M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Sans même parler de la philosophie de ce dispositif, je pense qu’obliger les étudiants à la fin de leur troisième cycle à passer trois ans dans un secteur désertifié est tout à fait irréaliste.

D’abord, que se passera-t-il pour ceux qui envisagent de faire une spécialité ? Reviendront-ils en faculté après trois ans ou seront-ils dispensés de cette obligation ? Ce sont de véritables questions !

Par ailleurs, voilà des jeunes médecins qui vont prendre en charge des malades, qui quitteront le secteur au bout de trois ans, que l’on devra donc remplacer par de nouveaux débutants en fin d’études pour une nouvelle période de trois ans, et ainsi de suite. En termes de service apporté à la population de ces zones désertifiées, ce ne sera guère enthousiasmant !

L’exercice de la médecine suppose en effet une certaine continuité : la connaissance de la clientèle joue un rôle important. C’est pourquoi je pense qu’un tel dispositif aurait en fait des conséquences négatives sur la qualité des soins dans les territoires concernés. Mieux vaut des mesures incitatives comme celles que le rapporteur a évoquées et qui permettront que des médecins s’installent dans ces territoires de manière pérenne.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour explication de vote.

M. Claude Biwer. Monsieur Barbier, nous n’exigeons rien. Nous voulons simplement bénéficier d’un service dont tout le monde a besoin.

Je crois surtout que l’on peut retourner votre raisonnement : notre objectif est aussi de montrer aux futurs médecins qu’on se sent bien à la campagne et que la qualité de vie y est meilleure afin qu’ils aient envie de s’y installer réellement. Nous n’avons jamais dit qu’il fallait les renvoyer au bout de trois ans. Tout ce que nous souhaitons, c’est qu’ils restent !

Je reconnais que cet amendement et ce sous-amendement ont un côté un peu provocateur dans la mesure où nous imposons quelque chose. Cependant, pour ma part, je n’ai jamais parlé de travail obligatoire. J’ai même précisé que l’on pouvait habiter à un endroit et exercer ailleurs.

Je crois que ce débat était nécessaire pour bien montrer les difficultés de ces territoires. Cela étant, eu égard aux problèmes pratiques qui se posent, je retire mon sous-amendement.

M. Jean-Pierre Sueur. On le sentait venir !

M. le président. Le sous-amendement n° 1221 est retiré.

La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je voudrais d’abord vous remercier, madame la ministre, d’avoir fait l’effort de m’apporter une réponse.

Comme vous l’avez dit hier soir, nous sommes tous les deux de bonne foi, mais je n’arrive malheureusement pas à être convaincu par les mesures que vous proposez. Nous avons donc tous les deux une interprétation différente.

Je regrette que M. le rapporteur ait été à nouveau dans l’outrance. Je n’ai jamais reproché aux médecins le coût de leurs études ! Je n’ai d’ailleurs fait que citer un rapport de l’Académie nationale de médecine. Toutes les études ont évidemment un coût pour la société. À cet égard, M. le rapporteur a cité un excellent exemple : celui des directeurs d’hôpitaux. Ne sont-ils pas, eux, obligés d’aller là où on les affecte ?

Par ailleurs, j’ai été extrêmement choqué, d’une part, que l’on puisse comparer ce dispositif au STO et, d’autre part, que cela puisse en faire sourire certains. C’est une véritable insulte envers ceux qui ont subi cette déportation et envers le monde des anciens combattants en général. Malheureusement, ceux qui ont vécu cette période ne sont plus très nombreux ici.

Il est vrai que, quand on qualifie les zones rurales de « trous », on peut aller jusque-là dans la provocation !

Sur le fond, nous allons émettre un vote très important. Il s’agit de se déterminer en conscience pour savoir si, oui ou non, nous adoptons une mesure forte, coercitive – je n’ai pas peur d’employer le terme –, mais qui, je le répète, ne s’appliquera qu’en 2017 dans le cas où les mesures incitatives proposées par le Gouvernement se seront révélées inefficaces. Il n’y a donc guère de risque à voter ce texte, mais il nous donne tout de même l’assurance que, dans cette hypothèse, en 2017, un autre dispositif prendra le relais.

Par ce vote, nous allons montrer si nous nous soucions vraiment des zones rurales. Le Sénat est la chambre qui représente les territoires. On nous demande souvent, lorsque nous faisons campagne pour les élections sénatoriales : à quoi sert le sénateur ? Quelle est sa différence avec le député ? La spécificité du Sénat, selon moi, c’est la défense des territoires. Alors, il faut savoir si l’on préfère défendre les territoires ou les médecins, les patients ou les médecins, l’égal accès aux soins, qui a une valeur constitutionnelle, ou la liberté d’installation des médecins, qui n’en a pas !

J’espère que Mme la ministre demandera un scrutin public, afin que le vote de chacun soit inscrit au Journal officiel. Comme cela a été dit tout à l’heure, ce vote sera examiné par l’ensemble des élus locaux de ce pays, notamment par les grands électeurs. (M. François Autain applaudit.)

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Il va sans dire que je soutiendrai cet amendement, qui ressemble étrangement à un amendement que j’avais présenté la semaine dernière.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela devrait inquiéter M. Maurey !

M. François Autain. Il a été extrêmement bien défendu et je n’ai aucune raison de ne pas le voter, bien au contraire.

Je constate d’ailleurs avec beaucoup de satisfaction que les idées que nous défendons progressent…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les mauvaises herbes ont la vie dure !

M. François Autain. … et je suis très heureux qu’un membre de la majorité présente un tel amendement. J’espère que de nombreux collègues de la majorité soutiendront demain de tels amendements, si ce n’est le cas aujourd’hui…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela voudrait dire que la gauche est arrivée au pouvoir !

M. François Autain. Je pense que M. Maurey n’est pas de gauche ; il s’est même réclamé de la majorité !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Personne n’est parfait ! (Sourires.)

M. François Autain. Je veux simplement dire que ces idées progressent dans les rangs de la majorité. Il n’est pas impossible que, demain, elles deviennent majoritaires et que nous puissions enfin voter des mesures efficaces pour lutter contre les déserts médicaux.

Avec les mesures que nous propose madame la ministre, nous n’en prenons évidemment pas le chemin.

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, pour explication de vote.

M. Dominique Leclerc. Je voudrais développer un argument qui, dans ce très long débat sur l’installation des médecins, n’a pas été avancé, à mon grand étonnement, car il s’agit aujourd’hui d’un point déterminant dans le choix des jeunes médecins.

La formation est longue, coûteuse et n’est dispensée que dans le cadre de l’hôpital public, cela a été dit. Or la médecine est un art : contrairement à ce que certains pensent, un médecin s’installe non pas uniquement pour gagner de l’argent, mais pour exercer cet art médical au service de patients !

M. Alain Vasselle. Très bien !

Mme Isabelle Debré. Bien sûr !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Sinon, ils s’installeraient tous dans les zones sous-médicalisées, pour gagner plus !

M. Dominique Leclerc. Par ailleurs, si de jeunes médecins, après dix ou quinze ans de formation, s’installent en libéral, c’est également parce que tous ne peuvent pas exercer à l’hôpital. Sinon, il s’y trouverait plus de praticiens que de malades ! Et si certains médecins préfèrent assurer des remplacements pendant une dizaine d’années, ce n’est pas obligatoirement pour répondre à un choix premier.

L’élément essentiel, c’est la responsabilité médicale. Quand vous êtes à l’hôpital, celle-ci est collective et, en cas de faute, c’est l’établissement qui assume l’erreur médicale. Quand vous êtes en médecine de ville, elle pèse sur vous, et c’est un poids très lourd, qui fait hésiter un certain nombre de jeunes médecins. Un remplaçant, en cas de problème, envoie le patient à l’hôpital ou chez un spécialiste, mais surtout il attend le retour du titulaire pour que ce soit à lui de gérer le cas.

Croyez-moi, la responsabilité médicale est très lourde à porter, et nous devons en tenir compte dans les propositions que nous sommes en train de formuler.

Incitation, coercition… Je vous invite à être très prudents ! En effet, si vous aggravez la situation des jeunes médecins par des mesures coercitives, quasi discriminatoires, nous n’arriverons plus, demain, à trouver les praticiens pour répondre aux besoins de santé de notre population.

Des propositions pondérées ont été formulées par le président de la commission et par le rapporteur, ainsi que par Gilbert Barbier, qui connaît bien l’exercice médical : nous devons les évaluer et les mettre en œuvre.

Certains articles parus cette semaine dans la presse hebdomadaire sont très significatifs. Arrêtons d’infantiliser les patients et les praticiens ! Cessons de vouloir réglementer toujours plus ! Pour ma part, je reste convaincu que ce n’est pas par des mesures obligatoires et des contraintes que nous résoudrons le problème. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Notre débat me fait penser à ce film canadien, la Grande Séduction, où l’on voit les habitants d’un petit village du Québec prêts à tout pour qu’un médecin vienne s’installer chez eux… (Sourires.) Je vous invite à voir ce film, mes chers collègues, au demeurant très amusant.

Je voterai l’amendement de M. Maurey parce que je pense que des mesures doivent être prises. On nous dit que, d’une certaine façon, on oblige des gens à s’installer, mais c’est vrai pour d’autres professions, en particulier pour beaucoup de fonctionnaires ou d’agents des services publics ! C’est vrai aussi pour certaines infirmières !

Dites plutôt, ce serait plus honnête, que les médecins sont tellement puissants qu’il faut renoncer à leur demander quoi que ce soit ! Laissez-vous donc aller à cet aveu d’impuissance !

L’amendement de M. Maurey laisse le temps de voir si les mesures incitatives, que nous sommes nombreux ici à juger insuffisantes, réussissent. Si elles échouent, il faudra prendre de nouvelles mesures dans quelques années. Cet amendement a l’avantage de donner une impulsion suffisamment à l’avance.

Au demeurant, le caractère contraignant de cette mesure n’a rien de scandaleux, car je pense que l’institution, à terme, d’une responsabilité collective écologique et environnementale, pour laquelle je plaide, nous amènera à être tous soumis, et de plus en plus, quelle que soit notre profession, à certaines contraintes.

M. Dominique Leclerc. Quelle société vous nous dessinez !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas le profit qui guide les médecins lorsqu’ils s’installent.

M. François Autain. Qui a prétendu le contraire ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si c’était le cas, ils se précipiteraient dans ces secteurs sous-médicalisés où un médecin gagne en moyenne 2 000 euros de plus par mois.

Je suis médecin généraliste et, à la fin de mes études, j’ai décidé de m’installer en zone rurale, dans un petit village de 1300 habitants bien agréable, un « trou » sympathique, où j’ai été très bien accueilli. Puis l’État a décidé d’y construire une ville nouvelle, et ce petit village s’est transformé en une agglomération de 150 000 habitants ! C’était un désert médical, il y a maintenant trop de médecins ! (Sourires.)

M. François Autain. Du coup, vous avez cherché un autre désert ! (Nouveaux sourires.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Alors, j’ai décidé de venir vous rejoindre ! (Rires.)

M. Jean Desessard. Ici, ce n’est certes pas un désert médical ! (Mêmes mouvements.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais vraiment convaincre Hervé Maurey, après son succès d’hier, de retirer son amendement.

M. François Autain. Sinon, ça fait désordre !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut donner au système qui a été mis en place une chance de fonctionner correctement.

M. François Autain. Il est bidon !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. D’autres mesures seraient, selon moi, susceptibles d’être plus efficaces ; il convient d’y réfléchir. Tout jeune médecin, par exemple, pourrait devoir un certain nombre d’années d’installation.

La profession se féminise et l’on voit de plus en plus de jeunes médecins qui ne s’installent que pour quelques années ou qui ne travaillent pas à temps complet. Une telle situation aurait été absolument inconcevable pour mon grand-père, mes oncles, mes aïeux médecins ! Il est incroyable que l’on puisse suivre dix à douze années d’études médicales pour s’installer pendant quatre à cinq ans ou ne consacrer à l’exercice de la médecine que 50 % ou 60 % de son temps ! Aujourd'hui, alors qu’il n’y a jamais eu autant de médecins inscrits à l’Ordre, le temps médical n’a jamais été aussi faible.

Plutôt que de contraindre les médecins qui bossent à 100 % de leur temps, et pendant quarante ans, il vaudrait sans doute mieux décider que ceux qui ne pratiquent pas à temps complet ou qui n’exercent que quatre ou cinq ans remboursent une partie de leurs études. Cela me semblerait bien plus rentable.

Je comprends bien l’esprit de l’amendement d’Hervé Maurey, mais je souhaite vivement qu’il le retire parce que ce serait un très mauvais signal envoyé à ceux qui font l’effort de remplir leur mission de médecin, laquelle demande beaucoup d’engagement et de cœur, dans la durée.

Mme Isabelle Debré. On dit que la médecine est une vraie vocation !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Je voudrais revenir sur la question des études médicales et du contrat moral que passe un étudiant avec l’État lorsqu’il s’engage dans ses études.

C’est à dessein que j’ai pris l’exemple du directeur d’hôpital, monsieur Maurey. Quand un jeune s’engage dans une école de directeurs, il sait dès le départ qu’il a un contrat avec l’État, qu’il sera fonctionnaire et qu’il sera obligé d’aller en différents endroits au cours de sa carrière.

Un étudiant en médecine, lorsqu’il signe moralement le contrat avec l’État, n’a pas cette obligation au départ.

M. Jean Desessard. Justement !

M. Alain Milon, rapporteur. Si vous prévoyez une telle obligation, comme je vous le disais hier soir, l’exercice de la médecine change de nature. On met en place une médecine fonctionnarisée, installée sur l’ensemble du territoire national.

M. François Autain. Et pourquoi pas ?

M. Alain Milon, rapporteur. D'ailleurs, beaucoup de médecins seraient tout à fait prêts à accepter ce changement, mais ils exerceraient alors leur métier comme des fonctionnaires, et vous ne pourriez plus leur reprocher quoi que ce soit.

M. François Autain. Ah si, quand même !

M. Alain Milon, rapporteur. Non, ils feraient leur métier comme tous les fonctionnaires font leur métier, dans le cadre d’un véritable service sanitaire.

Par ailleurs, monsieur Maurey, vouloir obliger un médecin, à la fin de ses études, à s’installer dans une zone déterminée pendant trois ans, c’est du travail obligatoire ! Je veux bien, si vous préférez une autre dénomination, appeler cela un « service sanitaire obligatoire ». Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un service obligatoire à rendre à la nation : on ne peut le qualifier autrement.

C’est pourquoi je vous demande à nouveau, avec Nicolas About, de bien vouloir retirer cet amendement. Ce sera mieux pour tout le monde.

M. François Autain. Non, pas pour tout le monde ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Pour ma part, je voudrais appuyer les propos empreints d’une grande sagesse formulés par M le président de la commission des affaires sociales et soutenir la position qui vient d’être réitérée par M. le rapporteur.

Monsieur Maurey, l’amendement que vous avez réussi à faire adopter précédemment par la Haute Assemblée, avec le soutien de Mme la ministre – laquelle avait au demeurant repris un amendement de M. René Beaumont qui allait dans le même sens –, devrait vous donner entière satisfaction.

À mon avis, l’amendement que vous défendez actuellement n’est pas du tout dans l’esprit de ce que vous avez défendu tout à l’heure,…

M. François Autain. C’est un « centriste révolutionnaire » ! (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cela devient de plus en plus commun ! (Nouveaux sourires.)

M. Alain Vasselle. … en employant des arguments tout à fait recevables. Personnellement, je ne les partageais pas tous, mais, en tant que démocrate, j’admets qu’ils aient convaincu une majorité de nos collègues.

L’amendement que vous défendez à présent est un amendement de repli qui aurait eu un sens si votre premier amendement n’avait pas été adopté.

En l’occurrence, l’application du dispositif que vous préconisez poserait des problèmes majeurs. L’exemple concret qui a été donné par notre collègue Gilbert Barbier prouve bien qu’il serait plus sage de retirer cet amendement.

Enfin, je souhaite rebondir sur les propos de M. le président de la commission des affaires sociales.

Mes chers collègues, nous payons aujourd'hui les conséquences de l’absence d’une véritable politique d’aménagement du territoire en France. Si notre pays avait mené une politique d’aménagement du territoire un peu plus équilibrée, nous ne serions sans doute pas aujourd'hui réduits à adopter des dispositions comme celles dont nous discutons en ce moment.

Je vous rappelle que nous évoquions déjà le problème des déserts médicaux lors de l’adoption de loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, dite « loi Pasqua » !

Nous avons pris, par petites touches, des mesures incitatives, pour finalement nous rendre compte que cette méthode n’était pas efficace. Par conséquent, on essaie aujourd'hui d’aller plus loin et d’adopter des dispositions plus ou moins coercitives.

Il faudrait, me semble-t-il, que nous ayons une fois pour toutes le courage de nous engager dans une politique d’aménagement du territoire, d’aller au bout et de ne pas nous contenter de prendre des « mesurettes » !

M. François Autain. Parce que vous prenez des « mesurettes » ?

M. Alain Vasselle. C’est pourquoi je crois préférable que notre collègue retire son amendement. Le vote d’une telle disposition ne nous permettrait pas d’avancer dans le sens espéré.

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

M. Alain Houpert. L’acte de soigner est un acte difficile. Qu’il soit libéral ou fonctionnaire, quand un médecin rentre chez lui, il rentre avec ses problèmes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Un ministre aussi ! (Sourires.)

M. Alain Houpert. Le médecin, il est là quand la vie bascule. Parmi ses nombreuses responsabilités, il en est une qui est particulièrement lourde : il doit annoncer de mauvaises nouvelles. Croyez-moi, ce n’est pas facile !

Je rappelle que la profession médicale est l’une de celles où le burn out est le plus fréquent. Les médecins n’en peuvent plus ! Alors que les médecins sont des « aidants », on crée actuellement des groupes de parole pour les aider ! Et ce n’est pas avec des mesures coercitives qu’on y parviendra.

Comme l’a souligné M. Vasselle, nous sommes passés à côté de l’aménagement du territoire, par excès de frilosité et par manque d’audace. Osons l’aménagement du territoire !

Mais ces mesures coercitives seront contre-productives. Elles inciteront les étudiants en médecine à aller suivre leur formation dans des territoires qui ne seront pas concernés par des problèmes de démographie médicale.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Je souhaite apporter une humble contribution à cette discussion.

Tout d’abord, l’enjeu du débat n’est pas d’être pour ou contre les médecins, mais de chercher à assurer la sécurité des Françaises et des Français, quel que soit leur lieu de résidence,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Exactement !

M. Yves Daudigny. … et cela en tenant compte des évolutions de la société qui s’imposent aujourd'hui à nous.

Je souhaite insister sur trois éléments.

Premièrement, il n’est pas interdit de penser que la manière dont les médecins abordent le sujet évoluera peut-être un jour et qu’une éventuelle prise de conscience politique les amènera à modifier leur comportement.

Permettez-moi de me livrer à une comparaison, dont j’admets qu’elle est peut-être osée. Voilà quelques années, qui aurait pu imaginer que les sénateurs prendraient eux-mêmes l’initiative de réduire leur mandat de neuf ans à six ans ? Cela paraissait totalement impossible. Pourtant, c’est ce qui s’est passé. À un certain moment, il y a eu une prise de conscience dans cette assemblée qui a permis une évolution. Je pense qu’il peut en aller de même pour les médecins.

Deuxièmement, la désertification médicale est un risque immédiat, avec des conséquences catastrophiques en termes tant de sécurité que d’aménagement du territoire. Par conséquent, des mesures immédiates s’imposent. Aussi, en début de matinée, le groupe auquel j’appartiens a soutenu l’amendement qui était présenté, entre autres, par le Gouvernement.

Troisièmement, nous devons également essayer de regarder plus loin. Comme cela a déjà été souligné par les membres de mon groupe, je crois que la seule solution à terme est la contractualisation.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Yves Daudigny. Il faut qu’un contrat soit conclu avec l’étudiant dès le début de ses études. Je ne suis pas un spécialiste de ces questions, mais je pense que le contrat devrait comporter plusieurs clauses.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce sera l’objet de l’article suivant !

M. Yves Daudigny. D’abord, pendant ses études, l’étudiant devrait obligatoirement être placé en situation de futur généraliste dans des secteurs difficiles, c'est-à-dire les zones à faible densité de population ou à la périphérie des grandes villes. Une période de travail dans de telles zones serait ensuite accomplie, toujours aux termes du contrat.

Mais le contrat devrait également permettre des évolutions de carrière, afin que le praticien ait le sentiment de pouvoir progresser et soit en mesure de connaître plusieurs aspects de sa profession. Le contrat devrait laisser ouverte la possibilité d’une diversification des fonctions exercées, par exemple des activités de recherche. Il devrait aussi insister sur la notion de travail en équipe.

À mon sens, la solution d’avenir réside bien dans une telle forme de contractualisation, qui imposera peut-être des contraintes à l’étudiant en médecine, mais qui lui permettra également d’appréhender une carrière en évolution, afin de répondre à ses aspirations et aux modes de vie de la société contemporaine.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Personnellement, j’ai été très sensible à l’intervention de M. le président de la commission des affaires sociales, qui nous a fait part de son expérience.

Je crois que l’adoption de l’amendement n° 182 rectifié bis aurait deux conséquences négatives.

Premièrement, cela orienterait la majorité des étudiants en médecine vers des spécialisations, réduisant ainsi encore le nombre de médecins généralistes, ce qui me paraît contraire à l’objectif visé.

M. Alain Gournac. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Fourcade. En effet, pour échapper à la localisation, de plus en plus d’étudiants opteraient pour une spécialisation.

Deuxièmement, une telle disposition changerait la nature de notre système de santé, en incitant les futurs praticiens à devenir des médecins salariés.

M. François Autain. Et alors ? Ce n’est pas un drame !

M. Jean Desessard. C’est peut-être même la solution !

M. Jean-Pierre Fourcade. En réalité, cet amendement ne peut, me semble-t-il, se justifier que dans un seul cas de figure, celui des élèves des écoles de médecine comme l’École du service de santé des armées de Bordeaux, autrefois appelée École de santé navale, ou l’École du Service de santé des armées de Lyon-Bron. (M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.)

M. Jean Desessard. On peut élargir !

M. Jean-Pierre Fourcade. Dans ce cas précis, nous pouvons effectivement demander à des étudiants qui sont totalement pris en charge par une structure relevant de l’État d’assurer un service dans un certain nombre de secteurs pendant une durée de trois ou quatre ans. À eux, oui, nous pouvons imposer de telles obligations. En revanche, les imposer aux étudiants de nos différentes facultés de médecine constituerait un changement que nous ne pouvons pas accepter.

Par conséquent, nous ne voterons pas cet amendement.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. le président. Monsieur Maurey, finalement, que décidez-vous ?

M. Hervé Maurey. Je remercie les collègues qui ont pris la peine de me demander de retirer l’amendement n° 182 rectifié bis, notamment mon ami le président Nicolas About.

Pour autant, monsieur le président de la commission des affaires asociales, j’ai déjà pris en compte une partie de vos remarques puisque, lorsque nous avions discuté de cette question, vous aviez souligné qu’il ne faudrait pas proposer de mesure destinée à entrer en application avant 2017. (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC-SPG.) C’est pourquoi j’ai prévu cette échéance dans mon amendement. Elle répond d’ailleurs aux souhaits des uns et des autres puisqu’elle laisse aux mesures incitatives une chance de réussite d’ici à 2017. Si les mesures se révèlent efficaces, le dispositif que mon amendement vise à instituer n’aura plus de raison d’être.

Par conséquent, je maintiens cet amendement.

M. François Autain. Très bien !

M. Hervé Maurey. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je serais très heureux qu’il y ait un scrutin public. Ainsi, chacun prendrait ses responsabilités et les positions des uns et des autres seraient gravées dans le marbre du Journal officiel de la République française.

Par ailleurs, je souscris aux propos de M. le président de la commission des affaires sociales lorsqu’il affirme qu’il n’y a pas de désert médical dans notre assemblée. D’ailleurs, j’aimerais bien connaître la densité de médecins dans l’hémicycle ; elle est certainement très supérieure à la densité observée à Paris ! (Sourires.)

M. François Autain. Ça, c’est sûr !

M. Jean Desessard. Les vétérinaires sont bien représentés aussi !