques ou privées.

Clemenceau affirmait : « La guerre est une affaire trop sérieuse pour être confiée aux militaires ». Selon vous, la santé serait aussi une affaire trop sérieuse, ou trop coûteuse, pour être confiée aux médecins. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)