M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Pour ma part, je voterai contre la dissociation du II bis. J’ai à cœur d’expliquer et de replacer dans son contexte cette disposition, qui vise à permettre aux sages-femmes de pratiquer l’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse.

Le dispositif, tel qu’il est conçu, est très encadré, puisqu’il consiste en une expérimentation qui sera menée dans une région connaissant un fort taux de recours à l’IVG et mise en place après consultation des professionnels concernés.

Il ne s’agit plus ici d’un débat pour ou contre l’interruption volontaire de grossesse. Aujourd’hui, le recours à celle-ci est un droit pour chaque femme. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Je regrette en outre d’entendre dire que cette disposition encouragera le recours à l’IVG. Aucune femme ne choisit d’avorter par plaisir ! Je citerai sur ce point précis le docteur Martin Winckler, selon lequel « quelles que soient les circonstances, l’IVG marque les femmes, même si ces femmes ont choisi d’avorter. Cette marque n’est pas nécessairement indélébile ou irréparable, ni même éternelle mais elle existe […]. Contrairement à ce que suggéraient les discours les plus réactionnaires, après vingt-cinq ans de légalisation de l’IVG, je n’ai jamais vu de femmes utiliser l’IVG comme une méthode contraceptive. »

Permettre aux sages-femmes de pratiquer l’IVG par voie médicamenteuse, c’est assurer un meilleur accès à cette méthode, c’est offrir une meilleure prise en charge des femmes, à laquelle participeront d’ailleurs également les centres de planning familial. En effet, le décret du 6 mai 2009 les y autorise désormais.

L’IVG par voie médicamenteuse n’est possible, hors de l’hôpital, que si elle est pratiquée par des médecins de ville ayant passé convention avec un établissement de santé. Dans certaines zones, ces praticiens sont peu nombreux.

Je tiens à souligner qu’une large majorité des sages-femmes est favorable à cette délégation de compétence. (Mmes Bernadette Dupont et Marie-Thérèse Hermange protestent.) Le CASSF, le collectif des associations et syndicats de sages-femmes, déclare dans le dernier numéro du bulletin de l’Ordre des sages-femmes que « l’IVG médicamenteuse est de nos jours un droit incontestable des femmes qui reste cependant assez difficile d’accès. Dans ce cadre, les sages-femmes sont les professionnelles les plus indiquées pour participer à cette action de santé publique et combler le manque délétère dans ce domaine. »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est évident !

Mme Muguette Dini. Je regretterais que cette disposition soit dissociée du reste de l’article, qui porte sur les nouvelles missions reconnues aux sages-femmes, principalement en matière de suivi gynécologique non pathologique, de consultations de contraception, de prescription des différents types de contraceptifs.

L’expérience de certains pays européens l’a démontré, la forte diminution du nombre d’IVG va de pair avec une amélioration des pratiques contraceptives. Nous devons donc renforcer l’information des femmes en matière de contraception afin que chacune d’entre elles bénéficie de la méthode contraceptive qui lui convient le mieux. Nous devons aussi garantir l’accès à l’IVG aux femmes qui, au cours de leur vie, n’ont d’autre choix que d’y avoir recours.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter en faveur du maintien du II bis dans le texte. J’ajoute qu’il me semblerait tout à fait opportun que les sages-femmes, qui sont majoritairement des femmes, puissent être les interlocutrices privilégiées des très jeunes filles, pour qui cette disposition est extrêmement importante. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. L’oratrice précédente s’est très bien exprimée. Je me bornerai donc à indiquer que nous soutenons le maintien de l’article 22 bis au nom des droits acquis des femmes.

Je le dis très sereinement, nous faisons confiance aux sages-femmes, entre les mains desquelles nous nous remettons pour donner la vie : au regard de l’assistance qu’elles nous apportent au cours de cette révolution intense dans notre organisme, les missions nouvelles qu’il est prévu de leur confier à l’article 22 bis ne sont que peu de choses. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Je fais miens les propos tenus par Mmes Dini et Blandin : cet article doit être maintenu.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Aux termes de l’article 22 bis, la sage-femme devra adresser la femme à un médecin en cas de situation pathologique. Mais s’il s’agit d’un médecin qui refuse de procéder à des avortements, acceptera-t-il de suivre la patiente envoyée par la sage-femme ?

On veut donner aux sages-femmes une responsabilité énorme, au risque de les exposer à des poursuites judiciaires en cas de problème. En effet, si l’avortement médicamenteux se passe mal, par exemple, c’est la sage-femme qui sera poursuivie. Le médecin se sera de fait défaussé.

D’ailleurs, au rebours des déclarations de Mme Dini selon lesquelles la majorité des sages-femmes seraient favorables à cette délégation de compétence, j’affirme que beaucoup d’entre elles la refusent en disant que leur vocation est non pas de tuer des enfants (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), mais de les aider à vivre.

M. Jean-Pierre Godefroy. On en revient à l’époque des débats sur la loi Veil !

Mme Bernadette Dupont. Les médecins doivent prendre leurs responsabilités, sinon les sages-femmes rencontreront demain les mêmes problèmes qu’eux en matière d’avortement, et l’on cherchera alors à déléguer cette compétence à d’autres professions paramédicales encore… Tout cela me semble très grave, et nous risquons d’entraîner la société très loin ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Alain Vasselle applaudit.)

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est agaçant d’entendre cela !

M. le président. Respectons la liberté d’expression, mon cher collègue !

La parole est à Mme Catherine Dumas.

Mme Catherine Dumas. Je voudrais dire, de façon dépassionnée, qu’il ne faudrait pas, au détour d’un débat sur un sujet aussi grave, en venir à remettre en cause ce droit fondamental qu’est l’avortement. Il s’agit là d’une vraie liberté pour les femmes en France. Prenons garde à notre vote d’aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Alain Milon, rapporteur. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Ce genre de débat fait toujours réapparaître une fracture au sein de notre hémicycle, suscitant des réactions passionnées chez certains de nos collègues.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est normal : c’est la clause de conscience !

M. Guy Fischer. Il convient avant toute chose, à mon sens, de respecter le combat des femmes pour l’interruption volontaire de grossesse. Mme Dini a très bien résumé la situation.

Je me contenterai de dire, sans polémiquer, que nous voterons bien évidemment l’article 22 bis. Un groupe comme le nôtre, majoritairement composé de femmes, pourrait réaffirmer ses positions de principe, mais je n’en dirai pas davantage.

M. le président. Je suis saisi par M. Gilbert Barbier d’une demande de vote par division de l’article 22 bis, avec mise aux voix par priorité du II bis.

Quel est l’avis de la commission sur cette demande ?

M. Alain Milon, rapporteur. M. Barbier avait d’abord émis cette demande de vote par division devant la commission, qui l’avait acceptée.

Par ailleurs, je rejoins les propos de Mme Dumas. Nous ne devons pas faire ici le procès de l’interruption volontaire de grossesse,…

M. Guy Fischer. Voilà !

M. Alain Milon, rapporteur. … ni reprendre un débat qui a eu lieu voilà une trentaine d’années.

Enfin, à titre personnel et en tant que médecin, j’approuve totalement les propos de Mme Dini. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur la demande formulée par M. Barbier ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Je souhaite rappeler que l’article 22 bis contient des avancées majeures, puisqu’il prévoit que les sages-femmes pourront accomplir un certain nombre d’actions de prévention.

Ainsi, elles auront la possibilité de proposer un dépistage du cancer du col de l’utérus au cours du premier examen prénatal, ce qui facilitera, me semble-t-il, l’accès de femmes jeunes à cette mesure de prévention.

Elles pourront également assurer un suivi gynécologique de prévention et prescrire toute méthode contraceptive. À mon sens, il faudra sans doute améliorer le référentiel de formation, s’agissant en particulier de la pose de dispositifs intra-utérins, mais cela est évidemment d’ordre réglementaire.

La commission des affaires sociales du Sénat a également ouvert la perspective d’un élargissement progressif des compétences des sages-femmes en les autorisant à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse, à titre expérimental, dans une région connaissant un taux important de recours à l’IVG.

Cela a été souligné, l’examen d’une telle disposition ne doit pas amener à rouvrir le débat sur l’interruption volontaire de grossesse, qui représente un acquis, une liberté pour les femmes. Nous n’avons pas l’intention de relancer ce débat.

Par ailleurs, j’affirme que les sages-femmes ont véritablement la compétence requise pour effectuer de tels actes.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Actuellement, le programme de formation des sages-femmes comporte d’ores et déjà plus de 120 heures de cours sur ces sujets, ainsi que des stages en gynécologie. Ces professionnelles disposent donc des compétences nécessaires – je m’en suis assurée – à la pratique d’une technique qui ne comporte aucun geste invasif.

Enfin, certains professionnels de santé peuvent se refuser, pour des raisons qu’il ne m’appartient pas de juger, à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse. Bien évidemment, la clause de conscience pourra jouer pour les sages-femmes comme pour les médecins. En aucun cas l’une d’elles ne pourra être amenée à pratiquer contre sa volonté un acte tel qu’une IVG médicamenteuse. Les choses me semblent tout à fait claires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Il n’y a pas d’opposition à la demande formulée par M. Barbier ?

Le vote par division de l’article 22 bis, avec mise aux voix par priorité du II bis, est ordonné.

L'amendement n° 140 rectifié bis, présenté par Mme Férat, MM. Dubois, J.L. Dupont et Merceron, Mmes Morin-Desailly et N. Goulet et M. Deneux, est ainsi libellé :

Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Une formation supplémentaire en contraception et gynécologie est rendue obligatoire pour l'obtention du diplôme d'État de sage-femme. Le contenu et le volume horaire de cette formation seront précisés par voie réglementaire.

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Cet amendement a pour objet d’encadrer le dispositif de prescription de contraceptifs par les sages-femmes prévu à l’article 22 bis.

Étant donné que, si ce dispositif est adopté, les sages-femmes pourront prescrire, à l’instar des médecins gynécologues, des contraceptifs locaux et hormonaux, il est indispensable de renforcer leur formation à la contraception.

En effet, d’après les informations dont je dispose, les sages-femmes ne reçoivent à l’heure actuelle qu’une formation de vingt heures à la gynécologie et à la contraception au cours de leur cursus. Ce volume horaire est, à l’évidence, insuffisant. Les sages-femmes seraient donc, si la loi était adoptée en l’état, amenées à établir des actes médicaux dont les conséquences sur la santé des patientes peuvent être très graves sans avoir reçu de formation gynécologique intensive préalable. Le contraceptif est un médicament qui comporte des contre-indications, et sa prescription est un acte médical à part entière.

Par ailleurs, il est prévu que la sage-femme adresse le patient au médecin en cas de « situation pathologique ». Comment évaluer le caractère pathologique d’une situation si la formation en matière de contraception est insuffisante ?

Une augmentation substantielle des heures de formation à la contraception et à la gynécologie pour les sages-femmes, alors que le présent projet de loi prévoit de reconnaître à leur cursus le niveau du master, est indispensable pour leur assurer une capacité d’appréciation suffisante des situations auxquelles elles seront confrontées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Le contenu de la formation relève davantage du règlement que de la loi. En outre, les propos tenus à l’instant par Mme la ministre sur la formation des sages-femmes à la contraception et à la gynécologie me semblent indiquer que l’amendement est en partie satisfait. Toutefois, la commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je confirme que le contenu des formations est une matière réglementaire.

Sur le fond, la formation nécessaire à la pratique de l’IVG médicamenteuse est dispensée aux sages-femmes. Cela étant, comme je l’ai déjà indiqué, les sages-femmes devront sans doute recevoir une formation complémentaire en matière de pose des dispositifs intra-utérins.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les généralistes en auraient besoin eux aussi !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je mène actuellement une concertation sur ce point avec les organisations représentatives de sages-femmes et de médecins pour adapter les référentiels de formation, mais il n’y a pas de difficulté.

Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 140 rectifié bis est retiré.

Avant de mettre aux voix, par priorité, le II bis de l’article 22 bis du projet de loi, je donne la parole à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Je souhaite lever toute ambiguïté sur ma démarche.

Contrairement à ce que certains prétendent, l’IVG par voie médicamenteuse, loin d’être un acte anodin, pose des problèmes de responsabilité. Les sages-femmes devront certainement revoir leurs contrats d’assurance, en raison des risques d’échecs de cette pratique.

Beaucoup de donneurs de leçons se sont exprimés dans ce débat. Qui, parmi eux, a pratiqué des interruptions volontaires de grossesse dès 1975 ? Je suis dans ce cas, et à ce titre je puis certifier qu’il n’était pas très facile de suivre Mme Veil dans sa démarche à cette époque.

Aujourd'hui, il ne s’agit pas pour moi de remettre en cause la possibilité, pour les femmes, de demander une interruption volontaire de grossesse ; j’entends simplement souligner que, sur le plan technique et médical, pratiquer une IVG est un acte difficile, psychologiquement et physiquement. Pour avoir vu des IVG déboucher sur des hémorragies, j’affirme que le contrôle d’un médecin est nécessaire.

Je ne mets pas en cause les compétences des sages-femmes, mais j’estime qu’il s’agit d’un acte suffisamment grave pour qu’il continue à relever de la responsabilité des médecins. C’est tout ! (Mmes Anne-Marie Payet, Bernadette Dupont et Marie-Thérèse Hermange, M. Marc Laménie applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Tout au long de l’examen de ce projet de loi, nous avons été particulièrement attentifs à la qualité et à la sûreté des soins dispensés à nos concitoyens. Nous n’avons jamais manqué d’insister sur ce point.

Par ailleurs, ne nous trompons pas de débat. À mon sens, ceux qui font l’amalgame entre l’IVG et le dispositif du texte cherchent à semer le trouble dans les esprits pour mieux défendre leur position.

En ce qui concerne la compétence des sages-femmes, point sur lequel M. Barbier a beaucoup insisté, si elle ne peut être mise en cause, une formation complémentaire sera néanmoins nécessaire, comme l’a souligné Mme la ministre. De ce point de vue, l’amendement présenté par Mme Férat n’était pas inutile, même si des précisions s’imposaient. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement a manifesté son intention de procéder par voie réglementaire à l’aménagement nécessaire de la formation des sages-femmes.

Enfin, je rappelle que le principe de précaution a été inscrit dans la Constitution. Pourquoi ce principe ne devrait-il pas s’appliquer au domaine de la santé ? Dès lors qu’il s’agit d’un acte grave, que nous avions parfaitement encadré par des dispositions législatives antérieures, je m’interroge sur la pertinence d’une initiative tendant à banaliser une pratique qui n’a pas vocation à l’être. Au-delà de nos convictions personnelles, remplissons-nous bien notre rôle de législateur en élaborant une telle mesure ? Je crains fort que certains de nos concitoyens ne l’interprètent comme une banalisation de l’IVG. D’ailleurs, le choix de recourir à une expérimentation montre bien, si besoin était, que nous ne sommes pas très sûrs de nous…

En effet, si ouvrir aux sages-femmes la possibilité de pratiquer des IVG par voie médicamenteuse ne posait aucun problème, pourquoi mettrions-nous en place une expérimentation ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Attention, mon cher collègue ! Un tel argument se retournera peut-être contre vous lorsque vous demanderez de nouvelles expérimentations…

M. Alain Vasselle. Personnellement, je suis très réservé sur cette disposition, et je voterai donc contre. Je souhaite éviter que des femmes soient confrontées à des complications médicales. De mon point de vue, la meilleure sécurité pour elles est que l'interruption volontaire de grossesse soit pratiquée sous l’autorité d’un médecin, éventuellement assisté d’une sage-femme, ou dans un établissement de santé, afin que toutes les garanties nécessaires soient réunies. Il y va de leur intérêt et du nôtre, nous qui sommes chargés de la protection de nos concitoyens et de la santé publique. (Mme Bernadette Dupont, MM. Marc Laménie et Louis Duvernois applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Les membres de la Haute Assemblée qui ne sont pas médecins ne peuvent certes pas témoigner comme M. Barbier de leur expérience, mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont pas conscience des difficultés ou perturbations graves que peut entraîner une IVG sur les plans sanitaire et psychologique. Bien au contraire !

Tout à l’heure, si j’ai réagi un peu vivement à certains propos, c’est qu’il est tout de même notoire que, sur un tel sujet, les mêmes orateurs emploient toujours les mêmes arguments. C’est invariable ! Nous avions déjà été amenés, dans un passé récent, à soutenir la position de Mme la ministre.

Enfin, monsieur le président, je souhaiterais savoir si M. Barbier défend une position qui lui est propre ou s’il s’exprime au nom du groupe du RDSE. Cette question revêt tout de même une certaine importance pour le vote qui va intervenir…

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.

M. Jacky Le Menn. Mme la ministre a été très claire.

Tout d’abord, il ne convient pas de refaire le débat sur l’IVG à l’occasion de cette discussion. J’ose espérer que nous sommes tous d’accord sur ce point.

Ensuite, Mme la ministre a affirmé sans ambiguïté que les sages-femmes disposent de la compétence technique nécessaire pour pratiquer des IVG par voie médicamenteuse, précisant que des formations complémentaires seraient de surcroît dispensées. Si l’on ajoute que le dispositif fera d’abord l’objet d’une expérimentation, le risque me semble minimal.

Enfin, une sage-femme pourra faire jouer la clause de conscience si elle se refuse à pratiquer des IVG, pour des raisons qui lui appartiennent.

À cet égard, la situation sera la même que pour les médecins. Ayant été directeur général de centre hospitalier pendant trente-cinq ans, je puis témoigner qu’aucun reproche n’a jamais été adressé à un médecin qui refusait de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse. Chacun prenait sa décision en conscience.

J’invite le Sénat à soutenir la position de la commission.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il ne faut pas chercher à dramatiser la situation pour essayer de masquer des choix n’ayant rien à voir avec le débat d’aujourd’hui, qui ne porte pas sur l’IVG.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je sais que ceux qui s’opposent à la proposition de la commission ne le font pas parce qu’ils sont des adversaires de l’IVG.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Curieusement, cependant, ces positions se recouvrent très souvent !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour la clarté du débat, je vais maintenant essayer de bien préciser les choses.

Premièrement, l’adoption de la disposition présentée impliquera-t-elle une augmentation de la responsabilité des sages-femmes, et donc des problèmes d’assurance ? La réponse est négative, car la pratique des IVG par des sages-femmes ne peut se concevoir que dans le cadre d’un établissement.

M. Gilbert Barbier. Ce n’est pas dans la loi !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si ! Nous avons adopté, par le passé, des dispositions aux termes desquelles seuls les médecins peuvent pratiquer des IVG en dehors des établissements. Le présent texte ne prévoyant pas une telle possibilité pour les sages-femmes, cette règle demeure valide.

Deuxièmement, selon certains, instituer une expérimentation prouverait que nous doutons de la viabilité du dispositif. Je n’avais jamais imaginé que, chaque fois que nous décidons une expérimentation, c’est parce que nous doutons !

M. François Autain. C’est un raisonnement pervers !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Au contraire, c’est plutôt parce que nous croyons fermement en la pertinence d’un dispositif que nous souhaitons l’éprouver, afin de convaincre jusqu’aux plus réticents.

L’expérimentation présente un second avantage, celui de ne concerner que des volontaires. La clause de conscience sera bien respectée, l’encadrement sera assuré dans d’excellentes conditions dans les établissements, au sein d’une équipe médicale : en effet, je n’ai jamais vu, dans un établissement, une sage-femme isolée !

Mme Bernadette Dupont. Certaines exercent à titre libéral !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Troisièmement, d’aucuns ont prétendu qu’un médecin pourrait refuser d’accueillir une patiente adressée par une sage-femme. Mais quel praticien pourrait refuser, par exemple, de soigner une femme souffrant d’une métrorragie ? Existe-t-il, en France, un seul médecin capable de se comporter ainsi ? Ce serait un cas de non-assistance à personne en danger ! Ce n’est pas imaginable !

M. François Autain. Cela n’existe pas, en effet !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Par conséquent, il faut éviter toute dramatisation. Certains, parce qu’ils sont en fait opposés à l’avortement, exagèrent les risques et nous affirment que nous aurons des morts sur la conscience si nous adoptons ce dispositif ! Ce n’est pas sérieux ! Notre proposition, elle, est sérieuse ; elle prend en compte la grande détresse de certaines femmes, qui se confieront et s’en remettront plus facilement à une sage-femme qu’à un médecin.

Mes chers collègues, rejoignant totalement les propos tenus notamment par Mme Dini, je vous invite instamment à approuver le dispositif qui vous est présenté et à ne pas céder à une dramatisation qui n’a d’autre finalité que de revenir sur un acquis datant maintenant de plusieurs dizaines d’années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. François Autain. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Je voudrais ajouter, à l’adresse de M. Vasselle, que l’expérimentation prévue ne constitue nullement une mise en cause de la compétence des sages-femmes ou de la méthode abortive appliquée, qui est parfaitement éprouvée et dont les dangers sont connus. L’expérimentation reposera sur le volontariat et sera menée au sein des établissements.

M. Gilbert Barbier. Et les sages-femmes libérales ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non ! Seuls les médecins peuvent pratiquer l’IVG hors établissement ! C’est la loi !

M. le président. Je mets aux voix, par priorité, le paragraphe II bis de l’article 22 bis.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 181 :

Nombre de votants 298
Nombre de suffrages exprimés 286
Majorité absolue des suffrages exprimés 144
Pour l’adoption 228
Contre 58

Le Sénat a adopté.

Je mets aux voix les autres paragraphes de l’article 22 bis.

(Ces paragraphes sont adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour explication de vote sur l’ensemble de l'article 22 bis.

Mme Bernadette Dupont. Dès lors que je suis opposée au paragraphe II bis et que celui-ci vient d’être adopté, je suis, en toute logique, contre l’ensemble de l’article.

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de l'article 22 bis.

Mme Anne-Marie Payet. Je vote contre.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je vote également contre.

(L'article 22 bis est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 22 ter.