Sommaire

Présidence de M. Roland du Luart

Secrétaire : M. Jean-Pierre Godefroy.

1. Procès-verbal

2. Décision du Conseil constitutionnel

3. Conférence des présidents

Suspension et reprise de la séance

4. Rappel au règlement

MM. Guy Fischer, le président.

5. Plan autisme 2008-2010. – Discussion d'une question orale avec débat

Mme Bernadette Dupont, auteur de la question.

Mmes Jacqueline Alquier, M. Paul Blanc, Mmes Gélita Hoarau, Muguette Dini, M. Yves Daudigny.

Mmes Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; Bernadette Dupont, auteur de la question.

Clôture du débat.

6. Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat

I. - Profils nutritionnels

MM. Jean Bizet, au nom de la commission des affaires économiques ; Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.

M. Gérard Le Cam, Mme Colette Mélot, M. le secrétaire d'État.

M. Jean Bizet, au nom de la commission des affaires économiques. 

II. - Vin rosé

MM. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques ; Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.

M. Roland Courteau, Mme Marie-Thérèse Bruguière, Gérard Le Cam, le secrétaire d'État.

MM. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques ; Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes ; le président.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

7. Questions d'actualité au Gouvernement

calcul des marges par l'observatoire des prix et des marges

Mmes Françoise Férat, Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.

situation économique de la france

M. Pierre-Yves Collombat, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

bilan des élections européennes et conséquences sur les réformes annoncées

Mme Marie-France Beaufils, M. François Fillon, Premier ministre.

statut de la gendarmerie

M. Alain Gournac, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

conclusions du rapport descoings

MM. Jean-Pierre Chevènement, Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

fonds de retraite

M. Claude Domeizel, Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.

calcul des marges par l'observatoire des prix et des marges

M. Jean-Claude Carle, Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.

les antennes-relais

M. Louis Nègre, Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.

armée française en afghanistan

MM. Jean-Louis Carrère, Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.

offres de reclassement des salariés

M. Philippe Adnot, Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

8. Dépôt de rapports du gouvernement

9. Avenir du programme de l'Airbus A400M. – Discussion d'une question orale avec débat

M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question.

M. Claude Biwer, Mme Michelle Demessine, MM. Jacques Gautier, Yvon Collin.

MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants ; Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question.

Clôture du débat.

10. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

Secrétaire :

M. Jean-Pierre Godefroy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 10 juin 2009, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Acte est donné de cette décision.

Cette décision du Conseil constitutionnel va être publiée au Journal officiel, édition des Lois et décrets.

3

Conférence des présidents

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

JOURNÉE DE CONTRÔLE DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Jeudi 11 juin 2009

À 9 heures :

1°) Question orale avec débat n° 39 de Mme Bernadette Dupont (UMP) à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité sur le plan autisme 2008-2010 ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré.

L’auteur de la question disposera d’un temps de parole de cinq minutes pour répondre au Gouvernement.)

2°) Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat (demandes de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques) :

- Profils nutritionnels ;

- Vin rosé ;

(Chacun de ces sujets donnera lieu à un débat. Dans le cadre de chacun des débats, interviendront le représentant de la commission compétente, dix minutes, le Gouvernement, dix minutes, puis une discussion spontanée et interactive de vingt minutes sera ouverte sous la forme de questions-réponses, deux minutes maximum par intervention.)

À 15 heures :

3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;

4°) Question orale avec débat n° 37 de M. Jean-Jacques Mirassou (Soc.) à M. le Premier ministre sur l’avenir du programme de l’Airbus A400M ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré.

L’auteur de la question disposera d’un temps de parole de cinq minutes pour répondre au Gouvernement).

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 16 juin 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 15 heures et le soir :

- Projet de loi portant réforme du crédit à la consommation (texte de la commission, n° 448, 2008-2009) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à deux heures et demie la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 15 juin 2009.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré).

Mercredi 17 juin 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen des 18 et 19 juin 2009 ;

(À la suite du président de la commission des affaires étrangères, dix minutes, et de la commission des affaires européennes, dix minutes, interviendront les porte-parole des groupes, dix minutes pour chaque groupe et cinq minutes pour les sénateurs non-inscrits.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 16 juin 2009) ;

2°) Suite du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation.

Jeudi 18 juin 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :

- Suite du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation.

(Lors de la séance du mardi 2 juin, le Sénat a décidé, sur proposition de la conférence des présidents et par scrutin public, de prévoir cinq jours de séance supplémentaires au sens de l'article 28, alinéa 3, de la Constitution, le mardi 23 juin, le mercredi 24 juin, le jeudi 25 juin, semaine de contrôle, ainsi que le lundi 29 juin et le mardi 30 juin, semaine d'initiative.)

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE

DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT

ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Mardi 23 juin 2009 (jour supplémentaire de séance)

À 9 heures 30 :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 510 de M. Hervé Maurey à M. le ministre de l’éducation nationale ;

(Redéploiement du réseau RASED) ;

- n° 518 de M. Philippe Madrelle à Mme la ministre du logement ;

(Revalorisation de l’allocation logement temporaire) ;

- n° 538 de M. Claude Jeannerot à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Route RN 57) ;

- n° 544 de M. Jean-Marc Pastor à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Mise à deux fois deux voies de la RN 88) ;

- n° 545 de Mme Odette Terrade à Mme la ministre du logement ;

(Conditions de vente du patrimoine d’ICADE, filiale de la CDC) ;

- n° 549 de Mme Fabienne Keller à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse ;

(Extension du service civil volontaire) ;

- n° 551 de Mme Patricia Schillinger à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Suppression du bureau de douane de Bâle-Mulhouse-Aéroport) ;

- n° 552 de Mme Samia Ghali à M. le ministre de l’éducation nationale ;

(Accueil des enfants de deux à trois ans dans les écoles maternelles) ;

- n° 555 de M. Michel Magras à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

(Mise en œuvre de la compétence fiscale de la collectivité de Saint-Barthélemy) ;

- n° 556 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Situation des services de réanimation chirurgicale et médicale de l’hôpital Ambroise Paré) ;

- n° 557 de M. Yves Détraigne à Mme la ministre de la culture et de la communication ;

(Coût d’entretien des monuments historiques) ;

- n° 559 de Mme Anne-Marie Payet à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

(Conséquences pour les apiculteurs de l’introduction de la tenthrède cibdela janthina à La Réunion) ;

- n° 561 de Mme Colette Giudicelli à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

(Versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi à des agents publics licenciés pour faute) ;

- n° 562 de M. Jean Milhau à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

(Montant des retraites agricoles) ;

- n° 563 de Mme Claudine Lepage à M. le ministre des affaires étrangères et européennes ;

(Situation des recrutés locaux dans les services extérieurs de la France à Caracas) ;

- n° 564 de M. Jean-Pierre Sueur à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Régulation de l’offre de soins infirmiers dans le département du Loiret) ;

- n° 565 de M. Didier Guillaume à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

(Impact du coût des travaux dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, EHPAD, sur le prix de journée dû par les résidents) ;

- n° 578 de M. Roger Madec à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;

(Vétusté de la maison d’arrêt de la Santé) ;

À 15 heures :

2°) Débat sur les pôles d’excellence rurale (demande du groupe Union centriste) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes à un orateur du groupe Union centriste ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 22 juin 2009) ;

3°) Question orale avec débat n° 44 de Mme Claire-Lise Campion (Soc.) à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille sur la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 22 juin 2009.

L’auteur de la question disposera d’un temps de parole de cinq minutes pour répondre au Gouvernement).

Mercredi 24 juin 2009 (jour supplémentaire de séance)

À 14 heures 30 :

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires ;

À 15 heures 30 et, éventuellement, le soir :

2°) Débat sur l’éducation :

- Les moyens de l’éducation nationale (demande de la commission des finances) ;

- La réforme des lycées (demande de la commission des affaires culturelles) ;

- La décentralisation des enseignements artistiques (demande du groupe Union centriste) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de cinq minutes aux trois représentants de la commission des finances, de la commission des affaires culturelles et du groupe Union centriste ;

- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 23 juin 2009) ;

3°) Question orale avec débat n° 36 de M. Ivan Renar (CRC-SPG) à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’évaluation du crédit impôt recherche ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 23 juin 2009.

L’auteur de la question disposera d’un temps de parole de cinq minutes pour répondre au Gouvernement) ;

Jeudi 25 juin 2009 (jour supplémentaire de séance)

À 9 heures :

1°) Débat sur le volet agricole de la négociation OMC (demande du groupe RDSE) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes à un orateur du groupe RDSE ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 24 juin 2009) ;

2°) Débat sur la crise de la filière laitière (demande du groupe UMP) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes à un orateur du groupe UMP ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 24 juin 2009) ;

À 15 heures :

3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;

4°) Question orale avec débat n° 43 de M. André Vantomme (Soc.) à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, sur le fonctionnement du Pôle emploi.

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 24 juin 2009.

L’auteur de la question disposera d’un temps de parole de cinq minutes pour répondre au Gouvernement) ;

5°) Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat (demandes de la commission des affaires européennes, de la commission des affaires sociales et de la commission des lois) :

- Le congé de maternité ;

- La publication des données « Passagers » dans les vols internationaux ;

(Chacun de ces sujets donnera lieu à un débat. Dans le cadre de chacun des débats, interviendront le représentant de la commission compétente, cinq minutes, le Gouvernement, cinq minutes, puis une discussion spontanée et interactive de dix minutes sera ouverte sous la forme de questions-réponses, deux minutes maximum par intervention).

SEMAINE D’INITIATIVE SÉNATORIALE

Lundi 29 juin 2009 (jour supplémentaire de séance)

À 16 heures :

1°) Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi tendant à modifier le scrutin de l’élection de l’Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (A.N., n° 54) (demande du groupe RDSE) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 26 juin 2009 ;

- au vendredi 26 juin 2009, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le lundi 29 juin 2009, à quatorze heures trente) ;

2°) Proposition de loi visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Nicolas About, Philippe Richert, Philippe Adnot, Philippe Arnaud, Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Laurent Béteille, Joël Bourdin, Auguste Cazalet, Marcel Deneux, Mme Béatrice Descamps, M. Yves Détraigne, Mme Muguette Dini, MM. Michel Doublet, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, M. René Garrec, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Jacqueline Gourault, MM. Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Christiane Kammermann, MM. Jean-Claude Merceron, Philippe Nogrix, Mmes Monique Papon, Anne-Marie Payet, MM. Louis Pinton, Paul Raoult, Ivan Renar, Charles Revet, Daniel Soulage, Mme Odette Terrade, MM. André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe et François Zocchetto (n° 215, 2007-2008) (demande de la commission des affaires culturelles) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 26 juin 2009 ;

- au lundi 29 juin 2009, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.

La commission des affaires culturelles se réunira pour examiner les amendements le lundi 29 juin 2009, l’après-midi) ;

Le soir :

3°) Proposition de loi visant à renforcer l’efficacité de la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises, présentée par M. Jean Arthuis (n° 398, 2008-2009) (demande du groupe UC, report de la séance mensuelle réservée) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 26 juin 2009 ;

- au vendredi 26 juin 2009, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le lundi 29 juin 2009, à la suspension de l’après-midi).

Mardi 30 juin 2009 (jour supplémentaire de séance)

À 15 heures et le soir :

1°) Débat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales ;

(La conférence des présidents :

- a décidé d’attribuer un temps de parole de trente minutes à la mission temporaire sur l’organisation et l’évaluation des collectivités territoriales ;

- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 29 juin 2009.

Puis, pendant une heure trente, les sénateurs pourront intervenir, deux minutes maximum, dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse de la mission ou du Gouvernement) ;

2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l’inceste sur les mineurs et à améliorer l’accompagnement médical et social des victimes (n° 372, 2008 2009) (demande du groupe UMP) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 29 juin 2009 ;

- au jeudi 25 juin 2009, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 30 juin 2009, à neuf heures trente).

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...

Ces propositions sont adoptées.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, afin de laisser à l’auteur de la question orale avec débat constituant le prochain point de l’ordre du jour le temps d’arriver dans l’hémicycle, je vais suspendre la séance quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à neuf heures dix, est reprise à neuf heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, je me suis levé de très bonne heure. (Rires.) Les séances ont lieu de plus en plus tôt le matin, et aujourd’hui nous sommes obligés d’attendre ! (Sourires et exclamations.)

Mme Bernadette Dupont. Je suis désolée !

M. Guy Fischer. Nous avons conscience que les horaires vont évoluer, mais certaines séances se terminent parfois très tard. Commencer de plus en plus tôt, à 9 heures le matin ou à 14 heures 30 l’après-midi, c’est demander beaucoup aux parlementaires.

Je suis étonné, je le dis en toute amitié, que Mme Bernadette Dupont n’ait pas été là à l’heure ! (Sourires et exclamations.) Mais c’est la faute de la SNCF ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Fischer, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Mme Bernadette Dupont n’est pas en cause. Nous reparlerons du problème des horaires en conférence des présidents.

5

Plan autisme 2008-2010

Discussion d'une question orale avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 39 de Mme Bernadette Dupont à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité sur le plan Autisme 2008-2010.

La parole est à Mme Bernadette Dupont, auteur de la question.

Mme Bernadette Dupont. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir m’excuser pour ce retard.

Le vendredi 18 mai 2008 était annoncé le plan Autisme 2008-2010 avec pour objectif de « construire une nouvelle étape de la politique des troubles envahissants du développement, les TED, en particulier de l’autisme ».

Où en sommes-nous aujourd’hui le 11 juin 2009 ?

Il y aurait en France plus de 100 000 personnes autistes, dont un quart ont moins de vingt ans ; 75 % d’entre elles, enfants et adultes confondus, ont besoin d’établissements spécialisés.

Si l’on peut espérer en intégrer peu ou prou 25 %, environ 80 000 personnes resteraient dans leurs familles, accompagnées par quelques prises en charge extérieures de type hôpitaux de jour.

Or, on sait aujourd’hui que, contrairement à la thèse qui a longtemps prévalu, l’autisme est non pas un trouble d’origine psychiatrique, ni affective, mais un trouble neuro-développemental, entraînant des troubles envahissants du développement et du comportement avec toutes sortes de symptômes dont la liste serait longue, mais qui, dans tous les cas, sont douloureux à vivre pour la personne atteinte et son entourage.

Je pense en particulier aux familles, parents et fratries, qui ont à supporter trop seuls la pénibilité d’un enfant, d’un frère ou d’une sœur, souvent incompréhensible, imprévisible, incontrôlable, l’impuissance s’accompagnant parfois d’un sentiment de culpabilité dont on sait aujourd’hui qu’il ne devrait pas être.

Des études ont démontré, expériences à l’appui, la nécessité pour améliorer la vie des personnes autistes ou atteintes de troubles de type autistique d’une prise en charge éducative spécifique, avec suivi médical.

Des résultats très positifs sont obtenus, spécialement sur les jeunes enfants, ce qui pose le principe du diagnostic précoce. Même délicat à poser pour un médecin, dur à entendre et à assumer pour des parents, ce diagnostic est le meilleur atout que l’on puisse offrir pour une vie améliorée à défaut de guérison.

Notre pays est en retard, la médecine et les éducateurs spécialisés pas ou peu formés et trop peu informés des avancées de la recherche sur l’autisme, depuis les centres d’action médico-sociale précoce, les CAMSP, dont on connaît l’excellent travail, jusqu’aux établissements pour adultes.

Si l’objectif du plan Autisme prend en compte la mise en place d’un dispositif de diagnostic, d’accompagnement et de prise en charge des personnes autistes et TED, tirant pleinement profit des plus récentes connaissances sur ce handicap, quel rapport d’étape peut-on présenter à cette date ?

Ce plan a suscité les plus grands espoirs chez les familles en attente d’une solution de prise en charge pour leurs enfants, jeunes ou adultes. Nous n’avons pas le droit de les décevoir. La solidarité nationale, qui s’est prononcée pour avancer, doit maintenant passer aux actes.

Je sais que ce n’est pas simple. De nombreuses associations œuvrent dans ce domaine et les propositions de pratiques éducatives sont diverses, voire controversées dans certains cas, car trop contraignantes pour la personne autiste. Il faut cependant travailler avec elles, chacune pouvant apporter un éclairage et sa pierre à la construction d’une prise en charge, hors le champ psychiatrique, qui ne retienne que les principes essentiels, le socle commun d’une éducation nécessaire à l’amélioration de la vie des personnes autistes, pour arriver à la création de places d’accueil en structures adaptées.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire si, dès cette rentrée 2009, des structures innovantes seront offertes à un plus grand nombre de familles, comment ces structures pourraient être liées au projet de loi réformant l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires et s’il y a un risque de retard au regard de la date d’application de cette loi ?

Quelle prise en charge pourra assurer l’éducation nationale pour l’intégration en milieu scolaire ordinaire, très insuffisante d’une façon générale actuellement et plus encore à l’adolescence ?

Les groupes de travail sont nombreux, mais leurs conclusions, la plupart du temps, sont suivies d’effets aléatoires. Tous les processus mis en place sont longs, très longs, trop longs !

Les promesses sont insuffisantes pour toutes ces familles, qui attendent dans la souffrance et sont victimes de leur discrétion. Leur rythme quotidien leur interdit en général de manifester publiquement pour se faire entendre.

En leur nom, je vous remercie de réaliser les promesses engagées sur un sujet que vous prenez à cœur, je le sais, en m’indiquant les moyens en vigueur pour y parvenir dans des délais acceptables, et donner aux familles un espoir non vain. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà plusieurs mois, la commission des affaires sociales du Sénat avait organisé sur l’initiative de son président, Nicolas About, une table ronde ouverte au public et à la presse sur le thème de la bientraitance des personnes atteintes d’un syndrome autistique.

Cette table ronde, appréciée, nous a permis de faire le point sur les méthodes de diagnostic du syndrome autistique, sur les manifestations très diverses de ce trouble, sur les nouveaux protocoles thérapeutiques et sur les besoins en termes notamment d’accueil, d’accompagnement et d’intégration en milieu scolaire.

Le constat avait alors été fait que la méconnaissance de l’autisme et le manque de formation des professionnels pouvaient entraîner des formes de maltraitance.

Le film projeté ensuite, retraçant l’histoire de la sœur de Sandrine Bonnaire et son parcours dramatique au sein d’institutions psychiatriques, a bien illustré la méconnaissance de ce trouble, qui a d’abord pendant de nombreuses années été confié exclusivement à la psychiatrie.

Assez récemment seulement, la recherche a fait évoluer les connaissances, et c’est aujourd’hui plutôt vers le secteur médico-social que l’on se tourne, quand les places dans ces structures le permettent !

Ainsi, lors de cette table ronde, des besoins et des attentes ont été exprimés de façon précise.

Tous les acteurs présents autour de la table se sont accordés sur un état des lieux préoccupant, au niveau tant de l’accompagnement et de l’accueil des enfants, ainsi que des adultes atteints de ce syndrome, que du manque de formation des personnels intervenant auprès d’eux et d’information auprès des familles.

Si des progrès ont été réalisés dans la recherche des causes de l’autisme et d’un diagnostic plus précoce, la France a pris un retard considérable dans le domaine de la prise en charge, retard qui ne permet pas aux familles un choix véritablement adapté à la situation de leur enfant.

Nous avons appris que ce qui fait l’unité du syndrome de l’autisme, ce sont trois manifestations communes à toutes les personnes atteintes : des troubles des interactions sociales liés à la difficulté à intégrer les codes sociaux et des troubles de la communication verbale et non verbale ; l’existence de comportements stéréotypés et d’intérêts sélectifs, pendant longtemps toujours les mêmes ; l’étroitesse des intérêts, mais avec des compétences développées dans des domaines précis.

Autour de ce syndrome, les troubles associés sont très divers et plus ou moins handicapants selon leur sévérité : déficience intellectuelle, épilepsie, troubles de l’attention, anxiété, troubles alimentaires. Le tableau est très varié et on pourrait presque parler non de l’autisme, mais des autismes.

Tous les professionnels s’accordent pour dire qu’une éducation structurée doit être au cœur des dispositifs. Tous insistent sur la nécessité d’apprentissages le plus tôt possible, car la plasticité cérébrale est d’autant plus importante que l’enfant est jeune et il leur est alors possible d’accéder à un apprentissage des codes sociaux. Des possibilités de récupération existent si la rééducation est précoce.

Pour cela quels sont les besoins ? Une véritable intégration en milieu scolaire, des structures d’accueil adaptées et suffisamment nombreuses pour que l’hôpital psychiatrique ne soit pas, encore trop souvent, la seule solution d’accueil.

Les points essentiels que j’ai retenus lors de cette table ronde, mais aussi lors de mes lectures ensuite et de mes rencontres avec les associations de mon département, sont le besoin d’information et d’aide concrète au sein des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qui manquent de personnel pour accueillir et orienter, en prenant le temps, des familles la plupart du temps très démunies, le besoin de places d’accueil adaptées et diversifiées et le besoin d’accès à des méthodes d’éducation, le plus possible en milieu ordinaire.

C’est ce dernier point que je souhaite développer tout particulièrement : l’intégration scolaire des enfants autistes, mais au-delà de tout enfant présentant un handicap.

Alors que le plan Handicap 2005 inscrivait dans la loi la scolarisation de droit dans l’école de son village ou de son quartier de tout élève porteur de handicap, qu’en est-il aujourd’hui ? On parle d’inscriptions fictives pour appliquer la loi, mais sans réelle fréquentation de l’enfant. On parle de manque de moyens et de possibilités d’accueil dans des conditions satisfaisantes, car ces enfants handicapés, qu’ils soient autistes, trisomiques ou hyperactifs, ont besoin d’être accompagnés à l’école.

Les assistants de vie scolaire sont là pour pallier les difficultés rencontrées par ces enfants et les aider à profiter au maximum du temps qu’ils passent à l’école, à recevoir un enseignement, des connaissances, mais aussi à être en relation avec les autres, à apprendre la relation réciproque.

Quelle formation ont-ils ? Quel statut, quelles perspectives professionnelles offre-t-on aujourd’hui à ces assistants, ces personnes devenues indispensables, si l’on veut que soit respecté le droit à l’éducation, inscrit dans la loi ?

Depuis que les emplois des auxiliaires de vie scolaire ont été créés en 2003, leur caractère précaire nous préoccupe ; nous avons d’ailleurs souvent interpellé le ministre de l’éducation nationale à ce sujet.

Cette année, les premières personnes embauchées ayant accompagné pendant six ans, pour certaines d’entre elles, des élèves handicapés, et qui ont acquis des compétences sur le terrain souvent au prix d’efforts personnels en matière de formation vont arriver en fin de contrat. Certaines d’entre elles pourront demander une validation de leurs acquis professionnels et obtenir des équivalences dans des filières reconnues, mais c’est loin d’être le cas de toutes !

C’est pourquoi nous demandons que, dans le cadre du plan Autisme, ces emplois soient pérennisés et qu’une formation qualifiante ainsi qu’un statut de la fonction publique leur soient attachés.

La politique menée actuellement se révèle être un véritable gâchis humain et financier ; elle témoigne d’un mépris insupportable aussi bien pour les élèves en situation de handicap que pour les personnes censées les accompagner.

On ne peut pas à la fois afficher une prise de conscience en lançant un deuxième plan national consacré à l’autisme et maintenir un dispositif indigne alors que, je le répète, tout le monde s’accorde à dire que l’accueil en milieu scolaire ordinaire est une source de progrès garantissant une meilleure qualité de vie non seulement pour l’enfant lui-même, mais aussi pour son entourage.

Aujourd’hui, force est de constater que le bilan du plan 2008-2010, au bout d’un an après le premier plan Autisme 2005-2007, n’est pas à la hauteur des attentes fortes suscitées. Le Gouvernement n’a toujours pas pris la mesure de la situation.

Ainsi, la création de places dans des structures adaptées est très insuffisante : 4 100 places prévues, alors que, tous les ans, entre 5 000 et 8 000 nouveau-nés développeront un syndrome autistique.

La situation de la plupart des familles concernées reste dramatique : sur 80 000 personnes, seules 10 000 d’entre elles bénéficieraient, en France, d’un accompagnement, qui peut n’être, dans certains cas, que partiel.

Au-delà du nombre de places créées, les ressources existantes pourraient être mieux utilisées. L’hôpital prend en charge des autistes pour tenter de les soigner par voie médicamenteuse et en leur fournissant des soins psychiatriques. Le coût de ces dépenses est important, alors même que l’autisme ne se soigne pas ! Il vaudrait sans doute mieux transférer ces moyens sanitaires vers des structures spécialisées ou vers les familles.

Le Comité européen des droits sociaux observe, de source officielle, que, sur les 801 places pour personnes atteintes d’autisme financées en 2005, seules 38 % d’entre elles étaient installées à la fin de cette même année. Par ailleurs, dans le cadre de l’objectif fixé en 2005, 170 places seulement étaient prévues pour 2006 et 27 places pour 2007.

Arrêtons de promettre, réalisons !

Un effort considérable est évidemment encore à fournir pour proposer un accueil adapté dans des structures spécialisées, qui ne soient pas des ghettos. Afin de prendre en compte les besoins, ce serait envoyer un signal fort que de reconsidérer la situation des auxiliaires de vie scolaire en leur offrant un statut et une formation à la hauteur des enjeux pour témoigner de l’intérêt qui leur est porté !

En outre, les familles ont besoin, j’y insiste, d’aides concrètes pour remplir des dossiers complexes, obtenir des informations, recevoir des soutiens d’ordre matériel et en termes d’écoute. En complément des MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, les associations locales pourraient remplir ce rôle.

Aujourd’hui, l’aide à l’éducation d’un enfant handicapé s’élève à 120 euros par mois auxquels peuvent s’ajouter des aides compensatrices, pour un montant maximum de 1 100 euros. C’est trop peu quand il faut s’occuper à plein temps d’un enfant qui réclame une attention constante ! Cette allocation doit être revalorisée pour que les parents puissent choisir de s’occuper de leur enfant à leur domicile.

Madame la secrétaire d'État, nous attendons du Gouvernement qu’il prenne en compte toutes nos réflexions et propositions, et suivrons avec vigilance l’avancée du plan.

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.

M. Paul Blanc. Madame la secrétaire d'État, je tiens tout d’abord à saluer la mobilisation du Gouvernement et votre volonté de faire bouger les choses.

Un premier plan Autisme 2005-2007 a permis la création de 2 600 places en établissements. Le second plan, élaboré avec les familles et les associations, tente d’apporter non seulement des solutions quantitatives, avec 4 100 places supplémentaires, mais également qualitatives, avec un dispositif de dépistage, d’accompagnement et de prise en charge. La France est dramatiquement en retard dans la prise en charge de l’autisme, qui concerne plus de 100 000 personnes.

J’aborderai devant vous les principales difficultés rencontrées par les familles, et que j’avais déjà évoquées lors de la présentation de mon rapport préalable à la loi du 11 février 2005.

Concernant le dépistage, l’autisme peut être détecté tôt, dès l’âge de dix-huit mois. Or les médecins ne sont pas suffisamment formés, ce qui est très grave. On le sait, une prise en charge précoce de l’enfant peut lui permettre de réaliser des progrès significatifs dans le développement de ses capacités cognitives et sociales pour récupérer notamment certaines fonctions, tel le langage.

Par ailleurs, le problème crucial rencontré par les familles est le manque de places d’accueil.

Les résultats sont encore très insuffisants. Ne pouvant trouver une structure, nombreuses sont les familles faisant le choix de placer leur enfant en Belgique, malgré l’inconvénient de la distance. J’estime, pour ma part, que cette situation est indigne d’un pays comme le nôtre.

En février dernier, la députée Cécile Gallez, résidant aux confins de la Belgique, a publié un rapport faisant le point sur cet état de fait. Elle décrit un meilleur accompagnement belge.

Tout d’abord, sur le plan scolaire, la prise en charge des enfants autistes considérés intégrables par la commission d’autonomie y est plus rapide : l’enfant passe en consultation devant un psychologue et est aussitôt inscrit dans une école spécialisée.

En France, l’intégration d’un enfant est plus longue et plus compliquée. Les maîtres ne sont pas assez formés, et il n’y a pas suffisamment d’auxiliaires de vie scolaire, les AVS. La formation des AVS consiste en une information générale sur le handicap, ce qui n’est pas satisfaisant vu les spécificités de l’autisme.

Si, en application de la loi du 11 février 2005, le nombre d’inscriptions à l’école a augmenté, la scolarisation effective de ces enfants reste toutefois encore insuffisante en France.

À Paris, ville de plus de deux millions d’habitants, le nombre d’enfants autistes scolarisés est le même qu’à Mons, ville belge qui ne compte que 97 000 habitants ! J’ajoute que d’autres pays ont mieux aménagé la scolarisation des enfants autistes.

Ainsi, en Italie, les effectifs des classes qui accueillent ces enfants sont divisés par deux. En Belgique, les classes comprennent au maximum huit enfants. En Suède, tous les enfants autistes sont scolarisés.

Par ailleurs, les instituts médico-éducatifs ne sont pas assez nombreux ; l’accompagnement est souvent meilleur dans les institutions belges.

Tous les spécialistes s’accordent à reconnaître l’importance de la famille dans l’évolution de l’enfant. Les institutions belges s’ouvrent aux familles, tant aux parents qu’à la fratrie, cheminant véritablement en commun. Le système, d’une grande souplesse, permet d’accueillir l’enfant en internat en période de crise ou, à l’inverse, de soutenir un retour dans la famille quand cela va mieux. Les structures, souvent de petite taille, tentent d’assurer une prise en charge à long terme, ainsi qu’une recherche de solutions pour l’avenir de l’enfant.

Le plan Autisme, qui prévoit de créer des places, doit donc s’inspirer du système belge, c’est du moins notre avis. Les familles comme les professionnels sont, dans leur ensemble, persuadés qu’il n’existe pas, pour le moment, une méthode unique qui serait applicable avec efficacité à tous les autistes. D’ailleurs, existe-t-il un autisme ou des autismes ?

Le président du groupe de suivi scientifique sur l’autisme nous a expliqué lors d’une table ronde organisée l’année dernière par la commission des affaires sociales que, sur 100 personnes arrivées à l’âge adulte, 15 mènent une vie normale, entre 30 et 35 peuvent exercer une activité dans un lieu protégé et vivre dans un logement autonome, mais en étant aidées, 30 ont une activité non rentable et ont besoin d’aides ponctuelles, et 20 sont très dépendantes.

Il faut pouvoir répondre à ces différentes situations en diversifiant les types de structures créées. Il faut également que les parents soient rassurés sur la prise en charge de leur enfant quand ils ne seront plus là, le plus grave étant sans doute l’insuffisance de la prise en charge des autistes adultes. Il n’existe pratiquement pas d’établissement spécialisé pour eux en France, que ce soit en externat ou en internat.

Or il est reconnu que, sous peine de régression, il faut maintenir un accompagnement éducatif et social avec les autistes adultes : moins de 10 % d’entre eux ont accès à des établissements ou services d’aide par le travail, les ESAT. Que ce soit pour les enfants ou les adultes, le dernier recours reste l’hôpital psychiatrique, alors qu’il est inadapté pour les autistes. Ils arrivent dans la sphère du médical sans avoir participé à de nombreuses actions éducatives spécifiques, et le coût de journée y est élevé.

Mme Brigitte Bout. Tout à fait !

M. Paul Blanc. En France, l’autisme dépend trop de l’institution psychiatrique au détriment de traitements fondés sur l’apprentissage. Je rappelle que, pour l’OMS, l’autisme n’est pas une maladie psychiatrique, c’est un trouble d’origine neurobiologique.

Mme Brigitte Bout. C’est vrai !

M. Paul Blanc. Aucune méthode n’est venue à bout de l’autisme, mais pourquoi se priver des enseignements des méthodes pratiquées à l’étranger ?

Par exemple, les professionnels ne comprennent pas pourquoi l’approche française bloque la reconnaissance de méthodes de communication alternatives, comme la méthode ABA. Cette méthode que l’on peut traduire en français par « analyse appliquée du comportement », et qui vise à modifier les comportements de la personne autiste, permet d’obtenir de bons résultats.

En outre, je signale qu’une évaluation sera faite du packing, méthode pratiquée en France consistant à envelopper la personne dans un linge froid pour lui rendre la conscience de son corps. Certaines associations s’indignent de l’emploi de cette méthode sans le consentement des familles, parlent de maltraitance et attendent donc beaucoup de cette expertise. Madame la secrétaire d'État, quand les résultats de cette expertise seront-ils connus ?

Enfin, je souhaiterais souligner la nécessité de mieux informer les parents sur l’autisme et les différentes structures d’accueil. Pour le moment, ce sont surtout les associations qui accompagnent les familles.

Les familles attendent beaucoup de l’amélioration des connaissances médicales relatives à l’autisme, ainsi que du plan Autisme. Aussi, madame la secrétaire d'État, nous vous écouterons attentivement présenter les résultats récents du plan et exposer les avancées à venir. Il est de notre devoir de reconnaître la souffrance des familles et de tout faire pour les aider. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme tous les handicaps, les troubles envahissants du développement sont extrêmement difficiles à vivre tant pour les enfants atteints que pour les parents, qui, brutalement, se trouvent confrontés à l’inenvisageable et à un profond désarroi lorsque s’impose la réalité du handicap.

Ce désarroi ne fait que s’accentuer lorsque débute la recherche d’une structure d’accueil : déscolarisation, absence d’accueil et de concertation avec les familles, refus implicite et parfois explicite d’appliquer les dispositions de la circulaire ministérielle n°2005-124 du 8 mars 2005 ; besoins d’accompagnement remis en cause, revus à la baisse quand ils ne sont pas purement et simplement niés ; ignorance ou parfois refus de mettre en œuvre des techniques de prise en charge ou d’enseignement ayant déjà fait leur preuve ailleurs ; violences exercées à l’encontre des enfants atteints, faute de formation adaptée.

La liste est longue de ces portes fermées, de ces murs institutionnels auxquels se heurtent les personnes concernées par le handicap. Mais ces carences ne peuvent nous faire oublier le travail quotidien et la combativité dont ont fait preuve familles, associations et professionnels, afin de garantir un quotidien vivable aux personnes atteintes de ces troubles envahissants et à leur environnement.

Madame la secrétaire d'État, votre plan Autisme 2008-2010 ambitionne de remédier à ces manquements, ce dont nous vous félicitons. Le bilan d’étape du 28 mai dernier annonce une suite prometteuse. Toutefois, il suscite non pas des objections, mais quelques interrogations.

Permettez-moi de prendre l’exemple de mon département.

La Réunion compte environ 3 700 personnes atteintes de ces troubles, une extrapolation du taux de prévalence retenu par l’OMS et d’ailleurs repris dans le plan Autisme.

On y constate un nombre très insuffisant de structures pour accueillir les enfants, adolescents et adultes, ainsi qu’une absence d’alternative en matière de prise en charge.

Actuellement, aucun traitement comportemental n’est proposé aux familles réunionnaises, alors qu’elles sont de plus en plus nombreuses à solliciter cette approche éducative.

C’est la raison pour laquelle, en septembre 2008, l’association Autisme Bel Avenir a soumis au CROSMS de la Réunion, le Comité régional de l’organisation sociale et médico-sociale, un projet de création de structure fondé sur le traitement comportemental appliqué en expérimentation, élaboré sur le même modèle que celui de l’association Pas à Pas de Villeneuve-d’Ascq, et grâce à une étroite collaboration avec celle-ci.

Ce projet converge, sur bien des points, avec votre plan Autisme.

Le traitement innovant choisi est la méthode ABA, Applied Behavioral Analysis.

Pour la formation universitaire, l’Association Autisme Bel Avenir a rencontré le président de Lille III et celui de l’université de la Réunion, qui s’est dit prêt à plaider en faveur de la création, dans son établissement, d’une licence professionnelle en analyse appliquée du comportement, en partenariat avec Lille III et d’autres si toute la filière de formation universitaire s’impose en France métropolitaine.

À ces deux volets s’ajoute celui de la coopération régionale, auquel, n’en doutez pas, nous attachons beaucoup d’importance.

En 2007, l’Association a exposé ce projet au président seychellois, James Michel, qui, de passage à la Réunion, a montré un vif intérêt.

Le CROSMS a émis un avis favorable à ce projet ABA ; c’était une première en France. Il a toutefois exprimé quelques réserves, dont une concerne le coût, qui est la pierre d’achoppement à l’ouverture des établissements expérimentaux.

Alors qu’un des axes de ce deuxième plan Autisme est la mise en exergue des méthodes innovantes, les moyens financiers ne semblent pas suivre. Au vu de votre bilan apparaît une inadéquation entre votre détermination à privilégier l’expérimentation et l’application.

Se pose alors, madame la secrétaire d’État, la question de savoir par quel moyen vous comptez remédier à ce décalage.

Envisager de demander aux porteurs de projet de revoir à la baisse le coût de la prise en charge, c’est faire fi des dépenses spécifiques de certaines méthodes expérimentales, comme le suivi des enfants dans leurs différents lieux de vie : maison, école, lieux de loisirs, etc. Cela sous-entend des remboursements très élevés aux intervenants auprès des personnes atteintes sur la base de la convention 66. À cela, il faut ajouter des frais impromptus.

Vous parlez d’enveloppe nationale mise en réserve. Vient-elle en complément du financement de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS ? Quels sont les critères requis pour bénéficier de cette enveloppe ? Toutes les régions peuvent-elles y prétendre ?

Enfin, madame la secrétaire d’État, le problème de l’évaluation est crucial pour la pérennisation des traitements innovants.

L’expérimentation n’a de sens que si l’on établit une comparaison entre le groupe de contrôle aux méthodes classiques et les groupes aux traitements comportementaux, avec une grille d’évaluation unique incluant également des données diverses, telles que le nombre d’heures de prise en charge, la formation du personnel, le type de structure, etc. Tout doit être pris en compte.

Voilà autant d’interrogations qui, je n’en doute pas, recevront des réponses satisfaisantes, grâce à votre réceptivité à l’innovation et à votre capacité d’écoute tant des familles que des associations ou des professionnels concernés par l’autisme. Madame la secrétaire d’État, j’ose espérer que vous serez attentive aux projets innovants présentés dans le département qui est le mien, celui de la Réunion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le plan Autisme 2008-2010 marque un vrai tournant dans la prise en charge de ce handicap dans notre pays.

Les familles d’enfants et de personnes souffrant d’autisme l’ont perçu ainsi, car il apporte, enfin, des réponses à nombre de leurs attentes. Je dis « enfin », parce que tous les acteurs soulignaient, voilà encore un an, le déficit majeur de la France dans ce domaine.

« Les personnes, enfants et adultes, atteintes de syndromes autistiques et leurs proches sont aujourd’hui encore victimes en France d’une errance diagnostique, conduisant à un diagnostic souvent tardif, de grandes difficultés d’accès à un accompagnement éducatif précoce et adapté, d’un manque de place dans des structures d’accueil adaptées, de l’impossibilité pour les familles de choisir les modalités de prise en charge des enfants, de la carence de soutien aux familles et de la carence d’accompagnement, de soins, et d’insertion sociale des personnes adultes et âgées atteintes de ce handicap. » Ce constat cinglant fut celui du Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, dans un avis de 8 novembre 2007.

Les choses ont évolué. Lors du lancement de ce second plan, vous reconnaissiez vous-même ce retard, madame la secrétaire d'État, en déclarant : « on part de très loin » et en soulignant « l’ambition » du Gouvernement sur le sujet.

Ce plan Autisme 2008-2010 s’avère, en effet, empreint d’une réelle volonté politique, mais surtout ouvert, tolérant et sans a priori.

Le professeur Jean-Claude Ameisen, rapporteur de l’avis critique précité du CCNE, est allé plus loin en parlant d’un dispositif dont le mérite est d’« inscrire l’autisme dans une vision plus humaine et plus moderne » et d’amorcer « une véritable évolution culturelle ».

Il est incontestable que ce plan promeut la prise en charge diversifiée, adaptée aux besoins des personnes atteintes d’autisme. Je la résumerai en quelques points, jugés fondamentaux par les familles d’enfants et de personnes atteintes d’autisme.

Le premier est celui d’un diagnostic fiable et le plus précoce possible.

À l’occasion de la table ronde sur l’autisme, organisée par la commission des affaires sociales, le 28 mai 2008, le professeur Catherine Barthélémy, chef de service de pédopsychiatrie du CHU de Tours, a indiqué qu’un consensus était établi pour dire que l’autisme est un trouble neurocomportemental qui atteint la capacité des personnes à dialoguer avec leur entourage. Cette incapacité d’interaction proviendrait d’anomalies de fonctionnement de certaines zones du cerveau dont la vocation est de recevoir les messages émotionnels.

Une personne est atteinte d’autisme lorsqu’elle présente trois types de symptômes sur lesquels je ne reviendrai pas. Un diagnostic précoce permet donc la mise en place, dès l’enfance, d’une rééducation, alors même que le cerveau est encore malléable. Celle-ci peut aboutir à récupérer certaines fonctions, notamment le langage verbal et non verbal.

J’ai rencontré sur mon lieu de vacances le professeur Rutger Jan van der Gaag, chef de service à l’hôpital, professeur de pédopsychiatrie de l’Université Radboud de Nimègue aux Pays-Bas, enseignant à l’université Le Mirail de Toulouse et spécialiste de l’autisme.

Il m’a longuement exposé ses travaux sur les supports les plus adaptés pour permettre aux professionnels un dépistage très précoce et sur la stimulation de l’attention conjointe proposée aux enfants ainsi précocement diagnostiqués, afin de favoriser l’apparition du langage. C’est un travail qu’il conduit avec efficacité depuis de très nombreuses années.

Il est incontestable que la France a pris, dans ce domaine, beaucoup de retard qu’il est urgent de rattraper. En réponse à cet impératif, le plan Autisme met l’accent sur le développement de la recherche et l’élaboration d’un corpus des connaissances. Il cible également l’amélioration de la formation initiale et continue des professionnels de santé et des professionnels du secteur médicosocial.

Le deuxième point important est un accompagnement adapté de l’autiste.

Les spécialistes soulignent qu’il doit s’agir d’un accompagnement éducatif, comportemental et psychologique, individualisé, avec un soutien orthophonique, impliquant le plus possible la famille et centré sur l’apprentissage de capacités relationnelles, de communication, de l’autonomie et d’une appropriation de l’environnement.

Cela va de pair avec la demande des familles en faveur de la mise en place des méthodes d’apprentissage, dont l’efficacité est éprouvée depuis de nombreuses années dans les pays anglo-saxons, mais peu reconnue en France, où l’approche psychiatrique est encore favorisée. Je fais, bien sûr, référence notamment au programme TEACCH – Treatment and Education of Autistic and related Communication handicapped Children – et à la méthode ABA.

Le plan Autisme 2008-2010 répond favorablement à cette attente par la promotion et le financement d’expérimentations de ces méthodes éducatives et comportementales.

Un autre élément d’une prise en charge efficace s’avère être le développement de structures éducatives et d’accueil adaptées.

L’exemple de la Suède est à retenir. Les internats destinés aux enfants atteints d’autisme ont été remplacés par des classes adaptées au sein des écoles ordinaires. Les résidences pour enfants et adolescents ont été fermées, au profit notamment de petites structures de quatre enfants au maximum.

On retrouve aussi ces objectifs dans le plan Autisme 2008-2010, avec ce qui concerne aussi bien l’intégration à l’école ordinaire, le développement de places de service d’éducation spéciale et de soins à domicile, ou SESSAD, que la création de petites unités de vie ou de logements adaptés avec des services d’accompagnement médico-social.

Le dernier impératif, et non des moindres, est celui du soutien psychologique et social apporté aux familles.

Ce plan Autisme met également l’accent sur l’information, l’orientation et l’accompagnement des proches.

Que conclure à ce stade ? Que les demandes des familles ont été entendues. Que les réponses sont apportées par ce plan.

Nous sommes aujourd’hui à mi-parcours dans la mise en place de celui-ci. Toutefois, les familles semblent s’impatienter. Elles s’inquiètent de l’application, dans le temps, de ce plan et vous demandent de passer à la « vitesse supérieure ». Je sais que vous ne ménagez pas vos efforts, notamment pour le financement de l’ouverture de structures innovantes. Nous souhaitons en connaître les résultats et les mesures d’amélioration et d’accélération dans la poursuite de ce plan.

Madame la secrétaire d’État, nous vous remercions par avance de vos réponses. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une évolution se dessine aujourd’hui dans l’approche de l’autisme et des troubles envahissants du développement, ou TED, que reflète, à mon sens, le plan Autisme 2008-2010, même si elle s’y inscrit en filigrane. Cette incontestable prise de conscience doit nous permettre de briser le carcan de réponses trop manichéennes et d’adopter avec modestie une approche plus transversale des différentes manifestations d’autisme, notamment, comme cela est envisagé, par l’expérimentation.

Encore faut-il que les mesures d’accompagnement concrétisent cette approche systémique, à défaut de quoi les intentions, si méritoires soient-elles, resteront vaines. Or nous sommes loin, peut-être même encore très loin du compte ! Ni les moyens, ni l’ensemble des ministères impliqués ne sont au rendez-vous.

« Toutefois ces avancées ne sauraient masquer les insuffisances auxquelles il faut encore remédier », écrivez-vous. Cette lucidité vous honore, mais le terme d’« insuffisance » est faible au regard du désarroi des familles.

Vous faites état aujourd’hui de la création de 1 158 places nouvelles autorisées et financées sur un programme de 4 100 places. Rapportées aux évaluations, même les plus basses, de 180 000 personnes souffrant de TED selon l’INSERM, 600 000 selon le Comité d’éthique, et aux 5 000 à 8 000 nouveau-nés concernés, le nombre de ces places apparaît malheureusement faible, presque dérisoire, d’autant que les données relatives aux malades, qu’elles résultent de l’affection ou du dépistage, sont encore en augmentation !

Le plan Autisme 2008-2010 est, certes, extrêmement ambitieux. Mais, lorsque nous examinons les trois axes qu’il décline, nous nous interrogeons sur l’ampleur des recherches prévues, nous nous inquiétons de la formation, nous ne trouvons pas les postes indispensables au dépistage précoce, à l’accueil, à l’information et à l’accompagnement des familles. Est-il besoin de souligner que les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, manquent déjà de personnel et que les postes non pourvus ne sont toujours pas compensés comme ils devraient l’être ?

S’agissant de la scolarisation, dont l’importance dans le processus de socialisation des enfants est avérée, nous craignons, bien évidemment, les conséquences de la disparition des auxiliaires de vie scolaire, les AVS. Comment n’avoir pas anticipé le terme de leurs contrats ? Que vont devenir ces enfants et leurs familles ? Cet abandon ne constitue-t-il pas une nouvelle « maltraitance par défaut », pour laquelle la France a déjà été condamnée en 2004 par le Conseil de l’Europe ?

Serait-il invraisemblable d’appliquer ici ce que fait l’Italie, donnée en exemple par le Comité d’éthique dans son avis du 8 novembre 2007, où l’effectif d’une classe qui accueille un enfant handicapé est automatiquement divisé par deux et l’enseignant assisté d’une personne spécialisée ?

Voilà peu, dans l’Aisne, l’ouverture programmée d’un centre de prévention et de diagnostic, attendue, espérée de longue date, s’est trouvée subitement compromise en raison du non-versement de la moitié du financement prévu. J’ai rencontré des familles, des associations et des professionnels de mon département. Leur constat est amer : la reconnaissance des droits n’a pas été suivie d’effet.

Certes, des projets aboutissent malgré tout, grâce à la bonne volonté et à la collaboration de tous, dont l’État. Ainsi ai-je eu l’immense plaisir et l’émotion d’inaugurer le 16 mai dernier un foyer d’accueil pour adultes autistes de vingt-sept places à Villequier-Aumont, mais il est le seul du département. Cette situation est absolument dramatique pour les familles et leurs enfants, car les fratries sont évidemment touchées, au même titre que les parents.

Dans un tel contexte de retard et d’urgence, ce plan Autisme est à la fois trop et trop peu.

Madame la secrétaire d’État, comment imaginez-vous influer sur la réalité en étant dépourvue des budgets nécessaires à la réalisation d’un tel plan et sans moyens d’actions sur les budgets de vos collègues dont la mise en œuvre de ce programme dépend pourtant aussi ?

Ce programme gagnerait en crédibilité si les multiples mesures projetées comportaient une échéance et le plan lui-même, un calendrier des priorités.

Peut-être pourriez-vous également envisager la tenue d’états généraux des troubles envahissants du développement : ils ne pourraient que favoriser, auprès du plus grand nombre, une meilleure acceptation de la différence. En effet, la douleur, la solitude et le désarroi des familles proviennent bien sûr de l’ignorance et de la peur que génère l’a-normal.

Les syndromes des TED heurtent durement nos schémas sociaux. Ils les remettent directement et nécessairement en cause, dès lors qu’ils n’y trouvent pas de place.

Or, non seulement nous ne savons pas encore en identifier les origines et les causalités, pas même les corréler, et nous sommes dans l’incapacité de soigner, accompagner et soulager au mieux les souffrances qu’ils génèrent, mais au surplus, madame la secrétaire d’État, vous développez un modèle social qui porte en lui-même cette exclusion.

Où trouverez-vous le temps, la patience, l’acceptation de bénéfices qui ne seraient pas immédiatement quantifiables dans un monde normé par la compétitivité et la performance, soumis aux grilles d’évaluation, conditionné par les primes au mérite... autant de règles érigées en instruments impérieux de la réussite sociale ?

Comment prendre en compte ces besoins, dont chacune et chacun d’entre nous ici connaît l’ampleur localement, à la seule aune d’enveloppes financières fermées ? La dépense, là plus qu’ailleurs, n’est-elle pas pondérée par l’investissement qu’elle réalise ?

Serait-il envisageable, puisque nous travaillons à budget contraint, d’intégrer à l’évaluation du coût d’une décision, par exemple la reconduite de tous les contrats d’AVS, non seulement les économies réalisées en termes d’indemnisation ASSEDIC, de formation, de stage, de subvention au travail précaire, mais aussi les économies que génère, pour les enfants handicapés et pour leur famille, l’absence de souffrance et d’angoisse ?

Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, des éléments de réponse que vous serez en mesure de nous apporter sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme Mme Bernadette Dupont vient de le rappeler, il y a un peu plus d’un an, le 16 mai 2008, j’annonçais avec Roselyne Bachelot le plan Autisme 2008-2010. Je suis particulièrement heureuse que cette question orale me donne l’occasion de faire le point sur sa mise en œuvre. Je vous remercie donc, madame Dupont, d’avoir pris l’initiative de ce débat et, naturellement, je sais gré au Sénat d’avoir accepté de l’organiser.

Ce handicap, encore trop méconnu et qui alimente encore trop de fantasmes, concerne au moins 400 000 de nos compatriotes, si l’on retient les taux de prévalence affichés par l’Organisation mondiale de la santé. Il n’y a en effet aucune raison que la prévalence de l’autisme en France soit différente de celle qui est constatée dans d’autres pays comparables.

S’agissant de la création de places, mesdames Dupont, Alquier et Hoarau, vous avez raison, les besoins des personnes autistes en matière de prise en charge restent immenses. C’est l’un des handicaps pour lequel les besoins à couvrir sont les plus importants.

Le premier des instituts médico-associatifs, les IME, spécialisé dans l’autisme n’a vu le jour qu’en 1984 ! C’est bien sûr la principale raison qui a poussé le Gouvernement à lancer ce deuxième plan Autisme, qui couvre donc les années 2008 à 2010.

Le premier plan Autisme, mis en œuvre entre 2005 et 2007, prévoyait la création de 1 950 places. Grâce au volontarisme des pouvoirs publics et au dynamisme associatif, les réalisations effectives se sont élevées à 2 600 places.

Pour ce second plan, nous avons porté l’effort à 4 100 places en cinq ans, soit 250 places supplémentaires chaque année, par rapport au calibrage du premier plan. Monsieur Daudigny, cela représente un montant de 187 millions d’euros de moyens supplémentaires qui sont consacrés à l’accompagnement spécifique de cette question.

Par ailleurs, plusieurs d’entre vous, Mme Alquier, Mme Hoarau, M. Daudigny, ont souhaité savoir comment ce volume de places a été fixé. Nous nous sommes fondés sur les besoins tels qu’ils ressortaient des programmes interdépartementaux d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie, les PRIAC, qui recensent et priorisent au niveau régional les besoins de création de places.

Les PRIAC sous-estiment-ils les besoins ? C’est en effet possible. Aussi, le chiffre de 4 100 places constitue pour nous un plancher.

D’ailleurs, dès 2008, les préfets ont autorisé la création de 1 200 places spécifiquement dédiées à l’autisme, au lieu des 900 places initialement prévues par le plan. Cette offre concerne les enfants, mais aussi les adultes, pour lesquels les besoins sont, comme M. Paul Blanc l’a souligné, très importants. Ainsi, sur les 1 200 places créées, 500  sont destinées aux adultes.

Désormais, nous avons trouvé un rythme de croisière et, pour l’année en cours, nous sommes en passe d’atteindre, voire de dépasser, le résultat obtenu lors de la première année du plan. Cette avancée est de bon augure, puisqu’elle laisse entrevoir la possibilité de réaliser la totalité des objectifs du plan, 4 100 places ouvertes, en seulement trois ans et, donc, de revoir à la hausse le nombre de places créées au bout de cinq ans.

En 2009, nous voulons bien sûr poursuivre ce mouvement. Comme je viens de l’indiquer, alors qu’une nouvelle tranche de 900 places est prévue, nous sommes en mesure de tenir le même rythme qu’en 2008, voire de l’accélérer.

Au-delà des créations nettes de places, il est aussi nécessaire de requalifier des places existantes. Aujourd’hui, en effet, les personnes autistes sont en majorité accueillies dans des établissements non spécialisés, où leur prise en charge est inadaptée. Nous avons donné instruction aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, d’accompagner ces structures pour qu’elles adaptent leurs prises en charge à la spécificité de l’autisme.

J’en viens à la question des personnes autistes accueillies en Belgique.

Plusieurs intervenants, notamment M. Paul Blanc et Mme Muguette Dini, ont souligné le nombre important de familles qui sont obligées de se rendre en Belgique afin de trouver des solutions pour leurs enfants. C’est d’ailleurs l’un des enseignements du rapport que j’avais confié, l’année dernière, à Cécile Gallez, député du Nord, et qui m’a été remis le 13 février dernier.

Cet accueil en Belgique est-il dû au manque de place en France ? Certainement, mais pas seulement. Cette solution est en effet également retenue pour des raisons de choix de méthodes de prise en charge qui n’existent pas en France. Depuis longtemps déjà, la Belgique a mis en place des classes ABA ou TEACCH, que les parents français souhaitent voir se développer dans notre pays. Nous y travaillons. Je reviendrai sur ce sujet dans un instant.

Sur un plan quantitatif, au-delà des créations de places mentionnées précédemment, j’ai aussi voulu répondre au problème spécifique des régions frontalières. En effet, plus de 70 % des personnes françaises accueillies en Belgique viennent de la région Nord-Pas-de-Calais.

Un plan d’urgence pour le Nord-Pas-de-Calais est appliqué depuis trois ans, pour un montant total de 6 millions d’euros. Il a permis de porter à 1 400 places le nombre de places créées dans la région, tous handicaps confondus, pendant cette période.

Je crois nécessaire de poursuivre cet effort de rattrapage de l’offre car, effectivement, cette région souffrait d’un déficit très lourd de capacités, qu’il était important de combler.

Les besoins de création de places dans le Nord-Pas-de-Calais vont être remis à plat. En attendant et dès maintenant, la région bénéficie d’une prolongation d’un an du plan d’urgence, avec une dotation de 2 millions d’euros. Je souhaite que ce plan soit tout particulièrement orienté vers les besoins des personnes autistes et de leurs familles.

Plusieurs d’entre vous, Mme Bernadette Dupont, Mme Jacqueline Alquier, M. Paul Blanc, Mme Muguette Dini, ont également évoqué la question de la scolarisation des enfants autistes et souligné les difficultés rencontrées par les familles pour faire admettre leur enfant à l’école ordinaire.

Ce sujet préoccupe aussi fortement le Gouvernement. Pour améliorer la scolarisation, la priorité doit être la formation. C’est ce que prévoit le plan avec une sensibilisation des enseignants dans le cadre de leur formation initiale, une possibilité de formation continue pour les enseignants accueillant des enfants autistes dans leurs classes, et la formation des auxiliaires de vie scolaire.

L’accompagnement par des services d’éducation spéciale et de soins à domicile, ou SESSAD, est également essentiel. Nous prévoyons, dans le cadre du plan, de renforcer ces services d’au moins 600 places supplémentaires. Plus généralement, la parution, le 2 avril 2009, du décret relatif à la coopération entre école ordinaire et établissements adaptés permettra à l’éducation nationale de mieux mobiliser les compétences du monde médico-social pour intégrer ces enfants.

Madame Alquier, monsieur Daudigny, je voudrais vous apporter quelques précisions, notamment de contexte, au sujet des AVS.

Aujourd’hui, 170 000 enfants handicapés sont scolarisés à l’école ordinaire, soit une progression de 30 % depuis le vote de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette évolution, estimée à 10 000 enfants supplémentaires scolarisés par an, est un des grands acquis de la loi du 11 février 2005 et, reconnaissons-le, un défi que l’éducation nationale a su relever.

Le développement important qu’a connu, en quelques années, la scolarisation en milieu ordinaire s’est accompagné d’une augmentation tout aussi importante du nombre d’auxiliaires de vie scolaire individuels, les AVSI. En termes quantitatifs, c’était un défi auquel il était impérieux de faire face et l’éducation nationale l’a relevé, en y consacrant des moyens considérables. Ainsi, 570 millions d’euros sont affectés, chaque année, à ce dispositif.

Lors des deux dernières rentrées, 4 700 AVSI ont été recrutés, soit une augmentation de près de 50 %. Mais, parallèlement à cette évolution, une dimension qualitative a émergé de plus en plus fortement. La simple présence de l’AVSI auprès de l’enfant ne suffit plus : dès lors que l’accompagnement scolaire est prescrit, les familles attendent que cet AVSI soit formé et sache s’adapter à la situation particulière de l’enfant accompagné.

Or, comme vous le savez, ces situations particulières sont d’une grande diversité. La première réponse à cette exigence de qualité a donc été l’amélioration de la formation des AVSI. Là encore, de nombreux progrès ont été accomplis.

Aujourd’hui, pratiquement tous les agents concernés ont bénéficié d’une formation, alors que 35 % d’entre eux attendaient encore une telle formation en septembre 2007. Cette formation à l’emploi repose sur un cahier des charges précis et elle fait l’objet, pour sa mise en œuvre, d’une convention avec les principales associations nationales de parents d’enfants handicapés.

Au moment où cette exigence de qualité se développe, le fait que 1 000 AVS et 4 000 personnes en contrat aidé faisant fonction d’AVSI voient leur contrat arriver à son terme à la fin du mois de juin pose, avec une acuité particulière, la question d’une filière professionnelle. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion de débattre de ce sujet.

Il me semble que pérenniser les AVS au sein de l’éducation nationale ne permettrait pas de répondre aux attentes. Il convient plutôt de réfléchir à un enrichissement de la palette des accompagnements proposés aux enfants handicapés à l’école, qui permettent de capitaliser sur ces expériences et d’offrir des débouchés et des perspectives plus riches et pérennes aux AVS.

C’est la raison pour laquelle, avec Xavier Darcos, nous réfléchissons actuellement – et à ce titre, le travail que vous avez engagé dans le cadre des missions mises en place, notamment les informations qui remontent de la commission des affaires sociales du Sénat sur ce sujet, mais également de l’Assemblée nationale où Marie-Anne Montchamp examine la question des AVS, a enrichi notre réflexion – à la mise en place de services qui pourraient intervenir à la fois à l’école et à la maison.

Ces services, qui seraient à la jonction des secteurs scolaire et médico-social, ne se substitueraient pas aux solutions existantes, SESSAD et AVS. Ils viendraient compléter notre palette de solutions d’un outil dont nous manquons à l’évidence, répondant aux attentes des familles en termes de continuité de l’accompagnement – cette demande est particulièrement forte au niveau de la prise en charge des enfants autistes – dans le temps et dans l’espace, offrant tant aux AVS arrivant en fin de contrat qu’à certains professionnels du secteur médico-social la possibilité d’enrichir leurs pratiques professionnelles et, par conséquent, permettant d’amorcer la constitution d’une véritable filière métier.

Nous avançons donc rapidement et nos objectifs sont connus.

Sur un plan quantitatif, nous entendons bien évidemment être au rendez-vous que la loi nous impose, à savoir, à la rentrée scolaire prochaine, un nombre de contrats équivalant, sinon supérieur, au nombre actuel.

Par ailleurs, nous devons être en capacité de travailler sur des mesures législatives complémentaires, afin de pouvoir répondre aux problématiques qualitatives, que je viens de décrire, à la rentrée suivante. En effet, il nous faudra du temps pour élaborer le texte, l’enrichir des retours du terrain et échanger avec le Parlement. Néanmoins, nous souhaitons véritablement avancer sur cette question qualitative et nous nous engageons à le faire avec les commissions des deux assemblées.

J’en viens maintenant à la question des nouvelles méthodes de prise en charge de l’autisme, qui ont été évoquées par nombre d’entre vous. Il s’agit, me semble-t-il, de l’un des axes les plus innovants de ce deuxième plan, qui nous permettra d’imaginer les établissements de demain.

Vous êtes plusieurs à m’avoir demandé pourquoi nous expérimentions des méthodes qui sont largement reconnues ailleurs.

Mettons-nous d’accord sur les termes : quand nous parlons d’expérimentation, ce sont non pas tant les méthodes elles-mêmes que nous expérimentons – elles sont effectivement pratiquées depuis longtemps hors de nos frontières, notamment chez nos voisins belges –, mais leur transposition concrète au sein des structures médico-sociales françaises, avec les ajustements qu’elles supposent par rapport au fonctionnement de droit commun de ces structures.

Pour autant, nous n’avons pas l’intention de négliger l’évaluation scientifique de ces méthodes, qui fait l’objet du volet recherche de ce plan, ni leur contrôle : ces expérimentations doivent être encadrées et évaluées, afin de ne généraliser que les meilleures pratiques et de les sécuriser.

Elles seront encadrées grâce à un cahier des charges qui précisera le cadre dans lequel elles devront à l’avenir se dérouler, ainsi que leurs modalités d’évaluation. Il sera publié avant l’été.

Elles seront évaluées, un suivi des enfants devant être assuré par une équipe hospitalière ou universitaire, extérieure à l’établissement, afin de garantir la qualité des interventions et d’objectiver les résultats obtenus.

L’accent mis sur l’innovation a rencontré un succès important et engendré un foisonnement de projets. Le premier centre expérimental a d’ailleurs été inauguré le 14 novembre dernier à Villeneuve d’Ascq. En Île-de-France, première région à s’être mobilisée, pas moins de sept projets expérimentaux ont été déposés.

L’examen de ces projets par le comité régional d’organisation sociale et médico-sociale, le CROSMS, d’Île-de-France, le 14 mai dernier, a été l’occasion de constater que les réticences au développement de ce type d’expérimentations demeurent. Elles sont motivées tant par le recours à de nouvelles méthodes de prise en charge que par le coût qui en découle.

Le premier enseignement que j’en tire, c’est que nous avons encore besoin de progresser dans la voie du dialogue entre les tenants d’approches différentes. C’est en tout cas de cette façon que je souhaite interpréter les avis défavorables que ces projets ont recueillis.

S’agissant des méthodes, sur lesquelles je ne reviendrai pas, nous avons mis tous les garde-fous nécessaires, et les DDASS seront très vigilantes quant au fonctionnement de ces structures.

S’agissant du coût, il ne faut pas que le développement de ces structures, se fasse au détriment des établissements ordinaires. Il serait absurde que, en voulant ouvrir le champ des possibles, on passe d’un extrême à l’autre.

Bien sûr, il aurait été possible de ne retenir qu’un ou deux projets. Mais j’ai souhaité donner aux expérimentations une dimension suffisamment significative pour pouvoir en tirer tous les enseignements nécessaires, ce qui nécessite une « masse critique » et des projets de différentes natures.

Toutefois, compte tenu du nombre de projets pour l’Île-de-France, je n’ai pas souhaité qu’ils pèsent intégralement sur les DDASS. J’ai donc décidé de mobiliser des crédits supplémentaires pour accompagner cette expérimentation.

Au total, depuis le lancement du plan, ont été approuvées 162 places expérimentales, qui complètent les places ordinaires et ne viennent pas s’y substituer. Elles représentent plus de 13 % du total des places autorisées dans le cadre du plan.

Nous ne comptons pas en rester là : les appels à projet, que vous connaissez bien pour avoir participé à l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, qui seront la règle dans le cadre des futures agences régionales de santé, les ARS, seront l’occasion de sélectionner dans chaque région des projets innovants pour continuer de diversifier notre offre de prise en charge.

Dans cette démarche d’expérimentation, nous n’oublions pas les adultes. M. Paul Blanc l’a rappelé, nous travaillons ainsi avec le ministère du logement pour permettre une expérimentation en matière de logements accompagnés pour adultes autistes.

Plusieurs d’entre vous, notamment Mme Hoarau et M. Daudigny, ont d’ailleurs voulu connaître l’impact des futures ARS dans la mise en œuvre du plan Autisme. Elles permettront de procéder plus vite à des créations de places : la nouvelle procédure d’appels à projet, qui se substitue au CROSMS, permettra d’accorder d’emblée une autorisation et un financement aux projets répondant le mieux aux besoins. Elle mettra fin aux listes d’attente qui faisaient en sorte qu’un promoteur pouvait attendre pendant des années sans savoir si son projet serait financé ou non.

La fongibilité asymétrique, qui permettra de redéployer des moyens entre les secteurs sanitaire et médico-social, est également très importante dans le domaine de l’autisme : elle autorisera le redéploiement à plus grande échelle des lits d’hôpital en lits médico-sociaux dans les territoires où cela s’avérera nécessaire. Je réponds ainsi aux propos largement développés par Mme Dini tout à l’heure, s’agissant du type de prise en charge à mettre en œuvre. En effet, on sait aujourd’hui que nombre d’autistes occupent des lits sanitaires, notamment en hôpital de jour ou en hôpital psychiatrique, faute de places dans le secteur médico-social.

Même s’il s’agit d’un axe important, je ne voudrais pas que le plan Autisme soit réduit aux seules questions des établissements expérimentaux ou des créations de places, car il va bien au-delà.

Il faut améliorer les connaissances sur l’autisme. mesdames Dupont, Alquier et Dini, vous m’avez interpellée sur la méconnaissance, en France, des dernières avancées scientifiques en la matière.

Il faut sans doute nuancer ce constat : les connaissances sont là, mais elles sont mal diffusées et souffrent encore trop souvent des querelles de chapelle entre tenants des différentes approches. Il convient donc de trouver le moyen de mieux dialoguer, pour mieux avancer.

Avec le plan Autisme, nous avons donc cherché à objectiver les connaissances, par la définition d’un socle de connaissances qui fasse enfin consensus.

Pour en garantir la rigueur scientifique, nous en avons confié l’élaboration à la Haute autorité de santé. Celle-ci a arrêté son protocole de travail le 4 mars dernier et confié la direction des travaux aux professeurs Charles Aussilloux et Catherine Barthélémy, que vous avez vous-mêmes auditionnés en commission, personnalités de référence dans le domaine de l’autisme en France. La méthodologie retenue garantit une triple approche : internationale, scientifique et pluridisciplinaire. Nous disposerons du document final d’ici à la fin de l’année.

Plusieurs d’entre vous ont également souligné la nécessité d’améliorer la formation des professionnels, qui constitue à nos yeux une véritable priorité. C’est encore plus criant dans les départements d’outre-mer, où, plus qu’ailleurs, il faut trouver les solutions permettant d’accéder, comme en métropole, aux professionnels qualifiés, y compris s’agissant de toutes les nouvelles méthodes qui auront pu être validées. En effet, comment développer les expérimentations, si nous ne pouvons former les professionnels de terrain ?

Ainsi, même si la mise à jour de l’ensemble des formations ne pourra pas être réalisée sur la base du socle commun de connaissances, nous avons souhaité apporter des réponses dès aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle nous avons fait de l’autisme un axe prioritaire de la formation des professionnels de santé. Ils ont reçu une plaquette leur rappelant les recommandations de la HAS en matière de diagnostic.

Grâce à la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, pourra également financer la formation des aidants familiaux, donc des parents. Un premier appel à projet pourra être lancé en 2010, ce qui permet de répondre à l’une de vos attentes, madame Dini.

Enfin, nous voulons sensibiliser les enseignants : ils recevront à la rentrée 2009 un guide expliquant les spécificités de l’intégration d’enfants autistes dans une classe.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous rappelé la nécessité d’améliorer les diagnostics, en soulignant les difficultés rencontrées par les familles en matière de diagnostic précoce. Vous avez raison, il s’agit d’un point central.

Nous nous sommes fixé trois axes : améliorer l’accès au diagnostic, parfaire la qualité de celui-ci et accompagner les familles après qu’il aura été effectué.

Monsieur Daudigny, les moyens des équipes chargées du diagnostic ont été renforcés, à hauteur de 3 millions d’euros, ce qui permettra de recruter en moyenne trois personnes supplémentaires par équipe, améliorant ainsi la qualité du travail et augmentant le nombre des personnes, enfants et familles, qui pourront avoir accès à une prise en charge précoce et de qualité.

Par ailleurs, nous lancerons en septembre prochain une expérimentation sur un dispositif d’annonce du diagnostic, pour laquelle nous avons déjà reçu cinquante projets.

S’agissant de la qualité des diagnostics, plusieurs d’entre vous se sont émus du fait que certains professionnels de santé continuent de recourir à une classification franco-française qui inscrit l’autisme au rang des maladies psychiatriques, plus particulièrement des psychoses. Vous avez souligné combien ce type de diagnostic est culpabilisant pour les familles, notamment pour les mères.

C’est bien la raison pour laquelle les recommandations de la HAS en matière de diagnostic insistent particulièrement sur la nécessité de recourir à la classification de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, qui précise bien que l’autisme est non pas une maladie psychiatrique, mais un trouble d’origine neurobiologique.

Avant de conclure, je souhaite aborder la question des critères de bonne pratique. Il est en effet important que soient portés à la connaissance à la fois des professionnels et des services de l’État des critères de bonnes pratiques pour lutter contre les dérives et pratiques dangereuses. À cette fin, l’ANESMS, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, publiera un référentiel d’ici à la fin de l’été.

C’est dans le cadre de cette réflexion sur les pratiques que s’inscrit la réflexion du Gouvernement concernant le packing, dénoncé par plusieurs associations et évoqué par nombre d’entre vous, notamment par M. Paul Blanc.

Cette technique est employée par certains médecins comme traitement de dernier recours pour des personnes autistes présentant des troubles sévères du comportement, afin de réduire le recours aux psychotropes. Elle n’a pas fait à ce jour l’objet d’une validation scientifique et c’est précisément pour l’évaluer qu’une étude est actuellement en cours dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique.

Je veux être claire : un protocole de recherche implique le respect d’un certain nombre de règles, à savoir l’information précise des parents et leur accord exprès. Le recours à cette technique devrait rester limité à ce protocole, tant que l’évaluation de ses bénéfices et de ses risques n’aura pas été achevée.

L’absence d’accord formel des parents peut légitimement donner lieu à un signalement, en vue d’une enquête de la DDASS, et même à un signalement judiciaire, en cas de soupçon de maltraitance.

Roselyne Bachelot-Narquin va d’ailleurs saisir la commission spécialisée « Sécurité des patients » du Haut conseil de la santé publique, afin d’évaluer l’existence réelle ou supposée de maltraitance liée au packing, en prenant en compte la notion bénéfice-risque pour les enfants concernés. Les premiers enseignements de ce protocole et son évaluation seront rendus publics à la fin du mois de juin.

Des instructions vont également être données aux DDASS en vue d’assurer une vigilance particulière concernant ce type de pratiques en établissements médico-sociaux, dans lesquels une telle méthode n’a pas à être employée.

En effet, si le Gouvernement a souhaité ouvrir le champ des prises en charge de l’autisme, il ne saurait être question de laisser se développer des pratiques contraires à l’intérêt et au bien-être des personnes concernées.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Bernadette Dupont, comme vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour donner toute sa mesure au plan Autisme 2008-2010. La première année de sa mise en œuvre montre que, malgré les difficultés, les mentalités changent, la prise de conscience devient générale.

La première des réussites de ce plan est d’avoir, au cours de sa préparation, permis d’instaurer de véritables échanges. Pendant six mois se sont réunis autour de la table tous les acteurs du secteur, les tenants de tous les choix de prise en charge, les associations de personnes autistes, leurs familles, l’éducation nationale et l’ensemble de l’administration.

C’est cette mise en commun qui nous a permis d’aboutir au plan Autisme, à cette ouverture que rendra possible l’expérimentation et qui nous permettra d’avancer. Je le répète, nous souhaitons construire l’établissement de demain, dans lequel chacun pourra bénéficier d’une prise en charge individuelle adaptée. Il faut aller chercher le meilleur de ce qui existe et ensuite le sécuriser.

Ce travail doit se poursuivre. À l’exemple de ce qui a déjà été réalisé cette année, je souhaite que nous continuions à traduire dans les faits cette révolution, qui consiste à sortir des approches dogmatiques pour construire, ensemble, des solutions répondant réellement à l’attente légitime des familles, qui n’ont que trop attendu.

Nous avons tous rencontré des familles concernées, et nous savons combien il est douloureux de ne pas trouver de solution adaptée à la prise en charge de son enfant ou de son parent atteint de troubles envahissants du développement ou d’une forme d’autisme. Je crois que nous sommes tous convaincus, quelles que soient nos appartenances politiques, de la nécessité d’avancer sur ce sujet.

Une nouvelle fois, je remercie la commission des affaires sociales, le Sénat et Mme Dupont d’avoir contribué à cette réflexion. Nous comptons également sur vous pour soutenir le plan que nous avons engagé. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste, du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Je vous remercie, madame Létard. En règle générale, ce sont les familles qui sont déterminées à faire bouger les choses en matière de handicap, mais, en l’occurrence, elles ont réussi à faire prendre conscience du problème à la ministre.

Malheureusement, les progrès sont lents et difficiles, et, selon moi, certains dossiers pourraient avancer plus rapidement.

Ainsi, la requalification des places existantes pourrait avoir lieu dans les plus brefs délais. Vous avez évoqué les instructions qui seront données aux DDASS pour adapter les établissements aux besoins des personnes autistes. Il existe déjà des formations sur l’autisme, dispensées notamment par l’Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés, l’UNAPEI. Mais il faut surtout motiver les personnels, en leur démontrant que la formation est une nécessité. Je n’aime pas le mot « maltraitance », car je pense que cette dernière n’est pas volontaire. Ce qu’il faut, c’est promouvoir la « bien-traitance ». Dès la prochaine rentrée, un module spécifique sur l’autisme pourrait être créé dans les écoles d’éducateurs spécialisés. Certes, on apprend à ces derniers à gérer le quotidien et on leur inculque quelques méthodes, mais on ne leur parle jamais de l’autisme de manière spécifique.

La création de places prendra certes plus de temps, car il faut ouvrir des établissements. Je pense également qu’il faut inciter ceux qui ont des places existantes et qui accueillent déjà des personnes autistes à engager une véritable coopération avec les familles, lorsque celles-ci sont présentes et demandeuses.

Vous avez, à juste titre, souligné la nécessité d’un suivi extérieur médical ou universitaire. Mais, le plus souvent, les enfants présentant des troubles envahissants du développement sont envoyés dans des structures psychiatriques. Ainsi, dans les Yvelines, on les adresse à l’hôpital Charcot à Plaisir, où il n’y a aucune référence universitaire. On devrait pouvoir créer très vite des commissions paritaires, avec des regards complémentaires sur la personne autiste.

Pour finir, je parlerai de l’intégration. Vous avez avancé le chiffre de 170 000 enfants handicapés scolarisés, soit plus de 10 000 par an depuis 2005. C’est bien, mais les prises en charge sont souvent très aléatoires, certains enfants n’étant présents que quelques heures par semaine : une ou deux heures par jour tout au plus.

Il convient de sensibiliser l’éducation nationale à ce problème. Il faudrait responsabiliser les professeurs des écoles, qui sont souvent plus contraints que volontaires. Cette formation devrait être mise en place assez rapidement et concerner, au-delà du problème spécifique de l’autisme, l’accueil des enfants handicapés en général.

En ce qui concerne les auxiliaires de vie scolaire – AVS – et les auxiliaires de vie scolaire individualisée – AVSI, vous prétendez qu’il sera difficile de modifier leurs contrats avant la rentrée 2010. Pourquoi un si long délai ?

À l’occasion de la mise en place du RSA, j’avais proposé que les contrats puissent être modifiés et prolongés pour les personnes concernées accompagnant des enfants en difficulté. La législation doit évoluer, conformément au souhait des intéressés. En effet, hormis les personnes formées par les associations qui s’occupent spécifiquement d’autisme – j’espère au passage que l’éducation nationale leur proposera de vrais contrats, qui pourront être conjugués avec ceux conclus avec les familles –, les AVS qui accompagnent ces enfants dans les écoles sont le plus souvent des femmes âgées de 45 à 50 ans, à qui l’on explique que leur contrat ne pourra pas être prolongé s’il a été conclu avant leurs 50 ans, ce qui serait possible dans le cas contraire… Ce n’est pas sérieux, car c’est la situation de l’enfant autiste qui est en jeu et c’est lui qui doit être au cœur de notre réflexion. (Applaudissements sur l’ensemble des travées.)

M. le président. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

6

Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat.

Je rappelle que le débat sera organisé autour des deux thèmes suivants :

- Profils nutritionnels (nos 265, 336, 337 et résolution du Sénat n° 83) ;

- Vin rosé (nos 324, 392, 393 et résolution du Sénat n° 82).

Chacun de ces sujets donnera lieu à un échange.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, pour chacun des deux sujets, interviendront :

- le représentant de la commission compétente ou de la commission des affaires européennes, pour dix minutes ;

- le Gouvernement, pour dix minutes.

Une discussion spontanée et interactive s’ouvrira ensuite sous la forme de questions-réponses de deux minutes maximum par intervention.

I. - Profils nutritionnels

M. le président. Dans le débat sur les profils nutritionnels, la parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a adopté une proposition de résolution concernant les profils nutritionnels pour les denrées alimentaires.

Un règlement communautaire de décembre 2006 a établi un cadre, harmonisé pour le marché intérieur, destiné à garantir la loyauté des « allégations nutritionnelles », c’est-à-dire la communication commerciale sur les caractéristiques nutritionnelles des produits alimentaires. Il s’agissait d’assurer la bonne information du consommateur en interdisant, par exemple pour des produits très sucrés ou très gras, des mentions publicitaires ou valorisées sur les emballages du type « riche en fer », « apport en vitamines », « allégé en sel », etc.

L’idée était d’éviter que les industriels de l’agroalimentaire n’induisent en erreur les consommateurs sur les caractéristiques nutritionnelles réelles des aliments en insistant sur un point positif et en restant très discrets sur les aspects plus négatifs des produits, au sens sanitaire.

Pour rendre applicable cette réglementation de 2006, encore faut-il définir le « profil nutritionnel » de ces aliments, c’est-à-dire leurs proportions en nutriments que l’on juge acceptables. Il ne suffit pas d’affirmer qu’un produit est trop gras ou trop salé pour qu’on puisse faire de la publicité sur ses apports en calcium ; il faut également définir exactement en quoi il est trop gras ou trop salé. C’est pourquoi il est nécessaire, par catégorie de produits, d’établir des profils fixant les proportions maximales de sucre, de sel – sodium –, d’acides gras saturés ou d’acides gras trans à respecter pour pouvoir avancer des allégations nutritionnelles.

Cette définition des profils nutritionnels doit faire l’objet d’un règlement communautaire d’exécution qui, en raison de son caractère essentiellement technique, est adopté par la Commission européenne, sous le contrôle du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen, dans le cadre d’une procédure dite de « comitologie ». Sous l’égide de la direction générale de la santé et des consommateurs, la DGSANCO, un comité d’experts représentant les vingt-sept États membres, qu’on appelle le CPCASA – Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale –, s’est ainsi réuni au cours de l’année 2008 pour fixer, par catégories de produits alimentaires, les seuils de nutriments définissant leurs profils spécifiques.

Or, au sein de ce CPCASA, se sont affrontées deux philosophies, correspondant à deux modèles alimentaires. Pour schématiser, on trouve, d’un côté, les Britanniques et les pays nordiques, pour lesquels la bonne santé de la population, et en particulier la lutte contre le surpoids et l’obésité, est essentiellement assurée par le contenu nutritionnel des aliments et, de l’autre, un groupe de pays continentaux – la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas – qui estiment que c’est l’équilibre alimentaire global qui est déterminant, et que celui-ci est assuré par le respect de bonnes habitudes – par exemple manger à heures fixes, varier la nourriture, avoir des apports quotidiens en fruits et légumes frais.

Comme la DGSANCO est plus perméable au premier modèle, ses travaux ont abouti à un projet de règlement fixant des normes assez strictes pour les profils, tellement strictes pour certains qu’elles privaient la quasi-totalité de quelques catégories de produits de tout droit à allégation nutritionnelle : c’était en particulier le cas de la biscuiterie, des fromages et du pain.

Cette situation était absurde pour deux types de raisons.

Premièrement, s’agissant des fromages, il convient de distinguer ceux qui sont produits de manière traditionnelle et ceux qui résultent de processus industrialisés. Les premiers étant issus de la première transformation du lait, leur contenu nutritionnel ne peut pas être modifié. Dès lors, leur imposer des seuils très stricts en matière grasse et en sel leur interdirait de communiquer sur leurs apports en calcium, alors que n’importe quel soda ou jus de fruit enrichi en calcium pourrait, de son côté, vanter cet apport nutritionnel.

Deuxièmement, en ce qui concerne la biscuiterie, le problème est différent : l’industrie agro-alimentaire peut naturellement réduire les teneurs en sel, en sucre ou en matière grasse, mais si l’on fixe des seuils trop stricts, elle n’aura aucun intérêt économique à investir dans la recherche-développement, le retour sur investissement étant beaucoup trop lointain et aléatoire si elle ne peut pas rapidement communiquer sur ses efforts en la matière.

Il y avait donc dans ce dossier un problème de proportionnalité par rapport aux objectifs poursuivis par le règlement de 2006.

Cette situation a ému les professionnels, notamment ceux du secteur laitier, qui m’ont alerté au début de l’année. C’est ce qui a conduit à l’adoption, par la commission des affaires européennes d’abord, par celle des affaires économiques ensuite, de la résolution n° 83 qui vous a été distribuée.

Cette résolution, telle qu’adoptée par la commission des affaires économiques, demande essentiellement deux choses au Gouvernement.

D’abord, une méthode : vous savez que, depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, les assemblées françaises peuvent adopter des résolutions européennes sur tout document émanant d’une institution européenne, et non plus uniquement sur les seuls projets formalisés de directives ou de règlements transmis au Conseil de l’Union européenne et au Parlement européen. Cette extension constitue une anticipation du traité de Lisbonne, et c’est sur elle que je me suis appuyé pour faire intervenir le Sénat, le texte en cause n’étant qu’un document de travail de la Commission européenne, et non un véritable projet de règlement.

Le problème, c’est que la Commission produit quotidiennement des dizaines de ces documents, et qu’il est matériellement impossible au Parlement français d’avoir connaissance de l’intégralité de cette production. Si la plupart d’entre eux sont essentiellement techniques et ne justifient pas d’intervention, certains, cependant – l’exemple qui nous préoccupe en témoigne –, ont également un caractère politique affirmé.

Il est donc nécessaire que le Gouvernement transmette aux assemblées les projets de mesures portant sur des sujets présentant un intérêt politique. C’est notre premier souhait.

Ensuite, la résolution demande au Gouvernement de s’opposer à l’adoption de seuils de nutriments qui seraient inadaptés pour certains produits. Dans cette perspective, la résolution formule trois recommandations.

En premier lieu, pour ce qui concerne les profils nutritionnels, elle s’oppose à la fixation de seuils de nutriments inadaptés pour certaines denrées ou qui favoriseraient la communication des produits standardisés issus de l’industrie agroalimentaire : il vaut mieux manger un peu de fromage, un peu de légumes et des fruits que d’assurer ses apports quotidiens en calcium, en fer et en vitamines par la consommation de sodas enrichis par ces nutriments…

En second lieu, de façon plus générale, il convient que les représentants français à Bruxelles fassent systématiquement valoir la nécessité d’examiner les problématiques alimentaires dans une perspective globale et de respecter la diversité des traditions alimentaires propres à chaque État membre.

Ce point est très important, car il ne doit pas être question que la Commission, sous couvert de préoccupations sanitaires, en vienne à imposer un modèle alimentaire unique, qui plus est si ce modèle est anglo-saxon. Du reste, j’ai consacré une partie de mon rapport à faire état d’études scientifiques qui tendent à démontrer que ce modèle est en réalité probablement beaucoup moins efficace pour lutter contre le surpoids et l’obésité que le modèle latin, représenté en particulier par les habitudes françaises.

Aussi, notre opposition n’est pas seulement culturelle ; elle est aussi sanitaire, ainsi que le relèvent plusieurs des considérants de la proposition.

Enfin, la dernière demande est de principe : les pouvoirs d’exécution conférés à la Commission européenne, qu’il ne s’agit pas de remettre en cause puisqu’ils sont indispensables, doivent cependant toujours respecter les principes de proportionnalité et de subsidiarité, principes auxquels la commission des affaires européennes du Sénat est tout particulièrement attentive, ainsi que, évidemment, les objectifs des textes communautaires, qu’il s’agit de rendre applicables.

Dans le cas qui nous préoccupe, les profils sont non pas un instrument de santé publique, mais simplement un outil technique destiné à garantir que l’information commerciale destinée aux consommateurs en matière nutritionnelle est loyale. C’est uniquement cet objectif que le règlement d’application doit s’attacher à satisfaire, et pas un autre.

Cependant, depuis l’adoption de cette proposition de résolution par la commission des affaires économiques, il semble que les choses ont considérablement évolué, apparemment dans le bon sens, ce qui est heureux.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que vous puissiez, en quelques mots, faire le point sur l’état de ce dossier, d’abord en nous informant précisément sur les démarches du Gouvernement français avant et après l’adoption de la résolution du Sénat, ensuite, et surtout, en nous indiquant quel est aujourd’hui l’état d’esprit de la Commission et ce que l’on doit attendre de ses décisions à venir.

Un certain nombre d’industriels ont engagé des actions de recherche et de développement et ils doivent savoir quelles orientations donner à leur politique industrielle.

Monsieur le secrétaire d'État, le Sénat peut-il avoir le légitime espoir d’être aussi bien entendu sur ce dossier qu’il l’a été sur celui du vin rosé ? (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Roland Courteau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Bizet, votre question traduit une préoccupation majeure et permet de démontrer à ceux qui en doutaient encore que les choix européens ont un impact direct sur la vie quotidienne des consommateurs.

La réglementation européenne sur les profils nutritionnels, actuellement en discussion, est sous-tendue par des objectifs de santé publique et de protection des consommateurs, que chacun peut a priori faire siens.

La réglementation part d’ailleurs de constats de bon sens. Il est vrai qu’il peut paraître choquant que des produits se flattent d’être « riches en calcium », avec des formulations telles que « le calcium contribue à la croissance osseuse », alors qu’ils contiennent une forte proportion de substances grasses, sucrées ou salées.

Pour le dire simplement, la réglementation vise à éviter que l’on puisse apposer sur n’importe quel produit la mention : « je suis bon pour la santé ».

Outre ces enjeux de nutrition, la Commission souhaite défendre un autre objectif que nous partageons tous, à savoir la loyauté de l’information. C’est une condition du bon exercice de la concurrence. Pour que celle-ci ne soit pas faussée, il faut éviter que des producteurs ne puissent faire valoir aux yeux des consommateurs un avantage compétitif qui n’a pas lieu d’être.

Une fois ces principes posés, monsieur Bizet, reste la question de leur déclinaison concrète dans la législation. C’est là que le bât blesse. Nous savons que l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions, et il ne faudrait pas que la défense d’objectifs qui nous sont chers entre en totale contradiction avec d’autres principes tout aussi importants, à savoir la diversification de l’alimentation du consommateur, la protection de nos produits traditionnels, comme le fromage ou les produits céréaliers, et la compétitivité de notre filière agricole et agroalimentaire.

C’est pour cette raison que la France s’est opposée à la première mouture de ce projet de réglementation européenne.

Nous sommes encore dans une première phase de consultation des pays membres. Beaucoup partagent les positions de la France et je vous rassure tout de suite, mesdames, messieurs les sénateurs, en vous garantissant que le nouveau projet de la commission sera très éloigné du premier et qu’il tiendra compte des positions que vous et nous avons défendues.

Pourquoi la France a-t-elle manifesté son désaccord ?

L’objectif affiché par le projet de réglementation européenne est de restreindre le nombre d’aliments pouvant porter des allégations nutritionnelles en fonction de leur composition et de leurs caractéristiques nutritionnelles globales. Mais le premier projet de la Commission paraissait extrêmement sévère, puisqu’il conduisait à une éligibilité moyenne aux allégations de 41 % de produits seulement, avec des écarts allant de 2 % à 81 % selon les catégories de produits.

Par ailleurs la démarche de la commission soulève un certain nombre de questions.

D’abord, l’établissement de critères objectifs de sélection peut relever de la gageure. Cela reviendrait à faire un tri entre les bons et les mauvais aliments, travail difficile, voire vain, quand on sait que les autorités scientifiques martèlent qu’il y a non pas des bons ou des mauvais aliments, mais seulement des combinaisons d’aliments permettant de créer ou non un équilibre alimentaire.

Une autre limite évidente réside dans le fait que, pour certains produits agricoles traditionnels peu ou pas transformés, les marges de manœuvre en matière de reformulation s’avèrent très réduites, alors même que ces produits constituent la base de notre alimentation.

Ces limites évidentes doivent nous amener à être extrêmement vigilants quant à la sévérité du dispositif que nous devons adopter. Cela est d’ailleurs reconnu dans les exposés du projet de règlement, qui rappelle que « les profils devraient prendre en compte les habitudes et les traditions alimentaires, ainsi que le fait que des produits, considérés individuellement, peuvent jouer un rôle important dans le cadre d’un régime alimentaire global ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez eu raison de souligner les risques que ferait courir une transposition trop rigoureuse ou trop restrictive du texte européen. Les points et les critiques que vous avez relevés, monsieur Bizet, rejoignent parfaitement la position défendue, au nom de la France, par Michel Barnier. Je profite de l’occasion pour excuser celui-ci ; retenu à Bruxelles, il m’a chargé de le représenter auprès de la Haute Assemblée.

Vous demandez au Gouvernement, dans le cadre des discussions communautaires sur les profils, de s’opposer à de nouvelles propositions de seuils de nutriments qui seraient inadaptés pour certaines denrées ou qui tendraient à promouvoir la consommation des seuls produits standardisés issus de l’industrie agroalimentaire. C’est ce que nous faisons.

Vous nous avez également invités à examiner la question des profils dans une perspective d’équilibre alimentaire global. Là encore, vous êtes parfaitement en ligne avec la position que le Gouvernement fait valoir auprès de la commission.

La position française repose sur quatre considérations importantes.

Première considération : la prise en compte des caractéristiques nutritionnelles globales de l’aliment, et pas seulement ses aspects négatifs.

La direction générale de la santé et de la protection des consommateurs de la Commission européenne a proposé un système de contrôle reposant sur trois nutriments : acides gras saturés, sucres et sel. Les autorités françaises ont accepté ce choix, qui a le mérite de la simplicité. En revanche, la France a soutenu la mise en perspective de l’aliment dans le régime alimentaire global : il s’agit de distinguer, pour chaque produit, les apports en nutriments « négatifs » mais aussi « positifs » dans le cadre d’un régime alimentaire global.

Ainsi, il est vrai que les fromages sont riches en acides gras saturés, mais force est de constater que la majorité des consommateurs ne mangent pas du fromage à chaque repas ni même tous les jours. Avec une consommation de trente grammes par jour en moyenne, le fromage n’est donc pas un contributeur majeur à l’apport total d’acide gras saturé. En revanche, il contribue fortement à l’apport calcique : plus de 50 % du calcium consommé quotidiennement est apporté par les produits laitiers, dont plus de 20 % par les fromages.

Ce qui est vrai pour le fromage ne l’est pas pour tous les produits. Ainsi, la demande des chocolatiers de créer une catégorie pour leurs produits avec des seuils adaptés a été rejetée, ces produits n’étant pas des contributeurs majeurs en nutriments essentiels.

Deuxième considération portée par la France : une plus grande proportionnalité.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments a identifié les catégories d’aliments tenant une place importante dans le régime alimentaire. Des seuils adaptés ont été proposés pour ces catégories, mais la définition de celles-ci est parfois contestable. Ainsi, les biscuits et les produits de panification ont été associés aux féculents, comme les pâtes ou le riz. Cela les a fortement pénalisés dans les différentes propositions de la Commission : 7 % et 14 % d’éligibilité pour les biscuits et le pain, contre 80 % pour le riz et 92 % pour les pâtes. La France a souhaité garantir une meilleure proportionnalité, de manière à améliorer la définition des catégories et à rehausser certains seuils particulièrement pénalisants.

Il faut aussi tenir compte de la situation de produits diététiques, dont la composition vise à répondre à des besoins nutritionnels particuliers, par exemple pour les nourrissons ou les sportifs. S’agissant de ces produits spécifiques, le Gouvernement a soutenu l’idée qu’ils soient exonérés des profils dès lors que le besoin nutritionnel particulier impose un dépassement des profils.

Ainsi, un produit pour sportifs ne serait pas soumis aux teneurs maximales en sucres ou en sodium dès lors que les teneurs apportées sont justifiées par les besoins nutritionnels des sportifs. En revanche, des apports importants en acides gras saturés élevés n’étant pas justifiés chez les sportifs, les produits seraient soumis aux profils pour ce nutriment.

Troisième considération : l’incitation à la reformulation

Dans le cadre du programme national nutrition santé, par le biais des chartes d’engagement, a été engagée une démarche partenariale entre l’État et les opérateurs afin d’inciter ceux-ci à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits. Il paraissait dès lors inconcevable de défendre des seuils interdisant l’accès à toute forme de communication sur la qualité nutritionnelle des produits, quels que soient les efforts et progrès réalisés, et de supprimer ainsi toute incitation à la reformulation.

Dernière considération qui sous-tend notre position : la cohérence avec la politique nutritionnelle et la culture alimentaire française.

Dans le droit fil de sa politique nutritionnelle et alimentaire, la France a mis en valeur la nécessaire diversification des aliments au sein du régime. L’exemple type est la communication que fait notre pays sur la nécessité de consommer chaque jour trois produits laitiers différents, y compris les fromages, quand la Commission prônait une satisfaction des besoins en calcium par le seul lait ou les yaourts.

En outre, la position française a été fixée au regard de considérations plus culturelles, telles que la défense des produits traditionnels et des produits agricoles. Ceux-ci constituent la base de notre alimentation et restent des repères structurant dans le régime et les habitudes alimentaires. Leur marge de manœuvre en matière de reformulation est évidemment faible. Le Gouvernement a donc considéré qu’il était plus pertinent de valoriser le calcium apporté par les fromages que celui qui est ajouté artificiellement aux sodas.

De la même façon, les autorités françaises ont défendu ardemment que les produits bruts non transformés, comme les viandes ou les poissons, soient exonérés de l’application des profils.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, le Gouvernement a adopté une position à la fois proportionnée, respectueuse de la tradition culinaire française, et soucieuse des intérêts des consommateurs en matière de nutrition. Cette position rejoint donc très clairement les positions exprimées par le Sénat dans sa proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à la discussion interactive et spontanée.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite savoir ce qu’envisage de faire le Gouvernement afin de contrecarrer la tendance actuelle à la standardisation des aliments et à la « diétiétisation » de l’alimentation, lesquelles ne correspondent pas à la culture française.

Afin de lutter, entre autres, contre l’obésité, qui frappe davantage les pays qui soutiennent de telles directives, le Gouvernement pourrait lancer un plan sans précédent en direction des jeunes, des familles, de toutes les structures d’éducation et des filières de transformation et de communication, plan destiné à allier qualité, connaissance, hygiène de vie, sport et plaisirs de la table, car l’esprit de Rabelais n’est pas mort, fort heureusement !

Nous ne partons certes pas de rien, mais nous pourrions faire beaucoup plus, notamment dans le cadre de la lutte contre l’obésité et du surpoids, fléaux qui nous menacent à terme comme les autres pays.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Ce débat illustre, une fois de plus, la nécessité pour l’Union européenne de faire de la politique. On le constate dans la manière dont elle traite certains sujets, comme les profils nutritionnels ou le vin rosé. Mais faire de la politique, c’est peut-être avant tout avoir du bon sens, afin de mesurer la dimension politique de toute décision.

Le projet de réglementation des profils nutritionnels part d’une bonne idée, mais les seuils sont fixés à un niveau tel qu’en réalité la majorité des fromages français sera, en quelque sorte, disqualifiée. C’est un comble pour nos fromages au lait cru et nos AOC, qu’il s’agisse du Saint-Nectaire, du comté, du Neufchâtel, de la fourme d’Ambert, du Sainte-Maure de Touraine, du brie de Meaux, sans oublier le brie de Melun, auquel je suis particulièrement attachée en tant qu’élue de cette région.

Tous ces produits de terroirs appartiennent au patrimoine gastronomique de notre pays. Non seulement ils n’ont jamais tué personne, mais grâce à leur richesse en calcium et en ferments lactiques, ils ont permis, au fil des siècles, à des millions d’enfants de se développer et de fortifier leur masse osseuse, bref de se constituer un capital santé.

Sans la vigilance de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques du Sénat, et sans le sérieux de notre collègue Jean Bizet, ce projet aurait été adopté en catimini par un comité d’experts et par la Commission européenne. Or ce texte pénalise les productions traditionnelles françaises et va à l’encontre du modèle français d’alimentation et de notre gastronomie.

Nous savons tous que la santé repose d’abord sur une alimentation équilibrée et non sur des seuils arbitraires et des produits calibrés. Gardons-nous de tout ce qui uniformise et aseptise notre alimentation. Protégeons et encourageons au contraire la diversité et la qualité de nos produits, dont nos fromages de terroir sont le meilleur exemple.

Monsieur le secrétaire d’État, il est impératif que le Gouvernement soit beaucoup plus vigilant et plus réactif sur ce gendre de dossier. On peut en effet se demander légitimement pourquoi le Parlement, le Sénat en particulier, n’a pas été informé plus en amont.

Désormais, ce débat concerne tous les Français, et ils sont en droit de nous demander des comptes. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Le Cam, l’intervention que j’ai faite à la tribune répond, me semble-t-il, dans son esprit, à vos interrogations sur la défense de notre modèle de nutrition et de nos filières agroalimentaires. C’est une préoccupation qui dépasse les clivages politiques.

Le Gouvernement a démontré, par la position qu’il a prise sur le projet de la Commission et par ses initiatives, qu’il entendait préserver la diversité des produits français, les spécificités agroalimentaires de nos terroirs, qui favorisent le développement économique de ceux-ci.

Au nombre des opérations réalisées par le Gouvernement, en particulier par Michel Barnier, je mentionnerai le plan d’action qui découle du Programme national nutrition santé, le PNNS. Ce plan prend en compte la nécessité d’avoir une approche alimentaire liée à notre culture et à nos terroirs. Je pourrais également citer l’action que nous avons menée sur le roquefort auprès de nos amis Américains, pour défendre ce label et affirmer l’identité de ce fromage.

Le Gouvernement a donc su affirmer sa position face aux propositions initiales de la Commission.

Madame Mélot, vous me demandez pourquoi le Sénat n’a pas été informé plus en amont. À ce jour, je le rappelle, il n’y a aucune proposition officielle de la Commission. Jusqu’à présent, le débat est resté à un niveau technique.

Nos services ayant alerté le Gouvernement sur les préoccupations et les inquiétudes que pourrait impliquer la mise en œuvre de la proposition initiale de la Commission, nous nous sommes mobilisés. M. Barroso nous a entendus : il a modifié le projet initial de la Commission et a demandé à sa direction de réfléchir à de nouvelles propositions.

À ce jour, ces propositions ne sont pas officielles. Le Gouvernement et les services travaillent afin d’orienter la position de la Commission européenne, conformément aux remarques de M. Bizet. Nous devrons faire preuve d’une grande vigilance dans les semaines qui viennent afin que les propositions finales de la Commission prennent bien en compte la réorientation voulue par M. Barroso et, surtout, les préconisations que j’ai défendues dans mon intervention liminaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur le secrétaire d'État, je me réjouis que la nouvelle mouture du projet de la Commission soit très éloignée de la version initiale. Je remercie le Gouvernement d’avoir entendu l’appel du Parlement sur ce point précis.

Je me réjouis également que, grâce à la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui nous permet d’anticiper sur le traité de Lisbonne, le Parlement soit désormais plus réactif.

Réactivité du Parlement, mise en exergue de ce que l’on appelle la proportionnalité et de la subsidiarité nous permettront de mieux faire accepter par nos concitoyens la dimension et l’action de l’Europe dans leur quotidien.

Il est important de créer un nombre croissant de passerelles, au sens noble du terme, entre le monde de l’entreprise et le Parlement. Si les industries de la transformation laitière ne m’avaient pas alerté, ces dispositions nous auraient littéralement échappé. La filière laitière traverse une période de turbulences. Si ce dossier avait suivi son cheminement législatif, on mesure sans peine les conséquences qu’il aurait eues sur l’ensemble de la filière laitière, les industries de transformation et, en amont, les producteurs de lait.

J’espère que notre débat sera entendu au-delà de cet hémicycle. Les créateurs de richesses que sont les chefs d’entreprises doivent savoir que le Parlement est à l’écoute de leurs préoccupations, attentif à leurs soucis, même si l’on ne peut pas vraiment formaliser des passerelles entre le Parlement et le monde de l’entreprise. C’est ainsi, me semble-t-il, que nous devons désormais fonctionner.

Je souhaite que, dans les mois à venir, le traité de Lisbonne devienne une réalité, car il nous permettra d’être plus efficaces dans le quotidien des entreprises et des consommateurs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Ce sera le cas !

M. le président. Nous en avons terminé avec ce premier thème.

Un débat sur la crise de la filière laitière est inscrit à l’ordre du jour du Sénat du 25 juin.

II. - Vin rosé

M. le président. Dans le débat sur le vin rosé, la parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, nous sommes aujourd’hui réunis non pas pour critiquer l’action des instances communautaires en matière agricole, mais pour nous féliciter de leur absence d’action, définitive, je l’espère !

Le projet de la Commission européenne d’autoriser le coupage pour la production de vins rosés de table est finalement abandonné. Pour combien de temps ? C’est la question que l’on peut se poser.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. C’est en effet une bonne question !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques. Il est vrai que l’on peut voir le verre soit à moitié plein, soit à moitié vide. (Sourires.)

Dans le premier cas, on se réjouit que nos producteurs puissent continuer à produire des vins d’excellence qui ne seront pas concurrencés déloyalement par des productions venant des pays tiers.

Mais le verre reste à moitié vide, car ce dossier révèle, une fois de plus, le degré d’incompréhension de la Commission pour les réalités et les enjeux agricoles et viticoles dans les États membres.

Souvenons-nous : le « combat » – osons prononcer le mot – était pourtant mal engagé. À la fin du mois de janvier, lorsque le comité de gestion des vins, qui réunit les experts des vingt-sept États membres, vote, à titre indicatif, le projet de règlement sur les pratiques œnologiques au sein de l’Union, aucun des participants – la France y compris – n’y voit rien à redire.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques. Pourtant, figure dans ce texte d’application de la grande réforme de l’OCM vitivinicole, votée en 2007, la levée de l’interdiction de produire des rosés de table par coupage.

Pour le commissaire européen à l’agriculture, le coupage est censé permettre aux producteurs européens de jouer à armes égales face à leurs concurrents – Américains, Australiens ou Sud-Africains – qui peuvent commercialiser un mélange rouge et blanc sous le nom de rosé sur le territoire communautaire.

Une fois qu’est prise la mesure de la réforme, la « résistance » s’organise. Le ministre de l’agriculture, M. Michel Barnier, s’alarme de ce projet auprès de Mme Fischer Boel, commissaire européen. Un compromis est concocté le 23 mars, au sein du comité de gestion du vin. On y entérine la possibilité pour le vin rosé authentique, élaboré par des méthodes traditionnelles de vinification, et non par coupage, de bénéficier de l’appellation « vin traditionnel », mentionnée sur l’étiquette.

Or, on le sait, nos professionnels ne veulent pas de cette mesure. Le vin rosé est un produit jeune, apprécié par les femmes et par les jeunes.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Par les hommes aussi !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques. Certes, mais je mentionne les femmes, car ce sont de fins connaisseurs ! (Les sénatrices de l’UMP applaudissent.) J’ajoute que ce sont les femmes qui, dans les magasins, achètent ce produit magnifique.

Les professionnels redoutent que l’adjectif « traditionnel » ne donne à ce produit une image poussiéreuse.

L’opposition au projet de la Commission est donc reconduite, mais le partage des forces ne joue pas en notre faveur. La France est isolée et ne dispose pas véritablement d’appui pour bloquer la mesure, dont l’adoption est renvoyée au Conseil des ministres de l’agriculture du 19 juin 2009.

C’est à ce moment-là que notre assemblée se saisit du dossier. Avec mon collègue Simon Sutour, et en qualité de président du groupe d’études de la vigne et du vin, je dépose auprès de la commission des affaires européenne, présidée par M. Hubert Haenel, une proposition de résolution européenne invitant le Gouvernement à « s’opposer à la disposition permettant d’obtenir du vin rosé par coupage de vins rouges et de vins blancs ».

Le texte est renvoyé devant la commission des affaires économiques, qui me confie la mission de rapporteur. Je procède alors, en accord avec mon collègue Roland Courteau, à une série d’auditions des principaux acteurs de la filière.

Le rapport et la proposition sont adoptés à l’unanimité – il est important de le souligner – par la commission, le 3 mai dernier. Le texte, devenu résolution du Sénat dix jours plus tard, invite le Gouvernement à « s’opposer fermement à la suppression de l’interdiction du coupage de vins sans indication géographique de couleurs différentes pour produire des vins tranquilles rosés ».

Parallèlement, les viticulteurs s’organisent et, ainsi que nous le préconisions dans le rapport, mènent des actions importantes de communication sur le sujet auprès du grand public et de leurs collègues des autres États membres concernés. Le 26 mai, ils organisent une conférence de presse à Bruxelles à laquelle les producteurs italiens et espagnols s’associent.

La campagne « coupé n’est pas rosé » est lancée de façon très efficace. La pétition contre le rosé coupé, circulant sur internet, recueille plusieurs dizaines de milliers de signatures. Un récent sondage montre que 87 % de nos compatriotes sont opposés à l’autorisation de coupage et que 86 % n’en achèteraient jamais si un tel vin venait à être commercialisé.

Sont mises en avant les qualités et l’originalité du vin rosé « authentique », ainsi que l’importance économique du secteur. Ni vin blanc, ni vin rouge, ni mélange des deux, le vin rosé « traditionnel » est en effet un vin à part, compte tenu de ses spécificités de couleur, de texture, de goût et de conservation.

Le marché du vin rosé se porte bien, surtout dans notre pays. La France est le leader mondial du secteur, avec 38 % de la production européenne, qui provient principalement de la Provence, de la Loire, du Rhône, et aussi de la Gironde. Il constitue 11 % de notre vignoble, génère un milliard d’euros de chiffre d’affaires et occupe 11 000 personnes directement et 66 000 emplois induits.

La demande de vin rosé ne cesse d’augmenter. Il représente 24 % de la consommation française totale de vin, contre 11 % en 1990, soit plus que le vin blanc désormais. Plusieurs explications expliquent cet engouement pour le vin rosé : des caractéristiques qui correspondent bien aux attentes du public, une plus grande facilité d’accès pour des consommateurs peu expérimentés en matière de vin, ou encore, il convient de le souligner, les efforts remarquables réalisés par la filière pour rendre le produit plus attractif, que ce soit en termes de qualité, de prix ou de marketing.

Si ces éléments ne devaient, à eux seuls, emporter la conviction, la présentation des risques du coupage, qui figure dans notre rapport, enfonce le clou. Le vin rosé issu de coupage présente en effet d’importants inconvénients.

Tout d’abord, il existe un risque de standardisation. Quand on sait que l’introduction d’un volume infime – de l’ordre de 1 % ou 2 % – de vin rouge dans du vin blanc suffit à lui donner l’apparence d’un vin rosé, on imagine ce que certains auraient été tentés de faire : colorer des quantités industrielles de vin blanc de piètre qualité pour obtenir du « vin rosi ». La formidable palette de goûts et de couleurs des rosés traditionnels aurait alors été perdue au profit d’un produit interchangeable.

Le deuxième risque est l’édulcoration. L’absence, dans les rosés coupés, des molécules donnant au vin sa « rondeur » peut être compensée par une macération plus longue, source d’une certaine rugosité.

Enfin, le dernier risque que nous allons finalement éviter est la confusion pour le consommateur.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Absolument !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques. Celui-ci aurait été amené à acheter un vin ayant l’aspect « chromatique » du rosé, selon l’expression employée par les spécialistes, mais absolument pas le goût. On imagine qu’il n’aurait pas été incité à en racheter.

Pour toutes ces raisons, il fallait nous opposer avec clarté et fermeté au projet de la Commission, et c’est ce que nous avons fait en étroite liaison avec le Gouvernement.

Nos arguments ont porté, puisque notre pays est parvenu, au finish – mais en montant au filet ! (Sourires.) –, à retourner suffisamment de partenaires potentiels pour s’assurer une minorité de blocage de 91 voix : l’Italie, la Roumanie, la Hongrie, l’Autriche, l’Allemagne et d’autres pays qui viennent d’adhérer à l’Union européenne nous ont soutenus.

Cette reconfiguration du rapport de force, alliée peut-être à la survenance des élections européennes,…

M. Roland Courteau. Cela se pourrait bien !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques. Ne l’oublions pas, la décision est intervenue quelques jours après les élections européennes !

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Le lendemain !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques. Cette reconfiguration, disais-je, a finalement entraîné le recul de la Commission, à la grande satisfaction de nos professionnels. Dès lors, les questions que je souhaitais poser au représentant du Gouvernement lors du présent débat ne sont plus d’actualité. Mais nous devons rester vigilants.

Une seule interrogation semble demeurer : l’Organisation mondiale du commerce, saisie pour avis, a-t-elle examiné le dossier ? En d’autres termes, risque-t-on de se voir reprocher l’interdiction du coupage non pas par les instances communautaires, mais par L’OMC pour entrave à la libre concurrence ? Vous nous rassureriez complètement, monsieur le secrétaire d’État, en nous apportant des éléments sur ce point. Mais ce qu’a fait un commissaire européen un nouveau commissaire peut le défaire…

M. Roland Courteau. Bien sûr !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques. Ne faudrait-il pas, monsieur le président de la commission, inviter le directeur général de l’OMC, M. Lamy, à venir s’exprimer sur tous les points actuellement en discussion à l’OMC, notamment sur les produits nutritionnels ou sur le vin rosé ?

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. C’est comme si c’était fait !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques. Nous devons être vigilants sur tous les fronts.

En conclusion, je me réjouis du retrait de ce projet inacceptable pour une filière de qualité comme l’est celle du vin rosé français, et je me félicite des effets positifs de nos travaux sur le dénouement de ce dossier, preuve, s’il en était besoin, que l’union du Parlement, de l’exécutif et des acteurs économiques nationaux, en France et à Bruxelles, permet d’obtenir satisfaction lorsque la cause est juste et défendue avec conviction, tel le mariage du fromage et du rosé ! (Applaudissements.)

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur César, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Michel Barnier, qui a été un acteur majeur dans ce dossier.

Le sujet du vin rosé a été, ces dernières semaines, au cœur de débats politiques et médiatiques passionnés. Et pour cause ! Dès que les discussions européennes portent sur des sujets aussi sensibles, qui touchent à notre patrimoine gustatif et œnologique, à notre culture, et aussi, disons-le, à un secteur économique important, il est naturel que les professionnels comme le grand public et, a fortiori, la représentation nationale, demandent une attention toute particulière des pouvoirs publics.

Au-delà de la sensibilité naturelle de la question, on peut aussi remarquer que certains auraient été heureux de faire du vin rosé le symbole d’une Europe éloignée, technocratique, sourde à nos préoccupations et à la défense des patrimoines nationaux.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Ce sujet montre, comme bien d’autres, que l’Europe, quand on le veut, n’est pas une machine froide sur laquelle nous n’avons pas d’emprise. L’Europe, ce n’est pas « eux », c’est « nous » ! Donc, l’enseignement de ce dossier, c’est que, pour obtenir des orientations et des décisions favorables, il faut peser et faire valoir notre point de vue, de manière déterminée et volontariste. L’initiative que vous avez prise, monsieur César, est tout à fait emblématique en la matière.

À l’occasion du vote indicatif préalable à la consultation de l’OMC, le 27 janvier 2009, la France avait fait part de ses vives réserves sur la levée de l’interdiction de coupage, tout en se prononçant favorablement sur le reste du texte, compte tenu des réponses positives apportées à ses autres demandes ; j’y reviendrai.

La France était initialement très isolée sur la question, puisque seule la Hongrie la soutenait. Elle a obtenu le report du vote des deux règlements en débat – pratiques œnologiques et règles d’étiquetages – à la fin du mois de juin et elle a mis à profit ce délai pour expliquer sa position aux autres États membres et rechercher des soutiens.

Michel Barnier a ainsi écrit à la commissaire le 11 février et le 13 mars 2009 et a porté à plusieurs reprises ce sujet mal connu à l’attention de ses homologues, à l’occasion des conseils des ministres de l’agriculture.

La Commission a indiqué qu’elle n’entendait pas modifier le règlement sur les pratiques œnologiques et a proposé, de manière alternative, de donner la possibilité aux États membres de distinguer le rosé « traditionnel » et le rosé de « coupage » sur l’étiquetage. La France s’est abstenue sur ce projet en rappelant sa ferme opposition à la levée de l’interdiction du coupage des vins rouges et blancs sans indication géographique. En effet, cette solution ne garantit pas un régime commun entre États membres et ne s’applique qu’aux vins de l’État membre qui le décide.

Les professionnels ont enfin insisté, à plusieurs reprises, sur le décalage entre l’appellation « rosé traditionnel » qui leur est proposée et l’image « moderne » qui lui est associée.

Devant la mobilisation des gouvernements, français puis italiens, et des professionnels, la Commission a indiqué, le 8 juin, qu’« il n’y aura pas de changement dans les règles de production du vin rosé ».

Sur la question des pratiques œnologiques relatives à l’élaboration du vin rosé, le Gouvernement a donc travaillé en liaison étroite avec la Commission, les professionnels et les autres États membres dès cet automne.

La décision de la Commission de renoncer au coupage des vins rosés montre que cette méthode de la concertation était la bonne. Elle constitue la victoire d’un certain modèle alimentaire, que nous avons évoqué au cours du débat précédent, respectant les droits des consommateurs, les savoir-faire des producteurs et les traditions qui nous sont chères. C’était un combat important et urgent, parce que le règlement actuel qui interdit le coupage prend fin le 1er août 2009.

Ceux qui ont dénoncé l’attitude ouverte de dialogue du Gouvernement avec la Commission et les autres États membres doivent comprendre que cette proposition s’inscrit par ailleurs dans une réforme plus large qui est celle de l’Organisation commune de marché vitivinicole, dont un enjeu majeur est de renforcer la compétitivité de toute la filière du vin. Ainsi, la Commission a proposé de lever plusieurs restrictions telles que la désalcoolisation ou l’utilisation de copeaux, attendues par la profession.

L’économie globale de cette réforme est bonne pour la profession. Elle est essentielle pour cette filière qui, dans un contexte de réduction de la consommation nationale, doit impérativement reconquérir des parts de marché à l’exportation.

S’agissant de la question spécifique de la levée de l’interdiction de mélange de vin rouge et de vin blanc sans indication géographique pour produire du vin rosé, Michel Barnier a entendu les producteurs, qui lui ont fait part, le 14 janvier 2009, de leur opposition à la proposition de la Commission, qui risquait de changer la donne.

Cette proposition était en effet de nature à remettre en cause l’équilibre économique de la filière des vins rosés français de qualité, qui a mené depuis de nombreuses années une politique d’amélioration de la qualité des produits dans le respect des modes de fabrication traditionnels.

Le Gouvernement est conscient à la fois des efforts réalisés et des enjeux économiques qui sont en cause dans ce dossier, puisque la France est, avec 29% de la production mondiale, le premier producteur mondial de vin rosé, lequel représente aujourd’hui près de 9 % de la consommation mondiale de vins.

En outre, mesdames, messieurs les sénateurs – en tant que secrétaire d’État à la consommation, cela revêt une importance particulière à mes yeux –, il était primordial qu’il n’y ait pas d’amalgame aux yeux du consommateur entre deux types de produits intrinsèquement différents.

Enfin, monsieur César, vous interrogez le Gouvernement à propos de l’OMC. Celle-ci a étudié le dossier, qui est aujourd’hui réexaminé par la Commission, et n’a pas formulé de remarques sur les pratiques de désalcoolisation et de coupage. Dans la mesure où cette interdiction de coupage, qui a été rétablie lundi dernier par la Commission, s’applique aux vins produits au sein des États membres de l’Union européenne et ne pose aucun obstacle au commerce avec les pays tiers, l’OMC n’a pas de motif de dénoncer cette pratique au titre de l’entrave à la libre concurrence.

C’est pourquoi la position défendue par le Gouvernement a, je le crois, répondu aux attentes que vous avez exprimées dans votre résolution. Il s’agit d’une victoire partagée entre le Parlement, les professionnels et le Gouvernement, après plusieurs mois de dialogue avec la Commission et les autres États membres. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à la discussion interactive et spontanée.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Le bon sens et la raison, viennent, semble-t-il, de l’emporter, si j’en crois la récente décision de la Commission européenne de faire marche arrière en renonçant à son projet d’autoriser le mélange du vin blanc et du vin rouge pour obtenir du rosé. Renoncement définitif ou provisoire, telle est la question qui se pose encore…

J’avais soutenu la proposition de résolution de Gérard César et de Simon Sutour en commission des affaires économiques, et nos interventions, ajoutées à celles des représentants de la profession, ont contribué à corriger ce qui fut plus qu’une erreur : une faute !

La Commission européenne, avec l’aval des États membres, avait dit vouloir « libérer l’Europe de ses entraves œnologiques ». Voilà qui est grave pour le présent et l’avenir. C’est en effet ignorer que ce sont ces mêmes règles œnologiques, et l’interdiction de faire n’importe quoi, qui ont fait la renommée des produits de qualité comme les vins français.

J’y insiste : plutôt que d’aligner certaines de nos pratiques œnologiques sur celles des pays du nouveau monde, j’aurais préféré que l’Union européenne « mette le paquet » sur la promotion intracommunautaire et extracommunautaire de nos produits, sur la valorisation de l’authenticité de nos vins et leurs liens forts avec les terroirs. Si les États membres ne s’opposent pas à de telles prises de position ultra-libérales de la Commission, alors nous allons droit à un nivellement qualitatif par le bas.

Comment les États membres ont-ils pu laisser passer, dans un premier temps, une telle mesure ? Il s’agit d’une véritable hérésie, digne des pratiques d’alchimiste. Comment a-t-on pu accepter ce qui n’aurait été rien d’autre qu’une contrefaçon alimentaire ? Jusqu’où veut-on aller ?

Si l’affaire n’était pas aussi grave, on pourrait citer l’humoriste Pierre Dac, qui suggérait de greffer des rosiers sur les vignes pour produire du vin rosé. (Sourires.) Comment donc nos instances européennes ont-elles pu prendre une telle initiative sans aucune concertation avec la profession et sans mesurer ses conséquences économiques désastreuses pour les producteurs ?

Monsieur le secrétaire d’État, comment la France a-t-elle pu se laisser embarquer dans cette aventure, en janvier dernier, à Bruxelles, lors de la réunion du comité de réglementation ? Mme Fischer Boel, commissaire européen, a bien précisé que la France avait voté pour.

La France fera-t-elle preuve, à l’avenir, de davantage de vigilance ? En effet, ce qu’a fait un commissaire européen, un autre commissaire européen peut le refaire. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous vous en doutez, je m’apprêtais à interpeller le Gouvernement sur la question du coupage du vin blanc et du vin rouge pour fabriquer du vin rosé, qui était sur le point d’être autorisé par la Commission européenne. C’est donc avec une grande satisfaction que j’ai appris, lundi 8 juin, que celle-ci y renonçait.

Il est inutile d’insister sur le tollé que ce projet avait provoqué auprès des producteurs de vin rosé, des professionnels de la filière, des élus concernés et aussi de la population, qui le considéraient comme dangereux tant pour les professions viticoles que pour les valeurs de nos terroirs et notre identité. Selon un sondage IFOP publié dans Sud Ouest et Midi Libre, 87% des Français y étaient ainsi opposés.

Nous savons que c’est grâce à ces vins rosés, élaborés selon un mode de macération spécifique, que la France occupe la place de premier producteur mondial de vin rosé de qualité, cette production représentant dans notre pays 15 000 emplois directs et 70 0000 emplois indirects.

Grâce à une mobilisation sans faille et à l’implication admirable de Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche, le dialogue engagé depuis plusieurs mois avec Mariann Fischer Boel, commissaire européen en charge de l’agriculture et du développement rural, a porté ses fruits, et je m’en réjouis.

Le Sénat a également joué un rôle de premier ordre dans ce combat, avec la mobilisation des sénateurs concernés et l’adoption, par la commission des affaires économiques, d’une proposition de résolution européenne sur le sujet.

J’ajoute que les producteurs du Languedoc-Roussillon, qui avaient déployé, ces dernières années, des efforts constants en matière de qualité et de saveur de leur produit, notamment eu égard aux règles entourant les appellations contrôlées, sont particulièrement soulagés du maintien de l’interdiction du coupage. La levée de celle-ci aurait été vécue comme une profonde injustice.

La décision de la Commission européenne est donc une excellente nouvelle. Au lendemain des élections européennes, cela prouve aussi que l’Europe sait écouter et protéger le savoir-faire des vignerons. Je reprendrai à mon compte les propos du ministre de l’agriculture italien : « La tradition l’a emporté ! C’est cette Europe que nous voulons, celle qui est fondée sur le respect de l’identité, de la sécurité alimentaire et de la tradition ».

Cependant, la plus grande vigilance doit rester de mise. À cet égard, il me semble utile d’obtenir des précisions sur le maintien de l’interdiction du coupage. Monsieur le secrétaire d’État, dispose-t-on de garanties sur le caractère total et irrévocable de cette interdiction ?

Vous n’êtes pas sans savoir que la composition de la Commission sera modifiée à l’automne prochain. II est donc utile de connaître les raisons de fond qui ont motivé le revirement de la Commission européenne, que j’applaudis une nouvelle fois, ainsi que la perspicacité du Gouvernement et du Parlement français.

Comme mon collègue Gérard César, j’ajouterai, pour terminer, qu’il faut rester extrêmement vigilant sur la négociation du volet agricole de l’OMC. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe se réjouit du recul de la commission sur le coupage du vin rosé. Mais il ne s’agit que d’une exception, obtenue par l’immense mobilisation d’un certain nombre de pays, du monde viticole et des parlementaires dans leur ensemble. Nous avons l’habitude, hélas, de percevoir l’Europe comme une grosse structure qui ralentit ou s’arrête parfois, mais ne recule qu’exceptionnellement.

Ma question au Gouvernement porte sur un point commun aux deux directives que nous abordons ce matin et, malheureusement, à la majeure partie des directives.

L’aberration du vin rosé obtenu par coupage de vin rouge et de vin blanc illustre à merveille ce qui se passe à Bruxelles sous la pression des lobbies, ici celui des pinardiers, aux finalités peu philanthropiques, désireux, avant tout, d’accroître leurs profits et leur influence. Certaines directives sont désormais écrites par eux et adoptées sans qu’une seule virgule y soit changée. Ce déplacement du pouvoir politique vers le pouvoir économique est inquiétant. Aussi aimerais-je que le Gouvernement élève une vive protestation contre ces pratiques acceptées par la Commission, qui conduisent à une inflation de directives conformes à l’esprit du traité de Lisbonne, mais particulièrement défavorable aux peuples d’Europe. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Courteau, comme je l’ai indiqué dans ma déclaration liminaire, dès la présentation de ce projet de directive au mois de janvier, le Gouvernement s’est vivement opposé à la partie de ce texte qui concernait le coupage des rosés. Le reste du projet est très important pour l’avenir de la viticulture française, et nous souscrivons à ses orientations, notamment sur l’intégration de copeaux ou la désalcoolisation. Le Gouvernement soutient donc aujourd’hui le projet en l’état, dans la mesure où la Commission est revenue sur sa position.

Mme Bruguière m’a interrogé sur les garanties de pérennisation de cette mesure.

Si nous avons réussi, c’est parce que nous nous sommes mobilisés collectivement. Je voudrais à cet égard saluer le travail de M. César et de la commission des affaires européennes, qui a permis, avec les professionnels – je réponds ainsi à M. Le Cam –, de nous alerter. Nos arguments ont convaincu : nous avons pu trouver des alliances au-delà de nos frontières et peser sur le choix de la Commission européenne. Ce que nous avons fait hier, et qui nous a permis d’obtenir un tel résultat, nous continuerons de le faire.

À la suite de l’annonce de cette décision, les professionnels ont été reçus au ministère de l’agriculture, et Michel Barnier travaille toujours en liaison étroite avec eux. Le Gouvernement demeurera extrêmement vigilant, afin que le texte qui sera proposé au vote à la fin du mois de juin traduise très fidèlement la proposition que nous défendons collectivement.

Vous nous indiquez, monsieur Le Cam, que les pratiques de lobbying ne correspondent pas à ce que vous souhaitez. Je vous dirai simplement, sans défendre les pratiques bruxelloises, que si nous avons été suffisamment forts sur le sujet du coupage du vin rosé – comme sur celui des profils nutritionnels, d’ailleurs – c’est parce que les pouvoirs publics, le Gouvernement et le Parlement entretiennent des relations suivies avec les professionnels. Ce sont souvent eux qui peuvent nous alerter et anticiper certaines décisions. Ces échanges sur leur vécu quotidien et sur les mesures prises par le Gouvernement ou votées par le Parlement sont très importants. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques. Je me réjouis du consensus qui se dégage sur le sujet. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez rassurés à propos de l’OMC, pour partie : je reste très prudent s’agissant de ces problèmes.

Cela étant, il est vrai que la concertation entre la commission des affaires européennes, la commission des affaires économiques, le ministère de l’agriculture et les producteurs a permis de parvenir à cette solution importante pour le devenir du vin rosé en France, qui ne sera pas du « vin rosi ». C’est une grande victoire pour le monde viticole, qui en avait bien besoin.

Le fromage et le rosé sont de merveilleux produits, qui font honneur à la gastronomie française. (Bravo ! et applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir répondu aux deux questions de nos collègues, Jean Bizet et Gérard César, sans avoir recours à la langue de bois et en développant de bons arguments. Par ailleurs, il est symboliquement important que ce soit le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation qui ait répondu sur ces deux sujets touchant à la qualité de produits français, les fromages et les vins, en particulier le vin rosé.

Je tiens également à remercier tous nos collègues qui sont intervenus, contribuant ainsi au succès de la procédure de contrôle mise en place à l’occasion de la dernière révision constitutionnelle. Mes remerciements vont à l’ensemble de nos collègues, sans exception : leur attitude prouve que tous les parlementaires se sentent concernés par les questions européennes.

Il m’a été suggéré d’auditionner Pascal Lamy, et pas seulement sur la question du vin. Dès cet après-midi, je prendrai contact avec lui afin qu’il puisse intervenir devant la commission des affaires européennes, élargie à tous nos collègues qui sont intéressés par ces différents sujets.

On s’interroge parfois sur l’utilité du Parlement : il essaie d’élaborer de bonnes lois, mais, de plus en plus, il s’intéresse de très près aux questions européennes. Intervenir non pas à la dernière minute, quand les décisions sont déjà bouclées, mais le plus possible en amont, assumer une fonction de vigie et de contrôle : tel est le rôle de la nouvelle commission des affaires européennes que j’ai l’honneur de présider.

Jean Bizet a raison : les industriels et les agriculteurs doivent avoir le sentiment que le Parlement joue un rôle utile, au moins sur les questions européennes, et qu’il peut être alerté sur ce qui se trame à Bruxelles.

Mes chers collègues, la troisième semaine de chaque mois, les travaux de notre assemblée sont consacrés aux activités de contrôle, qui incluent l’interrogation du Gouvernement sur les questions européennes. Aujourd’hui, nous avons abordé deux sujets d’importance pour les consommateurs, mais aussi pour l’identité de la France, la qualité de ses produits : le rosé et le fromage.

Le 25 juin, nous débattrons de deux nouvelles questions européennes, l’une sur le congé de maternité et l’autre sur la publication des données relatives aux passagers des vols internationaux. Ces questions ont trait à la protection de la vie privée et revêtent une importance particulière.

Pour terminer, je voudrais, à mon tour, me réjouir de l’issue de la controverse sur le vin rosé. Ce résultat montre que l’Europe n’est pas toujours sourde, contrairement à ce qui se dit. Mais encore faut-il se faire entendre et monter au créneau ! Nos interventions ne sont donc pas toujours inutiles.

Il faut tirer les leçons de cette controverse : il est anormal que, dans un premier temps, le représentant de la France ait donné son accord à une telle mesure. Par qui était-il mandaté ? Personne n’en saura jamais rien ! Cela démontre que le contrôle politique sur ce que l’on appelle, dans le jargon européen, la « comitologie » n’est pas satisfaisant.

Je rappelle, mes chers collègues, que le terme « comitologie » désigne les quelque trois cents comités chargés d’assister la Commission européenne lorsqu’elle prend des mesures d’exécution de la législation communautaire. Ces comités sont composés d’experts désignés par les États membres.

Dans la plupart des cas, lesdites mesures revêtent un caractère technique et ne posent pas de problèmes. Le travail ainsi réalisé est extrêmement utile, et même indispensable. Imaginons que les centaines de décisions prises chaque année de cette manière doivent suivre la procédure législative européenne : il en résulterait un engorgement immédiat !

Cependant, nous le savons tous, la frontière entre les matières techniques et politiques n’est pas figée. On pourrait estimer que le changement des méthodes de production du vin rosé est une question technique. Mais on voit bien que, si l’on touche à des traditions, à une culture, à l’équilibre économique d’une filière de production, la question devient Politique : j’aime écrire ce mot avec une majuscule !

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, il est indispensable que le Parlement soit mieux informé des projets examinés par ces comités. Dans 99 % des cas, ceux-ci ne posent pas de problème. Mais, pour quelques textes, il reste indispensable que nous puissions tirer la sonnette d’alarme quand il est encore temps, c’est-à-dire avant que le comité se prononce. Les ministères, chacun pour leur compte, suivent l’activité de ces comités. Il faudrait donc que chaque ministère, dès qu’apparaît un doute sur la portée politique éventuelle d’un projet examiné en comitologie, prenne la peine d’en informer le Parlement. Il est inutile de prévoir une séance solennelle dans l’hémicycle : un coup de fil au président de la commission des affaires européennes ou de l’une des commissions permanentes suffirait, à charge pour celui-ci de choisir le mode de réaction adapté.

En conclusion, je souhaite que, les uns et les autres, nous restions vigilants sur la question du vin rosé, car il ne faudrait pas qu’un projet sorti par la porte revienne un jour par la fenêtre ! (Applaudissements.)

M. le président. Nous en avons terminé avec ce dernier débat.

Je constate une belle unanimité de notre assemblée sur ces sujets.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

7

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. Je demande à chacun des orateurs de bien vouloir respecter ce temps de parole.

calcul des marges par l'observatoire des prix et des marges

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.

Madame la secrétaire d'État, le 3 juin, après une négociation marathon, un accord a finalement été trouvé sur le prix du lait. Cet accord prévoit trois prix moyens pour 2009, allant de 262 euros à 280 euros pour 1 000 litres, selon l’importance des produits industriels dans la valorisation du lait par l’entreprise de collecte. Nous sommes donc loin du prix au premier trimestre, qui était de 330 euros pour 1 000 litres, et même du prix plancher fixé par la Fédération nationale des producteurs de lait, la FNPL, qui est de 290 euros.

Les jeunes agriculteurs ont immédiatement dénoncé un faux accord, et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles elle-même le qualifie d’insatisfaisant. Toutefois, le Gouvernement l’a assorti d’un plan d’aide de 30 millions d’euros pour les éleveurs laitiers en difficulté. Pouvez-nous nous indiquer, madame la secrétaire d'État, comment seront répartis ces fonds ?

Aujourd’hui, la bataille sur les prix entre les agriculteurs et la grande distribution s’étend aux producteurs de fruits et légumes et de porcs. Les agriculteurs ont décidé de bloquer les plates-formes d’approvisionnement de la grande distribution pour quarante-huit heures à partir d’aujourd’hui, afin d’obtenir la transparence sur les prix et sur les marges.

Par ailleurs, les consommateurs pâtissent eux aussi de ces pratiques, puisqu’ils paient beaucoup plus cher qu’ils ne le devraient les denrées alimentaires.

Nous avons voté l’année dernière la loi de modernisation de l’économie, dont l’un des objets était d’instaurer la transparence sur les marges des grandes surfaces en supprimant les marges arrière. Force est de constater que cet objectif n’est pas atteint aujourd’hui.

L’Observatoire des prix et des marges peine à se mettre en place. Les syndicats demandent à juste titre un arbitrage de l’État et l’intervention de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, pour vérifier le niveau des prix dans les grandes surfaces. Pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d'État, quelles décisions entend prendre le Gouvernement à cet égard ?

Enfin, permettez-moi de vous rappeler que le Sénat a inséré dans la loi relative au développement des territoires ruraux un dispositif de coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente pour certains produits frais, en période de crise. Cet instrument n’a jamais été utilisé. Ne serait-il pas temps de le mettre en œuvre ? Ne pourrait-on envisager d’étendre son emploi à d’autres secteurs de production ? (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la sénatrice, je salue votre connaissance de ce dossier.

Vous m’avez interrogée d’abord sur l’utilisation des 30 millions d’euros que le Gouvernement a décidé de débloquer en accompagnement de l’accord qui a été signé hier entre le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière et les distributeurs.

Je vous indique que cette somme sera consacrée à des allégements de charges, à des reports ou à des prises en charge de cotisations sociales et au renforcement du dispositif de modernisation des bâtiments d’élevage. Sa répartition précise fait actuellement l’objet d’une concertation avec les organisations professionnelles. En tout état de cause, une attention particulière sera portée aux jeunes agriculteurs.

Pour ce qui est de la transparence sur les marges, une enquête nationale a été lancée au mois d’avril par la DGCCRF afin d’appréhender les grandes tendances des négociations commerciales et de relever les pratiques abusives.

D’ores et déjà, l’application de la loi de modernisation de l’économie nous permet d’enregistrer des résultats positifs. C’est ainsi que la transparence a été améliorée par la disparition des marges arrière correspondant à de fausses actions de coopération commerciale. Aujourd’hui, la rémunération de ces services est passée de 40 % avant la réforme à 10 %.

Par ailleurs, les consommateurs ont retrouvé une plus grande diversité de prix, puisque l’écart entre le plus élevé et le moins élevé s’établit désormais en moyenne à 12 %. Les consommateurs ont fait jouer la concurrence et ont ainsi évité près de 1 point d’inflation en 2008. Enfin, les prix des produits de grande consommation ont en moyenne baissé de 0,6 point depuis décembre 2008.

L’Observatoire des prix et des marges, créé en mars 2008, s’est réuni hier et rendra publiques d’ici à la fin du mois sur son site internet les marges dans la filière porcine.

Vous avez enfin évoqué, madame la sénatrice, le dispositif de coefficient multiplicateur entre prix d’achat et prix de vente pour les fruits et légumes en période de crise. Il n’est pas adapté pour les produits laitiers ou la viande. En outre, pour les fruits et légumes touchés par une crise conjoncturelle, les acteurs des interprofessions ont trouvé des modalités de mise en avant des produits pour augmenter les ventes. Christine Lagarde a signé à plusieurs reprises des circulaires en ce sens. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

situation économique de la france

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Le Premier ministre estimait récemment n’avoir « pas commis d’erreur dans la conduite de la politique économique » du Gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Raffarin. C’est exact !

M. Pierre-Yves Collombat. Toute la question, mes chers collègues, est de savoir à quelle aune mesurer la réussite de ladite politique !

M. Alain Gournac. À celle des urnes !

M. Pierre-Yves Collombat. Si c’est à celle des résultats des banques, le Premier ministre a raison. (Protestations sur les travées de lUMP.) Les banques françaises pourront bientôt abandonner leur béquille étatique et recommencer à mijoter la prochaine crise en toute liberté et, accessoirement, en toute impunité.

En revanche, si la réussite se mesure à l’état de l’emploi, l’impression est sensiblement différente. En effet, au dernier semestre de 2008, on comptait 186 000 chômeurs de plus au sens du Bureau international du travail, le BIT, et on en dénombrait encore 300 000 supplémentaires au premier trimestre de 2009 – du jamais-vu depuis la Libération –, soit au total 2 455 000 personnes touchées par le chômage. Les moins de 25 ans, dont le taux de chômage atteint 22,7 %, sont particulièrement concernés.

Durant la même période, le chômage partiel a plus que triplé et touche désormais 0,7 % de la population en emploi, soit 183 000 personnes. Le nombre d’allocataires du RMI est reparti, lui aussi, à la hausse, pour atteindre 1 119 000 en mars.

Aujourd’hui, si l’on comptabilise l’ensemble des chômeurs – ils sont un peu plus de 4 millions pour toutes les catégories de l’INSEE -, les chômeurs partiels, les 955 000 personnes employées à temps partiel souhaitant travailler plus pour gagner plus, ce sont près de 5 millions de personnes qui sont touchées par le sous-emploi.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, laissez-moi continuer, car j’ai été interrompu. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Si l’on admet que 40 % des RMIstes ne sont pas inscrits à Pôle emploi – l’estimation est faible – …

Plusieurs sénateurs de l’UMP. La question !

M. Pierre-Yves Collombat. … et si l’on tient compte des 337 000 seniors qui aimeraient bien retravailler, on aboutit à un nombre de personnes subissant le sous-emploi proche de 6 millions. Et cela ne va pas s’arrêter là ! En effet, on prévoit de 300 000 à 500 000 chômeurs de plus cette année.

M. le président. Monsieur Collombat, veuillez poser votre question ! Même si l’on décompte les interruptions, vous avez dépassé le temps imparti !

M. Pierre-Yves Collombat. Le Premier ministre affirme qu’il serait irresponsable de dépenser davantage alors que notre déficit public va doubler cette année. Madame la ministre de l’économie, qui êtes aussi ministre de l’emploi, est-il moins irresponsable d’abandonner des millions de Français au bord du chemin ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur Collombat, je vous remercie de votre question. (Rires sur les travées de lUMP.)

M. Éric Doligé. Pourtant, elle était mauvaise !

Mme Christine Lagarde, ministre. Elle me permet de vous indiquer quelle est la politique économique que nous entendons, sous l’autorité du Premier ministre, mettre en œuvre, en essayant de ne pas faire d’erreur. Si j’utilise le verbe « essayer », c’est à dessein, parce que nous sommes actuellement, comme tous les pays de l’eurozone, comme nos partenaires de l’Union européenne, comme toutes les économies du monde, confrontés à une crise financière, économique et sociale totalement inédite, contre laquelle les vieilles recettes ne sont pas nécessairement valables.

Qu’avons-nous essayé de faire ?

Nous avons d’abord essayé de soutenir le financement de l’économie. En effet, si les circuits de financement ne fonctionnent pas, les entreprises, petites ou grandes, ne peuvent survivre.

Par ailleurs, nous avons lancé un plan de soutien spécifique en faveur des petites et moyennes entreprises, car celles-ci sont les premières victimes de la crise. Nous avons mobilisé l’ensemble des acteurs dans cette perspective. Ce soutien peut prendre la forme de garanties ou d’un financement direct des entreprises chaque fois que nécessaire.

Enfin, nous avons mis en œuvre ce qu’il est convenu d’appeler le plan de relance, dont Patrick Devedjian assure la supervision et qui repose sur l’investissement public en priorité, mais aussi sur le soutien à l’investissement privé et sur des mesures visant les ménages. Je rappelle que, sur une enveloppe globale de 50 milliards d’euros, 14 milliards d’euros sont alloués directement aux ménages, par des voies et moyens divers.

M. Didier Boulaud. Ce sont surtout les collectivités locales qui paient !

Mme Christine Lagarde, ministre. Vous avez raison, les collectivités locales ont joué le jeu de l’investissement.

M. Dominique Braye. Pas M. Collombat !

Mme Christine Lagarde, ministre. Plus de 20 000 conventions ont ainsi été signées avec elles, à ce jour, au titre du dispositif « FCTVA plus 1 euro ».

Vous m’avez également interrogée sur les chiffres de l’emploi, dont nul ne peut se réjouir, parce qu’ils recouvrent des situations individuelles parfois tragiques et durables.

M. Jean-Louis Carrère. C’est vous qui gouvernez ! Nous ne nous réjouissons pas de ces chiffres, mais c’est à vous d’agir !

M. Didier Boulaud. Si nous étions à votre place, qu’est-ce qu’on entendrait !

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous avons engagé une politique articulée selon trois axes.

Une première série de mesures visent à préserver l’emploi. Nous avons ainsi allongé les périodes d’indemnisation du chômage et encouragé les partenaires sociaux à relever l’indemnisation du chômage partiel. Cela était nécessaire pour préserver ce qui pouvait l’être.

Une deuxième série de mesures ont pour objet de stimuler la création d’emplois. C’est ce que l’on appelle le « zéro charges », dispositif d’exonération totale en vigueur jusqu’à la fin de cette année et qui a permis l’embauche de plus de 200 000 salariés dans les entreprises de moins de dix salariés. J’ajoute que des chèques emploi-service préfinancés par l’État viennent d’être diffusés auprès de plus d’un million et demi de ménages afin de leur permettre de concourir à la création d’emplois.

Enfin, une troisième série de mesures tendent à faciliter le retour à l’emploi.

M. René-Pierre Signé. Il n’y a pas d’emplois !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il s’agit des contrats de transition professionnelle et des conventions de reclassement personnel, qui permettent à nos concitoyens privés d’emploi de bénéficier d’indemnisations supplémentaires.

M. Jean-Louis Carrère. C’est trop long !

M. le président. Madame la ministre, veuillez conclure !

M. Jacques Mahéas. Il y a deux poids, deux mesures !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je conclurai en évoquant la mise en œuvre de deux réformes structurelles très importantes : celle de la formation professionnelle vise à améliorer l’employabilité, celle de la taxe professionnelle a pour objet de soutenir la compétitivité des entreprises françaises. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. René-Pierre Signé. La réponse est faible !

bilan des élections européennes et conséquences sur les réformes annoncées

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le Premier ministre, vous avez affirmé, à la suite des élections européennes, la volonté du Gouvernement de continuer les réformes et de moderniser la France, considérant que le succès de vos listes venait essentiellement des électeurs.

C’est un succès qui s’apparente à un mirage : 28 % des suffrages exprimés, cela ne représente que 10,4 % des électeurs inscrits (Exclamations sur les travées de lUMP),…

M. Guy Fischer. C’est la vérité !

Mme Marie-France Beaufils. … et les 60 % d’abstentions manifestent non pas un désœuvrement ou de la négligence, mais bien, pour nombre d’électeurs, le rejet d’un certain type de construction européenne : l’Europe libérale, l’Europe de l’argent.

M. Dominique Braye. C’est la faute à Mélenchon !

Mme Marie-France Beaufils. Vous n’avez pas voulu affronter les débats, car vous savez que la politique libérale qui sévit en Europe et ailleurs et que vous voulez poursuivre est à l’origine de la plus grande crise que le monde ait connu depuis 1929. Les conséquences sociales sont dramatiques.

Monsieur le Premier ministre, l’heure est à la rupture pour sortir de la crise. C’est d’ailleurs le message que vous avaient déjà adressé les électeurs en 2005 !

M. Jean-Pierre Raffarin. Ne mélangez pas tout !

M. Alain Gournac. Et que vous ont-ils dit dimanche ?

Mme Marie-France Beaufils. Allez-vous renoncer, comme l’a recommandé le 28 avril dernier le Conseil européen, à « l’intensification des réformes visant à faciliter les ajustements du marché du travail et à renforcer la concurrence dans le secteur des services », sujet que vous n’avez pas évoqué pendant la campagne électorale ? (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Pour vous, poursuivre les réformes signifie-t-il toujours casser le statut de La Poste et préparer sa privatisation ? Poursuivre les réformes et moderniser signifie-t-il détruire et déréguler ce qui fonctionne pour donner un nouveau marché en pâture au privé ?

Monsieur le Premier ministre, vous nous avez déjà affirmé que vous ne privatiseriez pas La Poste, mais que vous alliez la transformer en société anonyme. Vous avez adopté la même démarche pour France Télécom et, aujourd’hui, c’est aux collectivités territoriales que l’on demande de répondre aux besoins des habitants, dans l’intérêt général.

Au nom de mon groupe, mais aussi des élus, des usagers, des milliers d’électeurs que j’ai rencontrés ces trois derniers mois, je vous demande, monsieur le Premier ministre, d’annoncer clairement le retrait définitif de votre projet, qui est contraire à l’intérêt général et conduirait de fait à la casse du service public postal. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. Quel fan-club !

M. François Fillon, Premier ministre. Madame la sénatrice, vous me demandez de tirer les enseignements du scrutin européen. Je le fais bien volontiers ! (Rires sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, 28 % de 40 %, ce n’est pas grand-chose !

M. François Fillon, Premier ministre. Tout d’abord, je retiens que la majorité en place est arrivée en tête. C’est la première fois depuis 1979 ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de l’Union centriste. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. Deux ans après 1979, il y a eu 1981 ! Vous n’avez plus que deux ans !

M. François Fillon, Premier ministre. Je n’ose imaginer quel discours vous auriez tenu si tel n’avait pas été le cas !

M. Didier Boulaud. Dans deux ans, c’est la fin !

M. François Fillon, Premier ministre. Ensuite, les listes qui ont remporté un succès sont celles dont les porte-parole ont fait campagne sur le thème de l’Europe. (Applaudissements sur les travées de lUMP.) Celles qui ont cru pouvoir utiliser ces élections pour sanctionner le Gouvernement ont été elles-mêmes sanctionnées ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Didier Boulaud. Rappelez-vous, 1979-1981 ! Il vous reste deux ans !

M. François Fillon, Premier ministre. J’ai envie de vous dire que vous l’avez mérité ! Il ne fallait pas tout mélanger !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlez-nous de La Poste !

M. François Fillon, Premier ministre. Le Gouvernement et la majorité tirent leur légitimité de l’élection présidentielle et des élections législatives. Jusqu’à la fin de la législature, nous continuerons à mettre en œuvre les engagements que nous avons pris. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Roland du Luart. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous feriez mieux de vous demander pour quelles raisons vous avez perdu trois élections présidentielles de suite ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est parce que vous nous prenez les meilleurs ! (Sourires.)

M. François Fillon, Premier ministre. Si vous ne changez pas de discours, si vous continuez à agir de la même façon, si vous vous contentez de publier, après chaque décision du Gouvernement, un communiqué préparé à l’avance expliquant les raisons de votre opposition,…

M. François Fillon, Premier ministre. … alors vous allez encore passer de longues années dans l’opposition ! Je m’en réjouis pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Oui, madame la sénatrice, nous allons continuer à mettre en œuvre nos projets,…

M. François Fillon, Premier ministre. … en premier lieu pour sortir de la crise économique.

Dans les prochaines semaines, vous serez saisis d’un projet de loi très important relatif à la formation professionnelle,…

M. Didier Boulaud. Propagande !

M. François Fillon, Premier ministre. … visant à mettre en place la flexisécurité, que nous construisons pas à pas, depuis deux ans, avec les partenaires sociaux.

M. François Fillon, Premier ministre. Vous examinerez ensuite le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dit « Grenelle II ».

M. Didier Boulaud. C’est l’heure de la propagande !

M. François Fillon, Premier ministre. Puis nous vous proposerons de débattre de la sécurité – exigence sur laquelle nous ne transigerons jamais – avec le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Robert Hue. Quand répondrez-vous à la question ?

M. Dominique Braye. Taisez-vous !

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, si vous ne vous intéressez pas au programme de travail du Parlement, dites-le franchement !

M. le président. Mes chers collègues, veuillez écouter M. le Premier ministre !

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, si le Sénat ne souhaite pas que je poursuive mon intervention,…

M. Jean-Louis Carrère. Nous ne sommes pas à l’UMP !

M. François Fillon, Premier ministre. … je suis tout à fait disposé à me taire pour laisser les groupes de l’opposition continuer de parler comme ils ont l’habitude de le faire, sans jamais rien proposer à notre pays !

M. Didier Boulaud. La Poste !

M. Jacques Mahéas. La réponse à la question !

M. François Fillon, Premier ministre. Je vais y venir !

Nous vous présenterons, mesdames, messieurs les sénateurs, un grand projet de réorganisation des collectivités territoriales et la poursuite de la réforme de l’État.

M. Dominique Braye. La ferme ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. François Fillon, Premier ministre. Enfin, nous vous proposerons un texte sur les libertés publiques visant à transformer la procédure pénale, en particulier la procédure de l’instruction.

Quant à La Poste, madame la sénatrice (Ah ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste),…

M. Didier Boulaud. Passons au sujet !

M. François Fillon, Premier ministre. … comme nous l’avons déjà indiqué à plusieurs reprises, vous aurez à débattre très prochainement d’un projet de loi ayant pour objet de modifier son statut…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’en avez pas parlé pendant la campagne européenne !

M. François Fillon, Premier ministre. … tout en la maintenant intégralement dans la sphère publique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Pierre Fauchon applaudit également.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, tel est le cap suivi par le Gouvernement. Nous avons bien l’intention de le conserver ! Si quelqu’un doit en changer au vu des derniers résultats électoraux, c’est bien l’opposition ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

statut de la gendarmerie

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Ainsi que le soulignait M. de Rohan à la fin du mois de décembre 2008, lors de l’examen du projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale, « les Français aiment leur gendarmerie. Nous aussi, chers collègues ! »

M. Didier Boulaud. C’est pour cela que la loi n’est pas votée !

M. Alain Gournac. « Elle s’inscrit dans nos traditions. Elle fait partie de notre paysage. Elle est ancrée dans le territoire puisque sa responsabilité s’étend sur 95 % de la superficie de notre pays…

M. Guy Fischer. Hypocrites !

M. Alain Gournac. … et couvre 50 % de sa population. Les ruraux sont particulièrement attachés à cette arme qui leur assure la sécurité dans la proximité. »

Mes chers collègues, souvenons-nous que ce texte s’inscrit dans une évolution commencée en 2002. L’établissement de synergies entre police et gendarmerie a pour principal objet d’améliorer notre système de sécurité, sachant que l’efficacité de la gendarmerie résulte avant tout de son identité singulière.

M. Didier Boulaud. Où en est la loi ?

M. Alain Gournac. Durant les débats, mes collègues du groupe de l’UMP et moi-même avions le souci d’assurer la pérennité du statut militaire de la gendarmerie (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG)

M. Didier Boulaud. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Louis Carrère. C’est faux !

M. Alain Gournac. … et le maintien de la répartition géographique de ses effectifs sur notre territoire,…

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas vrai !

M. Alain Gournac. … deux points absolument fondamentaux sur lesquels nous vous indiquions, madame le ministre, que nous resterions vigilants. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas vrai ! Vous vous êtes couchés !

M. René-Pierre Signé. Interrogez les gendarmes !

M. Alain Gournac. Aujourd’hui, j’assume ce rôle. En effet, depuis que circulent des informations sur un risque de « fragilisation » du statut militaire des gendarmes…

M. Jean-Louis Carrère. Vous l’avez sacrifié !

M. Alain Gournac. … qui serait dû aux conséquences financières du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, l’inquiétude gagne du terrain.

Bien plus, l’attente très longue de la poursuite de l’examen du projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie – enfin programmée ! –…

M. Daniel Raoul. Quelle est votre question ?

M. Jean-Louis Carrère. Posez votre question !

M. Alain Gournac. … a laissé à certaines organisations syndicales de policiers du champ pour évoquer une absorption de la gendarmerie par la police.

M. Didier Boulaud. On l’avait dit !

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.

M. Alain Gournac. Voilà de quoi asseoir un doute, qu’il convient de dissiper aujourd'hui.

M. Didier Boulaud. Vous allez à Canossa !

M. Alain Gournac. Madame le ministre, ainsi que vous nous l’avez rappelé le 16 décembre dernier, « la gendarmerie est l’un des piliers de la République […] la France a besoin d’une force de sécurité à statut militaire […]. Il n’est pas question d’aller vers une fusion de la police et de la gendarmerie. »

M. Didier Boulaud. Vous vous êtes fait avoir !

M. Alain Gournac. Je vous demande de bien vouloir nous confirmer aujourd’hui ces propos, madame le ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Pierre Michel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur Gournac, chacun connaît votre attachement à la gendarmerie, attachement d’ailleurs partagé par l’ensemble de vos collègues.

M. Didier Boulaud. Il n’y a que nous qui la défendons !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Votre question porte d’abord sur le calendrier de l’examen du projet de loi.

M. Didier Boulaud. C’est le Château qui commande !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il est vrai que j’aurais souhaité que ce texte soit examiné par l'Assemblée nationale dès après le vote du Sénat.

M. Didier Boulaud. Vive le Parlement !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela n’a pas été possible, pour des raisons tenant notamment au calendrier parlementaire, mais la commission compétente de l'Assemblée nationale a désormais examiné l’ensemble du texte, qui devrait être discuté très prochainement…

M. Didier Boulaud. À la saint-glinglin !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. … en séance publique.

Sur le fond, il est vrai que le texte voté par le Sénat…

M. Didier Boulaud. Nous ne l’avons pas voté !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. … s’inscrit dans la droite ligne de l’action menée depuis 2002. Il en tire les conséquences en donnant au ministre qui est, depuis 2002, chargé de l’emploi de la gendarmerie, les moyens financiers nécessaires.

Pour autant, je vous le redis, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’est pas question de toucher au statut militaire des gendarmes, auquel ceux-ci sont très attachés. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Roland du Luart. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ce statut fait à la fois leur spécificité et la valeur de leur engagement. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) En conséquence, il n’est bien évidemment pas question de fusionner la police et la gendarmerie. Chacune de ces deux forces doit garder son identité, parce que c’est une garantie pour la démocratie,…

M. Didier Boulaud. C’est ce qu’on vous a dit !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. … parce que c’est une caractéristique de la République française et parce que le Président de la République a réaffirmé son attachement à ce principe. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. Il fait le contraire de ce qu’il dit !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Police et gendarmerie garderont leur direction générale et leurs missions propres.

M. Didier Boulaud. Personne n’y croit !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il n’est pas non plus question que les effectifs de la gendarmerie soient affectés en zones urbaines, chaque force conservant son domaine d’intervention, ce qui n’empêche pas bien entendu une entraide ponctuelle en fonction des besoins.

Enfin, j’ai tenu à ce que la gendarmerie conserve des missions proprement militaires dans le cadre des opérations extérieures.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tous ces éléments apportent des garanties quant au maintien du statut militaire de la gendarmerie, auquel nous sommes tous attachés. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Didier Boulaud. Plus personne n’y croit !

conclusions du rapport descoings

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Didier Boulaud. Il s’en moque, il est déjà place Vendôme !

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, nous avons pris connaissance des préconisations du rapport sur la réforme des lycées remis par M. Descoings au Président de la République.

Je suis surpris de l’absence d’analyse d’ensemble des besoins de notre pays dans les prochaines décennies. Nulle part n’est mentionné le déclin général des études scientifiques, particulièrement dans l’enseignement supérieur, déclin symptomatique d’une méconnaissance des exigences de l’avenir dans un monde qui sera marqué par une compétition avec les grands pays émergents de l’Asie, riches de leurs élites scientifiques et technologiques.

En France, le taux de bacheliers de la série S s’orientant vers des études scientifiques supérieures est passé de 65,5 % en 1995 à 51 % en 2004, selon un rapport de l’inspection générale de votre ministère.

Ce serait à mes yeux une erreur de mettre en cause la filière S, dite scientifique, comme le fait par exemple Le Monde daté d’aujourd'hui en qualifiant le baccalauréat S de « super-bac », de « bac ès-bourgeoisie », au motif que cette filière, ressentie comme d’excellence, attirerait les élèves considérés comme étant les meilleurs.

Ce serait une erreur de vouloir dévaloriser cette filière sous prétexte d’effacer, dans l’école publique, non pas les inégalités, mais la perception de celles-ci. Sans doute peut-on y augmenter encore la part des disciplines scientifiques, comme le propose d’ailleurs M. Descoings, mais il convient surtout de revaloriser les autres filières.

M. Paul Raoult. Les filières professionnelles !

M. Jean-Pierre Chevènement. Une vision républicaine de l’école doit se fonder sur l’intérêt et les besoins du pays, se donner pour objectif de maintenir la qualité de l’école et celle de la filière S, de revaloriser les autres filières, les séries technologiques industrielles et la filière professionnelle, en leur consacrant plus de moyens humains et en y améliorant les conditions de travail.

Un tel choix impliquerait la mise en œuvre d’un plan d’ensemble élaboré en concertation avec les régions, qui maîtrisent l’investissement et la gestion des personnels de service. Cela demanderait des moyens, et une orientation progressiste se reconnaîtra au fait que ces moyens ne seront pas marchandés.

Par ailleurs, il peut être judicieux d’introduire des matières scientifiques dans les autres filières générales, en particulier la filière littéraire. La suppression des séries A et C, en 1993, a été une erreur.

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Chevènement. Je conclus, monsieur le président.

Les enfants des classes populaires ont besoin d’une école structurée et de qualité. Leurs parents n’ont pas la possibilité de recourir à des cours particuliers ou à des écoles privées. Il ne suffit pas de réserver un quota de places aux bacheliers technologiques dans les filières sélectives post-baccalauréat : c’est là une préconisation par défaut.

S’agissant de l’organisation des filières au lycée, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre, hors de toute perspective d’égalitarisme niveleur, pour former en grand nombre les élites scientifiques et technologiques dont la France a besoin ? (Applaudissements sur diverses travées.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Didier Boulaud. Il a déjà fait ses cartons pour la place Vendôme !

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Chevènement, vous abordez un sujet que vous connaissez bien.

D’un côté, nous avons les filières professionnelles et les filières technologiques, qui offrent des débouchés et un fort taux d’insertion, mais dont le vivier est insuffisant pour les alimenter de manière régulière ; de l’autre, nous avons les filières générales, dont la série S, qui attire les meilleurs élèves et leur offre la possibilité d’acquérir un assez bon niveau dans les disciplines scientifiques, bien que la majorité d’entre eux ne se destinent pas à devenir mathématiciens ou physiciens mais souhaitent plutôt poursuivre leurs études dans une école de commerce, par exemple, voire dans une classe préparatoire littéraire.

Il convient aujourd’hui de renforcer l’attractivité des filières professionnelles et des filières technologiques.

M. Didier Boulaud. Vous êtes au pouvoir depuis sept ans !

M. Xavier Darcos, ministre. C’est le souhait du Président de la République, encore renouvelé hier après-midi lors d’une rencontre avec des lycéens.

Dans cette perspective, le Gouvernement a déjà largement engagé la réforme de la filière professionnelle.

M. Didier Boulaud. Depuis 2002, il était temps de s’y mettre !

M. Xavier Darcos, ministre. À la rentrée prochaine, l’instauration du baccalauréat professionnel en trois ans rendra cette filière plus attractive. Les effectifs devraient s’y accroître de près de 70 000 élèves.

Les filières technologiques et industrielles doivent être rénovées sans cesse, en concertation étroite avec les professionnels, pour suivre les mutations de la technologie et de l’industrie.

M. Didier Boulaud. Dépêchez-vous avant la fin du siècle !

M. Xavier Darcos, ministre. Tout cela se résume finalement à un mot : orientation.

Conformément à diverses préconisations, notamment celles de M. Descoings, le Gouvernement a mis en place un service d’orientation entièrement rénové. Il permettra de faire découvrir aux élèves, dès le collège, le monde professionnel, d’établir un diagnostic personnalisé de leurs projets et de les accompagner. Il permettra surtout, grâce à un dispositif que nous avons mis en œuvre sur internet, de faire connaître les lieux et les possibilités de formation. Ainsi, tout le monde sera placé sur un pied d’égalité en matière d’information.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Chevènement, il s’agit effectivement d’une question économique, car une nation qui ne formerait ni ingénieurs ni savants s’appauvrirait, mais c’est aussi une question de justice sociale. C’est pourquoi la politique conduite en matière d’éducation par le gouvernement de François Fillon est d’abord fondée sur l’équité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

fonds de retraite

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Ma question porte sur le Fonds de réserve pour les retraites, le FRR.

Rappelons que ce fonds, créé en 1999, a pour vocation de mobiliser les ressources nécessaires pour faire face aux difficultés financières que connaîtra notre régime par répartition. L’objectif de réunir 150 milliards d’euros d’ici à 2020 paraît compromis si l’on considère que l’actif détenu aujourd’hui serait de 27 milliards d’euros. Certes, le FRR est victime de la crise des marchés de capitaux, mais cette situation est essentiellement due au fait que, depuis 2002, les gouvernements successifs l’ont très peu alimenté.

Par ailleurs, ces dernières semaines, la presse s’est fait largement l’écho d’un laisser-aller dans la gestion des contrats d’assurance-vie en déshérence, ceux pour lesquels aucun héritier ou bénéficiaire ne se manifeste. Les compagnies d’assurances doivent en effet verser au Fonds de réserve pour les retraites les encours des contrats non réclamés, ce qui représenterait 2 milliards d’euros, pour plus de 100 000 contrats de ce type. Cela n’est, semble-t-il, que partiellement fait. Le Médiateur de la République, notre ancien collègue Jean-Paul Delevoye, va même jusqu’à déclarer que « ni les assurances ni les pouvoirs publics ne jouent le jeu ».

Je me permets de rappeler que, en vertu d’une loi de décembre 2007, le Gouvernement aurait dû remettre au Parlement avant le 1er janvier 2009 un rapport faisant le point sur ces contrats en déshérence. Est-il prêt à nous remettre ce rapport ? Nous disposerions ainsi d’éléments officiels et, je l’espère, crédibles. En outre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour atteindre l’objectif de 150 milliards d’euros en 2020 ? Plus généralement, quelle est sa conception de l’avenir de ce fonds, indispensable pour la consolidation de notre régime par répartition ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Hue applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord d’excuser Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et de la ville, retenu par un déplacement. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

MM. Yannick Bodin, Didier Boulaud et Jacques Mahéas. Il est à Strasbourg !

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Il a été élu, lui !

M. René-Pierre Signé. Par surprise !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Comme vous le savez pour avoir été membre du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites et du Conseil d’orientation des retraites, la stratégie d’investissement de ce fonds est définie par son conseil de surveillance, au sein duquel sont notamment représentés les partenaires sociaux. Les choix d’investissement ont été décidés par ce conseil à l’unanimité en 2003 et confirmés en 2006. Certes, le FRR a subi des pertes du fait de la baisse des marchés financiers, comme tous les opérateurs qui ont fortement investi en actions.

Cette année, comme les précédentes, le fonds sera alimenté à hauteur de 1,7 milliard d’euros. J’ajoute qu’il adapte actuellement sa stratégie d’investissement pour tenir compte du contexte économique et financier mondial que nous connaissons.

L’existence de l’outil que constitue le Fonds de réserve pour les retraites a été confirmée tant en 2003 qu’en 2008. Les partenaires sociaux y sont attachés, mais nous savons tous que ce fonds à lui seul ne sera pas suffisant pour financer nos retraites à long terme. D’autres dispositions ont donc été mises en œuvre.

Après la réforme de 2003 conduite par François Fillon alors qu’il était ministre des affaires sociales, le Gouvernement a pris, en 2008, des mesures permettant de consolider notre système de retraite par répartition. J’ajoute que, à la demande du Parlement, une réflexion technique est en cours au sein du Conseil d’orientation des retraites, qui remettra ses conclusions au cours du premier semestre de 2010.

Monsieur le sénateur, personne ne peut sérieusement croire que le Fonds de réserve pour les retraites pourra à lui seul apporter une réponse suffisante aux défis du vieillissement de la population et du financement pérenne du système de retraite. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

calcul des marges par l'observatoire des prix et des marges

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

La crise du lait, née d’une baisse soudaine et très brutale des prix, défraye la chronique depuis quelques semaines. De premières réponses ont été apportées, dont M. le ministre de l’agriculture nous a fait part ici même, mais le mouvement perdure, avec aujourd’hui des tentatives de blocage des plates-formes logistiques des grandes surfaces.

On peut, il est vrai, regretter que les difficultés connues en amont de la filière ne semblent pas prises en compte en aval. On peut aussi regretter que le remplacement de la loi Raffarin, votée en 1996, par la loi de modernisation de l’économie, la loi LME,…

M. Didier Boulaud. La loi Michel-Édouard Leclerc !

M. Jean-Claude Carle. … en 2008, ait donné le sentiment d’un possible laxisme à l’égard des grandes surfaces.

L’opacité des marges des distributeurs fait désormais débat, dans une grande confusion. La stigmatisation peut aller bon train, ce qui n’est souhaitable pour personne.

D’un côté, nous avons des producteurs qui ont du mal à vivre de leur travail en raison de la faiblesse des prix auxquels on achète leur lait ; de l’autre, nous voyons des prix à la consommation qui ne baissent pas, industriels de l’alimentaire et distributeurs se renvoyant la balle.

Mme Lagarde a mis en place l’Observatoire des prix et des marges afin d’apporter les meilleures réponses à l’augmentation des prix alimentaires. Rapports et propositions se succèdent, on avance des solutions, mais les interrogations demeurent sur l’efficacité de tout cela.

Mes collègues sénateurs et moi-même avons constaté que la loi de modernisation de l’économie n’était pas appliquée de manière satisfaisante dans le secteur laitier, où les mécanismes de contournement semblent bien rodés.

Mme Nicole Bricq. Il n’y a pas que dans le secteur laitier !

M. Jean-Claude Carle. Ne serait-il pas temps de faire travailler autrement la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, ainsi que l’Observatoire des prix et des marges, afin de garantir une répartition équitable de la valeur ajoutée sur l’ensemble de la filière ?

M. François Marc. Qui a voté la loi LME ?

M. Jean-Claude Carle. Ne serait-il pas également temps de conforter la fonction de production de nos agriculteurs, afin qu’ils ne deviennent pas des cantonniers de l’espace rural, mais qu’ils puissent vivre de leur activité plutôt que de dépendre des subventions, ce qui passe bien sûr par la reconnaissance de la préférence communautaire ?

Que compte faire le Gouvernement dans les semaines à venir pour répondre aux attentes des consommateurs et des producteurs et éviter le risque d’une radicalisation ? (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)

M. Didier Boulaud. Une table ronde !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je puis vous assurer que le Gouvernement consacre tous ses efforts à accroître la transparence dans le domaine que vous avez évoqué et à trouver un équilibre satisfaisant pour les acteurs de la filière, ainsi que pour les consommateurs.

Ainsi, depuis une semaine, la DGCCRF a entrepris une vaste enquête de relevé de prix dans l’ensemble de la filière des produits laitiers, de manière à connaître la répartition des marges au cours des différentes étapes. Les résultats de cette enquête seront examinés par l’Observatoire des prix et des marges en vue de renforcer la transparence pour les consommateurs et les acteurs de la filière.

À la demande de Christine Lagarde et de Luc Chatel, la DGCCRF a par ailleurs lancé, depuis le mois d’avril, un plan de contrôle des relations entre les distributeurs et les fournisseurs dans l’optique des nouvelles règles de transparence et des garde-fous prévus par la loi de modernisation de l’économie. Ce plan de contrôle couvre largement l’ensemble du secteur alimentaire : la viande, le lait, les produits alimentaires élaborés, les céréales, l’huile, le sucre, les boissons, l’alcool…

Cela permettra de porter une appréciation sur les conditions dans lesquelles s’est déroulée la négociation de 2009. Il va de soi, monsieur le sénateur, que des relations manifestement déséquilibrées ou l’existence de manœuvres de contournement donneraient lieu à saisine du juge, y compris en référé, afin que soit rétabli l’équilibre entre les parties.

M. François Marc. Il faut changer la loi LME !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Des sanctions sont possibles en cas d’abus avérés. Nous sommes donc loin du laxisme évoqué par certains.

L’Observatoire des prix et des marges a maintenant trouvé ses marques. Il s’est d’ailleurs réuni hier, et les membres du comité de pilotage ont décidé de publier, d’ici à la fin juin, les conclusions des travaux menés ces derniers mois, concernant en particulier la formation des prix dans la filière porcine.

L’investissement en temps et la nécessité de trouver un consensus sur la méthode expliquent le retard dans la mise en place du dispositif dans toute son efficacité. Cependant, cette phase était indispensable pour permettre à l’Observatoire des prix et des marges de conduire ensuite son action plus rapidement et, surtout, de manière totalement crédible s’agissant des autres produits inscrits à son programme de travail.

Je vous confirme donc, monsieur le sénateur, que les pouvoirs publics sont fortement mobilisés sur ce dossier. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)

les antennes-relais

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Louis Nègre. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.

Madame la secrétaire d’État, vous n’ignorez pas les inquiétudes exprimées par la population concernant les effets sur la santé des installations de téléphonie mobile, qu’il s’agisse des antennes ou des téléphones portables.

M. Didier Boulaud. C’est pour cela qu’il ne faut pas téléphoner dans l’hémicycle !

M. Louis Nègre. Pour débloquer la situation, un premier pas très important a été franchi par le Gouvernement avec la réunion d’une table ronde intitulée « radiofréquences, santé et environnement ».

Parmi les dix orientations retenues à la suite de cette table ronde figure un « suivi raisonné » des seuils d’exposition.

À cet égard, vous avez indiqué que le Gouvernement était prêt à procéder à des modélisations et, le cas échéant, à des « expérimentations des conséquences d’une modification des différents référentiels de seuils […] afin d’en évaluer l’impact sur la couverture du territoire, la qualité du service et le nombre d’antennes ». C’est une première avancée, qui fait bouger les lignes.

M. Didier Boulaud. Les lignes téléphoniques ? (Sourires.)

M. Louis Nègre. Toutefois, je souhaiterais que vous alliez bien au-delà de ces modélisations, en vous engageant fermement à conduire des expérimentations de référentiels de seuils à l’échelon national, en grandeur réelle, sur le terrain. La ville de Cagnes-sur-Mer, dont je suis le maire, se porte volontaire. (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

Cette démarche aurait un double objectif : maintenir une excellente qualité de service et de couverture sur l’ensemble du territoire et mettre en application le principe « as low as reasonnably achievable », dit principe Alara, expression que l’on peut traduire en français par « aussi faible que raisonnablement possible ». Cela confirmerait la volonté du Gouvernement de s’inscrire dans une perspective d’efficacité, sans doute, mais également de précaution. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les conclusions de la table ronde « radiofréquences, santé et environnement » que nous avons mise en place avec Roselyne Bachelot-Narquin et Nathalie Kosciusko-Morizet.

Je voudrais tout d’abord remercier l’ensemble des élus qui y ont pris part, dans un esprit de pragmatisme, afin d’apporter des réponses sur un sujet qui suscite effectivement nombre de polémiques et d’incertitudes.

M. Christian Poncelet. C’est vrai !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Procéder à des modélisations et, le cas échéant, à des expérimentations sur les seuils d’exposition est l’un des engagements que Roselyne Bachelot-Narquin, Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même avons pris au titre des dix conclusions de la table ronde. Un comité opérationnel d’expérimentation réunissant l’ensemble des acteurs, à savoir les élus, les opérateurs, les associations, les experts et les services de l’État, sera mis en place dès le mois de juin.

Pourquoi faut-il faire des expérimentations ?

Certes, les conclusions des études scientifiques officielles, notamment celles qui ont été réalisées par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, sont très claires : les antennes-relais ne présentent pas de risque avéré.

Pour autant, il existe une demande sociale très forte, fondée d’abord sur le fait que dix régions ou États européens ont adopté des normes d’émission plus faibles que les nôtres, notamment pour les publics sensibles. En outre, il est techniquement possible de réduire légèrement les émissions ; l’objectif des expérimentations est précisément de voir jusqu’à quel point.

L’expérimentation sera donc précédée d’une modélisation afin de définir sur quoi elle doit porter et comment l’encadrer. Il appartiendra au comité opérationnel de choisir les villes dans lesquelles auront lieu les expérimentations.

Les choses doivent être clarifiées d’ici au mois de septembre 2009, date à laquelle l’AFSSET aura remis à jour les études sur les antennes-relais et sur le téléphone mobile. Nous verrons alors, en fonction du principe Alara que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, ce qu’il est techniquement possible de faire.

Cela étant dit, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le débat sur les antennes-relais ne doit pas occulter la question des ondes émises par les téléphones portables. Sur ce point, nous avons clairement indiqué qu’il fallait appliquer le principe de précaution, notamment pour les enfants,…

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. … car il existe aujourd'hui de nombreuses incertitudes sur l’incidence que ces ondes peuvent avoir sur leur développement. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

armée française en afghanistan

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère. (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Ma question concerne la situation en Afghanistan.

M. Éric Doligé. La question ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Mon cher collègue, si vous voulez la parole, je vous la laisse !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Carrère ! C’est moi qui préside !

M. Jean-Louis Carrère. J’ai été interrompu, monsieur le président !

La guerre en Afghanistan et, devrais-je ajouter, au Pakistan est en train de changer de nature. Les Américains doublent leurs effectifs et remplacent leurs chefs militaires. Ils changent également les chefs militaires de l’OTAN, et ce unilatéralement, sans concertation avec leurs alliés.

Cela m’amène à m’interroger sur les arguments qui ont été avancés pour justifier le retour de notre pays au sein du commandement militaire intégré de l’OTAN. À l’époque, vous étiez nombreux, dans la majorité, à chercher à nous rassurer en affirmant que nous codirigerions l’OTAN. Belle codirection : on a changé le chef militaire de l’OTAN en Afghanistan sans tenir compte de notre avis.

M. Jean-Louis Carrère. Mais il y a plus grave. Malgré toutes les déclarations apaisantes, y compris celles du Président de la République, nous constatons avec préoccupation que le nombre de nos soldats engagés en Afghanistan augmente.

Ainsi, 150 gendarmes ont été envoyés sur place pour former la gendarmerie afghane. Mais peut-être estimez-vous, chers collègues de la majorité, que les gendarmes ne sont plus sous statut militaire et qu’ils ne doivent donc plus être comptabilisés en tant que soldats ? (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Personne n’a dit cela !

M. Jean-Louis Carrère. J’avais effectivement cru comprendre le contraire ! (M. Alain Gournac rit.)

Par ailleurs, on envoie également du matériel supplémentaire en Afghanistan, notamment des hélicoptères Tigre et Cougar, ainsi que des drones. La mise en œuvre et la maintenance de tous ces équipements requièrent d’ailleurs un personnel nombreux.

Ce constat m’amène à poser les quelques questions suivantes au Gouvernement.

Nonobstant tous les engagements pris de ne pas accroître notre contingent, quel est le nombre réel de militaires français présents dans cette zone et dans l’océan Indien ? Quel sera ce nombre à l’été ? A-t-il augmenté ou non ? Dans l’affirmative, n’aurait-il pas été séant et nécessaire d’en informer la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, voire le Parlement dans son ensemble ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Pierre Chevènement applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous précise d’abord que nous sommes parfaitement associés aux décisions du commandement militaire intégré de l’OTAN.

M. Didier Boulaud. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Nous allons d’ailleurs très prochainement exercer des commandements importants, ce qui est bien la marque de cet état d’esprit. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. Ce n’est pas vrai ! Le général Mac Kiernan a été relevé de son commandement et nous n’avons pas été consultés !

M. le président. Monsieur Boulaud, seul M. le secrétaire d’État a la parole !

M. Didier Boulaud. Alors qu’il arrête de dire n’importe quoi !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. En ce qui concerne l’Afghanistan, la mission d’assurer la sécurité dans la région de Kaboul est désormais confiée à l’armée afghane. Cette « afghanisation », à laquelle la France a été largement associée et dont certains membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ont pu constater la réalité sur le terrain, nous permet à présent de nous redéployer dans un autre secteur, en l’occurrence la région Est, homogène, où seront regroupées nos unités de combat terrestres, placées d’ailleurs sous commandement local français.

M. Jean-Louis Carrère. Je ne vous ai pas interrogé sur nos unités ! Je vous ai demandé combien il y avait de militaires français sur place !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Dans ce secteur, nous pourrons également, et c’est notre priorité, articuler notre action militaire et notre action civile.

M. Jean-Louis Carrère. Combien y a-t-il de militaires français en Afghanistan ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. En effet, même si vous n’avez pas abordé ce point, il importe d’évoquer le développement économique de l’Afghanistan et les efforts réalisés en matière de gouvernance.

M. Jean-Louis Carrère. Combien de militaires français ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je vais vous répondre,…

M. Jean-Louis Carrère. Précisément !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. … mais il s’agit là de questions de fond,…

M. Jean-Louis Carrère. Non ! Vous êtes perdu ! Vous êtes dans le maquis !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. … qui intéressent nos concitoyens. La sécurisation militaire de l’Afghanistan est une condition de son développement. Nous œuvrons en faveur de celui-ci. D’ailleurs, notre budget consacré au développement va plus que doubler d’une année sur l’autre.

En ce qui concerne les 150 gendarmes que vous avez évoqués, ils ont été envoyés en Afghanistan afin d’y former les forces de sécurité afghanes, qui pour l’heure ne suffisent pas à la tâche. D’autres pays européens contribuent à cet effort de formation.

M. Jean-Louis Carrère. Combien de militaires ? Quels effectifs ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. C’est un point extrêmement important en vue d’un retour durable à la paix, à la sécurité et au développement dans cette région.

M. René-Pierre Signé. Et quel est le nombre de combattants ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Vous avez également fait référence à l’envoi de matériels. Il s’agit en fait d’une substitution : nous expédions effectivement des hélicoptères, mais ils remplaceront d’autres équipements dont l’utilité opérationnelle est devenue moindre.

M. René-Pierre Signé. Il ne répond pas à la question !

M. Jean-Louis Carrère. C’est long !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. L’adaptation de notre dispositif militaire s’effectuera à effectifs constants.

M. Didier Boulaud. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. C’est la vérité, monsieur le sénateur, quoi que vous puissiez dire ! Cette adaptation s’inscrit dans la continuité de ce qui avait été annoncé au Parlement le 22 septembre dernier. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. Cela ne convainc personne !

M. Alain Gournac. C’est la vérité !

M. Didier Boulaud. On ne nous dit pas la vérité ! Le Parlement est bafoué !

offres de reclassement des salariés

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Ma question s’adressait à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, M. Brice Hortefeux, mais je suis honoré que Mme Amara me réponde.

Je veux attirer l’attention sur une décision malheureuse qui vient frapper une entreprise chère au département de l’Aube, la société Olympia.

Le 13 mai 2009 dernier, ce fabricant français de chaussettes a été condamné par la cour d’appel de Reims à verser 2,5 millions d’euros à quarante-sept salariés licenciés – soit en moyenne trente-deux mois d’indemnités par salarié – pour ne pas leur avoir proposé un reclassement en Roumanie, à 110 euros par mois !

Vous avez tous en mémoire l’offre scandaleuse qui avait été faite à ces salariés du sud de la France auxquels on avait osé proposer un reclassement à Bangalore, pour 60 euros par mois. Or, dans le cas présent, c’est le contraire : l’entreprise est condamnée pour ne pas avoir proposé le reclassement en Roumanie, alors même que la décision de ne pas le proposer avait été prise d’un commun accord entre le comité d’entreprise, les syndicats et la direction.

L’entreprise ne survivra pas à une telle condamnation et, de ce fait, ce sont deux cent quatre-vingts emplois qui sont en jeu.

Madame la secrétaire d’État, vous comprenez aisément le problème posé. Comment allez-vous tenter de le résoudre ?

Nous avons déposé une demande de sursis à exécution de la condamnation, afin que la Cour de cassation puisse se prononcer et, éventuellement, corriger cet arrêt, qui paraît injuste aux yeux des salariés et de la direction de l’entreprise, sachant que cette dernière est engagée dans la voie de la modernisation.

Seriez-vous d’accord, madame la secrétaire d’État, pour qu’une plus grande portée soit donnée à l’instruction n° 2006-01 du 23 janvier 2006, car, en l’état, elle n’a pas empêché la Cour d’appel de Reims de condamner l’entreprise ?

Seriez-vous d’accord pour compléter l’article L. 1233-4 du code du travail par une disposition prévoyant que l’employeur n’est pas obligé de proposer des offres de reclassement à l’étranger si le salaire y afférent est inférieur de 10 % au SMIC ?

M. Jean-Louis Carrère. C’est un peu long ! Il faut poser la question au conseil général !

M. Philippe Adnot. Madame la secrétaire d’État, en tout état cause, quelle mesure comptez-vous prendre rapidement pour que cette affaire ne débouche pas sur le licenciement de deux cent quatre-vingts personnes ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Hortefeux, qui n’a pas pu se libérer.

Votre question soulève une double difficulté, à la fois juridique et éthique.

Sur le plan juridique, aux termes du code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié n’est possible que lorsque le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du même groupe.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

Cette disposition oblige donc l’employeur à proposer aux salariés faisant l’objet d’un licenciement pour motif économique une solution de reclassement.

La jurisprudence n’est cependant pas totalement stabilisée et, bien souvent, des incertitudes juridiques demeurent.

Ensuite et surtout, la difficulté est d’ordre éthique. Il n’est en effet pas acceptable que, ici ou là, des entreprises devant procéder à des licenciements économiques proposent à leurs salariés un reclassement dans des conditions qui ne sont pas conformes à la dignité.

Voilà quelques semaines, nous avions les uns et les autres unanimement jugé inacceptable le comportement d’une entreprise qui avait proposé à neuf salariés un reclassement en Inde, avec un salaire mensuel de 69 euros, soit une somme près de vingt fois inférieure au SMIC !

Face à ces difficultés, le Gouvernement ne peut qu’accueillir avec intérêt les réflexions portées devant le Sénat, comme devant l’Assemblée nationale, par les parlementaires.

Monsieur Adnot, nous avons pris connaissance de la proposition de loi que vous avez déposée.

De même, nous examinons avec un grand intérêt la proposition de loi déposée par les députés François Sauvadet et Philippe Folliot, texte qui a fait l’objet, hier, d’un avis favorable de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale.

Pour conclure, j’ajoute que le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a indiqué qu’il souhaitait que les partenaires sociaux puissent être consultés en amont de l’examen en séance publique de ces propositions de loi.

Au moment où les organisations patronales et syndicales engagent, dans le cadre de l’agenda social pour 2009, un cycle de négociations sur l’emploi, cette consultation apparaît en effet tout particulièrement nécessaire pour qu’une éventuelle modification du code du travail sur cette question des modalités de reclassement fasse l’objet d’un réel consensus social. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

Dépôt de rapports du gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre a transmis au Sénat :

- en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi visant à prolonger l’application des articles 3, 6 et 9 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers ;

- le rapport sur les conditions de mise en œuvre des procédures de rescrit, de promotion du dispositif et de publication des décisions de rescrit.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Le premier sera transmis à la commission des lois et le second, à la commission des finances.

Ces documents seront disponibles au bureau de la distribution.

9

Avenir du programme de l'Airbus A400M

Discussion d'une question orale avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 37 de M. Jean-Jacques Mirassou à M. le Premier ministre sur l’avenir du programme de l’Airbus A400M.

Cette question est ainsi libellée :

« M. Jean-Jacques Mirassou attire l’attention de M. le Premier ministre sur le programme de l’avion de transport militaire Airbus A400M, dont l’avenir sera scellé à la date butoir du 1er juillet 2009. Il revêt une importance cruciale à l’échelon européen pour des raisons économiques, de stratégie industrielle mais également en matière de politique de défense. Cette importance avait justifié la confiance de sept pays européens - Allemagne, France, Espagne, Grande-Bretagne, Turquie, Belgique et Luxembourg -, futurs acquéreurs de cent quatre-vingts exemplaires de cet appareil.

« Les difficultés techniques rencontrées au cours de la construction de l’Airbus A400M ont engendré un retard estimé à trois ans pour sa première livraison. Ce retard pourrait, dans le pire des cas, conduire à l’abandon pur et simple du programme.

« Les déclarations contradictoires du patron d’Airbus et de la direction d’EADS ne sont pas de nature à conforter l’avenir même si, par ailleurs, le Premier ministre et le ministre de la défense ont récemment affirmé leur volonté de faire aboutir ce projet.

« Il est donc temps de clarifier la situation, et la question posée ici est simple : où en sont les négociations menées avec les sept ministres de la défense concernés, et comment agit le Gouvernement pour affirmer sa détermination et garantir la poursuite du programme de l’A400M ? »

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, j’avais la faiblesse de penser que ma question revêtait un caractère certain d’actualité, mais, à en juger aux travées désertées par mes collègues, qui étaient pourtant nombreux pour assister à la séance de questions au Gouvernement, je serais tenté de relativiser…

Je reste cependant persuadé que cette question est tout à fait d’actualité et je pense, monsieur le secrétaire d’État, que vous serez, en tout état de cause, convaincu de la légitimité de notre interrogation en ce qui concerne l’avenir du programme de l’A400M.

Sur cet avion de transport militaire reposent des ambitions industrielles et de défense non seulement à l’échelon national, mais également et surtout au niveau européen.

Vous comprendrez également, monsieur le secrétaire d’État, que je sois, en ma qualité d’élu de la Haute-Garonne, particulièrement attentif à ce dossier.

À quelques jours d’une décision déterminante pour l’avenir du projet A400M, nous écouterons bien entendu avec beaucoup d’intérêt les réponses que vous voudrez bien nous fournir.

Je tiens par ailleurs à saluer le rapport d’information, intitulé L’Airbus militaire A400M sur le « chemin critique » de l’Europe de la défense, établi par nos collègues Jean-Pierre Masseret et Jacques Gautier : ce travail remarquable et équilibré a été apprécié non seulement par les élus que nous sommes, mais également par toutes les personnes d’EADS ou de Latécoère que j’ai eu l’occasion de rencontrer ces derniers jours.

L’A400M constitue à bien des égards un enjeu plus que symbolique de la politique de défense de l’Union : sans la réalisation du programme, cette politique ne saurait s’affirmer ni se concrétiser.

Ce programme est donc fondamental, tant sur le plan de la stratégie industrielle que sur celui de la mise en perspective d’une politique européenne de défense. Voilà bien, à n’en pas douter, un sujet d’actualité.

La Haute-Garonne s’est profondément investie dans ce projet parce qu’il est porteur d’avenir, à tel point, du reste, que de très nombreux emplois sont tributaires de sa pérennité et de sa réussite. Le maintien et l’essor d’un tissu industriel et d’un secteur d’activités de recherche connu et reconnu méritent aussi toute notre attention.

Cela veut dire clairement, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que la décision éventuelle de renoncer à la poursuite du programme de l’A400M occasionnerait, notamment pour la région toulousaine, un véritable traumatisme économique et social.

Je rappelle que, dans le cadre de la réforme de la carte militaire, le général Klein s’était rendu à Toulouse pendant l’été 2008 pour annoncer – je dois le dire, à la stupeur générale – la fermeture totale de la base aérienne 101 de Francazal à l’échéance de septembre 2010.

Au-delà des choix opérés dans le cadre de cette refonte de la carte militaire, l’une des raisons avancées pour justifier cette décision était que la base aérienne de Francazal n’avait pas la capacité d’accueillir l’A400M ou au prix d’un aménagement qui, trop onéreux, ne pouvait pas être retenu.

Vous comprendrez bien que cette information conduit les élus à penser, et je me fais aujourd’hui en quelque sorte leur interprète, qu’il résultera inévitablement de cette décision-là une forme de sanction, avec des conséquences économiques très pénalisantes pour l’agglomération toulousaine, privée du pouvoir d’achat de près de mille personnes et d’autant de familles.

La région serait donc en quelque sorte frappée d’une « double peine » si l’A400M ne se faisait pas, puisque, de toute façon, la ville où devait être produit l’appareil ne pouvait pas l’accueillir.

Faut-il souligner, monsieur le secrétaire d’État, que la Haute-Garonne a durement pâti des graves difficultés rencontrées récemment par le couple EADS-Airbus ? Ces difficultés ont du reste conduit à la mise en place du plan « Power 8 », imposé à Airbus dans les conditions que l’on connaît, au prix d’un volet social très dur : 10 000 emplois supprimés sur quatre ans, dont 3 200 en France et 1 100 pour le seul siège d’Airbus, à Toulouse.

Le prix à payer n’était vraiment pas de nature à dissiper les craintes et les incertitudes exprimées par les salariés d’Airbus, les sous-traitants, et, plus largement, l’ensemble de la population de Toulouse, voire de la Haute-Garonne et même de la région Midi-Pyrénées.

Ces inquiétudes perdurent à plus forte raison depuis que l’on connaît les effets néfastes de la crise économique et monétaire, qui a amplifié la dépression de l’industrie aéronautique.

Il est donc fondamental de tout mettre en œuvre pour éviter le choc considérable que constituerait l’arrêt du programme de l’A400M non seulement à l’échelon du département, mais aussi au niveau national et international, avec le retentissement qu’il aurait sur la politique industrielle, de défense et de recherche-développement de l’Europe.

Toujours est-il que des négociations avec les pays clients ont été engagées pour décider de la poursuite ou de l’arrêt du programme. Ces négociations ont été très difficiles et continuent sans doute de l’être au moment où je parle.

La période économiquement trouble que nous traversons complique certains arbitrages, et cela d’autant plus qu’il est de la responsabilité des gouvernements de prendre en compte les attentes légitimes des populations de leur pays respectif. À cela s’ajoute le fait que, dans certains États, des échéances électorales importantes se profilent, ce qui doit compliquer encore les discussions.

Ce sont donc, au total, sept pays qui doivent à nouveau s’entendre pour statuer sur la production de cent quatre-vingts avions, et chacun a ses propres priorités.

Ainsi, l’Allemagne, qui s’était engagée à acheter soixante de ces appareils, dénonce les trois ans de retard qui ont déjà coûté 1,8 milliard d’euros à EADS. À ce propos, il peut être intéressant et même indispensable de relativiser et de considérer le retard pris dans la perspective plus large d’un programme dont la réalisation est destinée à s’étaler sur plusieurs décennies. Trois ans, c’est peu, au regard de la durée du programme !

La presse a par ailleurs laissé entrevoir que la Grande-Bretagne envisageait d’annuler sa commande initiale de vingt-cinq appareils pour se tourner vers des avions de transport militaire tels que le Boeing C17. Ce pays, du reste, n’est pas le seul à envisager de trouver en dehors du consortium européen des solutions de remplacement à l’A400M.

La France elle-même, qui est pourtant le deuxième plus gros client, puisqu’elle a commandé cinquante appareils, n’a pas exclu, comme on l’a appris le 17 mars 2009, de réduire le nombre d’A400M qu’elle souhaite acquérir. Elle a justifié ce changement de cap en arguant du retard pris par le programme.

Pourtant, notre pays est, à l’évidence, un important bénéficiaire des programmes d’Airbus. De plus, pour ses armées, en matière de transport tactique et logistique, la France pourrait trouver des solutions de repli qui, sans être idéales, certes, devraient lui permettre de faire face à ses engagements de défense jusqu’à la livraison des Airbus militaires et d’assurer ainsi la « soudure ».

Je pense, par exemple, au renforcement de la voilure des Transall les plus récents, ceux qui ne sont pas à bout de souffle, ainsi qu’au recours accru aux appareils CASA pour les besoins opérationnels tactiques.

En ce qui concerne le niveau logistique, le programme SALIS – Strategic airlift interim solution ou, en français, solution intérimaire pour le transport stratégique - dans le cadre duquel sont louées des heures de vol sur Antonov, offre des solutions palliatives qu’il convient aussi d’explorer rigoureusement.

En tout état de cause, acheter des avions Boeing pour faire face aux besoins immédiats de l’armée française - solution qui a été envisagée -, serait foncièrement illogique.

En effet, l’un des modèles qu’il pourrait s’agir d’acquérir – le C135 – est, selon nos informations, pratiquement aussi cher que l’A400M et, surtout, presque deux fois moins performant. Et, pour couronner le tout, si un tel choix devait être fait, nous n’aurions aucune garantie que les appareils soient livrés à la date prévue pour les Airbus, même en tenant compte du retard.

Par conséquent, cette solution est en quelque sorte mort-née.

Rappelons que l’Airbus A400M, anciennement connu sous le nom d’ATF, avion de transport futur, offre des avantages qu’aucun autre appareil n’est en mesure de proposer.

L’Airbus A400M n’a pas d’équivalent.

Il se caractérise par une polyvalence sans précédent. Il sera, en outre, le seul avion militaire disposant d’une certification civile, ce qui accrédite une technicité et une fiabilité qui iront bien au-delà de tout ce qui existe actuellement. Il est fondamental d’insister sur ce point.

M. Yvon Collin. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Mirassou. Indépendamment de toute autre considération, ces données techniques, à même de garantir une efficacité et une sécurité accrues de nos armées, justifient les efforts qu’ont décidé de consentir les États européens lorsqu’ils se sont engagés dans ce programme.

Les conflits contemporains, tout à la fois polymorphes, dangereux et éclatés sur l’ensemble du globe, plaident pour que les armées européennes disposent de capacités de projection de forces.

M. le ministre de la défense a défini la projection de forces dans l’annexe au projet de loi de finances pour 2009 comme étant « la capacité de faire intervenir, jusqu’à plusieurs milliers de kilomètres, avec leur soutien et leur logistique associés, des groupements de forces interarmées, sous commandement interarmées, dans un cadre national ou multinational ».

Il est impensable que l’Europe se prive d’une telle capacité dans un contexte international de plus en plus « instable », pour utiliser un euphémisme.

L’A400M répond à des besoins solides nettement identifiés par les États signataires. C’est le cas de la France, comme je l’ai précédemment souligné, mais également de la Belgique, de l’Allemagne et du Royaume-Uni.

Il revient donc à chaque pays de redéfinir son positionnement par rapport à ce programme.

En effet, dans le cadre d’un projet industriel européen, nous avons rarement eu l’occasion, comme aujourd’hui, de pouvoir répondre tout à la fois à des impératifs politiques, de défense et de recherche-développement, ainsi qu’au besoin de garantir des savoir-faire de qualité.

Une expertise de ce type est manifestement l’un des piliers sur lesquels souhaite reposer l’Europe de la connaissance, notamment parce qu’elle renforce le tissu économique, social et industriel des États membres de l’Union européenne et de leurs partenaires.

De plus, compte tenu de la nécessité d’éviter qu’un département tel que la Haute-Garonne, pardonnez-moi d’y revenir, ne soit sinistré par une décision qui, indépendamment de sa résonance globale, touchera en premier lieu, et de plein fouet, le Grand Toulouse, il importe que la pérennité du programme de l’A400M soit assurée.

Nous avons bien pris note du fait que le groupe EADS sera contraint de rediscuter les modalités du contrat de 20 milliards d’euros passé par lui avec les sept clients concernés : la France, l’Allemagne, l’Espagne, le Royaume-Uni, la Belgique, le Luxembourg et la Turquie.

Les premières livraisons n’étant pas prévues avant la fin de l’année 2012, les dispositions de ce contrat de nature commerciale donnent à ces sept États la possibilité de renoncer en cours de route à leurs ambitions industrielles et de défense, démarche néanmoins onéreuse à plus d’un titre.

Rappelons tout de même que, dans le contexte économique très dégradé que nous connaissons, s’agissant en particulier d’une filière aéronautique très durement touchée par la crise actuelle, Airbus est quasiment le seul avionneur à maintenir, et nous savons à quel prix, des performances satisfaisantes.

On ne peut que convenir de la nécessité de préserver ce fleuron de l’industrie aéronautique européenne, d’autant qu’il travaille avec de très nombreux sous-traitants qui ont investi énormément dans le programme de l’A400M.

Il en va ainsi de l’entreprise Latécoère de Toulouse, qui a consenti beaucoup d’efforts, je peux en témoigner pour l’avoir visitée récemment, le travail de ses bureaux d’études ayant abouti à de véritables avancées technologiques, par exemple en matière de meubles électriques ou de câblages.

Il est évident que si, par malheur, ce programme était abandonné, les investissements consentis par les sous-traitants, sur le plan humain comme sur le plan économique, auraient été vains, ce qui viendrait alourdir encore la tâche de tous ceux qui s’efforcent de surmonter une crise dont j’ai déjà dit à quel point elle était pénalisante pour l’ensemble du secteur aéronautique.

Aujourd’hui, EADS souhaite une nouvelle répartition des risques industriels entre les partenaires du programme de l’A400M.

Il s’agirait de prendre en compte un nouveau calendrier de livraison, plus réaliste que celui qui a été initialement fixé, pour en conséquence réaligner les pénalités sur les échéances ainsi redéfinies.

Si responsabilité il y a par rapport au retard enregistré, elle doit être partagée : les États qui actuellement renâclent à payer les pénalités de retard sont ceux qui, antérieurement, ont poussé les feux pour que ce programme soit réalisé le plus rapidement possible, en faisant l’impasse sur le caractère novateur de cet avion et sur les incertitudes technologiques, inévitables en la matière ; elles devaient, il est vrai, pénaliser la finalisation du projet, notamment en ce qui concerne le moteur.

Cette solution est non seulement raisonnable, mais aussi nécessaire.

Cependant, les États européens hésitent à prendre en charge le surcoût induit – on les comprend –, alors qu’il était pourtant prévisible s’agissant d’un programme portant une ambition aussi considérable que l’A400M et qui sera pérennisée à très long terme.

En tout état de cause, il est indispensable, mes chers collègues, que la France s’engage de manière aussi ferme et aussi claire que l’Espagne et la Turquie. Ces deux pays ont en effet annoncé le samedi 4 avril, lors d’une réunion à Strasbourg, qu’ils maintiendraient leurs commandes quoi qu’il arrive et quel que soit le temps que cela prendrait.

M. Yvon Collin. Belle preuve de confiance !

M. Jean-Jacques Mirassou. Pour mémoire, je rappelle que l’Espagne a passé commande de vingt-sept exemplaires de cet appareil militaire et que la Turquie s’est engagée pour dix appareils.

La société Airbus a elle-même souligné un temps les difficultés qu’elle rencontrait dans la fabrication du futur avion de transport militaire, et ce d’une manière qui a beaucoup surpris. C’est ainsi que, le 29 mars 2009, le patron d’Airbus a déclaré à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel : « Dans les conditions actuelles, nous ne pouvons pas construire l’appareil. », ajoutant, sans craindre la redondance, qu’il préférerait « une fin qui provoque des cris d’orfraie plutôt que des cris d’orfraie sans fin » !

D’autres déclarations toutes aussi intempestives ont suivi qui, dans une période délicate, n’ont fait qu’ajouter de la confusion à la confusion.

La maison mère EADS, qui, selon ses dires, ne voyait pas dans de telles déclarations le reflet de ses propres positions, a été contrainte de réaffirmer explicitement son total engagement et sa totale détermination à mener à bien le programme de l’A400M. Ce faisant, elle n’a pas pour autant minimisé les difficultés auxquelles elle se heurte.

Cette péripétie est venue bien inutilement aggraver un contexte déjà tendu dont il faut, à quelques jours de la prise de décisions importantes, « sortir par le haut ».

Le programme de l’A400M est, à plus d’un titre, un enjeu stratégique, tant du point de vue économique, notamment en termes d’emplois, que du point de vue de la défense et de la recherche-développement européennes.

Il est donc grand temps de lever l’ambiguïté suscitée par des propos contradictoires et d’affirmer clairement les intentions de la France ainsi que la détermination de notre pays en ce domaine. J’espère que c’est en ce sens que vous me répondrez, monsieur le secrétaire d'État.

M. le ministre de la défense a déclaré récemment souhaiter que « ce programme soit préservé » et a rappelé, à propos de l’A400M, qu’il s’agissait d’« un programme européen phare, un programme majeur pour l’industrie, un programme extrêmement bien placé et unique dans le monde ». Nous sommes tous ici d’accord sur ce point !

De même, M. le ministre a souligné, le 14 mai dernier, que la France faisait tout pour sauver cet avion de transport militaire. Or cette déclaration, même si elle est empreinte de volontarisme, peut être entendue de façon optimiste ou de façon pessimiste… S’il faut tout faire pour sauver l’A400M, c’est qu’il y a effectivement danger !

Faute d’une information claire, notamment en direction de la représentation nationale, l’expression de la détermination absolue du Gouvernement français à assurer la pérennité de l’A400M reste pour le moins confidentielle, ce qui n’est pas de nature à rassurer toutes celles et tous ceux qui, impliqués dans l’avenir de ce programme, souhaiteraient obtenir des certitudes ou à tout le moins des indications leur permettant d’espérer.

Certes, le sujet est délicat, compte tenu des négociations en cours avec les autres pays clients, mais je fais confiance à la représentation nationale pour utiliser à bon escient et avec pertinence les informations qui lui seraient communiquées.

Pour l’heure, il est regrettable que les sénateurs ou les députés bénéficient du même niveau d’information, jusqu’à présent assez faible, d’ailleurs, qu’un simple citoyen lisant la presse et s’intéressant au sujet.

Une période décisive s’est ouverte au début du mois d’avril dans le cadre de négociations dont la date butoir a été fixée au 1er juillet 2009.

Nous savons que M. le ministre de la défense a rencontré à plusieurs reprises, notamment à Prague, le jeudi 2 avril, ses sept homologues européens concernés par le projet d’Airbus militaire.

J’imagine que, depuis cette date, d’autres rencontres ont eu lieu. Monsieur le secrétaire d'État, qu’en est-il résulté ? Des décisions ont-elles été prises ? Enfin et surtout, la stratégie arrêtée garantit-elle la poursuite du programme de l’A400M et son corollaire, le maintien de nombreux emplois ? (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le programme A400M constitue un triple défi, un défi de coopération entre États, un défi industriel et, enfin, un défi militaire.

En effet, la réalisation de l’Airbus A400M est, à ce jour, l’un des deux plus importants programmes d’armement réalisés en coopération par les nations européennes.

Elle est le fruit d’un long, trop long processus de concertation au terme duquel sept États disposeront du même avion de transport militaire à la fois tactique et logistique. Il s’agit de l’Allemagne, de la France, de l’Espagne, du Royaume-Uni, de la Turquie, de la Belgique et du Luxembourg.

Les besoins de la France dans ce domaine ne datent pas d’hier. En effet, c’est dès le début des années quatre-vingt que nos forces armées ont commencé à réfléchir sur un projet de nouvel avion de transport stratégique à longue distance.

Ce projet constitue un bel exemple de coopération dans le domaine industriel, mais aussi et avant tout dans le domaine de la défense européenne.

Malheureusement, le groupe EADS a annoncé au début de cette année un retard d’au moins trois ans pour la première livraison de l’A400M ; mais il est vrai que cette entreprise, outre ses tensions internes, a été soumise à des désidératas de plus en plus nombreux émanant des donneurs d’ordre, à savoir les pays concernés par ce projet, ce qui a considérablement compliqué sa tâche et, de facto, retardé la conception et la réalisation de cet appareil. C’est ainsi que la première livraison de ce dernier, initialement fixée au mois d’octobre 2009, est désormais prévue au mieux pour la fin 2012, et probablement en 2013.

Ce retard sera lourd de conséquences. D’abord, il remet en cause l’avenir même du projet. Ensuite, il provoquera, en l’absence de solution de substitution, une grave remise en cause des capacités de projection de nos forces armées. En effet, la flotte actuelle de transport tactique française, constituée de C-160 Transall et de C-130 Hercules, est vieillissante, ce qui pose dès aujourd’hui des problèmes de disponibilité des appareils.

Le rapport réalisé en début d’année par nos collègues MM. Jean-Pierre Masseret et Jacques Gautier précisait que, dans l’hypothèse où l’A400M n’entrerait jamais en service et où rien ne serait fait pour retarder ou compenser le retrait des Transall et autres appareils, la capacité d’emport à 8 000 kilomètres en cinq jours serait réduite d’un tiers d’ici à 2015.

Si l’A400M est un avion militaire, ses missions ont une vocation autant stratégique qu’humanitaire.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous indiquer quelles sont les intentions du Gouvernement sur l’avenir du projet et, surtout, les mesures palliatives qui pourraient être prises en cas de non-respect de l’avancée de ce projet ? Qu’en est-il notamment de l’achat éventuel d’avions de type C-130 – nous l’entendons évoquer parfois –, qui me paraîtrait, pour ma part, très regrettable ?

L’Airbus A400M devra nous permettre d’équiper nos forces armées avec du matériel innovant et performant. L’un des atouts majeurs de ce projet réside dans sa capacité à concevoir un appareil à la pointe de la technologie, sans être contraint d’avoir recours à des constructeurs hors d’Europe, notamment américains.

Le projet A400M, comme tout projet industriel d’envergure, fait appel à un grand groupe industriel, en l’occurrence EADS. Mais, derrière ce grand constructeur aéronautique, c’est une multitude de PME qui travaillent quotidiennement à l’avancement de ce projet et fondent des espoirs d’avenir. Parmi l’ensemble de ces sous-traitants européens, c’est naturellement au sort des PME françaises que je suis particulièrement sensible.

Sur ce point, je m’interroge, monsieur le secrétaire d’État, car, si le principe de préférence communautaire semble bien respecté dans le cadre de ce projet, certains sous-traitants français ont perdu des marchés au profit d’autres entreprises européennes ; je pense notamment à la fabrication de certains missiles.

Je ne remets nullement en cause le principe de préférence communautaire, au contraire. Je tiens cependant à rappeler ici que les PME françaises disposent d’un réel savoir-faire technique. Or ce savoir-faire est mis en péril si on n’assure pas à ces entreprises un minimum de commandes. C’est une réelle expertise française qui est en jeu.

La situation de ces entreprises sous-traitantes est d’autant plus délicate qu’elles sont déjà victimes de la faiblesse du plan de charges de la construction du Rafale, dont les commandes publiques ont été réduites, de l’incertitude relative à la modernisation des Mirage 2000D, pourtant prévue dans le Livre blanc de la défense nationale et dont notre force aérienne tactique a impérativement besoin, ainsi que de l’opération missile que j’évoquais à l’instant.

En cette période de crise économique mondiale, l’A400M comme la modernisation du Mirage 2000D font partie de ces grands projets industriels qui pourraient très utilement participer à la relance. Il faut donc à tout prix s’assurer que le plus grand nombre possible de nos entreprises puissent participer pleinement et durablement à cet élan, qui est effectivement un élément fort de la commande publique.

Je sais que M. le ministre de la défense et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, êtes très sensibles à ce sujet. Ce magnifique projet européen qu’est l’A400M doit donc se poursuivre, dans l’intérêt tant de l’Europe que de la France. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Jean-Jacques Mirassou applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord souligner l’importance de la question de notre collègue Jean-Jacques Mirassou, qui interroge le Gouvernement sur ce qu’il compte entreprendre pour tenter de sauver le programme européen de nouvel avion de transport militaire A400M.

« Sauver », le terme n’est pas trop fort, car il s’agit bien d’un programme que de grands industriels européens de l’aviation n’ont pas su mener à bien, même s’ils ne sont pas les seuls responsables de ce que l’on peut aussi appeler un « fiasco ».

L’échec actuel de ce programme européen est révélateur de beaucoup de choses et comporte des enjeux d’une importance majeure.

Les enjeux, ce sont, par exemple, les capacités opérationnelles de nos forces armées, les menaces qui pèseraient sur de nombreux emplois dans notre pays, le savoir-faire de milliers d’ingénieurs, cadres techniciens et ouvriers de nos industries aéronautiques, mais aussi la capacité des industries aéronautiques européennes à construire un avion de transport militaire.

J’espère donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous apporterez des réponses précises sur l’état actuel des discussions engagées avec nos partenaires européens et avec EADS.

Il me semble toutefois que les dernières informations de presse faisant état d’une nouvelle demande de moratoire d’EADS aux gouvernements participant au programme ne sont pas de bon augure. Comment doit-on interpréter ce nouveau délai ? Quelles en sont les raisons ? À quoi cela servira-t-il ?

Lorsque, au début de cette année, EADS a annoncé qu’il serait incapable de tenir les délais de livraison de l’avion, ses spécifications et, bien sûr, son coût, les gouvernements européens ont rapidement considéré qu’il fallait renégocier les contrats, comme le souhaite d’ailleurs l’avionneur. EADS a donc déjà bénéficié d’un moratoire pour présenter de nouvelles propositions, ce qui permettait temporairement d’éviter que certains pays n’annulent leurs commandes et ne demandent l’application de pénalités qui auraient signé l’arrêt de mort du nouvel appareil.

Je crois ainsi comprendre que le ministre de la défense cherche à trouver un compromis sur un nouveau calendrier, sur le partage des coûts et sur les solutions de remplacement temporaires pour les différentes armées.

Nous attendons donc que vous nous exposiez tous les tenants et aboutissants de ce dossier.

Mais, pour ne pas commettre de nouvelles erreurs, il faut tout de même tirer quelques enseignements de cette malheureuse opération qui nous avait été présentée par la ministre de l’époque comme le nec plus ultra de l’économie de marché au service des industries de défense.

Le résultat, aujourd’hui, est que les forces armées d’Europe et de Turquie n’auront cet avion ni dans les délais ni aux coûts sur lesquels EADS s’était engagé.

Les raisons avancées par EADS pour expliquer les retards ont été essentiellement techniques : l’entreprise a insisté sur la difficulté à faire réaliser un moteur entièrement nouveau par quatre constructeurs européens différents ainsi que sur la peine à satisfaire les exigences particulières de chaque pays à partir d’un modèle de base.

À ces raisons s’en ajoutent d’autres, plus profondes.

Les responsabilités sont partagées entre les industriels et les gouvernements, dont celui auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État. Cela s’explique, car ils ont souvent des conceptions proches dans le domaine économique et social.

Je vois quatre explications principales à l’échec actuel du programme de l’Airbus A400M.

Tout d’abord, ce contrat de type purement commercial était totalement inadapté aux exigences et aux spécificités d’un programme d’équipement militaire.

Ensuite, les quatre constructeurs du moteur, concurrents dans le civil, n’ont pas su trouver les formes de coopération adaptées nécessaires à ce programme spécifique.

De plus, il est incontestable qu’EADS a connu des problèmes de « gouvernance » motivés par des rivalités nationales entre notre pays, le Royaume-Uni et l’Allemagne, chacun défendant les intérêts purement capitalistiques et financiers de ses industriels.

Enfin, il faut noter que l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement, l’OCCAR, qui est l’organisme européen censé veiller au contrat signé et est chargé de gérer le programme, n’a joué aucun rôle, n’a pris aucune décision et s’est contenté d’accumuler les demandes des armées de l’air des pays.

Le fiasco de ce programme pose la question d’une nécessaire coopération industrielle en Europe en matière de défense, dans le respect de l’identité de chacun.

Ce n’est pas votre conception, monsieur le secrétaire d’État, ni celle de vos homologues, car vous préférez à cela des alliances capitalistiques qui privilégient la rentabilité financière sur les critères industriels, militaires et stratégiques. Les exemples de GIAT-Industries, de DCN, la Direction des constructions navales, et bientôt de la SNPE, la Société nationale des poudres et explosifs, illustrent malheureusement mon propos.

Au-delà, cet échec fait aussi peser de lourdes menaces sur la possibilité d’avoir un jour une politique européenne de défense qui soit réellement autonome. Il est en tout cas révélateur de l’absence de volonté politique d’un certain nombre de nos partenaires européens d’aller dans ce sens.

La renégociation des contrats ne doit pas se faire à n’importe quelles conditions. Mais il n’y aurait rien de pire que l’abandon de ce programme, car il entraînerait des conséquences désastreuses en termes d’emplois, de savoir-faire technologique, de crédibilité des avionneurs européens, mais s’accompagnerait aussi, d’un point de vue économique, de pertes financières majeures.

Il faut également avoir présent à l’esprit que, dans cette hypothèse, ce serait abandonner pour longtemps encore aux industriels américains le transport militaire aérien.

Enfin, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment, les dysfonctionnements de ce programme ont d’ores et déjà des répercussions négatives sur les capacités opérationnelles des forces armées en Europe. Les gouvernements devront trouver des solutions qui seront onéreuses sans être toujours satisfaisantes pour pallier le déficit de capacités créé par ce retard.

Pour cet ensemble de raisons, nous souhaitons vivement, monsieur le secrétaire d’État, que, dans les discussions qui sont en cours, et dans l’intérêt bien compris de notre pays, vous fassiez preuve de fermeté pour qu’EADS respecte ses engagements et que ce programme aboutisse, et cela sans céderau chantage à l’emploi auquel se livrent des industriels qui n’ont que trop tendance à mettre en avant, pour partager les risques, les seules conséquences financières des dérives du programme de l’A400M. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie ceux qui, passionnés par ce débat ou par amitié, sont aujourd’hui parmi nous. Je suis sensible à leur présence.

Je veux tout d’abord saluer la décision de la France, de l’Allemagne et de l’Espagne d’apporter 3 milliards d’euros à la société Airbus-EADS, qui, en raison de la crise, doit faire face à l’annulation ou au report de commandes d’appareils de la part de nombreuses compagnies aériennes. Cet engagement fort illustre bien la volonté du gouvernement français de soutenir les industriels et l’emploi, et doit nous rassurer quant à l’avenir du programme A400M, que je vais maintenant évoquer.

La question posée par notre collègue M. Mirassou, même si elle n’est pas innocente, aborde ce programme primordial pour notre pays, pour nos forces armées, pour l’Europe de la défense, les principaux industriels et avionneurs et les 33 000 emplois directement concernés par l’A400M.

Compte tenu du moratoire en cours et des négociations confidentielles entre les sept États, l’OCCAR, qui porte ce dossier, et l’industriel Airbus-EADS, il est évident que le Gouvernement ne pourra pas répondre dans le détail à la question telle qu’elle a été formulée. Il est en revanche possible à la représentation nationale, qui n’est pas partie prenante dans les discussions, de faire le point sur ce dossier et d’en évoquer les perspectives.

Le 4 décembre 2008, vous le savez, le président Jean Arthuis, pour la commission des finances, et le président Josselin de Rohan, pour la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées, désignaient Jean-Pierre Masseret et moi-même pour conduire au nom des deux commissions une étude sur ce programme dont les retards et les incertitudes ne pouvaient que nous inquiéter.

Après deux mois d’un travail passionnant et acharné, rythmé par de très nombreuses auditions, nous avons pu présenter notre rapport le 10 février dernier devant les deux commissions réunies, qui ont décidé à l’unanimité de le rendre public et de nous missionner pour assurer le suivi du programme A400M.

Je tiens à rappeler qu’il s’agissait pour nous non pas de s’ériger en juge du contrat ou de rechercher des coupables, mais d’essayer de comprendre le déroulement des faits et de proposer des solutions. L’A400M – ne l’oublions pas – s’inscrit dans une approche commerciale et est donc un formidable vecteur de richesses tant économiques que technologiques.

Par ailleurs, nous avons recherché des propositions palliatives pour combler le trou capacitaire que vont rencontrer – nombre de nos collègues ont insisté sur ce point – nos forces armées dans ce domaine.

Nous avons bien entendu demandé une renégociation du contrat en cours pour que, au-delà des clauses contractuelles, chacun assume sa part de responsabilité, de façon que « vérité et culture du résultat » soient au cœur du débat entre les États et les industriels.

Enfin – c’était le moins que nous puissions faire –, nous avons formulé un certain nombre de recommandations pour que ce type de difficultés ne se reproduise plus dans les futurs programmes français ou européens.

Mes chers collègues, que savons-nous aujourd’hui avec certitude ?

Le 21 avril dernier, les sept pays qui ont commandé les 180 exemplaires de l’A400M pour un coût de 20 milliards d’euros ont signé, via l’OCCAR, un contrat dit stand still, ajournant pour trois mois l’application du contrat actuel avec Airbus-EADS.

Les parties liées, y compris l’industriel, se sont donc données jusqu’à fin juin pour jeter les bases du nouvel accord sans remettre en cause les clauses du contrat en cours.

Je tiens à témoigner devant vous de l’engagement personnel de M. Hervé Morin, ministre de la défense, dans le suivi de son dossier, y compris pour éviter que les Britanniques ne sortent du programme.

Dans un premier temps de négociation, la méthode utilisée, via l’OCCAR, qui était certes la plus rigoureuse, s’est avérée trop lente : un mois et demi pour obtenir une position commune.

Je me réjouis que le choix d’un représentant d’un État leader ait été retenu comme nous l’avions préconisé, même si je regrette – je le dis clairement – que la proposition de la ministre espagnole de la défense, Mme Carme Chacon, de voir la France prendre le leadership des travaux n’ait pas été acceptée par les Britanniques. C’est donc un Belge qui conduit avec efficacité les négociations.

Parallèlement et sans attendre, EADS a provisionné plus de 2,2 milliards d’euros pour faire face aux risques éventuels liés à ce programme. De plus – j’y insiste –, dès le 16 décembre 2008, M. Louis Gallois a mis un terme à une organisation managériale complexe retenue en 2002, qui se voulait un compromis entre la volonté de permettre au programme A400M de disposer des moyens d’Airbus et celle de reconnaître à l’industrie espagnole une prééminence au sein d’EADS en matière d’aviation militaire, via Airbus Military Corporation.

La décision prise d’intégrer la partie militaire comme division d’Airbus sous le nom d’Airbus Military a donné plus d’efficacité, de réactivité et de cohérence à l’action managériale.

De même, le consortium des motoristes EPI Europrop, regroupant SNECMA du groupe Safran, Rolls-Royce pour le Royaume-Uni, MTU pour l’Allemagne et ITP pour l’Espagne, avait connu, nous le savons tous, des problèmes importants de coordination du fait de l’absence initiale de hiérarchie entre ces quatre sociétés constituantes.

Consciente de ce problème, la direction d’EPI a été recentrée depuis juin 2007 autour de SNECMA et de Rolls-Royce. On ne peut que s’en féliciter.

En ce qui concerne le trou capacitaire pour nos forces armées, sujet qui a été largement évoqué tout à l’heure, un consensus entre les divers intervenants – ministère, CEMA, DGA et armée de l’air – semble, d’après les informations dont nous disposons, se dégager pour apporter une solution dans les deux domaines que couvre l’A400M : d’une part, le transport stratégique longue distance et forte capacité et, d’autre part, le volet tactique avec « poser d’assaut » sur terrain difficile.

Pour la partie stratégique, le contrat SALIS évoqué tout à l’heure, liant quinze pays dont la France, nous permet d’affréter des Antonov 124-100 auxquels nous avons déjà recours et qui peuvent transporter des charges lourdes, y compris des blindés, sur des longues distances. Il faut poursuivre et si nécessaire développer ces affrètements.

L’autre opportunité complémentaire est l’achat ou la location de trois A330-200 MRTT – avion multi-rôle de ravitaillement en vol et de transport –, sachant que la France a prévu d’acquérir ce type d’appareil à partir de 2015 pour remplacer les avions « citerne », les KC-135. La version modifiée transport de l’A330-200 est donc une réponse intelligente et rapide à nos besoins, puisque trois appareils sont quasiment disponibles.

En revanche, l’achat de Boeing C-17 très chers – 240 millions d’euros – et à la maintenance complexe semble écarté, ce dont je me réjouis.

Pour le volet de transport tactique, les perspectives sont plus délicates, d’autant qu’il est essentiel de maintenir la compétence opérationnelle de nos équipages capables de poser leur Transall ou leur Hercule de nuit à peu près n’importe où.

Une solution semble s’imposer. Il s’agit de prolonger le cycle de vie d’une dizaine de Transall C-160 pour un coût qui ne devrait pas excéder 100 millions d’euros. Ce choix s’accompagnera nécessairement d’un allégement des vols des C-160 et des C-130 en faisant l’acquisition d’une dizaine de Casa 235, appareils déjà en service dans nos forces et particulièrement efficaces pour le brouettage ou le largage des parachutistes.

Ces acquisitions supplémentaires seront de toute façon nécessaires avec l’arrivée de l’A400M, qui n’est pas destiné à ce type de mission.

La piste de l’achat de la nouvelle version du Lockheed C-130J présente à mes yeux trois inconvénients. Ces appareils ne seront disponibles que dans trois ou quatre ans, c'est-à-dire au moment de l’arrivée de l’A400M. Ils nécessiteraient une nouvelle formation des pilotes, compte tenu de la configuration différente des C-130 que nous utilisons actuellement. Enfin, la multiplication des types d’appareils en service ne faciliterait pas une maintenance performante et économique. J’espère que nous n’irons pas dans ce sens.

Où en est l’avion lui-même ? C’est le nœud du problème.

Le banc d’essai volant, c'est-à-dire un C-130 avec trois moteurs de C-130 et un moteur d’A400M, a déjà effectué, depuis la fin du mois de décembre 2008, trente-cinq heures de vol sur les cinquante prévues. Le moteur turbopropulseur de 11 000 chevaux, le plus puissant jamais construit en occident, ne rencontre pas de problème majeur, pas plus d’ailleurs qu’au banc d’essai au sol où le moteur a déjà effectué plusieurs milliers d’heures de bon fonctionnement.

Par ailleurs, le FADEC, ce système numérique de régulation des moteurs et des hélices, fourni par EPI comme les moteurs, qui avait connu des difficultés et des retards de mise au point, fonctionne maintenant de façon satisfaisante et devrait recevoir sa certification civile avant septembre prochain.

Tous ces éléments font que la date du premier vol de l’A400M avec ses quatre moteurs devrait être confirmée pour décembre 2009 ou le tout début de 2010. C’est donc une date sur laquelle les constructeurs devront s’engager.

Le moratoire va-t-il aboutir ?

J’ai insisté tout à l’heure sur la volonté partagée des responsables politiques des divers États partenaires d’aboutir à un accord, et les députés de la Grande Assemblée nationale de Turquie, que notre commission a reçus voilà quelques jours, nous ont confirmé leur soutien total à ce programme.

Tout porte à croire – j’entre dans une partie conditionnelle, car ces discussions sont confidentielles – que les négociations sont conduites dans deux domaines complémentaires.

Le premier concerne le calendrier des livraisons, vraisemblablement à partir du début de l’année 2013, avec au moins – c’est une différence par rapport au contrat – deux standards d’appareils, l’un dit « basique », immédiatement disponible en 2013, et le suivant dit « complet », qui viendrait plus tard, et certainement une réduction ou la suppression de certaines spécifications difficiles à réaliser technologiquement aujourd’hui. Je pense notamment au TRN, système calculant la position géographique de l’avion en comparant sa hauteur réelle par rapport au sol à une fiche numérique de terrain sans recourir au GPS, et surtout au TMLLF, ou Terrain Masquing Low Level Flight, demandé par les seuls Allemands.

Le second volet, certainement plus délicat, concerne les décisions de report des pénalités qui peuvent s’imposer à l’industriel, la révision du prix à l’unité, l’abandon du PIB comme critère d’indexation – compte tenu de la crise économique, le PIB baisse et, à l’évidence, le coût annuel progresse pour l’appareil –, mais aussi la réduction du nombre d’appareils commandés par les États.

Il faut – je le dis clairement, monsieur le secrétaire d’État – que des solutions intelligentes soient trouvées, quitte si nécessaire à repousser le moratoire jusqu’à fin août et au-delà.

J’ai souligné la volonté forte de la France de faire aboutir ce programme, et, puisque notre collègue Jean-Jacques Mirassou nous en donne ici l’occasion, je voudrais, au nom du groupe UMP du Sénat, apporter un soutien sans faille à l’Airbus A400M et à l’action du Gouvernement.

L’abandon de ce programme, emblème de l’Europe de la défense mais aussi fer de lance du savoir-faire de ses industriels, aurait des conséquences catastrophiques pour l’Europe, nos forces armées mais aussi pour l’avionneur, l’ensemble des sociétés sous-traitantes et les 33 000 emplois qui y sont liés.

M. Yvon Collin. Absolument !

M. Jacques Gautier. Cela signifierait que la France et l’Europe renonceraient pour plusieurs décennies à maîtriser la recherche et la technologie dans ce domaine et s’obligeraient à acheter du matériel américain.

Je souhaite donc que, au-delà du groupe UMP, nous soyons des sénateurs pionniers d’une véritable politique industrielle de défense européenne et soutenions ensemble le programme A400M. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, débattre de l’avenir de l’A400M, c’est évoquer des enjeux colossaux : sept nations, 180 appareils, 145 millions d’euros par avion livré, ce n’est pas rien !

Il est inutile de rappeler que l’A400M est un projet ambitieux qui, dès 1992, symbolisait l’accord des États européens pour s’équiper ensemble afin de répondre à un besoin militaire opérationnel.

Si on peut l’accuser de pêcher par excès, l’A400M, appareil de transport militaire, est avant tout l’avion des défis : défi technique, défi industriel, mais aussi défi européen.

Nous devons relever ces défis, et les relever tous ! Les sénateurs du RDSE, à commencer par mon collègue Jean-Pierre Plancade, qui connaît bien le dossier de l’A400M et qui a attiré l’attention du Gouvernement à de nombreuses reprises sur ce sujet, apporteront leur soutien à ce beau projet, complexe mais essentiel, afin qu’il aboutisse sans tarder.

Monsieur le secrétaire d’État, l’heure n’est plus aux tergiversations.

Bénéficiant des synergies de la gamme Airbus et de composites plus légers, l’A400M est un avion innovant. Il dispose des modes d’actions militaires lui permettant d’évoluer dans un milieu hostile et il est également équipé des turbopropulseurs les plus puissants du monde occidental, développés spécifiquement pour cet appareil. Il se distingue de ses concurrents américains par son autonomie en vol et sa capacité d’emport deux fois plus importante.

Le programme A400M est indéniablement un grand défi industriel. La clause d’allocation du travail, notamment, donne l’occasion aux industries de pointe européennes de participer, chacune dans sa spécificité, à la concrétisation d’un projet européen. Des compétences sont ainsi mises en exergue sans alourdir la distribution des tâches par le « juste retour ».

Quand à l’intérêt stratégique, il est évident : il permettrait à notre pays d’équiper nos armées avec un appareil issu de l’industrie européenne, et donc de ne pas être dépendant de l’industrie américaine.

Toutefois, le pari gagnant-gagnant fait à l’époque se révèle désormais comme un challenge audacieux, dont certaines dimensions ont pu être sous-estimées.

Enfin, la commande initiale a probablement été surévaluée. Le délai de livraison, soumis aux exigences de l’armée britannique, a été réduit à l’excès – six ans au lieu des dix ans au minimum –, ce qui concourt à évoquer de plus en plus la question de l’abandon.

Au-delà du sort même d’EADS, qui devrait rembourser presque 6 milliards d’euros au titre des avances gouvernementales, le renoncement au programme me semble tout simplement inconcevable !

Quel visage donner au reste du monde, monsieur le secrétaire d'État ? Celui d’une Europe qui aurait plus d’appétit que de compétences ? Quelle serait alors votre stratégie ? Nous attendons des réponses précises sur ce point.

Ne cédons pas au pessimisme ! L’A400M est un bon programme et son aboutissement doit être une priorité. Néanmoins, le temps nous est compté. Les Britanniques ont accepté de revenir à la table des négociations, ce qui est une bonne chose. Leur capacité stratégique n’étant pas inquiétée, on peut craindre que leur petite commande – vingt-cinq engins – ne les conduise probablement à abandonner le projet.

Les États peuvent contractuellement abandonner le programme depuis avril 2009, puisque le premier vol accuse un retard de quatorze mois.

Monsieur le secrétaire d'État, nous bénéficions d’un moratoire de trois mois, mais le couperet tombera au 1er juillet prochain, ce qui est, vous en conviendrez, proche. Qu’en est-il des tractations menées lors des mois écoulés ? N’y a-t-il pas urgence à réunir les exécutifs responsables du programme ?

L’aboutissement du programme est – il faut le rappeler – de la responsabilité du Gouvernement. Le ministre de la défense a déclaré : « Il faut trouver des solutions palliatives. » L’une d’entre elles est l’achat de C-130J. Que les choses soient claires : nous ne pouvons nous résoudre à accepter une telle éventualité, et ce sentiment me paraît partagé par tous ici !

Le programme est fixé et les exigences technologiques sont déterminées. On ne peut revenir au débat initial tranché en 1998, notamment à la suite du rapport Lelong.

Disons-le clairement, l’alternative américaine n’est pas plus qu’hier envisageable. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous apporter des garanties à ce propos ? Des avions trop chers, trop lourds, achetés sous prétexte qu’ils pourraient être livrables – je dis bien « livrables », car, finalement, rien n’est moins sûr ! – avant l’A400M. En cette période de crise, il n’est pas acceptable d’annoncer un investissement dans l’industrie aéronautique américaine, laissant de côté plus de 7 500 emplois européens, 33 000 emplois avec les sous-traitants. J’en mesure d’autant plus les conséquences que, comme notre collègue Jean-Jacques Mirassou, je suis un élu du territoire directement concerné par cette industrie.

La réaction aurait pu être anticipée : il aurait fallu réengager les négociations dès les premiers retards, reprendre un peu du hands off et imposer un leadership, dégager un chef de file, un responsable du programme. Avec un retard annoncé de quatre ans, le calendrier est maintenant connu. Il reste à agir, à engager la renégociation, à améliorer la coordination, et à formaliser. Il n’est pas trop tard.

Les atermoiements liés à l’obtention de la certification civile doivent être, eux aussi, rapidement tranchés. Cette question vous oppose à EADS, monsieur le secrétaire d'État. Les avions concurrents ne disposent que du complément de certification civile. Si la qualification militaire est suffisante, ne nous bornons pas, et soyons pragmatiques !

Le programme doit être maintenu dans les grandes lignes, et les difficultés techniques surmontées grâce à un investissement collectif.

L’entreprise qui contribue à être notre vitrine européenne ne doit pas être pénalisée, mais EADS doit être mise devant ses responsabilités. Les défauts d’organisation et de coordination internes lui incombant ne doivent pas être renouvelés.

Il est plus que nécessaire de formaliser l’engagement sur les délais. II nous faut mandater l’OCCAR pour renégocier le contrat sur des aspects techniques en échange d’un calendrier précis. Le moteur et son système informatique, le FADEC, jouent les prolongations, mais gardons-nous de signer un contrat indépendant avec le motoriste, ce qui reviendrait à déplacer le risque pour les États, sans augmenter le niveau de pression.

Le projet doit être enfin piloté. Il n’est pas trop tard pour désigner un État leader, ce qui permettrait de régler au fur et à mesure les détails techniques et de mener à bien ce programme dans le respect du cahier des charges.

Le défi demeure européen. Le Livre blanc sur la défense préconise la dynamisation de l’industrie de défense européenne. Lors de son discours sur la défense et la sécurité nationale, le 17 juin 2008, le Président de la République ne déclarait-il pas ceci : « Les défis actuels appellent des réponses collectives et coordonnées » ? C’est tout ce à quoi répond l’A400M !

La volonté politique doit permettre de relancer le projet et de le mener à bien. Il est temps que l’Europe et la France s’en donnent les moyens, et pas seulement budgétaires. Monsieur le secrétaire d'État, nous attendons beaucoup des réponses que vous nous apporterez. L’A400M a trop longtemps été synonyme d’un formidable espoir déçu. Voilà un dossier qui exige, si j’ose dire, la rupture.

Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe du RDSE souhaite et soutient l’aboutissement et la concrétisation la plus rapide possible de l’A400M ; j’ai cru comprendre que tous ici partagent ce souhait. (Applaudissements.)

M. le président. L’avis est en effet unanime !

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle excellente idée d’avoir organisé ce débat ! Celui-ci arrive à point nommé, au moment même où les négociations sont en cours et qu’un certain nombre de discussions sont en train de se nouer. Il est important que la représentation nationale, tout particulièrement le Sénat, qui a réalisé un travail important sur la question, puisse conforter et soutenir en quelque sorte la démarche forcément difficile – mais nous sommes optimistes ! – dans laquelle nous sommes engagés.

Je tiens ici à souligner la qualité du rapport d’information de Jean-Pierre Masseret et Jacques Gautier, qui a contribué à clarifier les enjeux. Il donne une bonne base de discussion, qui nous permettra d’avancer dans les meilleures conditions possible.

Ce rapport d’information dresse un tableau particulièrement complet et bien documenté du programme A400M. Il montre que ce programme, dès la signature du contrat, a été assez complexe, comportant un certain nombre de risques et de défis, du fait notamment de la réduction des commandes des États entre la phase de définition de besoins et le lancement effectif.

La cible, rappelons-le, est passée de 291 unités à 180 unités, ce qui a contribué dès le départ à faire s’envoler les prix unitaires.

Depuis la fin de 2007, ainsi que vous l’avez indiqué, le programme traverse une phase de turbulences, parfois fortes, mais d’aucuns parmi vous, spécialistes de cette question, se souviennent sans doute qu’il en a été de même, en son temps, pour l’hélicoptère NH90, qui a failli passer à la trappe.

Le programme a dû sa survie aux clauses contractuelles particulièrement pénalisantes pour les États parties prenantes en cas de retrait. En dépit des difficultés techniques afférentes à la multiplicité des versions commandées par les huit nouveaux États clients à l’époque, qui ont rejoint les quatre États d’origine, sa poursuite se révèle aujourd'hui un succès commercial et politique.

Le besoin en hélicoptères de transport se confirme au fil des opérations extérieures, tout comme le besoin d’avions de transport.

Il ne faudrait donc pas, dans le cas de l’A400M, prendre prétexte des clauses contractuelles défavorables à l’industriel pour commettre l’irréparable et dénoncer le contrat à ses torts, enterrant ainsi le programme le plus emblématique de l’Europe de la défense.

Je vous rejoins tous, le besoin de trouver un successeur au Lockheed C-130 est avéré. En dépit des nombreux liftings subis par cet excellent avion depuis son premier vol au début des années cinquante, la conception de ce dernier est aujourd’hui dépassée.

Il nous faut donc trouver une solution « gagnant-gagnant », et nous sommes tous convaincus ici, me semble-t-il, de la nécessité de soutenir les efforts déployés par la France pour rechercher les meilleurs compromis possible avec nos partenaires et avec l’industriel. Il y va de la crédibilité de l’Europe de la défense, qui monte en puissance, de mener à bien le plus important programme jamais passé en Europe en matière d’armement.

Dans le cadre de la négociation actuelle avec nos partenaires étatiques pour trouver les compromis permettant la poursuite du programme, il nous faut toutefois être conscients des défis sérieux à relever.

En effet, notre besoin de reconstituer notre capacité de transport est urgent, et les solutions sur étagère sont peu attractives. Toutefois, vous comprendrez aisément qu’il n’est pas question pour moi de préjuger ces discussions, alors que M. Hervé Morin est en ce moment même en pleine discussion à Bruxelles avec ses homologues concernés par l’avenir de l’A400M.

À ce propos, je ferai un point de situation sur certains aspects de la négociation en cours.

Hervé Morin a récemment répété à M. Louis Gallois son attachement, ainsi que celui du Gouvernement, à l’aboutissement de ce programme. Il en est, vous le savez, un ardent défenseur. Je m’en suis également entretenu hier encore avec M. le Premier ministre, qui connaît bien les questions de défense et est également sur la même ligne politique.

Mais il faut que les conditions du dialogue ne rendent pas impossible la mise en œuvre de cette volonté. Aujourd'hui, la discussion se passe à la fois avec l’industriel EADS et surtout, je le répète, avec nos partenaires européens.

Certes, il est difficile de discuter à sept avec des pays qui n’ont pas forcément la même volonté de poursuivre ce programme et n’ont pas non plus les mêmes problématiques budgétaires que les nôtres. Tel est d’ailleurs l’objet des discussions qui ont lieu actuellement à Bruxelles entre M. Hervé Morin et ses homologues.

Fin juin, à Séville, nous aborderons une nouvelle phase qui nous permettra, dans l’hypothèse où les choses vont dans le bon sens – nous y travaillons et nous y croyons ! –, de renégocier les termes précis du contrat autour de quatre problématiques : la prise en charge du risque industriel, la réactualisation du coût du programme, les clauses de révision de prix et les pénalités.

Si tout le monde y met de la bonne volonté, nous devrions y arriver. En tout cas, nous faisons tout pour qu’il en soit ainsi, car la question de la pertinence de ce programme ne se pose pas.

Vous l’avez tous souligné, l’A400M est moins cher que le C130J américain, avec des capacités d’emport nettement supérieures et de réelles chances à l’exportation. Concernant les essais, nous avons de bons échos de la Délégation générale pour l’armement. La question est maintenant de savoir si les Européens ont assez de volonté, et EADS assez de souplesse, pour que nous puissions trouver un terme permettant à l’industrie de poursuivre le programme et aux budgets nationaux de ne pas être affectés de manière excessive.

Par ailleurs, avec l’industriel, « l’accord de trêve » signé en avril dernier suspend l’application, et donc la possible dénonciation du contrat aux torts d’AMSL. Les dernières nouvelles données par Louis Gallois sont plutôt satisfaisantes, puisque celui-ci escompte un premier vol de l’A400M avec ses turbo-pulseurs de 11 000 chevaux en décembre 2009 ou au tout début de l’année 2010, ce qui permettrait d’assurer les premières livraisons en 2013. L’horizon est donc proche.

Il nous reste maintenant à régler, comme vous l’avez tous indiqué, la période intermédiaire entre maintenant et l’arrivée des A400M dans nos forces. Il suffit de considérer les projections de nos forces pour constater que cette question se pose très concrètement, en dépit des trésors d’ingéniosité déployés par nos techniciens pour pérenniser les matériels existants.

Pour le transport stratégique, le contrat d’affrètement SALIS nous permet, comme aux autres États parties de continuer, voire d’intensifier, le recours à des Antonov 124.

L’étude d’une commande anticipée de trois Airbus A330-200 MRTT se poursuit, et cette piste nous semble très pertinente, voire la plus intéressante.

Pour le transport tactique, a été prise la décision de principe de rénover dix C-160 Transall et de les prolonger en service au-delà de 2015, ce qui répond à la question soulevée tout à l'heure par M. Claude Biwer.

Nous avons mis également à l’étude l’acquisition ou le leasing de quelques avions Casa en complément de ceux dont nous disposons déjà et qui nous donnent satisfaction.

Le facteur commun guidant la réflexion actuelle est d’éviter la multiplication des types d’avions de transport en service dans l’armée de l’air, et ce pour une double raison, à savoir la formation des équipages et la bonne gestion de la maintenance d’un parc le plus homogène possible.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’en viens maintenant à quelques remarques très rapides en complément des réponses à vos interventions.

Monsieur Jacques Gautier, je vous remercie d’avoir reconnu fort justement la volonté de M. Hervé Morin de maintenir les Britanniques dans le programme, ainsi que le rôle de M. Louis Gallois pour intégrer le programme de l’Airbus A400M dans la maison mère Airbus Industrie.

S’agissant des autres points que vous avez abordés, j’y ai répondu par avance dans la première partie de mon intervention.

Monsieur Jean-Jacques Mirassou, au début de votre propos, vous avez regretté la fermeture de la base aérienne de Francazal. Elle fait partie du plan de resserrement du dispositif des armées sur le territoire national. Toutefois, les unités de l’armée de terre seront maintenues et, en 2011, sera créé à Toulouse un régiment du Commissariat.

Monsieur le sénateur, je partage votre point de vue sur l’importance du programme de l’Airbus A400M, sur les plans tant stratégique, tactique qu’industriel. Il n’est nullement dans l’intention du Gouvernement, du ministère de la défense en particulier, d’abandonner ce programme emblématique pour l’Europe ; je crois l’avoir laissé entendre dans mon propos.

Monsieur le sénateur, vous avez également, comme d’autres, évoqué l’achat de Boeing C17 pour palier le manque de moyens de transport stratégique. Je peux vous assurer qu’un tel achat est exclu.

Certes, j’y ai fait allusion tout à l’heure, il faudra assurer la jointure entre la fin du Transall et l’arrivée de l’A400M. L’une des pistes explorées pourrait être, dans le cadre de l’OTAN, la Capacité de transport aérien stratégique, ou SAC, c’est-à-dire la location d’heures de vol sur l’avion de transport stratégique C17.

Monsieur Biwer, selon vous, le retard de l’A400M pourrait remettre en cause la capacité de projection de nos forces armées. Il est vrai que nous rencontrons des difficultés tous les jours. Nous sommes néanmoins déterminés à poursuivre le programme de l’Airbus A400M et à trouver, au fil des années et cela jusqu’à la livraison, les moyens de répondre de la meilleure manière à ces difficultés.

Vous avez vous-même insisté, comme plusieurs de vos collègues, sur l’intérêt de poursuivre un tel programme pour les nombreuses entreprises qui y participeront et donc pour tous les emplois en jeu. Au-delà de la dimension stratégique, qui est la plus importante, et de notre capacité de projection, cet aspect économique relatif aux entreprises et aux emplois est également déterminant pour nous.

Après chaque programme aéronautique réussi, qu’il soit militaire ou civil, et lancé pour une période très longue, les retombées que nous connaissons font assez vite oublier les efforts accomplis, les difficultés rencontrées, le volontarisme nécessaire pour soutenir à bout de bras la démarche, les phases laborieuses traversées, comme celles qui ont précédé la création de l’hélicoptère NH-90.

Abandonner le programme serait la pire des choses et aurait un coût certainement supérieur au surcoût dû au retard causé par les obstacles que nous avons à surmonter. En toile de fond de ce programme, nous devons garder à l’esprit cet élément à la fois philosophique et politique !

Madame Michelle Demessine, selon vous, le programme de l’Airbus A400M est un fiasco. Vous auriez pu mettre en avant la grande ambition qu’ont les Européens de développer un avion n’ayant rien à voir avec les avions de transport militaire actuels ! Cela dit, au fil de votre intervention, j’ai compris que vous étiez quand même attachée à ce que nous surmontions les difficultés actuelles, afin que ce programme ne soit pas un fiasco. (Mme Michelle Demessine acquiesce.)

Monsieur Jacques Gautier, comme vous l’avez dit à la fin de votre propos, sur un sujet aussi important pour notre pays et pour l’Europe, il faut des éléments de consensus. Je pense vraiment que nous parviendrons, avec nos partenaires, à nous donner les moyens de surmonter les difficultés.

Madame Michelle Demessine, le fait que le président Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel aient décidé aujourd’hui même de proroger le délai de six mois est plutôt une bonne nouvelle quand on connaît la détermination de l’un et de l’autre sur ce dossier. Cela permettra la réussite du programme.

Votre sévérité à l’égard de l’Organisation commune de coopération en matière d’armement, l’OCCAR, est injuste. C’est le premier programme conduit par cette agence internationale voulue par les Européens. J’en suis un fervent partisan, car il est très important pour la défense européenne, notamment en matière d’armement, en raison de divers enjeux : mutualisation des moyens, innovation, économie, emplois... Avec le contrat OCCAR, les États sont en posture de négocier sérieusement.

Monsieur Yvon Collin, je vous ai répondu par avance en m’adressant à Mme Michelle Demessine. Cela dit, je vous confirme que le moratoire de trois mois signé pour l’A400M doit être prolongé. Il est bien que M. Sarkozy et Mme Merkel se soient accordés pour proroger le programme de six mois. Cette nouvelle qui vient de tomber ne peut que confirmer les volontés française et allemande de réussir ce programme de l’Airbus A400M. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. –M. Alain Fauconnier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie pour vos explications. Le débat, tel qu’il s’est déroulé, aura donné à l’ensemble des sénateurs qui sont ici présents et qui représentent les divers groupes du Sénat l’opportunité d’apporter un soutien déterminé à la réussite du programme de l’Airbus A400M.

J’ai eu l’occasion de dire qu’il convenait maintenant de sortir de la situation par le haut. Mon cher collègue Jacques Gautier, il n’y avait aucune arrière-pensée dans mon propos ! Si j’ai en effet la faiblesse de dire ce que je pense, figurez-vous que je prends au préalable la précaution de penser à ce que je vais dire ! (Sourires.) J’ai donc livré mes idées sans aucune arrière-pensée.

À l’issue du débat, et si j’en juge par les contacts que nous avons eus les uns et les autres, on a bien compris que le problème le plus aigu, inhérent aux difficultés techniques rencontrées pour la réalisation de cet avion, paraissait résolu. Nous pouvons donc affirmer avec certitude la date du premier vol, la commercialisation de l’avion étant prévue à l’horizon fin 2014, début 2015.

Cela signifie clairement que le problème devient dorénavant plus politique que technique. Encore une fois, je dis cela non pas dans un esprit polémique, mais dans le sens le plus noble du terme « politique ».

Les hasards du calendrier font qu’au moment où nous débattons de cette question orale tombe une dépêche de l’AFP annonçant l’accord trouvé entre le président Nicolas Sarkozy et la chancelière Angela Merkel quant à une prolongation de six mois du moratoire.

Vous en conviendrez avec moi, l’invocation d’une démarche fédérative à l’échelon européen impliquant l’ensemble des pays concernés va sans doute être altérée par le fait que cette décision n’a été prise que par deux personnes. Ni l’une ni l’autre n’ont hésité, à quelques jours des élections européennes – c’est un nouveau hasard du calendrier –, à cosigner une lettre dont l’impact politique a dû être performant et qui, en tout état de cause, place maintenant le tandem Sarkozy–Merkel devant ses responsabilités !

On ne peut pas, comme cela a été fait ces derniers jours, d’une part, affirmer la performance qui a été celle de la France lorsqu’elle a présidé l’Union européenne et, d’autre part, faire peu de cas de nos autres partenaires européens en imposant à deux une décision destinée à surmonter les problèmes politiques et financiers, cela par le biais d’une relation épistolaire confirmée par la dépêche de presse que j’ai sous les yeux et qui fait état d’un message cosigné par Mme Merkel ! En effet, je ne suis pas sûr qu’une telle annonce soit très pertinente à l’égard des autres pays européens, ni qu’elle soit de nature à rassurer nos partenaires !

Par conséquent, les sénateurs du groupe socialiste et apparentés, tout en affirmant, leur volonté de voir aboutir ce programme, attendent avec beaucoup d’impatience de voir le rôle que joueront le Président de la République, le Gouvernement, particulièrement le ministre de la défense, pour parvenir à lever les obstacles et à surmonter la fatalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –M. Claude Biwer applaudit également.)

M. le président. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

10

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 16 juin 2009, à quinze heures et le soir :

- Projet de loi portant réforme du crédit à la consommation (n° 364, 2008-2009).

Proposition de loi présentée par M. Michel Mercier et les membres du groupe de l’Union centriste, tendant à prévenir le surendettement (n° 325, 2008-2009)

Proposition de loi présentée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à encadrer le crédit à la consommation et à instaurer un crédit social en faveur des ménages modestes (n° 255, 2008-2009).

Proposition de loi présentée par M. Charles Revet et plusieurs de ses collègues renforçant l’encadrement des contrats de crédit afin de prévenir le surendettement (n° 173, 2008-2009).

Proposition de loi présentée par M. Claude Biwer et les membres du groupe de l’Union centriste, tendant à prévenir le surendettement (n° 114, 2008-2009).

Proposition de loi présentée par M. Philippe Marini et plusieurs de ses collègues visant à responsabiliser les acteurs du crédit à la consommation et à lutter contre le surendettement (n° 94, 2008-2009).

Rapport de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission spéciale (n° 447, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 448, 2008-2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures quarante.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD