M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui, très vif !

Mme Christine Lagarde, ministre. … à porter le débat devant la Commission européenne pour en convaincre l’ensemble de nos partenaires.

C’est un débat que nous avons mené sur le Small Business Act. Je me suis engagée personnellement dans ce combat dès 2005, lorsque j’exerçais les fonctions de ministre déléguée au commerce extérieur. Il nous a fallu attendre deux ans pour parvenir à convaincre l’ensemble des États membres et la Commission européenne, notamment le commissaire chargé des petites et moyennes entreprises, de l’intérêt qu’il y avait à réserver un champ particulier des marchés publics aux petites et moyennes entreprises et à leur appliquer un certain nombre de principes dérogatoires.

Je suis certaine qu’avec de la persévérance et un peu de temps – un peu moins, je l’espère, que pour le Small Business Act –, nous réussirons à convaincre nos partenaires de la nécessité de faire grandir les petites et moyennes entreprises et d’encourager les entreprises de taille intermédiaire non seulement à développer leurs activités, mais également à s’engager à l’exportation, afin de construire les champions de demain.

Il ne s’agit pas nécessairement de remplacer les sociétés du CAC 40. D’ailleurs, vous l’avez reconnu vous-même, ces dernières n’évoluent pas beaucoup ; il y a peut-être des raisons de s’en réjouir. Quoi qu’il en soit, les entreprises de taille intermédiaire doivent venir leur faire concurrence ou, du moins, se développer, afin de pouvoir jouer un rôle sur le plan non seulement national, mais également européen, et d’être suffisamment fortes pour faire face à la concurrence internationale.

Dans cette perspective, j’espère que le statut des entreprises à taille intermédiaire, si chères à M. Yvon Gattaz, statut que vous avez consacré dans la loi de modernisation de l’économie, pourra être étendu au niveau européen, afin de permettre la mise en place de mesures de type « ISF-PME ». On pourrait alors parler de dispositif « ISF-PME-ETI », voire tout simplement « ISF-PME », car, par déduction, les PME seraient a priori concernées.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments dont je souhaitais vous faire part à ce stade du débat.

Les mesures qui figurent dans cette proposition de loi me paraissent tout à fait pertinentes et devraient permettre d’améliorer le dispositif actuel en le rendant plus efficace et, surtout, plus rapide. Je crois que les petites et moyennes entreprises jouent aujourd'hui un rôle déterminant dans l’évolution économique de notre pays. La crise n’a pas disparu de notre horizon, ni du leur. Cela rend d’autant plus important le renforcement en fonds propres dont elles ont besoin. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les mesures prévues dans la présente proposition de loi s’inscrivent dans un contexte particulier, à l’instar des dispositions dont M. le président de la commission des finances souhaite aujourd'hui un réajustement et qui ont été adoptées avant la crise.

À l’époque soufflait le grand vent des allégements fiscaux, qui devaient, nous affirmait-on, apporter à notre pays compétitivité et croissance. Tout cela, sur fond de dérégulation financière et de présomption d’illégitimité de l’ISF et de l’impôt direct en général. D’ailleurs, et c’est tout le paradoxe de la situation, cette illégitimité pouvait même être ressentie par certains de nos concitoyens qui ne payaient pas d’impôts et qui ne pouvaient donc pas bénéficier des baisses d’impôts décidées dans le cadre de la loi TEPA.

Ces réductions d’impôts devaient, paraît-il, créer un « cercle vertueux » permettant de dégager des ressources pour l’investissement, qui est un facteur de croissance et de créations d’emplois. Tel n’a pas été le cas ! La dérégulation financière a entraîné la grave crise que nous connaissons.

Un impôt est légitime lorsque deux conditions sont réunies : il faut, d’une part, qu’il permette à l’État de percevoir des recettes fiscales suffisantes pour couvrir les dépenses publiques et, d’autre part, qu’il demeure compatible avec les capacités contributives des citoyens. Ces deux conditions n’étaient pas remplies en 2007, et elles ne le sont toujours pas aujourd'hui. Pourtant, le vent tourne : nous avons besoin de recettes fiscales et de plus d’équité dans leur prélèvement. Dans ce nouveau contexte, il n’est plus possible de continuer d’accorder des remboursements ou des exonérations portant sur des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros.

Les valeurs dominantes depuis les années quatre-vingt sont aujourd'hui remises en cause. Une nouvelle donne fiscale est nécessaire. Il faut que nous ayons ce débat au fond. Je souhaite que l’examen du projet de loi de finances pour 2010 nous en donne enfin la possibilité.

Dès lors, monsieur Arthuis, votre proposition de loi apparaît décalée par rapport aux enjeux. Sous le couvert de réparer quelques abus nés de la loi TEPA, elle cherche à rendre légitimes des dispositions qui ne l’étaient pas hier et qui le sont encore moins aujourd'hui.

À cet égard, permettez-moi de me lancer rapidement dans une défense et une illustration de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Il faut toujours replacer un impôt dans la perspective plus générale de l’évolution de la fiscalité. Or force est de constater que l’impôt de solidarité sur la fortune est le dernier rempart contre une fiscalité entièrement tournée vers le privilège de la rente. Car avec une fiscalité qui privilégie la rente, nous sommes loin du « travailler plus pour gagner plus » !

En examinant les mesures adoptées depuis une petite dizaine d’années, tout particulièrement depuis 2002, on observe que les allégements successifs de la fiscalité sur le patrimoine ont été à l’encontre de l’objectif d’une gestion dynamique.

La liste des dispositions votées depuis 2003 est longue ; j’en rappellerai seulement les principales : instauration d’un taux d’imposition proportionnel, et non plus progressif, pour les plus-values immobilières, abattements multiples sur les droits de succession et les donations, exonération, dans la loi de finances rectificative pour 2006, des plus-values immobilières au-delà de huit ans de détention du bien et, bien entendu, mesures d’exonération de l’ISF. Parmi ces dernières, citons le dispositif relatif aux titres détenus par les salariés et les mandataires sociaux en 2005, le relèvement à 30 % de l’abattement de l’ISF sur la résidence principale, et la loi TEPA dont nous débattons ce soir au travers du mécanisme de report de l’ISF vers le présumé financement des petites et moyennes entreprises ; cette mesure a été étendue aux fondations dans la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008.

On présente ce malheureux impôt de solidarité sur la fortune comme une singularité française, une sorte d’« archaïsme ». Pourtant, le récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur le patrimoine des ménages dresse la liste des pays où ce type de prélèvement subsiste. Si l’équivalent de l’ISF a été supprimé au niveau national, il existe toujours à l’échelon local dans plusieurs pays. En Italie, il est devenu un impôt local ; en Suisse, il est prélevé au niveau des cantons ; aux États-Unis, il est perçu par les municipalités et les comtés, qui en tirent l’essentiel de leurs ressources.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sur le foncier bâti !

Mme Nicole Bricq. Certains pays n’hésitent pas à taxer spécifiquement la part immobilière du patrimoine. C’est le cas, par exemple, de la Grande-Bretagne, avec la Council tax, et du Canada, avec la Property tax.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce sont des impôts locaux !

Mme Nicole Bricq. Certes, mais ils sont présentés comme un impôt sur la fortune !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sur le patrimoine !

Mme Nicole Bricq. Quant au Danemark, la suppression de cet impôt s’est accompagnée parallèlement d’un relèvement très significatif de l’imposition sur les plus-values mobilières.

Nous reviendrons sur ce sujet cet automne, lorsque la majorité nous reparlera de sa fumeuse trilogie « bouclier fiscal, ISF, impôt sur le revenu ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame Bricq, me permettez-vous de vous interrompre ?

Mme Nicole Bricq. Je vous en prie !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l’autorisation de l’orateur.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous ne sommes pas très éloignés de votre analyse, ma chère collègue. Nous avons demandé à Mme la ministre d’établir des simulations pour fonder le « triptyque » que nous proposons. Mais le barème de l’impôt sur le revenu ne pourra pas être relevé au-delà d’un certain pourcentage. Si, comme nous le souhaitons, l’ISF est abrogé, le système d’imposition des plus-values devra être revisité. Cela fera partie de notre proposition.

M. le président. Veuillez poursuivre, madame Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président de la commission, nous n’allons pas instaurer un dialogue entre nous sur ce point, car tel n’est pas l’objet du débat d’aujourd’hui. Je vous ferai cependant remarquer que, de loi de finances en loi de finances, nous nous rapprochons d’année en année d’une imposition « flat » et nous arrivons maintenant, au bout de l’exercice, à un prélèvement libératoire pour tous à un niveau relativement faible.

Ce soir, nous concentrons le débat sur le dispositif instauré par la loi TEPA visant à dériver une partie du produit de l’ISF vers le financement des PME. La proposition de loi traduit un malaise quant à l’utilisation – la non-utilisation, devrais-je dire – des fonds destinés aux PME. Ce texte porte sur la moitié des sommes collectées au titre de la loi TEPA, soit environ 600 millions d’euros. Or, je le rappelle, la totalité des encours de crédits aux PME s’élevait, à fin avril 2009, à 234 milliards d’euros, selon les chiffres qui nous ont été communiqués, voilà une quinzaine de jours, lors de l’examen de la proposition de loi de Mme Chantal Brunel, tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises. Le dispositif prévu doit donc être relativisé !

Actuellement, le quota minimal d’investissement pour les FIP, les FCPI et les FCPR doit être atteint, pour la première fois, au plus tard lors de l’inventaire de clôture de l’exercice qui suit celui de la constitution du fonds. Le premier exercice pouvant durer dix-huit mois, trente mois peuvent s’écouler avant que les fonds collectés par les professionnels trouvent à s’investir.

La réduction du délai d’investissement – à six mois selon la proposition de loi et, finalement, à douze mois après l’examen du texte en commission – est une initiative peut être louable, mais quel que soit le délai retenu, j’y insiste, l’administration fiscale n’est pas en mesure de contrôler le dispositif. En effet, je crois savoir que la gestion de l’ISF s’apparente à celle de l’impôt sur le revenu voilà quarante ans : on utilise encore des tableaux Excel !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excel n’existait pas il y a quarante ans !

Mme Nicole Bricq. Dès lors, je ne vois pas quelle vérification l’administration fiscale peut opérer en la matière, quelle que soit la durée d’investissement envisagée !

Il faut également apprécier la pertinence de la mesure au regard de son coût. Si vous voulez supprimer l’ISF, il est inutile d’investir pour moderniser son traitement et son contrôle !

Le dispositif a conduit à drainer 1,1 milliard d’euros vers le financement des PME en 2008, dont 375 millions d’euros en investissements directs, pour un coût fiscal de 739 millions d’euros. Le volume des investissements est donc modeste au vu des besoins de financement des entreprises, et le coût pour les finances publiques colossal, je n’hésite pas à le dire.

Le détournement de l’esprit du dispositif est patent et ne fera que se renforcer avec la floraison d’entreprises ad hoc pour gérer sans risque, j’y insiste, les réductions d’ISF. La clôture de l’exercice au 15 juin 2009 a donné lieu à des publicités intéressantes, que chacun a en mémoire, telles que « Buvez votre ISF  », partez en vacances en temps partagé tout en réduisant votre impôt : nous sommes dans la caricature, mais certainement pas dans la prise de risque !

L’argument avancé par le Gouvernement et sa majorité en 2007, lors de l’instauration de la mesure, était que l’ISF « bridait » – selon le terme alors utilisé – la croissance et qu’il encourageait les expatriations. À ce jour, nous sommes bien incapables de disposer d’éléments fiables en provenance du ministère des finances pour mesurer l’impact du dispositif sur le retour des exilés fiscaux. Ce n’est pourtant pas faute de les avoir demandés. Quant à la croissance…

Je relève une contradiction dans vos propos, et je m’adresse à vous, monsieur le président de la commission, auteur de la proposition de loi, ainsi qu’à tous ceux qui sont prêts à vous suivre dans cette aventure. En effet, alors que vous considérez cette réduction d’impôt comme une mesure « phare » de la loi TEPA – ce terme a été employé à plusieurs reprises par Mme la ministre et par vous-même, monsieur le président de la commission, ce qui montre l’importance nodale que vous y attachez pour le financement des PME –, vous proposez, parallèlement, de supprimer l’ISF. Or si l’ISF, capitale pour le soutien des PME, disparaît, que se passe-t-il ? Cela ne me paraît donc pas une argumentation sérieuse !

Par ailleurs, il serait intéressant de dresser le profil sociologique des redevables de l’ISF. On ne le connaît pas précisément. Toutefois, selon les travaux de Thomas Piketty et de Camille Landais, …

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Allons donc !

Mme Nicole Bricq. Ce sont les seules études récentes et sérieuses que je connaisse sur le sujet !

Selon ces travaux, les redevables de l’ISF sont, si l’on devait en établir le portrait-robot, des inactifs âgés et riches. Ils n’ont pas vraiment le profil d’investisseurs nés, en particulier sur ce nouveau marché.

En 2008, le patrimoine du redevable médian s’élevait à 1 240 000 euros, se composant essentiellement de biens immobiliers. L’ISF n’est en rien confiscatoire, puisqu’il s’élève à 2 500 euros, sans tenir compte d’éventuelles réductions d’impôts.

Pour terminer, la proposition de loi, qui a reçu pour l’essentiel l’aval du Gouvernement dès lors que vous l’avez amendée dans le sens voulu, est plus inspirée par la mauvaise conscience en ces temps difficiles que par le souci de mener une action efficace et juste.

La Cour des comptes estime à 39 milliards d’euros les baisses de prélèvements fiscaux consenties depuis quatre ans. Si l’on y ajoute les niches fiscales – dont celle que vous avez créée dans la loi TEPA, madame la ministre –, il y a de quoi aider les ménages et les entreprises à sortir de la crise !

La présente proposition de loi ne saurait occulter tout le reste. Dans ces conditions, vous comprendrez que nous n’aurons pas le bonheur de la soutenir.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh bien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. On est déçu !

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos PME jouent un rôle de tout premier plan pour assurer la vitalité de notre tissu économique et social. L’élu que je suis le constate quotidiennement : nos commerces, nos restaurateurs, l’ensemble de nos petites entreprises font vivre tous nos territoires.

Ces entreprises représentent 66 % de l’emploi marchand et 56 % de la valeur ajoutée marchande de l’économie française.

Nos PME éprouvent de grandes difficultés à se financer, difficultés que la crise économique a considérablement accrues. En effet, le resserrement important des conditions du crédit bancaire est le premier syndrome de cette crise, et les PME en sont les premières victimes. La crise a donc révélé la vulnérabilité financière de nombreuses petites entreprises.

Pour assurer la solvabilité des banques, soutenir spécifiquement les PME et relancer l’activité, des mesures d’urgence et d’autres, plus pérennes, sont intervenues depuis l’automne 2008. La situation actuelle des PME demeure pourtant très préoccupante. Une étude réalisée par l’IFOP, publiée le 11 mars dernier, montre, notamment, que 80 % des patrons de PME redoutent un durcissement sévère de l’accès au crédit.

La situation nationale présentée par le médiateur du crédit témoigne également des mêmes problèmes de financement : plus de 90 % des entreprises en médiation sont de très petites entreprises, les TPE, ou des PME de moins de cinquante salariés.

Ce constat alarmant, mais aussi la responsabilité du législateur de veiller à la bonne utilisation des ressources publiques, doivent nous inviter à améliorer l’efficacité du dispositif visant à aider nos PME. C’est une question de performance : une dépense fiscale de 660 millions d’euros doit donner des résultats !

C’est également une question de justice et de droit. Chaque jour, certains optimisateurs fiscaux, gestionnaires de patrimoine spécialisés en défiscalisation, conseillers bancaires et autres, s’évertuent avec beaucoup d’imagination à détourner l’intention du législateur. Nous devons nous assurer que les dispositifs que nous créons servent bien l’intérêt général, en l’occurrence la survie et le développement de nos PME, et non pas d’autres intérêts, qui se défendent très bien eux-mêmes.

C’est à la fois cette volonté de performance et cette vigilance qui animent les signataires de la présente proposition de loi.

Il ne s’agit pas de remettre en cause un dispositif qui paraît prometteur au vu de sa première année d’application. Celui-ci semble en effet intéressant à de nombreux égards.

Il l’est, incontestablement, pour les redevables de l’ISF qui en ont bénéficié : plus de 12 % en ont profité dès la première année, ce qui représente une économie d’environ 9 000 euros en moyenne par foyer fiscal bénéficiaire ; ce n’est pas négligeable.

Le dispositif est également intéressant pour les PME : l’an dernier, il a permis de drainer plus de 1,1 milliard d’euros vers leur financement. Pour être moi-même porteur d’un projet d’entreprise, je sais que tous les leviers permettant de financer une activité créatrice de valeur et d’emplois doivent être activés.

D’ailleurs, si vous me permettez une parenthèse, je regrette qu’une PME fondant son activité sur une société civile immobilière ne soit pas éligible au dispositif et qu’il lui faille passer par le truchement d’une société à responsabilité limitée ou d’une société anonyme pour bénéficier de ce canal de financement. Une réflexion sur ce sujet me semblerait opportune, car il s’agit bien d’aider les PME et de consolider leurs investissements.

Le mécanisme est donc intéressant pour le contribuable et pour les PME bénéficiaires. Il est également intéressant pour les intermédiaires, les « structures d’intermédiation ». Ces structures jouent un rôle utile, souvent indispensable, pour canaliser les montants investis par les contribuables vers les PME éligibles.

Les contribuables ont le choix entre un financement direct ou indirect. D’ailleurs, madame la ministre, en offrant aux redevables de l’ISF une aide gratuite et accessible, une sorte de guide pour effectuer un financement direct dans une PME, ce choix pourrait sans doute être facilité.

Les structures d’intermédiation, en particulier les fonds, permettent de créer un effet de levier supplémentaire : pour obtenir une déduction d’ISF d’un montant égal à celui auquel ils auraient droit en investissant directement dans une PME, les contribuables passant par ces intermédiaires doivent investir un montant nettement supérieur.

Toutefois, cela doit être dit, pour ces acteurs, le dispositif semble aujourd’hui trop intéressant. Le fait que les structures d’intermédiation prospèrent n’est pas problématique, bien au contraire, mais que cela se fasse au détriment des entreprises qui sont visées par cette mesure, les PME européennes qui répondent à certains critères, n’est pas acceptable.

Le fait qu’actuellement les montants des frais et commissions prélevés par les holdings ne soient pas encadrés n’est pas non plus acceptable. L’encadrement prévu pour les divers fonds doit s’appliquer aux frais et commissions perçus par les holdings ; c’est ce que prévoit la proposition de loi.

Le fait que les structures d’intermédiation puissent conserver et faire fructifier les montants investis par les contribuables pendant 30 mois, voire 42 mois, n’est pas davantage acceptable.

Je sais, parce que je suis confronté aux défis que doit relever une PME, en particulier à ses débuts, que le facteur temps est essentiel : 30 mois, c’est une éternité dans la vie d’une PME ! La réalisation d’un projet, la prise de risques, parfois la simple survie d’une PME, dépendent de la satisfaction d’un besoin de financement ou, simplement, de trésorerie à un moment donné. Tout doit être fait pour que cette mesure contribue à satisfaire ces besoins lorsqu’ils apparaissent, et non pas 30 mois plus tard !

La commission des finances est parvenue à un compromis qui permet de réduire ces délais, tout en laissant aux structures d’intermédiation le temps nécessaire pour identifier et évaluer les PME éligibles et ainsi bien orienter les fonds des contribuables Ce compromis est raisonnable et opérationnel. Tel est le cas de toutes les dispositions que cette proposition de loi vise à introduire.

Pour cette raison, mais aussi, et surtout, pour la prise en compte des besoins réels des PME, cette proposition de loi est très opportune. Évidemment, le groupe Union centriste la soutiendra. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur plusieurs travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention par un commentaire : « Je pense simplement que cette mesure n’est pas prioritaire. Elle pourrait laisser penser que doubler le plafond reviendrait à doubler les fonds qui arrivent dans les PME, alors que l’augmentation serait en fait assez marginale, compte tenu du faible nombre de contribuables concernés. »

Ce commentaire, pour le moins critique, de la proposition tendant à doubler le plafond de versement autorisé pour le dispositif « ISF-PME » mis en place dans le cadre de la loi TEPA n’a pas été prononcé par quelque parlementaire de l’opposition, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Non, ce commentaire, que je place en exergue de mon intervention, a été prononcé par le Premier ministre lui-même, François Fillon, et ce devant le congrès de la CGPME, c’est-à-dire ailleurs que devant un parterre d’opposants à la politique gouvernementale.

Ce que nous dit, en fait, le Premier ministre, c’est que le dispositif créé par l’article 14 de la loi TEPA n’a aucunement rencontré le succès que ses auteurs – dont le Premier ministre lui-même, faut-il le rappeler ? – attendaient.

N’en déplaise au Président de la République, dont le discours versaillais de lundi dernier tenait lieu de feuille de route et de déclaration de politique générale du gouvernement Fillon IV, il faut croire que les contribuables assujettis à l’ISF sont peu intéressés par le développement des PME puisque le montant des sommes levées au titre de ce dispositif est de 1,1 milliard d’euros pour 2008 et que le nombre précis des contribuables concernés demeurait inconnu dans l’évaluation des voies et moyens associée à la loi de finances.

Toutefois, le rapport de notre collègue Albéric de Montgolfier nous apporte quelques éclaircissements. Selon les données ministérielles les plus récentes, 73 200 contribuables auraient fait jouer le dispositif, ce qui signifie que, pour plus de 85 % des contribuables assujettis à l’ISF, l’affaire n’avait et n’a toujours aucun intérêt. Rapprochons donc les données et faisons les moyennes.

Ces 73 200 contribuables ont déclaré, en moyenne, 15 000 euros de dépenses éligibles et ont bénéficié d’une remise moyenne d’ISF de 9 000 euros, c’est-à-dire que l’engagement de chacun de ces contribuables s’élève à environ 1 % du patrimoine moyen des redevables de l’ISF, tandis que la remise d’impôt représente, elle, l’équivalent – et même un peu plus – de la cotisation moyenne d’ISF.

Soyons clairs et cessons de louer un dispositif dont doute même le chef du Gouvernement que vous soutenez, mes chers collègues de la majorité : le dispositif « ISF-PME » n’a pas modifié les données du problème s’agissant de l’alimentation en fonds propres de nos petites entreprises et il n’a servi, pour quelques contribuables intéressés, qu’à trouver les voies et moyens pour se libérer du paiement de l’impôt.

Il s’est sans doute trouvé, parmi les 73 200 contribuables concernés – deux millièmes seulement des contribuables de notre pays ! –, quelques personnes suffisamment bien conseillées pour ne consacrer au dispositif « ISF-PME » que la somme exactement utile, à l’euro près, pour solder le montant de la cotisation découlant de l’application du tarif de l’impôt en vigueur.

C’est donc bel et bien une niche fiscale qui a été ouverte, qui ne rencontre d’autre succès qu’auprès de ceux que cela intéresse et dont la pertinence semble d’ailleurs remise en cause dernièrement, puisque le volume des versements effectués au titre de ce dispositif est annoncé à la baisse pour l’année 2009.

Je vais vous donner l’une des raisons qui conduisent à ce regrettable constat : la baisse de la valeur des titres boursiers comme des biens immobiliers a conduit, naturellement, à celle des patrimoines imposables et donc du niveau des cotisations.

Comme la logique mise en œuvre n’est que celle de la niche fiscale, les versements se sont adaptés aux besoins des contribuables, et non à ceux des prétendus destinataires de l’effort d’investissement. Car lorsqu’on recherche la mesure fiscale qui, à l’euro près, permet de ne plus payer l’ISF, on ne va pas dépenser inconsidérément

Ce que nous dit la proposition de loi est finalement instructif.

Après quelques ratés à l’allumage – huit mois de décalage entre la promulgation de la loi TEPA et la publication de l’instruction fiscale d’application, par exemple –, le dispositif « ISF-PME » se trouve servir de base à la constitution de trésoreries de fonds communs de placements divers – qu’il s’agisse de FCPR ou de FIP importe peu – sans que les sommes collectées soient rapidement affectées aux PME. Double gâchis de fonds publics, donc, puisque la condition d’affectation ne figurait aucunement dans le texte de la loi TEPA et que le recours aux fonds dédiés suffisait à obtenir la réduction d’impôt.

Par conséquent, au moment où nous débattons de cette proposition de loi, nous avons des redevables de l’ISF peu intéressés, des sommes peu contrôlées et des PME peu soutenues, puisque les fonds collectés trouvent, dans un premier temps, à s’investir ailleurs que là où on les attendait.

Et il faudrait continuer ? Quitte à le faire en rendant plus « efficace » un dispositif manifestement coûteux pour les finances publiques et inopérant quant aux objectifs annoncés ? Les parlementaires du groupe CRC-SPG ne le pensent pas et ne pourront, dans le cadre de ce débat, que rappeler leur position de principe et proposer la suppression pure et simple de l’un des éléments les plus scandaleux et les plus coûteux du « paquet fiscal » de l’été 2007.