M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a élargi le champ de compétences du Conseil économique et social aux questions environnementales, Conseil économique et social devenu d’ailleurs, entre-temps, Conseil économique, social et environnemental.

Je rappelle que cette disposition reprend une demande formulée lors du « Grenelle de l’environnement » et reprise par le comité Balladur de réflexion et de proposition sur la modernisation des institutions de la VRépublique.

L’élargissement du champ d’action du Conseil nécessitera bien sûr une modification de sa composition. En effet, celle-ci ne reflète plus la réalité de la société française contemporaine : les femmes y sont largement minoritaires – c’est un crime suprême ! –, l’agriculture y est surreprésentée – c’est classique en France –, les jeunes et les étudiants en sont quasiment absents, et les personnalités qualifiées nommées par le Premier ministre sont très nombreuses, je dis bien « très » nombreuses. Il est donc urgent de revoir cette représentativité.

La loi constitutionnelle ayant plafonné à deux cent trente-trois le nombre de conseillers, l’élargissement de la représentation aux milieux écologiques implique une reconfiguration des dix-huit groupes qui composent le Conseil.

La tâche ne sera pas aisée. L’histoire montre en effet que la réforme du Conseil peut s’avérer difficile. Il suffit, pour s’en convaincre, de rappeler l’échec du référendum de 1969. En outre, nous savons par expérience que la modification de la composition d’une assemblée à effectif constant, comme cela a été récemment le cas à l’Assemblée nationale, est toujours un exercice difficile et douloureux.

L’article 71 de la Constitution dispose que la composition du Conseil économique, social et environnemental est fixée par une loi organique. Un an après la réforme constitutionnelle, je constate avec d’autres que vous n’avez toujours pas présenté ce texte devant le Parlement. Vous avez considéré qu’il était plus urgent de faire adopter de nombreux autres textes – nous connaissons les aléas de l’agenda parlementaire –, par exemple le texte tendant à faciliter le retour au Parlement des membres du Gouvernement, qui à vos yeux était une priorité.

Cette situation est d’autant plus regrettable que le rapport de Dominique-Jean Chertier sur la réforme du Conseil économique, social et environnemental a été remis au Président de la République le 15 janvier dernier, c’est-à-dire voilà un peu plus de six mois.

Pour justifier ce retard, vous avancez l’argument selon lequel la désignation des acteurs environnementaux devra se faire sur la base de critères de représentativité qui seront fixés par la future loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle II ».

Vous nous avez indiqué que le projet de loi organique serait déposé au Parlement dès les tout premiers jours de la rentrée. Dont acte ! Sachez que nous serons vigilants quant à son inscription sur l’agenda parlementaire, qui sera sans doute chargé au début de la prochaine session.

Au lieu de désigner, même provisoirement, les nouveaux membres du Conseil économique, social et environnemental sur la base des règles actuellement en vigueur, vous avez estimé qu’il était plus efficient de prolonger le mandat des membres actuels jusqu’après le vote et l’entrée en vigueur de la réforme, en fixant une date butoir au 30 septembre 2010. Cette disposition n’appelle pas de commentaires particuliers de notre part ; nous espérons que ce délai supplémentaire permettra de créer un consensus, dont la France a besoin. En la matière, je suivrai donc les recommandations de notre excellent rapporteur.

Je profite de cette occasion pour formuler quelques remarques concernant la future réforme de la composition du Conseil économique, social et environnemental.

M. Dominique-Jean Chertier propose, dans son rapport, de faire entrer dans ce conseil renouvelé des représentants des jeunes et des associations œuvrant dans le domaine de l’écologie et du développement durable. Pour ce faire, il envisage trois scénarios.

Le premier prévoit l’ajustement périodique de la composition du Conseil économique, social et environnemental afin de permettre son adaptation continue. Le deuxième scénario, un peu plus radical, vise à faire du Conseil une assemblée d’experts de la société civile. Les employeurs, salariés et associations seraient regroupés au sein de trois entités à peu près égales, tandis qu’un groupe d’experts serait un peu plus important. Enfin, le troisième scénario envisage la transformation du Conseil en assemblée représentative des corps intermédiaires : syndicats, employeurs, associations…

J’ai quelques doutes sur le troisième scénario, qui a un parfum un peu corporatiste rappelant certaines philosophies appartenant à des temps révolus. Nous nous concentrerons donc sans doute davantage sur les deux premiers scénarios.

Je voudrais souligner trois éléments importants.

Tout d’abord, il est nécessaire de conserver une représentation substantielle et égale des collèges représentants les employeurs et les salariés. Le Conseil économique, social et environnemental est en effet l’un des rares endroits, en France, où un débat effectif a lieu entre les représentants des salariés et des employeurs, entre ces deux catégories, ces deux classes sociales, allais-je dire,…

Mme Nicole Bricq. Vous pouvez le dire, cela existe !

M. Richard Yung. … mais vous allez me taxer de marxiste. Vous le savez, nous souffrons, dans notre vieux pays gallo-romain, de donner systématiquement la préférence à l’affrontement et à la guérilla, parfois à la guerre, et de considérer que l’accord et le consensus ne sont pas de mise,…

M. Richard Yung. … ce qui n’est pas le cas dans nombre d’autres pays.

À nos yeux, le Conseil apporte beaucoup, grâce au dialogue permanent qui est entretenu entre ces deux grandes catégories de représentants.

Ensuite, il est nécessaire de définir des critères de représentativité consensuels et indiscutables pour le choix des représentants des secteurs de l’environnement et de l’écologie. En effet, les associations et les milieux qui s’intéressent à ces questions sont extrêmement divers : certains se préoccupent de l’énergie, d’autres, des transports, d’autres encore, de l’agriculture biologique. Des associations sont de très grandes associations internationales tandis que d’autres sont très modestes.

Il existe donc une foultitude d’associations provenant de milieux très divers, et le choix des représentants – ils seraient dix-huit ou vingt – sera difficile, même s’ils sont pris, comme on l’a évoqué tout à l’heure, sur le quota des entreprises publiques ou de l’agriculture. Il faudra donc faire preuve d’une grande sagesse lors du choix de ces représentants.

Par ailleurs, vous me permettrez, en ma qualité de sénateur des Français établis hors de France, de souhaiter que, dans la nouvelle configuration, la représentation de ces derniers, à savoir deux membres, soit maintenue.

M. Éric Doligé. Un homme et une femme !

M. Robert del Picchia. Voire augmentée !

M. Richard Yung. Je ne dis pas cela par corporatisme. Toutefois, en la matière, certaines arrière-pensées – comme vous le savez, les arrière-pensées sont toujours ce qu’il y a de pire – n’ont pas été étrangères à la réforme qui a créé les députés des Français établis hors de France, au travers de l’idée selon laquelle nos compatriotes vivant à l’étranger n’auraient plus besoin d’être représentés au Conseil économique, social et environnemental puisqu’ils le sont à l’Assemblée nationale.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Robert del Picchia. Bien au contraire !

M. Richard Yung. Je pense que tous mes collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France, toutes tendances confondues, s’associeront à moi, dans une sorte d’union sacrée, pour s’élever contre une telle idée.

M. Richard Yung. Afin que les choses soient bien claires et parce qu’il est important que de tels représentants existent, je proposerai pour ma part que ces membres soient non plus nommés par le Gouvernement mais désignés par chacune des deux grandes organisations représentatives, à savoir l’Union des Français de l’étranger, l’UFE, et l’Association démocratique des Français à l’étranger, l’ADFE.

M. Robert del Picchia. Non, par l’Assemblée des Français de l’étranger !

M. Richard Yung. Dans une lettre qu’il m’a adressée le 19 mai dernier, le Premier ministre – vous voyez qu’il lui arrive de m’écrire ! (Sourires) – m’a indiqué que « la réforme du Conseil économique, social et environnemental est en préparation ». Je souhaite donc savoir, madame la secrétaire d’État, quelles sont les conclusions que le Gouvernement tire de la publication du rapport Chertier.

Qu’en est-il, par exemple, de la représentation des cultes ? Au nom de la laïcité, M. Chertier de même que les membres du comité Balladur ont refusé que les « forces spirituelles » soient représentées au sein du Conseil économique, social et environnemental. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a indiqué qu’il n’y était pas non plus favorable et que, par conséquent, il ne le proposerait pas.

Ces propos sont pleins de bon sens, mais ils sont en contradiction avec les déclarations du Président de la République, qui, en décembre 2007, avait exprimé son souhait d’élargir la représentation du Conseil « aux représentants des grands courants spirituels ». On peut imaginer qu’entrent dans cette catégorie les Églises, ainsi que les grandes écoles philosophiques. Mais lesquelles ? Bref, où va-t-on ? Sachant le poids qui est celui de l’Élysée dans notre vie politique, je ne suis que moyennement rassuré par vos propos. (M. Robert del Picchia s’exclame.)

Je voudrais également savoir si l’armée sera représentée en tant que telle au sein du Conseil, puisque l’idée en avait été avancée.

Enfin, je souhaite vous interroger sur l’élargissement des saisines. Il s’agit en effet de l’un des points importants de la réforme, constituant un réel progrès. Le Conseil économique, social et environnemental ne sera plus seulement le conseil de l’exécutif, puisque le Parlement aura la possibilité de le consulter sur les questions économiques et sociales, ce qui sera une excellente chose car nous avons besoin d’une capacité d’expertise comme la sienne. Il y aura aussi le nouveau droit de pétition citoyenne. Je souhaiterais savoir comment est prévue la mise en œuvre de ces deux dispositions : quelles en seront les modalités dans le futur projet de loi organique ?

Telles sont, mes chers collègues, les principales remarques que nous souhaitions faire sur la réforme à venir, tout en répétant que nous voterons la mesure transitoire visant à prolonger la durée du mandat des conseillers actuels. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean-Pierre Fourcade applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la réforme du Conseil économique et social a été souhaitée et annoncée dès juillet 2007 par le Président de la République, date à laquelle il a chargé Édouard Balladur, président du comité de réflexion sur les institutions de la Ve République, d’intégrer cette question dans les travaux dudit comité. Le principal enjeu était alors d’intégrer la problématique du développement durable et de l’environnement dans les thèmes traités par le Conseil économique et social, ce dont nous nous félicitons.

La révision constitutionnelle de juillet 2008 a ainsi ouvert la voie à une réforme d’ampleur du Conseil économique et social, devenu Conseil économique, social et environnemental, CESE, ce qui nécessite une révision tout aussi importante des dispositions organiques qui le concernent.

Il s’avère, comme cela a déjà été dit, que le calendrier nécessaire à cette révision des dispositions organiques ne coïncide pas avec la durée du mandat de celles et ceux qui sont actuellement membres du Conseil.

Le Gouvernement n’ayant pas encore présenté au Parlement de projet de loi organique, la réforme du Conseil ne pourra pas intervenir avant la fin du mandat en cours de ses membres, qui expire en septembre 2009. Une solution a dû être trouvée, et c’est pourquoi nous sommes réunis aujourd’hui.

La révision constitutionnelle a tout d’abord élargi les compétences du Conseil aux questions environnementales. Il devra donc intégrer de nouveaux membres, issus d’associations environnementales. Sur ce point, se posera la question de la représentativité et des critères qui devront être retenus pour la désignation de ces nouveaux membres.

La révision constitutionnelle a également ouvert la possibilité pour le Parlement de consulter le Conseil sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental, ce qui est jusqu’à présent réservé au Gouvernement. Le Conseil peut également se saisir lui-même de toute question relevant de sa compétence.

Enfin, la révision constitutionnelle a créé une possibilité de saisine du Conseil par les citoyens, par voie de pétition.

Une loi organique est donc nécessaire pour modifier les missions et les attributions du CESE, ainsi que sa composition, son organisation et son fonctionnement, aujourd’hui déterminés par l’ordonnance du 29 décembre 1958. Une loi organique est également nécessaire pour que puisse entrer en vigueur la nouvelle rédaction de l’article 69 de la Constitution, permettant la saisine du CESE par voie de pétition.

En revanche, la saisine par le Parlement ne nécessite pas une loi organique. Cependant, le Gouvernement a décidé d’inclure également cette question dans la future loi organique, l’ordonnance du 29 décembre 1958 prévoyant les modalités de saisine par le Gouvernement.

Compte tenu de l’ampleur de la réforme, le Gouvernement n’a pas été en mesure de nous présenter un projet de loi organique avant que n’expire le mandat des membres actuels du CESE.

Pourtant, un travail important de réflexion sur cette réforme a déjà été produit : Bernard Pancher, député, s’est vu confier en février 2008 par le Premier ministre la présidence d’un comité opérationnel chargé de mettre en œuvre les conclusions du Grenelle de l’environnement. Ce travail a abouti à des propositions précises pour permettre une sélection, à l’aide de critères de représentativité et d’éligibilité, des acteurs représentatifs du secteur environnemental.

Cette entreprise a été ensuite complétée par la révision constitutionnelle, puis par un travail préparatoire de réforme plus globale du CESE, confié en novembre 2008 par le Président de la République à Dominique-Jean Chertier, et destiné à préparer la mise en œuvre des nouvelles missions du Conseil. Son rapport a été remis à M. Nicolas Sarkozy le 15 janvier 2009.

Enfin, le 6 mai dernier, notre collègue Jean-Claude Frécon a présenté un rapport d’information sur cette réforme.

Au vu de l’ensemble de ces travaux de réflexion, il me paraît regrettable que nous ne connaissions même pas les grandes lignes du projet de loi organique à venir.

Mme Éliane Assassi. Fort de ce constat, le Gouvernement avait trois possibilités pour mettre en œuvre la réforme du CESE.

Première possibilité : les membres du Conseil auraient pu être renouvelés en septembre 2009 sur le fondement du texte actuellement en vigueur, l’entrée en application de la loi organique modifiant sa composition étant reportée au renouvellement suivant, c’est-à-dire en 2014. Cette solution aurait reporté l’entrée en vigueur de la réforme six ans après la révision constitutionnelle.

Deuxième possibilité : les membres du CESE auraient pu être renouvelés en septembre 2009 sur le fondement du texte actuellement en vigueur, la loi organique modifiant la composition du Conseil mettant fin à leur mandat à son entrée en vigueur, pour procéder à un renouvellement sur la base du nouveau texte. Cette solution aurait conduit à nommer de nouveaux membres pour quelques mois seulement.

Troisième possibilité : une loi organique venant prolonger le mandat des membres actuels du CESE jusqu’après le vote et l’entrée en vigueur de la réforme, avec une date butoir que le Gouvernement propose de fixer au 30 septembre 2010.

Les deux premières solutions ayant été jugées insatisfaisantes par le Gouvernement, c’est la troisième, et donc la prorogation du mandat des membres actuels du Conseil, qui a été choisie.

Nous ne pouvons émettre d’objection particulière sur cette solution, qui semble effectivement la plus logique ; c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles nous voterons ce texte. (Marques d’approbation sur quelques travées de l’UMP. – M. Robert del Picchia applaudit.)

Néanmoins, nous resterons vigilants sur un certain nombre d’aspects, notamment en ce qui concerne les contours de la future loi organique.

En effet, il est prévu d’intégrer de nouveaux membres – entre trente et quarante, nous dit-on –, acteurs du secteur environnemental. Mais le nombre des membres du Conseil, fixé à deux cent trente-trois par la Constitution, restera identique.

Le 1er juillet dernier, à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du texte, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement a déclaré que le Gouvernement s’orientait vers « une légère diminution des représentants de la profession agricole [...] et de ceux des entreprises publiques », le nombre de ces dernières ayant « considérablement diminué » pour reprendre ses propos. D’autres modifications pouvant intervenir à l’avenir ne sont donc pas à exclure.

Nous serons par conséquent particulièrement attentifs à une éventuelle diminution du nombre des représentants des salariés, tout comme à la présence de jeunes, qui nous paraît nécessaire. Bien sûr, nous veillerons également au respect de la parité hommes-femmes.

Nous serons attentifs par ailleurs à l’engagement du Gouvernement sur le fait de ne pas inclure dans la future loi organique la possibilité pour des représentants des cultes de siéger au sein du Conseil économique, social et environnemental. Étant donné que le Président de la République s’y est déclaré pour sa part favorable, nous ne serions guère étonnés s’il arrivait à faire céder le Gouvernement sur ce point.

Je rappelle à cet égard que la pratique d’un culte relève uniquement de la sphère privée et nous ne comprendrions pas qu’elle soit institutionnalisée au sein du Conseil économique, social et environnemental.

Nous espérons que le projet de loi organique sera présenté au Parlement dans les délais les plus brefs ; on nous a parlé de l’automne. En attendant, comme je l’ai indiqué voilà un instant, nous voterons le texte qui nous est soumis aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – MM. Richard Yung et Jacques Gautier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.

M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui tend à proroger le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental jusqu’au 30 septembre 2010 au plus tard.

Ce délai doit permettre de mener à son terme une réflexion de fond sur la réforme de cette institution. J’ai eu l’occasion de le souligner dans mon récent rapport d’information sur le Conseil, que j’avais souhaité rédiger en ma qualité de rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits du CESE. Voilà pourquoi j’interviens dans la discussion générale de ce projet de loi organique.

La réforme opérée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République n’emporte en effet pas seulement un changement de dénomination du Conseil, devenu Conseil économique, social et environnemental ; elle commande, de façon beaucoup plus ambitieuse, de repenser la place même du CESE au sein de notre paysage institutionnel et d’adapter l’organisation ainsi que le fonctionnement de cette institution.

Ne nous y trompons pas : la période qui s’engage aujourd’hui est une période charnière pour le CESE. Le défi à relever dans les mois à venir n’est nullement de l’ordre du simple formalisme juridique. Il s’agit, ni plus ni moins, de façonner le visage du Conseil pour le futur.

L’enjeu est double : à la fois améliorer la représentativité de l’institution et perfectionner son fonctionnement à moyens budgétaires constants.

La spécificité du CESE réside dans sa capacité à offrir un lieu privilégié de débats et d’échanges entre les différentes composantes de la société française. De ce point de vue, la composition du CESE, qui n’a que peu évolué depuis 1958, est la question la plus controversée. Dans un rapport publié en janvier dernier, M. Dominique-Jean Chertier, lui-même membre du Conseil, a d’ailleurs contribué à ouvrir la réflexion.

Trois scénarii sont suggérés dans son rapport, allant du simple ajustement périodique de la composition du Conseil à une transformation en une véritable assemblée des corps intermédiaires, en passant par sa conversion en une assemblée des experts de la société civile, comme l’ont souligné tout à l’heure aussi bien notre rapporteur, Jean-Pierre Vial, que notre collègue Richard Yung.

S’il n’est pas encore temps de trancher entre ces différentes options – mais un certain nombre des intervenants qui m’ont précédé ont posé des principes en la matière –, voire d’en imaginer d’autres, un impératif doit néanmoins être rappelé : cette réforme devra s’opérer à moyens constants et son impact budgétaire devra être neutre. C’est en tout cas le souci que le rapporteur spécial que je suis par ailleurs voulait signaler ici.

Le nombre de membres du CESE a été limité à 233 par la loi constitutionnelle de juillet 2008, soit son effectif actuel, en corrélation avec la fixation d’un nombre maximum de députés et de sénateurs.

Je tiens à cet égard à souligner que l’objectif de rester à moyens constants est totalement partagé par l’actuel président du CESE, M. Jacques Dermagne. En tant que rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l’État », dont dépendent les crédits du CESE, je ne peux que me féliciter de cette sagesse budgétaire et de ce souci de prendre le virage de la réforme sans dérapage financier. Cette politique volontariste visant à « tenir » la dépense s’inscrit d’ailleurs dans la continuité des efforts budgétaires mis en œuvre par cette institution,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Jean-Claude Frécon. … efforts dont j’ai pu témoigner, ces cinq dernières années, en présentant devant le Sénat le budget du Conseil.

Outre les dépenses de fonctionnement courant liées au changement de nom de l’institution, il conviendra donc d’absorber à budget constant un certain nombre de coûts difficiles à évaluer dans l’immédiat, mais des coûts certains : je pense, notamment, à ceux qu’induira la saisine parlementaire, ou encore aux importants coûts de gestion que risque d’entraîner l’exercice du nouveau droit de pétition citoyenne.

En outre, le rajeunissement nécessaire du Conseil – objectif que je ne conteste pas, bien au contraire –, nous impose de facto de prendre en compte le coût supplémentaire que devra supporter la caisse des retraites.

Il faudra donc réaliser des économies ailleurs. Le rapport Chertier de janvier dernier comme celui que j’ai présenté ici même au mois de mai ouvrent quelques pistes en ce sens. Je souhaite, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement avance des propositions.

Le CESE se trouve à la croisée des chemins. Trop longtemps cantonné dans un anonymat relatif, il se voit aujourd’hui offrir une occasion inédite d’affirmer encore un peu plus et d’affermir encore un peu mieux son statut de troisième assemblée constitutionnelle. En ce sens, la mise en œuvre de la loi du 23 juillet 2008 représente bien pour lui une chance à saisir dans les mois à venir.

Sur cette voie, néanmoins, tout ne dépendra pas de lui seul. La volonté politique, exprimée en particulier par le Parlement, tout spécialement par le Sénat, jouera un rôle éminent dans l’évolution et l’influence du Conseil.

En guise de conclusion, je tiens à souligner devant vous, mes chers collègues, tout l’intérêt que peut avoir notre assemblée à tirer le plus largement profit des possibilités de consultation du CESE qui lui sont désormais offertes. Le dialogue entre le Sénat et le Conseil a toujours été fructueux, mais uniquement en commission. Il ne tient qu’à nous de l’enrichir encore dans les années à venir, pour le plus grand bénéfice des deux institutions et, surtout, de l’intérêt général, qui nous est cher.

Je suis donc tout à fait favorable à ce projet de loi organique. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés et saluer le climat très consensuel dans lequel se déroule cette discussion. Je ne doute pas que tous auront à cœur de trouver le même esprit consensuel à l’occasion de l’examen du futur projet de loi organique.

En effet, il ne s’agit aujourd’hui que de proroger la durée du mandat des membres du CESE, et nombre des questions qui ont été posées ne pourront trouver de réponse que dans le second projet de loi organique. Je me contenterai donc de reprendre ceux des points pour lesquels je peux d’ores et déjà apporter des éclairages.

Plusieurs sénateurs, notamment le rapporteur, M. Vial, ont soulevé le problème de la représentation des cultes. Je confirme ce qu’Henri de Raincourt a déjà indiqué à l’Assemblée nationale : une représentation des cultes ne sera pas proposée dans le futur projet de loi organique. L’ouverture vers les grands courants de pensée n’implique pas nécessairement leur représentation institutionnelle. Il est de toute façon bien évident que les positions et les idées développées par l’ensemble des cultes et des mouvements de pensée seront recueillies et prises en considération à l’occasion de saisines les concernant.

Mme Escoffier a évoqué la féminisation du Conseil économique, social et environnemental, tout comme Mme Assassi et M. Yung. Le Président de la République a affirmé la nécessité de faire progresser la parité dans la représentation du CESE. Ce point est essentiel si l’on veut que le Conseil soit en pleine adéquation avec la société civile et puisse répondre aux grandes évolutions de la société. Cela ne concerne jamais que la moitié de l’humanité ! (Sourires.) Le projet de loi organique relatif à la composition du CESE devra donc poursuivre et renforcer sa féminisation, objectif que nous pouvons tous et toutes partager.

Ainsi qu’a pu le suggérer Mme Escoffier, le renouvellement du Conseil pourrait impliquer quelques innovations, comme la diminution de l’âge minimum pour siéger – cela irait dans le sens, souhaité par plusieurs intervenants, du rajeunissement – et la limitation du nombre de mandats. Mais le Sénat sera amené à y revenir.

La représentation des Français de l’étranger est effectivement un sujet sur lequel une réflexion devra être engagée Il faut cependant souligner que, pour ceux-ci, le contexte a changé puisque le Président de la République a souhaité leur offrir une meilleure représentation avec, au-delà des sénateurs qu’ils élisent, une représentation à l’Assemblée nationale dès la prochaine législature.

Enfin, Mme Assassi s’inquiétait de l’équilibre entre représentation des employeurs et représentation des salariés. Henri de Raincourt l’a rappelé dans son discours, il est important, aux yeux du Gouvernement, que les grands équilibres au sein du Conseil puissent être conservés, tout particulièrement l’équilibre entre les représentants des employeurs et les représentants des salariés. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)