M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Etienne.

M. Jean-Claude Etienne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ma connaissance, c’est la première fois qu’est nommé un ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Je salue avec beaucoup d’émotion le nouvel intitulé de cette fonction ministérielle.

À Rémy Pointereau, dont Jean Boyer disait à l’instant qu’il est le tracteur de la ruralité, je veux dire que plus qu’un semi-diesel de Vierzon, il est un diesel total.

Intervenant le dernier, à plus de vingt-trois heures, après tant d’orateurs qui ont tout disséqué avec le scalpel du chirurgien, je me demande s’il est opportun de lire le discours que j’avais préparé. Je vais m’en garder, car ce serait une redite de ce qui a déjà été exposé si brillamment.

Après avoir entendu mon prédécesseur à cette tribune, Yves Chastan, et tous ceux qui sont intervenus avant lui, je me pose effectivement la question de savoir si nous ne nous trouvons pas à un tournant pour la ruralité en France. En fait, nous sommes à la veille de ce tournant : il commence à s’ébaucher, car beaucoup reste à faire !

La dynamique économique et sociale a longtemps reposé sur la ruralité non seulement dans notre pays, mais également dans le reste du monde, puisque tout ou presque était issu de l’agriculture. L’ère industrielle, avec les services qui s’y rattachent, a créé des agglomérats de populations qui ont fabriqué un déterminant démographique vraiment prééminent en milieu urbain.

Yves Chastan vient de dire à l’instant que les derniers recensements pouvaient peut-être allumer quelques espoirs dont le bien-fondé pourrait reposer sur les prémisses de mutations de la ruralité et sur les comportements de nos concitoyens. Il est vrai, comme La Fontaine le disait déjà en son temps, qu’il y a un comportement des villes et un comportement des champs.

Pour ma part, je suis tellement citadin que certains m’ont demandé ce que je venais faire dans ce débat. Mais il m’a semblé important de mettre en exergue une telle problématique, car nous avons de plus en plus besoin, quand on voit le comportement des villes, de nous référer au comportement des champs et de nous y ressourcer. La ruralité doit enfin renaître des cendres quelque peu refroidies par cette ère industrielle pour retrouver toute sa place dans la dynamique économique et sociale de notre pays. Voilà le fameux tournant que l’on ne peut qu’appeler de nos vœux, car il répondra à bien des questions que se posent nos concitoyens dans notre société actuelle.

Tournons-nous vers cette ruralité ! Sachons en dégager les grandes vertus, qui ont été nourries par l’expérience, la tradition et les cultures qui se sont toujours mues pour faire le cœur des grandes civilisations !

Ce matin, la Haute Assemblée connaissait la première réunion de notre nouvelle délégation à la prospective. Nous sommes d’ailleurs la seule assemblée en Europe, avec les Finlandais, à être dotée d’une telle délégation. Alors que nous réfléchissions à la teneur des premiers débats, savez-vous ce qui est venu tout naturellement à l’esprit du bureau de la délégation ? Eh bien ! s’est posée à nous la fameuse problématique vécue par nos concitoyens dans les villes : comment répondre à cette soif incontestable de retourner vivre en milieu rural afin de retrouver les fondements d’un art de vivre de qualité, que nous avons trop souvent perdu en étant entassés dans des agglomérations qui finissent par avoir une taille démesurée ?

Je pense au Minotaure, qui finit par mourir d’avoir trop mangé les autres. Un jour viendra – il n’est peut-être pas si éloigné – où cette ruralité, qui avait perdu la prééminence de dynamique économique et sociale, pourra enfin retrouver droit de cité. Pendant longtemps, la ruralité était synonyme d’agriculture, et les concentrations urbaines d’industrie. Aujourd’hui, on le sent avec les perspectives qui se dessinent, le monde industriel n’est plus étranger au monde de l’agriculture. Il arrive même à ceux-ci d’entrer en résonnance : on parle parfois d’agro-industrie !

Voilà que la nouvelle industrie, intimement liée à la problématique de l’agriculture, apparaît. Dès lors, un nouveau souffle peu venir habiter un territoire rural, qui s’était désertifié du fait des flux démographiques et des courants provoqués par l’industrialisation.

Au travers de ces formidables pôles d’excellence rurale qui ont été lancés, pour la première fois depuis longtemps, le qualificatif « rurale » est accolé à la notion d’excellence. Quelle avancée ! En comparaison, pour les villes, nous en sommes restés aux pôles de compétitivité…

Aujourd'hui, l’excellence deviendrait-elle enfin le fait des terroirs et des espaces de la ruralité ? Pourquoi pas ? Il semble que la voie soit ouverte. Regardez la nouvelle industrie ! La chimie, par exemple, est une chimie verte. Adieu la chimie du charbon et de l’acier ! Adieu, probablement, les tours de cracking distillant du pétrole : c’est la production agricole qui sera « enfournée » dans ces nouvelles tours.

On voit ainsi bouger la nature de l’industrie, qui revient vers la production agricole. La syncrétie entre les mondes agricole et industriel se trouve ainsi créée, régénérant la ruralité.

Je souhaite revenir sur les pôles d’excellence rurale, auxquels je me suis fortement intéressé. Notre ami parlait de la Gironde ; permettez-moi de dire quelques mots sur la Champagne-Ardenne : cela, c’est de la ruralité, je puis vous l’assurer ! Je dirai au passage aux Girondins que notre petit vin local n’est pas plus mauvais que les autres. (Sourires.)

Sur les dix-neuf pôles d’excellence de ma région, je me suis intéressé non pas à ceux qui étaient prometteurs et qui fonctionnaient bien, mais aux trois qui étaient en panne ; c’est de ceux-là que je voudrais parler un court instant pour conclure.

Les porteurs de projets ont déploré que la méthodologie pour construire ces pôles d’excellence et les projets pour les décliner concrètement n’assurent pas la faisabilité, que les problématiques de fonctionnement secondaires ne soient pas toujours prises en charge au départ. Ils ont évoqué l’intérêt de la méthode, qui a d'ailleurs cours à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, consistant à asseoir la faisabilité des projets dès leur instruction, en les dotant, comme les programmes Leader +, d’une petite somme apéritive d’argent ouvrant droit, s’ils sont acceptés, à la suite de l’instruction et à leur déclinaison concrète. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec un plaisir non feint que je viens dialoguer avec vous sur les pôles d’excellence rurale.

Cher monsieur le rapporteur, je voudrais tout d’abord vous remercier du travail nourri et précieux que vous avez conduit sur les pôles d’excellence rurale, avec votre groupe de travail, à la suite d’une décision de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Vous venez de nous livrer la substantifique moelle de votre rapport. Je dois dire que nous étions impatients de disposer de ses conclusions, puisque nous nous sommes très largement appuyés sur vos travaux – je vous remercie de nous les avoir transmis par anticipation – pour lancer la deuxième vague de pôles d’excellence rurale annoncée par le Premier ministre le 8 septembre dernier. Vous verrez que nous sommes restés très proches des propositions du Sénat.

Je suis heureux d’être ce soir au Sénat, une institution qui m’est chère et dont je connais l’engagement au service des territoires. Vos interventions ont montré, au-delà de votre engagement, une vraie passion pour les territoires. Cette passion, vous le savez, je la partage : c’est notre culture commune, et j’ai la chance de la vivre pleinement et intensément au sein du ministère dont j’ai la charge.

Les territoires ruraux sont une priorité. L’intitulé du ministère qui m’a été confié indique une volonté politique forte, celle du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement tout entier. Le Président de la République avait souligné la priorité qu’il accordait au développement des territoires ruraux au mois de juin dernier, devant le Congrès. Il a eu maintes occasions de le rappeler depuis et il devrait le confirmer encore prochainement.

Il y a désormais un ministère de l’espace rural et de l’aménagement du territoire : ce n’est pas un effet d’annonce ; c’est l’expression d’une nouvelle ambition pour la politique d’aménagement du territoire, en accordant une attention particulière aux territoires ruraux, que l’on a trop souvent mis de côté.

M. Chastan a évoqué la DATAR. Dans la conscience collective, la DATAR était le signe d’une volonté affirmée d’aménager le territoire. Nous retrouvons cet engagement fort, ce qui est essentiel.

Depuis leur création en 2005, les pôles d’excellence rurale ont constitué une formidable dynamique pour le développement économique des territoires ruraux. Votre rapport le montre bien, monsieur Pointereau, en soulignant la nouvelle vision de l’aménagement du territoire que les PER ont su inspirer, tout en définissant une nouvelle ambition pour le monde rural et en préservant un tissu économique local au travers du soutien accordé à des savoir-faire spécifiques, emblématiques d’un terroir et d’une tradition historique.

Je partage votre bilan : au-delà des réussites, des améliorations sont certes souhaitables. Nous allons ensemble essayer d’y œuvrer.

Avec le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, M. Bruno Le Maire, nous allons lancer la nouvelle génération de PER en 2010, comme l’a voulu le Premier ministre. C’est un dossier phare pour le ministère de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, sur lequel je m’engage avec détermination et conviction.

M. Bourquin a souligné quelques points faibles et déploré l’absence d’un véritable bilan des pôles d’excellence rurale ; MM. Boyer et Etienne en ont également parlé. C’est exact, car ces pôles vivent encore et n’ont pas épuisé leurs attributions. L’évaluation sera faite et elle sera naturellement présentée au Sénat.

Il existe un décalage entre les engagements et les paiements. Les PER en cours ont bénéficié de 175 millions d'euros de crédits d’État de toute nature ; 117 millions d'euros de crédits d’État ont déjà été versés à l’Agence de services et de paiements, qui les reverse à chacun des PER, et 55 millions d'euros ont été effectivement payés ; le reste le sera lorsque toutes les factures auront été transmises.

Pour ce qui est du décalage entre le moment où les PER sont labellisés et leur réalisation effective, il est dû au problème de l’ingénierie, que vous avez tous souligné. Nous allons essayer d’y répondre en organisant mieux le dépôt des candidatures et la période de la décision, afin de laisser le temps suffisant pour préparer les dossiers à l’échelon des territoires. Nous allons également mobiliser l’ingénierie publique pour les porteurs de projets qui souhaiteraient y avoir recours.

La réforme des préfectures va libérer les sous-préfets. Lors de la dernière réunion des préfets, place Beauvau, j’ai demandé que les sous-préfets soient à la disposition des porteurs de projets, qu’ils deviennent de véritables assembleurs, sur le terrain, aux côtés des élus.

M. Michel Mercier, ministre. Dans une République décentralisée, l’État n’a pas à être toujours au-dessus : il doit être à côté.

M. Michel Mercier, ministre. Son rôle est d’accompagner et de rendre réalisables les idées exprimées sur le terrain. C’est ce nouveau rôle que nous souhaitons voir jouer aux sous-préfets dans les pôles d’excellence rurale et, plus largement, dans l’ensemble des politiques qui seront mises en œuvre au profit des territoires ruraux.

Plusieurs d’entre vous ont souligné que les collectivités locales avaient beaucoup participé, mais l’État ne se défausse pas pour autant ! Nous avons simplement appliqué la loi de 1982, qui fut une grande étape de la décentralisation, ainsi que la loi intérimaire sur le Plan, votée à l’instigation de M. Rocard et qui prévoit expressément la compétence du département pour tout ce qui concerne l’équipement rural. Nous avons respecté cette compétence dans le cadre des PER.

M. Vall nous a expliqué qu’il était un fervent partisan des PER et qu’il craignait que la réforme de l’organisation territoriale ne casse cette belle dynamique en ne reconnaissant plus les pays. Je tiens à le rassurer : la future loi n’a pas pour objet d’abroger les pays existants ; simplement, il ne s’en créera pas de nouveaux.

Vous avez évoqué, monsieur Vall, la difficulté pour une seule communauté de communes de porter un PER. Le Gouvernement répond pleinement à votre attente en proposant de rationaliser la carte de l’intercommunalité.

Comme vous, nous pensons qu’un certain nombre de communautés de communes sont trop petites et qu’il faut définir des périmètres plus pertinents.

M. Yvon Collin. C’est vrai !

M. Michel Mercier, ministre. Dans cet esprit, la réforme de l’organisation territoriale comportera une rationalisation de l’intercommunalité. Cela va dans le sens que vous souhaitez, monsieur Vall, et votre intervention me semble donc annoncer un soutien au texte que nous soumettrons prochainement au Sénat, soutien dont je vous remercie d’ores et déjà ! (Sourires.)

Le cahier des charges de l’appel à projets pour la nouvelle génération de PER précise d’ailleurs que la structure porteuse pourra être un établissement public de coopération intercommunale, un parc naturel régional, un conseil général, une association ou un groupement d’entreprises privées, sous certaines conditions : vous n’avez donc rien à craindre.

M. Boyer a souligné à juste titre que les PER ont permis de transformer des handicaps en atouts : telle était bien leur vocation. Il nous a par ailleurs fait part de ses inquiétudes concernant la pérennisation du dispositif des zones de revitalisation rurale. Un bilan de ce dispositif est actuellement en cours, mais il est certain que son statut fiscal, notamment au regard de la taxe professionnelle, en est l’un des points forts. Or il n’échappera à aucun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que la proposition du Gouvernement de supprimer la taxe professionnelle pour la remplacer par une cotisation économique territoriale répond parfaitement à la préoccupation de M. Boyer. En effet, la cotisation complémentaire ne sera payée que par les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros : les PME en seront donc toutes exemptées, ce qui revient à dire que l’adoption du projet de loi de finances que vous examinerez bientôt permettra la création de ZRR sur l’ensemble du territoire, et c’est tant mieux pour le développement économique local ! (MM. Yvon Collin et Raymond Vall rient.) Je ne doute pas que je parviendrai à vous en convaincre lors du débat budgétaire, si ce n’est déjà fait ! (Rires.)

En ce qui concerne les financements croisés, vous avez raison de dire, monsieur Boyer, qu’ils sont toujours complexes. En matière de financement, il faut choisir entre soutenir un grand nombre de pôles d’excellence rurale ou opter pour un champ d’intervention réduit. Mon ministère prévoit d’ores et déjà de réserver un peu plus de 100 millions d’euros à la nouvelle génération de PER, mais d’autres ministères peuvent également contribuer au financement du dispositif : je pense, en particulier, au ministère de l’intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Lorsque j’ai été nommé ministre, on m’a notamment confié la mission d’instaurer une plus grande équité des dotations versées par l’État aux communes rurales par rapport à celles qu’il attribue aux communes urbaines. La dotation de développement rural constitue naturellement l’une des sources de financement des PER, mais il convient à mon sens d’utiliser complètement les fonds européens. Or, parfois, la réglementation européenne nous conduit à en rendre une partie. Il serait préférable de prévoir des contreparties budgétaires avec certains ministères afin de pouvoir mobiliser leurs fonds européens et disposer ainsi d’une masse de crédits plus importante pour financer les PER, l’Agence de services et de paiement de l’État pouvant gérer l’ensemble.

Monsieur Boyer, vous considérez enfin que le montage des dossiers a été trop rapide. Nous veillerons à répondre à la préoccupation que vous avez exprimée.

Madame Des Esgaulx, il est vrai que notre premier objectif est de créer des emplois et d’assurer le développement économique des territoires ruraux. Il est exact que ces derniers sont très divers : si l’agriculture constitue leur épine dorsale, d’autres activités économiques y existent également. Les PER, qui comporteront une forte dimension économique, contribueront à dynamiser les territoires ruraux et à stimuler certaines filières, comme la filière bois, que vous avez évoquée.

Les PER pourront également permettre la mise en place d’un certain nombre de services : je pense en particulier au haut débit et au très haut débit, et j’ai à l’esprit la proposition de loi de M. Pintat.

M. Chastan a souligné avec raison que, pendant très longtemps, gérer les territoires ruraux est revenu à gérer un déclin. Aujourd'hui, nous devons accompagner leur redressement démographique, en maintenant les services publics et les services au public. À cet égard, je vous félicite, monsieur le sénateur, d’avoir bien fait la distinction entre ces deux notions, car elle est essentielle : dans la vie de tous les jours, on a davantage besoin d’un médecin que d’une perception, même s’il est très important de pouvoir payer ses impôts !

En ce qui concerne cette question des services publics, nous devons être le plus clairs possible. J’ai suivi, il y a bien longtemps, l’enseignement d’un professeur qui avait lui-même été formé, à Bordeaux, dans la grande école du service public du doyen Duguit. J’ai appris qu’un service public se caractérisait par un certain nombre de principes, dont celui de mutabilité : un service public doit toujours s’adapter pour remplir au mieux son rôle, car on ne peut plus gérer les choses aujourd'hui comme il y a cinquante ans. Cela ne signifie pas que les services publics doivent disparaître, mais ils doivent évoluer.

À cet égard, les PER pourront être utilisés, par exemple pour développer le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ainsi, j’ai inauguré voilà quelques jours une maison des services publics équipée d’une borne de visioconférence, qui permet aux habitants d’un territoire où il n’y a jamais eu de service de sécurité sociale de s’entretenir de leur dossier avec un agent.

Il est donc possible aujourd'hui de faire vivre autrement les services publics, et c’est à juste titre que vous avez souligné que les territoires ruraux peuvent être des lieux d’innovation sur ce plan. Ainsi, j’ai décidé il y a quelques jours de créer une nouvelle aide, d’un montant de 20 millions d’euros, pour les « grappes d’entreprises », qui assurent les services publics locaux. En milieu rural, ces grappes d’entreprises doivent travailler en lien avec les pôles de compétitivité : il n’y a pas d’opposition entre ces deux structures, qui doivent au contraire être complémentaires.

Vous avez donc raison de dire que la ruralité est à un tournant, monsieur Étienne. Nous devons non plus la cacher, mais à l’inverse la montrer comme un espace de modernité et de progrès, où les gens ont envie de vivre.

Tel est le but des assises de la ruralité qui se tiendront prochainement. Tout ne doit pas être décidé depuis Paris : il faut écouter les acteurs de terrain. Je vais demander aux préfets d’organiser, dans les semaines qui viennent, des débats dont ils feront remonter les conclusions, ce qui nous permettra, dès la fin du mois de janvier prochain, de définir les lignes de force de notre politique en faveur des territoires ruraux.

J’évoquerai maintenant les axes de la nouvelle génération d’appels à projets, lesquels doivent s’inscrire dans les problématiques des territoires ruraux. Ils visent à favoriser de nouvelles dynamiques territoriales, concernant aussi bien la valorisation du potentiel local existant que la gouvernance et les relations entre les acteurs. Je souhaite que les appels à projets permettent de faire émerger des propositions d’actions diversifiées et adaptées en prenant en compte la complémentarité des instances.

Deux enjeux fondamentaux pour les territoires doivent, à mes yeux, structurer les appels à projets : le renforcement de la capacité économique des territoires ruraux et la prise en compte des besoins des populations dans le domaine des services publics et des services au public, en fonction des évolutions des territoires.

Je crois en la diversité économique des territoires, qui est, selon moi, un atout à valoriser. Les nouveaux emplois ne relèvent pas uniquement des productions agricoles ou agroalimentaires ; il faut aussi mieux prendre en compte les potentialités naturelles des territoires, leurs savoir-faire techniques, leurs spécialisations artisanales et industrielles, leur patrimoine, voire leur vocation.

Je pense en particulier au développement des entreprises et des filières, à la création d’activités marchandes fondées sur les productions de nos territoires. Plusieurs exemples pourraient être cités, mais je n’évoquerai que celui de la filière pierre volcanique qui a été relancée dans le Puy-de-Dôme.

Je pense aussi à la création d’ateliers-relais ou de pépinières d’entreprises dans une logique de développement durable, en lien avec les bio-constructions et les bioénergies. Les ressources forestières peuvent ainsi trouver une valorisation et un débouché dans les chaufferies, en milieu rural ou en milieu urbain.

L’emploi et l’économie sont bien sûr les priorités des pôles d’excellence rurale, mais, parallèlement, il est essentiel de répondre aux besoins des habitants en termes de services.

Plusieurs d’entre vous ont observé que, du fait de l’essor démographique des territoires ruraux, de nouveaux habitants côtoient désormais les ruraux « historiques ». Ce mélange de populations, l’accès aux nouvelles technologies, ainsi que l’ouverture sur le monde de ces territoires, font que, aujourd'hui, les standards de vie sont les mêmes que l’on vive en ville ou en milieu rural : les besoins et les envies sont les mêmes, on s’habille de la même façon, on regarde les mêmes chaînes de télévision.

Il faut donc offrir un socle de services adaptés à la demande de la population. Cela passe par l'utilisation de nouvelles technologies et par de nouveaux types de partenariats : je pense aux missions de service public et aux maisons médicales de santé. Cet après-midi, j'ai travaillé avec Mme Bachelot-Narquin pour que nos ministères puissent concevoir ensemble des réponses au problème de la démographie médicale, que les habitants de certaines zones rurales subissent quotidiennement.

On peut bien sûr envisager le déploiement, comme dans la Manche, de bornes visio-relais pour assurer le maintien et l'amélioration des services publics, mais il faudra aller plus loin.

Les pôles d’excellence rurale pourront ainsi contribuer à développer des formes expérimentales de services, comme les espaces publics numériques, les télé-centres avec visioconférence ou la télémédecine : nous lancerons une expérimentation en ce sens avec le ministère de la santé.

Cette deuxième génération se caractérise donc par une ouverture de l'objet des pôles d'excellence rurale, qui pourront parfaitement servir à développer les services publics et les services au public. Pour être sélectionnés au titre de cette nouvelle génération de PER, les projets devront répondre à des objectifs précis, que M. Pointereau a d’ailleurs mentionnés dans son intervention.

En ce qui concerne le calendrier, le premier appel à projets sera lancé dès la fin de ce mois, les réponses pouvant être adressées jusqu’en janvier 2010, en vue d’une prise de décisions vers le mois d’avril de la même année. Une seconde vague sera lancée au début de 2010, après les assises des territoires ruraux, les décisions devant être arrêtées pendant l’été. Ces délais, de quatre mois pour la première vague et de dix mois pour la seconde, sont, me semble-t-il, de nature à répondre à vos attentes. S’agissant de l’ingénierie publique, les sous-préfets, notamment, se tiendront à la disposition des collectivités territoriales pour les aider à élaborer des projets. Pour l’heure, nous avons prévu, pour la seconde vague, un financement au moins égal à celui de la première vague.

Nous comptons articuler ce dispositif avec l’ensemble des autres instruments de la politique en faveur des territoires ruraux, qui ne se résume pas aux seuls pôles d’excellence rurale, même si ces derniers sont particulièrement intéressants dans la mesure où ils associent des acteurs qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble jusque-là.

Afin d’aller plus loin, d’autres actions seront menées. Ainsi, s’agissant du numérique, M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique et moi-même avons lancé aujourd'hui un appel à projets pour utiliser les 30 millions d’euros de crédits européens qui viennent d’être mis à disposition de la France. En outre, j’ai déjà évoqué les grappes d’entreprises et les actions que nous envisageons de mener avec le ministère de la santé pour répondre à un certain nombre de problèmes en matière de permanence des soins et de démographie médicale.

J'ai le sentiment d’avoir été un peu long, ce dont je vous prie de m'excuser,…

M. Jean-Pierre Plancade. Un discours intéressant n’est jamais long !

M. Michel Mercier, ministre. … mais je voulais répondre à chacune et à chacun d'entre vous, puisque c'est une des premières fois que je m'exprime devant le Sénat en qualité de membre du Gouvernement. De surcroît, la relance de la politique d'aménagement du territoire, notamment dans sa dimension rurale, est un sujet qui mérite qu’on s’y attarde. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je constate que le débat est clos.