PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail remarquable et très constructif réalisé par la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer.

Les bouleversements qui ont émaillé l’année 2009 ont fait émerger en outre-mer une formidable espérance, à laquelle il appartient désormais aux pouvoirs publics de donner du sens et de la portée.

À ce titre, l’action conjuguée, d’une part, des collectivités, de l’État et des citoyens, au travers des états généraux de l’outre-mer, et, d’autre part, des parlementaires, au titre de la mission commune d’information, a permis de dégager des pistes de solutions que nous sommes amenés à examiner aujourd’hui.

À ce stade, il n’est pas à mes yeux question de débattre de l’opportunité de telle ou telle proposition. Il me paraît en revanche fondamental, en particulier dans la perspective du prochain comité interministériel consacré à l’outre-mer, de nous accorder sur quelques grands principes.

L’enjeu, pour aujourd’hui mais aussi pour demain, c’est précisément de faire vivre les propositions issues de cette mission commune d’information et des états généraux de l’outre-mer, et de ne pas se limiter aux conclusions dudit comité.

Il est nécessaire que le travail de fond ainsi élaboré ne reste pas cantonné au stade de propositions, ce qui aurait pour conséquence dramatique de nourrir des espoirs déçus. C’est pourquoi nous devons établir une hiérarchie des priorités, qui tienne véritablement compte de l’identité de chaque territoire et de ses propres spécificités.

En Guadeloupe, l’espérance est celle d’un peuple qui aspire à exister et à habiter son destin au sein de la République. Il faut en finir avec la vision étroite qui nous assigne à résidence dans l’assistanat ou qui brandit le spectre de l’indépendance.

Alors, oui, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut de l’audace et de l’ambition !

Il faut de l’audace pour le présent, d’abord.

Il importe de mettre en place une véritable réforme du mode de fixation du prix des carburants, qui garantisse le droit des Guadeloupéens à payer un prix juste, établi sur des bases transparentes, équitables et garantes de l’emploi local. Il convient aussi d’instaurer, comme le propose la mission, des outils statistiques permettant une réelle surveillance du niveau et de la formation des prix dans les départements d’outre-mer tout comme le contrôle strict des règles de la concurrence.

Il faut de l’audace pour l’avenir, ensuite, notamment pour la jeunesse ultramarine.

C’est ainsi que doit être finalisé le plan d’urgence pour la formation et l’emploi des jeunes. En Guadeloupe, 56 % des jeunes de 15 à 24 ans sont frappés par l’échec scolaire, la désocialisation et le chômage. La création d’un véritable contrat d’autonomie permettra, enfin, de donner un vrai statut aux jeunes de moins de 25 ans qui ne sont pris en compte par aucun dispositif légal. Et pourquoi ne pas appliquer le RSA avant le 1er janvier 2011, en étendant son bénéfice aux jeunes de moins de 25 ans, comme le Président de la République l’a proposé pour la France métropolitaine ?

Il faut aussi de l’ambition. La crise du logement appelle des réponses, les opérateurs étant confrontés à d’importants problèmes de trésorerie : les délais de paiement sont devenus trop lourds à supporter, et les critères de financement de la LBU ne prennent pas en compte le coût réel des opérations.

Il faut de l’ambition, aussi, pour donner un vrai sens aux mots « continuité territoriale », dans l’ordre d’idées de ce qui a été mis en place en Corse.

Il faut de l’ambition, encore, afin de tenir compte des difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités locales, véritables « pompiers sociaux ». Leur action est minée par le coût des transferts de charges opérés dans le cadre de l’acte II de la décentralisation, puisque l’évolution des dotations de l’État couvre à peine l’inflation réelle.

Il faut de l’ambition, toujours, dans le but de conforter le fonds exceptionnel d’investissement destiné au rattrapage du retard des équipements structurants.

Il faut de l’ambition, enfin, avec l’objectif de tout mettre en œuvre en vue de développer des secteurs porteurs comme l’agro-nutrition, les énergies renouvelables, la biodiversité, et favoriser ainsi un « développement endogène réussi », pour reprendre les termes du rapport de la mission commune d’information.

L’ensemble de ces propositions, couplées à celles des états généraux de l’outre-mer, doit permettre, demain, de jeter collectivement les bases d’un nouveau contrat social.

Pour autant, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, seules l’audace et l’ambition, qui, je l’espère, guideront la mise en œuvre de ces propositions, contribueront à renforcer notre foi dans une France davantage ouverte à la diversité de ses composantes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dernier orateur inscrit, je souhaite mettre en évidence l’éclairage intéressant apporté par la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer s’agissant d’une question transversale, celle de l’égalité entre les outre-mer et le reste du territoire national.

À mon sens, on sera en droit de dire que cette mission aura joué un rôle fondamental pour l’avenir si – et seulement si ! –, au niveau de l’État comme des assemblées, on en vient à reconnaître les déséquilibres de fait persistant dans les politiques nationales à l’égard des outre-mer depuis la départementalisation, et à faire en sorte que cette reconnaissance se traduise rapidement par des mesures correctrices concrètes.

De tels déséquilibres sont manifestement un produit de l’histoire, qui, c’est le moins que l’on puisse dire, est souvent douloureuse. Ils sont en effet, semble-t-il, au fondement même du contrat liant la République à nos territoires.

Or, dans le cadre de ce contrat, on s’est appuyé tantôt sur la notion d’égalité, pour appliquer en les uniformisant des dispositions de portée générale là où la prise en compte des réalités locales aurait dû l’emporter, et tantôt sur la notion de spécificité, pour ignorer ou pour escamoter des droits auxquels les territoires ultramarins auraient pu prétendre au même titre que l’ensemble du territoire national.

C’est à ce niveau que la notion d’équité doit être imposée avec force et le principe d’égalité décliné avec raison, pour que les différences soient prises en compte et respectées.

Or, le manque d’équité se remarque à plusieurs niveaux.

Il se remarque, d’abord, dans les critères d’attribution des dotations et les systèmes de péréquation appliqués aux collectivités territoriales en outre-mer en matière d’allocations de ressources.

La dotation d’équipement est attribuée aux communes à partir d’un certain seuil d’habitants : 2 000   en métropole, mais 7 500 outre-mer ! De même, le calcul de la DGF s’appuie sur des recensements et des données chiffrées se situant bien en deçà de la réalité, alors que le dynamisme démographique en Guyane, marqué par une croissance annuelle moyenne de 3,8 %, est un fait majeur et une contrainte sociale reconnus par tous. En outre, l’État ne verse aux collectivités aucune compensation pour supporter le coût de la sur-rémunération des fonctionnaires territoriaux.

Le manque d’équité se remarque également dans les modalités de mise en œuvre des politiques sociales, pour lesquelles les « temps de retard » ou les fameuses difficultés « techniques » sont systématiquement mis en avant pour tout justifier.

Ainsi, je m’interroge sur les modalités selon lesquelles le « plan jeunes » sera décliné dans nos départements, notamment le RSA jeunes, alors qu’il faudra attendre deux ans avant que le revenu de solidarité active lui-même n’entre en vigueur outre-mer. L’aberration des modalités d’application du « plan cancer » me laisse tout aussi perplexe : les opérations en cancérologie en Guyane devraient être interdites, alors que les plateaux techniques et les compétences existent et sont opérationnels ! Et que dire de l’application de la T2A, la tarification à l’activité, pour laquelle les coefficients correcteurs sont inférieurs à certaines régions de métropole !

Le manque d’équité se remarque encore dans les contraintes réglementaires auxquelles les territoires sont soumis, sous couvert soit des normes européennes, soit des règles s’appliquant aux relations internationales. Tout est fait au mépris du plus élémentaire bon sens, à l’image du système d’approvisionnement en carburant ou du dispositif prévu pour les relations commerciales en général.

Dans tous les domaines, les mécanismes du système actuel sont structurellement pervers. Le travail de la mission, pour peu qu’on l’analyse attentivement, a le mérite de les mettre en lumière.

Je l’ai évoqué, la notion d’égalité appliquée à l’outre-mer est à double tranchant.

D’un côté, elle ampute certains droits. Il en est ainsi du calcul de la dotation superficiaire : le dispositif créé pour la Guyane – fixation d’un coefficient de trois, contre cinq pour les régions de montagne comparables, et plafonnement au double de la dotation antérieure – permet judicieusement à l’État de réduire la portée et l’efficacité de la mesure sur des territoires qui en ont cruellement besoin.

De l’autre côté, la notion d’égalité appliquée à l’outre-mer alourdit certains devoirs. L’exemple du traitement des déchets et du sort fait tout récemment aux amendements proposés par les sénateurs guyanais dans le cadre du Grenelle de l’environnement, ici même au Sénat, est à cet égard éloquent.

Les instances nationales appliquent aveuglément un traitement égalitaire pénalisant, en distribuant, en plus, bons ou mauvais points : ce comportement teinté de paternalisme se double d’une méconnaissance totale, ou presque, de la réalité des charges de gestion. Ne sont pris en compte ni les écarts de développement grevant les budgets, ni le poids des dépenses obligatoires pesant sur les collectivités, ni la démographie, ni, encore, l’enclavement de certaines zones, ni, enfin, l’immigration clandestine.

Une telle analyse permet de comprendre pourquoi la question de l’évolution statutaire a occupé tant de place au sein des états généraux de l’outre-mer et pourquoi l’article 74 de la Constitution représente une telle tentation pour les élus guyanais et martiniquais.

Auditionné par les membres de la mission commune d’information, le professeur Thierry Michalon, de l’université des Antilles et de la Guyane, a expliqué que les départements français d’Amérique étaient partagés entre désir d’émancipation et volonté d’assimilation. Mais il a oublié d’établir la corrélation entre cette ambivalence des populations et l’attitude de l’État lui-même, partagé entre désir d’indifférence aux réalités concrètes des territoires ultramarins et volonté de maintien à tout prix de son contrôle sur ces derniers.

À cet égard, les premiers débats législatifs de la rentrée sont éclairants. Les réflexes séculaires de l’État, attaché à ses prérogatives, sont toujours aussi vivaces, comme l’a montré l’élaboration du schéma minier. Les logiques partisanes prennent le pas sur le réalisme et le pragmatisme.

Devant de telles situations, où les importants écarts de développement appelleraient des réponses nuancées, on peut se demander dès à présent où est passé le consensus qui s’était établi autour des constats et des propositions formulés par la mission commune d’information dans son rapport, lequel, comme l’a rappelé tout à l’heure le président de la mission, Serge Larcher, a été adopté, à une abstention près, à l’unanimité.

Je n’aimerais pas que ce rapport ne soit qu’une manifestation de bonne conscience du Sénat en réaction aux mouvements sociaux, l’un de ces « rapports de plus » qui remplit les placards des assemblées et des ministères.

Il y a un problème réel, profond, grave, transversal à de nombreux domaines : je veux parler de l’égalité des chances entre les territoires ultra-marins et ceux de l’Hexagone.

Jusqu’à ce jour, le fonctionnement des institutions de la République est tel que cette question est généralement évacuée lors de l’élaboration des lois et de divers dispositifs ou intégrée après coup à travers des mesures particulières prises souvent à la hâte, sans véritable adéquation avec la réalité, et donc sans efficacité.

Madame la secrétaire d’État, j’ai quatre questions à vous poser.

Première question, quelles propositions du rapport pensez-vous retenir pour donner de vraies chances aux collectivités locales d’outre-mer de répondre aux responsabilités et aux défis auxquels elles doivent faire face, et suivant quel calendrier ?

Deuxième question, quelle organisation l’État compte-t-il faire adopter à son administration pour une meilleure prise en compte des réalités des départements d’outre-mer dans l’élaboration et la mise en œuvre des projets nationaux, dans l’élaboration des lois de la République ? Aujourd’hui, les ministères techniques occultent l’outre-mer, et les parlementaires ultramarins sont peu écoutés. Nous souhaitons avoir des précisions sur la gestion au quotidien des territoires opérée localement par les services déconcentrés de l’État.

Troisième question, quelles démarches seront menées auprès de l’Europe pour une adaptation de la réglementation en matière de relations internationales en vue de permettre une intégration intelligente des départements d’outre-mer dans leur environnement régional, indispensable à leur développement économique ? Que ressort-il, par exemple, de la dernière et toute récente conférence des régions ultrapériphériques qui a eu lieu aux Canaries ?

Quatrième et ultime question, quelle politique d’éducation envisagez-vous pour permettre aux départements d’outre-mer de rattraper les standards métropolitains de la réussite scolaire ?

Des réponses concrètes à ces quatre questions sont indispensables pour engager une évolution positive de la situation des départements d’outre-mer, quelle que soit, par ailleurs, l’évolution statutaire de ceux-ci, sans oublier, bien évidemment, l’effort considérable à faire au niveau des politiques publiques pour la santé, la formation professionnelle ou encore le développement économique. Il faut s’en souvenir, la question des prix et de la cherté de la vie en outre-mer a été, en fait, le détonateur d’une crise dont les sources sont cependant bien plus profondes et bien plus générales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Avant de donner la parole à Mme la secrétaire d’État, je voudrais vous prier de bien vouloir excuser mon retard.

Ce rapport n’a pas vocation à finir dans un placard ! Il est bel et bien destiné à nourrir les décisions ! Je note d’ailleurs que les différents présidents de groupe ont tenu à participer à cette mission, dont je remercie le président, Serge Larcher, et le rapporteur, Éric Doligé, ainsi que l’ensemble des membres.

Nous voulons faire mentir Édouard Glissant quand il écrit que, en France, on pratique une espèce de refus fondamental à s’enrichir de la diversité.

Ce rapport, par les convergences qu’il a permis de dégager, montre bien que nous savons tirer profit, nous enrichir de la diversité. Sans doute faut-il y voir le cœur des réponses que nous aurons, les uns et les autres, à apporter.

Voilà pourquoi il me semble important que nous ayons ce débat dans le prolongement du rapport. Loin de se contenter de figurer dans les «  riches heures » du Sénat, il apportera une contribution à un territoire qui ne se réduit pas à l’hexagone. Tel est l’objectif qui doit être au cœur de nos préoccupations. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le président de la mission commune d’information, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les différents orateurs ont présenté de manière remarquable les analyses et les propositions de ce rapport d’information. Je voudrais, une fois de plus, souligner la qualité de cette mission, qui revêt un caractère exceptionnel.

Pourquoi ce qualificatif ? Parce que, monsieur le président, au plus fort de la crise sociale qui secouait l’outre-mer, vous avez pris la décision de créer cette mission commune d’information et d’y associer l’ensemble des groupes politiques, pour tenter de faire la lumière sur les causes profondes du malaise.

J’y vois la volonté des sénateurs de s’approprier encore plus les dossiers de l’outre-mer. Cette volonté, je la partage. Comme vous, je suis profondément convaincue qu’il faut changer d’époque et abandonner les analyses simplistes au profit d’une présentation de l’outre-mer sans cliché.

Nous sommes aujourd’hui en possession d’un document de synthèse particulièrement intéressant et riche en propositions. Ce rapport vient compléter le travail réalisé avec l’ensemble des rapporteurs des ateliers des états généraux en vue de préparer le comité interministériel de l’outre-mer, qui sera présidé par le chef de l’État.

On a beaucoup dit, y compris dans cet hémicycle, que la consultation n’a pas vraiment été un succès. Or malgré les critiques, la population s’est fortement mobilisée. Je tiens à saluer les rapporteurs et les participants aux ateliers. On a relevé 140 000 connexions sur notre site internet, et plus de 10 000 contributions !

Cela montre à quel point les ultramarins souhaitent prendre en charge leur destin. Le Président de la République a eu raison de leur donner la parole et de leur offrir l’occasion de s’exprimer, pour la première fois, sur leurs attentes. Cette consultation était d’autant plus importante qu’il est nécessaire, après cette période de crise, de refonder une relation rénovée, plus sereine, entre la métropole et l’outre-mer.

Cette mission est, selon moi, exceptionnelle par son ampleur. Elle a effectué un travail dont je tiens à souligner la rigueur. Je ne me suis d’ailleurs pas contentée d’étudier les fiches rédigées par mes conseillers : j’ai pris le temps de tout lire, de la première à la dernière page ! (M. le président de la mission commune d’information et M. le rapporteur font un signe d’approbation.)

Grâce à leur caractère très concret, vos propositions sont porteuses d’évolutions réelles. Par bien des aspects, cette démarche rejoint les synthèses des états généraux de l’outre-mer. Je vois dans cette symbiose la confirmation de la justesse de l’analyse. Vous avez à juste titre souhaité, comme moi, que nous puissions procéder de concert à cette restitution lors de la présentation des synthèses des états généraux au secrétariat d’État à l’outre-mer, le 1er octobre dernier. Votre participation a permis d’enrichir nos échanges.

Certaines propositions suivent des démarches parallèles. Sans anticiper le débat interactif, je voudrais aborder les questions qui ont fait l’objet d’interrogations de la part des sénateurs.

S’agissant de l’agriculture, je note beaucoup de similitudes dans notre volonté de progresser dans la restructuration des filières, notamment pour soutenir la production locale et pour permettre ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui le développement endogène : nous y voyons une voie pour l’outre-mer dans les prochaines années.

La gouvernance a occupé une place importante dans vos interventions. Les orateurs n’ont pas manqué de rappeler avec brio le rôle des services de l’État et la volonté de parvenir à une plus forte déconcentration des pouvoirs et des services de l’État.

Ce point avait été abordé dès le début des états généraux de l’outre-mer. Lors de son déplacement en Martinique, le Président de la République avait très clairement indiqué que, dans le cadre de l’évolution institutionnelle, il allait falloir se poser la question du renforcement des moyens de l’État aux territoires pour permettre à ces derniers une plus grande réactivité.

Madame Procaccia, la question de la « verticalisation »  des services se pose effectivement. Je partage votre souci de corriger un certain nombre de dispositifs pour faire en sorte de rendre effectif le plan chlordécone. Nous porterons un regard tout particulier sur ce plan important, annoncé par M. le Premier ministre à l’occasion de sa visite aux Antilles en 2008, plan qui mobilise plus de 33 millions d’euros. À l’heure actuelle, un délégué interministériel est chargé de la coordination.

La gouvernance passe aussi par la réforme institutionnelle. Il n’est bien évidemment pas question pour moi de faire connaître ma position. Vous comprendrez que, sur ce sujet, il faut laisser chaque territoire examiner cette question au regard des attentes de la population.

Permettez-moi simplement de dire qu’on ne saurait imaginer un modèle unique pour l’outre-mer. On peut comprendre la volonté de la Réunion de s’appuyer sur l’article 73 de la Constitution pour affirmer une identité législative très forte. Cela ne signifie pas, pour autant, que d’autres territoires n’aspirent pas à cette évolution institutionnelle.

Il faut laisser la possibilité à chaque territoire de choisir le statut le mieux adapté. En tout état de cause, ce n’est pas le statut qui permettra de construire le projet de territoire. Le statut est en effet toujours au service du projet. Il est évident que, quel que soit le statut, ces territoires appartiennent à la République française. On peut toujours s’accommoder de ce statut, et trouver les voies et moyens pour permettre la mise en place du projet.

D’un territoire à l’autre, la question du statut ne se pose pas de la même manière, les histoires de ces territoires, les aspirations des populations n’étant pas les mêmes, et la volonté d’exercer une plus grande responsabilité ne s’exprimant pas de la même façon.

Vous posez, en revanche, à juste titre, la question de la réglementation européenne et de la volonté d’utiliser mieux les voies de l’expérimentation. Il faut le reconnaître, peut-être n’avons-nous pas suffisamment utilisé l’article 299-2 du Traité au service des adaptations et d’une plus grande cohérence dans la réglementation européenne à l’égard des régions ultrapériphériques, des pays et territoires d’outre-mer ou des pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Lors de ma rencontre avec le commissaire européen Pawel Samecki aux îles Canaries, ainsi que lors d’un entretien, à Bruxelles, hier, avec trois commissaires, j’ai ressenti une volonté très forte de la Commission d’être ouverte sur la question de la future application de l’article 299-2 du Traité, en particulier pour le prix des carburants et l’octroi de mer.

N’ayons garde d’oublier que l’octroi de mer ne permettra jamais de pérenniser des recettes pour nos collectivités ! Il faut nous employer à rechercher une solution alternative permettant d’asseoir la fiscalité de nos collectivités locales.

S’agissant de la formation des prix, vous avez largement abordé les questions de la transparence et de la concurrence. Vous avez pris connaissance du rapport remis par l’Autorité de la concurrence sur la fixation des prix des carburants et sur la distribution.

Instance indépendante, l’Autorité de la concurrence ira certainement plus loin. Laissons-la poursuivre son travail pour en finir avec une situation qui n’a que trop perduré en outre-mer. Les abus de position dominante, il faut les prendre en compte et y mettre fin ! L’objectif est que, à terme, cet observatoire des prix puisse complètement jouer son rôle pour dissiper ce sentiment d’opacité et pour promouvoir une plus grande transparence.

Sachez-le, à cette question fondamentale, qui était à l’origine des tensions sociales sur le territoire, des réponses fortes seront apportées dans le cadre du comité interministériel de l’outre-mer.

Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. Le logement social constitue, monsieur Gillot, mon ambition, laquelle est d’ailleurs partagée par le Gouvernement dans son entier, lequel mesure l’incidence de cette question en outre-mer.

Je suis d’ailleurs intervenue à cet égard à plusieurs reprises dès ma prise de fonctions pour dire que, sans méconnaître l’importance de la question du pouvoir d’achat, je pensais que les tensions sociales risquant de survenir demain en outre-mer seraient liées au logement social.

Aujourd’hui, l’habitat en outre-mer est particulièrement dégradé et insalubre. Il faut absolument remédier à une telle situation ! Je serai très attentive à toutes les questions soulevées en matière d’équilibrage des opérations pour permettre la réalisation du logement social.

Il n’est nullement dans mon intention de faire de l’affichage ! Ce que les ultramarins attendent de nous, en effet, c’est que nous puissions indiquer le nombre de logements sociaux qui seront livrés chaque année dans l’ensemble des territoires d’outre-mer.

Cette volonté sera confirmée dans les mois qui viennent et nous avons d’ores et déjà commencé à travailler en étroite collaboration avec Benoist Apparu afin d’envisager, s’agissant notamment de la résorption de l’habitat indigne, des mesures d’adaptation.

Je veux par ailleurs vous rassurer quant aux décrets d’application prévus dans la loi pour le développement économique des outre-mer et concernant le logement social : tous font actuellement l’objet de la consultation des collectivités locales, de sorte qu’ils seront très rapidement effectifs.

S’agissant de l’utilisation des énergies, je tiens également à préciser que le décret relatif à la valorisation de la bagasse est signé aujourd'hui, la rémunération ayant été fixée, comme le Premier ministre l’a annoncé, à 13 euros la tonne, dont 10 euros pour les planteurs.

Enfin, concernant les questions relatives à la jeunesse, l’emploi et la santé, sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que bon nombre de vos propositions et de vos réflexions alimentent le débat que nous menons aujourd'hui pour préparer les décisions du comité interministériel de l’outre-mer.

Cependant, dans tous ces champs d’activité et, en particulier, dans le domaine de l’emploi, des mesures qui répondent en grande partie à vos préoccupations ont déjà été prises par le Gouvernement au travers tant du plan d’urgence annoncé en février dernier que du plan « Agir pour la jeunesse » mis en place par Martin Hirsch et du plan « Santé outre-mer » lancé par Roselyne Bachelot-Narquin.

Le RSTA demeure un vrai sujet.

J’estime que la question de la pérennisation du dispositif au-delà de trois ans doit être abordée à deux niveaux : il faut se préoccuper, certes, du pouvoir d’achat, mais aussi veiller à la préservation du tissu économique, car, si nous ne parvenons pas à relancer l’activité économique, nous ne pourrons pas créer les emplois durables nécessaires pour faire face au chômage, qui constitue une préoccupation essentielle.

On assiste en particulier, comme Mme Hoarau l’a souligné, à une progression considérable du taux de chômage à la Réunion, qui tient au fait que les grands chantiers sont terminés et que la reprise ne se fera pas immédiatement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, oui, nous avons l’audace de mettre en œuvre des propositions très concrètes et, comme l’ont d’ailleurs souligné le rapporteur et M. Patient, nous n’avons pas attendu le comité interministériel pour agir, car nous souhaitons répondre aux aspirations des ultramarins et, notamment, de leurs élus.

Nous avons ainsi engagé le processus de l’évolution institutionnelle pour la Martinique et pour la Guyane.

Et c’est aussi ce gouvernement, qui, guidé par la volonté de chercher des solutions plus justes, a pu entamer, sur la base des rapports qu’il a commandés, la réforme des mécanismes de fixation des prix des carburants. Ce n’était pas chose simple, monsieur Gillot, et si, depuis vingt ans, les ultramarins étaient confrontés aux difficultés que l’on sait en la matière, personne n’avait réussi à sortir d’un dispositif dont chacun pourtant s’accordait à reconnaître qu’il n’était pas satisfaisant !

Ces réponses concrètes aux problèmes de l’outre-mer démontrent que nous ne nous bornons pas, comme ce fut le cas par le passé, à accuser réception de rapports sans leur donner de suite.

De même, si, sur la question foncière en Guyane, il reste à conforter la position de l’État, sachez que le Président de la République a très clairement annoncé, lors de son déplacement sur place, que l’État était prêt à céder le foncier dans ce département pour la réalisation des équipements publics.

Il faut aller encore plus loin, nous le ferons, mais nous sommes aussi dans l’action au quotidien et nous n’attendons pas forcément que toutes les décisions aient été prises pour agir.

Vos réflexions, mesdames, messieurs les sénateurs, sont une base essentielle pour la préparation des décisions qui vont intervenir prochainement. Elles vont, je tiens à le souligner, plus loin que celles des ateliers des états généraux de l’outre-mer.

Je salue ainsi le travail réalisé par la mission commune d’information sur les finances des collectivités d’outre-mer.

Vous invitez le Gouvernement à poursuivre la réflexion ; il le fera, car la situation des finances publiques des collectivités locales est très préoccupante et appelle des solutions. La réforme de l’octroi de mer en est une, mais il y en a d’autres, comme l’élargissement des bases et la mise en place de diverses taxes. Nous examinerons ces propositions par la suite, mais je tiens à dire dès maintenant que j’ai trouvé dans le rapport des pistes de travail particulièrement intéressantes.

J’ai également noté que vous aviez osé aborder un sujet qui, pour certains, est un véritable tabou. Je pense, bien évidemment, aux sur-rémunérations, dossier difficile que je ne pouvais pas passer sous silence, mais à propos duquel vous avez en somme déjà reçu une réponse puisque le Premier ministre a annoncé, lors de son déplacement à la Réunion, que le Gouvernement serait bien sûr disposé à accompagner toute la réflexion dans ce domaine.

Vos analyses et propositions viennent donc compléter et conforter celles des ateliers. Elles apportent en outre un autre regard, une autre approche pour la préparation du comité interministériel de l’outre-mer, et je vous suis reconnaissante de ce travail parlementaire remarquable qui sera très utile au secrétariat d’État lorsqu’il devra définir les orientations politiques pour l’outre-mer.

Je veux voir dans ce travail le signe d’une appropriation par tous les sénateurs de la politique publique en faveur de l’outre-mer et je considère, mesdames, messieurs les sénateurs, le rapport de la mission commune d’information comme un document de référence pour la suite.

Ce rapport, mesdames, messieurs les sénateurs, ne restera pas lettre morte ; en complément du travail réalisé dans les ateliers, il trace le chemin qu’il nous faudra suivre. Certes, et je réponds ici à une question qui m’a été posée, toutes les propositions qu’il contient ne seront pas retenues, mais il servira de cadre pour les débats futurs entre le Gouvernement et la représentation parlementaire.

J’ai la conviction que les travaux de la mission commune d’information et ce débat consacré à la situation des départements d’outre-mer, donc à leur devenir, constituent des actes d’une grande force symbolique, car ils contribuent à renforcer les liens qui unissent l’outre-mer à la métropole et, inversement, la métropole à l’outre-mer.

Les ultramarins ne s’y trompent pas et sont particulièrement attachés à ces moments privilégiés où ils peuvent mesurer l’attention que le Gouvernement et la représentation parlementaire entendent accorder à leur situation dans la République en tant que citoyens à part entière.

Je laisse maintenant place au débat et je répondrai très volontiers plus en détail à chacune des questions que vous voudrez bien me poser, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

III- Débat interactif et spontané