M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Non ! (Sourires.)

M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

J’en viens à l’amendement n° 475, qui vise à fixer un nombre maximal d’habitants par bureau de poste de plein exercice. Il s'agit là d’une question qui est rarement soulevée.

Il faut donner à La Poste les moyens de poursuivre les efforts de rénovation de ses bureaux, ce qui nous ramène à la nécessité d’autoriser d’autres personnes publiques à lui apporter des capitaux. Toutefois, au lieu de créer de nouveaux bureaux, il est peut-être préférable d’ouvrir des guichets supplémentaires…

Enfin, l’amendement n° 281 rectifié bis vise à garantir un accès à internet haut débit dans chaque bureau de poste. Il permettrait un égal accès aux communications virtuelles. J’émets un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Je voudrais formuler quelques brèves remarques avant de donner mon avis sur les amendements.

Je me trouvais hier en déplacement en Lozère (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.). Cela arrive à tout le monde !

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas à côté !

M. Michel Mercier, ministre. Certes, mais j’y suis allé précisément parce que ce n’était pas à côté, ce qui constitue une très bonne raison !

Près de La Canourgue, dans une commune d’environ mille habitants, j’ai visité une agence postale communale qui fonctionne très bien. Le maire y a obtenu l’installation d’un distributeur de billets qui assure 14 000 transactions par an.

M. Roland Courteau. C’est mieux que rien !

M. Michel Mercier, ministre. En outre, cette agence attire des gens, qui y réalisent des opérations postales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les agences postales communales sont une grande réussite (Applaudissements sur les travées de lUMP.), et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, elles consacrent la mairie comme le lieu principal des services publics, ce qui est essentiel en milieu rural.

Ensuite, elles permettent souvent à des petites communes, dont les ressources sont faibles, de disposer d’un salarié employé à temps plein, qui travaille à la fois pour l’agence postale et pour la municipalité. (M. Roland Courteau s’exclame.) Si la commune complète par une somme équivalente les quelque 836 euros versés par La Poste à son agent, celui-ci dispose d’un salaire correct. Ainsi, une famille composée de deux jeunes dont l’autre est agriculteur, par exemple, peut vivre sur place.

M. Michel Mercier, ministre. Il s'agit donc d’une vraie réussite, qu’il faut souligner, même si j’espère que nous pourrons aller plus loin. En tout cas, en tant que ministre chargé de l'aménagement du territoire, mon objectif est de faire en sorte que les mairies demeurent le plus souvent possible le siège des services publics.

M. Roland Courteau. Mais l’État se désengage !

M. Michel Mercier, ministre. Bien entendu, rien n’est figé.

M. Michel Mercier, ministre. Au contraire, tant mieux, monsieur Raoul ! Car quand la commune grandit, par exemple parce que des lotissements sont construits et que de nouvelles populations s’installent, il arrive que l’activité postale s’accroisse sensiblement, et l’agence peut alors être transformée en un bureau de poste de plein exercice.

M. Roland Courteau. C’est précisément l’objet de notre amendement !

M. Michel Mercier, ministre. Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2005, environ 250 agences postales ou points poste ont été transformés dans notre pays en bureaux de poste de plein exercice, ce qui montre bien qu’une telle évolution est possible.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais combien ont disparu dans le même temps ?

M. Michel Mercier, ministre. Aucun ! Il y en a 17 000 et nous inscrivons ce chiffre dans le projet de loi. Nous souhaitons en rester là, tout simplement parce qu’il est nécessaire d’introduire de la souplesse dans la répartition des bureaux de poste. Ainsi pourrons-nous modifier celle-ci quand la situation démographique des communes changera.

Mesdames, messieurs les sénateurs, demain, ce n’est pas moi qui siègerai au banc du Gouvernement.

M. Jean Desessard. C’est déjà fini ! (Sourires.)

M. Michel Mercier, ministre. Il serait peu respectueux pour le Sénat et pour le ministre chargé de l’industrie que je fige la position du Gouvernement en donnant mon avis ce soir sur tous les amendements, à la file. Le débat doit rester ouvert ! Afin que nous puissions mettre aux voix quelques amendements d’ici à minuit, je me rallie aux positions de M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 56.

Mme Odette Terrade. Je le rappelle, il s'agit d’un amendement de suppression, parce que nous considérons que le statu quo sur les points de contact n’est pas suffisant.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG entendent pointer du doigt la manœuvre grossière de la commission, qui s’efforce de faire croire que la présence postale sera garantie.

Lors de la votation citoyenne, nous avons entendu pis que pendre sur les organisateurs et les soutiens de cette initiative. « Manipulation », « mensonge », « procédés dignes de l’Union soviétique » : chers collègues de la majorité, vous n’avez pas été avares de joyeux qualificatifs… Or non seulement je réfute ces accusations, mais je crois même que nous pourrions vous adresser les mêmes !

En fait, l’aménagement du territoire a un coût que l’État ne veut plus financer. La Poste a chaque année plus de 250 millions d’euros à sa charge. Ne venez pas ensuite nous parler de la fameuse dette de l’entreprise, qui atteint 6 milliards d’euros, et dont il faut tout de même garder à l’esprit que c’est l’État qui en est responsable en grande partie.

Aujourd’hui, le fameux fonds de péréquation, institué par la loi de 2005 et faiblement abondé, n’a servi qu’à financer le démantèlement du réseau et les transformations de bureaux de poste de plein exercice en agences postales communales ou en simples relais Poste. Il faut le savoir, en 2008, sur 137 millions d'euros, 115 millions ont été consacrés à entretenir les relais Poste et les agences postales communales, et à rémunérer leur personnel.

La situation est déplorable : les files d’attente dans les bureaux s’allongent et il est difficile d’avoir son courrier à j+1 et même à j+2, tout simplement parce que les seules orientations qui priment pour préparer l’ouverture à la concurrence sont celles de la rentabilité, en dehors de toute conception d’intérêt général et d’utilité sociale. C’est plutôt de mauvais augure pour le jour où La Poste sera une simple société anonyme…

Pour notre part, nous voulons que La Poste se modernise. Or force est de constater que ce texte ne donne pas à celle-ci les moyens de se développer vers de nouveaux services, puisque la logique est binaire : rentable on garde, non rentable on ferme ou on transforme à moindre coût ! Nous ne nous satisfaisons pas de cette orientation politique et de la formule lapidaire posée par cet article.

Pour toutes ces raisons, nous voterons cet amendement.

Bien entendu, nous voterons également les amendements de nos collègues du groupe socialiste, car nous avons la volonté d’avancer.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote sur l'amendement n° 222.

M. Martial Bourquin. M. le rapporteur et M. le ministre nous ont donné leur avis sur l’ensemble des amendements en discussion commune.

Monsieur le ministre, détrompez-moi si je m’abuse, car nous pouvons tous faire des erreurs…

M. Michel Mercier, ministre. Je vous laisserai dans l’erreur ! (Sourires.)

M. Martial Bourquin. Voilà qui n’est pas très aimable ! Pour ma part, je ne me permettrais pas de tenir de tels propos.

Honnêtement, vous avez tellement mis l’accent sur les agences postales communales que j’ai l’impression que c’est votre priorité. (M. le ministre le conteste.) Vous avez si peu parlé du reste... Est-ce involontaire ? S’agit-il d’un acte manqué ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est un procès d’intention !

M. Martial Bourquin. S’il s’agit d’assurer la présence postale demain en transformant des centaines de bureaux de poste d’abord en agences postales communales, puis en points de contact, l'amendement des 17 000 points de contact que vous avez accepté ne vaut rien !

M. Alain Fouché. Qui a dit cela ?

M. Martial Bourquin. Ce serait un recul massif ! Nous voulons conserver les 17 000 points de contact, mais nous voulons leur donner du contenu : ils assurent une présence humaine.

L’État a confié aux maires la gestion des passeports biométriques, mais ce transfert s’opère dans des conditions déplorables, avec une subvention minable de l’État !

Mme Odette Terrade. Absolument !

M. Martial Bourquin. Il en est de même pour les cartes d’identité. Des recours ont même été formés devant les tribunaux administratifs.

Alors que l’organisation territoriale est en passe d’être revue, la tendance est à un désengagement systématique de l’État, qui se décharge sur les collectivités locales et territoriales. Nous le voyons bien avec La Poste.

M. Roland Courteau. C’est net !

M. Martial Bourquin. Si l’État s’oriente vers les agences postales communales, avec l'article 2, j’ai peur que nous ne soyons bientôt confrontés à la situation que nous n’avons cessé de dénoncer ces deux derniers jours, c'est-à-dire à une diminution considérable de la présence postale sur l’ensemble du territoire.

Avec Michel Teston, nous avons mis au jour la stratégie du Gouvernement : il s’agit non seulement de transformer La Poste en SA – c’est l’objet de l'article 1er –, mais aussi de la libérer de ses obligations de présence sur le territoire.

Si tel était le cas, ceux qui auront voté cette loi devront s’attendre, dans les mois qui viennent, à un terrible retour du boomerang,...

M. Martial Bourquin. ...car il leur faudra rendre des comptes.

Dans mon département, le préfet a réuni les dirigeants commerciaux de La Poste pour les raisonner, car il devait faire face à une fronde des maires, qui ne toléraient plus de tels procédés !

M. Roland Courteau. C’est pareil dans l’Aude !

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, vous m’avez demandé une copie de la lettre que j’ai lue tout à l’heure en séance ; je vous l’ai remise, mais je peux vous en transmettre d’autres ! Les maires, qu’ils soient de droite ou de gauche, sont placés devant le fait accompli !

Chers collègues, je vous souhaite bien du plaisir lorsqu’il faudra vous expliquer sur ce que vous aurez voté ! Notre société vieillit, et c’est une bonne chose, mais si nous voulons conserver un équilibre entre les villes et les zones rurales, il faut maintenir une présence forte des services publics. De ce point de vue, le projet de loi marque un recul, et je le déplore. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Bourquin, j’aime le débat, mais je n’admets pas que mon interlocuteur me dise ce que je pense. Pour ma part, je ne mets jamais en doute ce que vous dites, parce que je vous respecte en tant qu’élu et citoyen. Défendre une thèse ne consiste pas à déformer les propos de l’autre.

M. Alain Fouché. Absolument !

M. Martial Bourquin. Je ne me le permettrais pas !

M. Michel Mercier, ministre. Jamais je n’ai mis en cause les bureaux de poste, au contraire ! Mais il était normal que je défende les agences postales communales, qui avaient été attaquées – ce que j’accepte parfaitement –, tout comme il était légitime que je rappelle que, dans de nombreux cas, celles-ci ont représenté une bonne solution. C’est une position que je maintiens !

M. Martial Bourquin. C’est un désengagement de l’État !

M. Michel Mercier, ministre. Je tiens également à rappeler, car on l’oublie trop facilement, que le maire ne représente pas que sa commune, il représente aussi l’État : c’est l’unique cas de dédoublement fonctionnel dans notre système républicain.

M. Didier Guillaume. Nous sommes d’accord !

M. Michel Mercier, ministre. En tant qu’agent de l’État, le maire se voit confier certains services publics nationaux.

M. Martial Bourquin. On n’arrête pas de le faire !

M. Roland Courteau. Des services publics locaux !

M. Michel Mercier, ministre. Les services publics locaux concernent la commune : il appartient au conseil municipal de les faire vivre, d’en décider la création et le fonctionnement ; je pense, en particulier, aux services de l’état civil. Confier au maire, agent de l’État, le soin de gérer une agence postale communale ne me choque pas !

M. Roland Courteau. Avec l’argent des contribuables locaux !

M. Martial Bourquin. Les 9 000 euros ne suffisent pas !

M. Michel Mercier, ministre. Nous pouvons en discuter, mais cette participation de l’État est une forme de reconnaissance accordée au maire et à la commune.

Je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement souhaite la transformation de tous les bureaux de poste en agences postales communales. C’est ce que vous avez laissé entendre, monsieur Bourquin, et je m’inscris en faux contre de tels propos : ce n’est pas l’objectif du Gouvernement ! De la même façon, je ne peux pas laisser dire que les agences postales communales seraient toujours une mauvaise solution, car c’est souvent une bonne solution ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Danglot. Je souhaite tout d’abord remercier M. Hérisson de m’avoir communiqué le rapport annuel établi par La Poste et relatif à l’accessibilité du réseau postal ; il s’agit d’un document particulièrement instructif.

Par curiosité, j’ai commencé à le feuilleter, en m’attardant, bien sûr, sur les pages relatives à mon département. Je commencerai par une remarque : le Pas-de-Calais ne se limite pas à un ex-bassin minier, avec une population urbaine très concentrée, où il n’est pas nécessaire de parcourir cinq kilomètres pour trouver un bureau de poste. C’est aussi le premier département en nombre de communes : plus de neuf cents ; celles qui sont identifiées en couleur claire sur le document sont à plus de cinq kilomètres d’un bureau de poste et se trouvent essentiellement en milieu rural. Dont acte !

J’évoquerai maintenant la situation d’un département particulier, celui des Alpes-Maritimes. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Les Alpes-Maritimes sont, on le sait, un département à la fois montagnard et balnéaire, avec une importante population sur la partie côtière – les agglomérations de Nice, Cannes, Grasse, Antibes, Menton – et un arrière-pays beaucoup moins peuplé, sans oublier les cantons montagnards, qui sont pratiquement dépeuplés.

J’observe d’ailleurs, à la lecture de la carte, qu’une véritable zone blanche se dessine dans les cantons les plus montagnards du département, notamment dans la vallée de la Tinée. Le phénomène de « désert postal » touche notamment les cantons de Saint-Sauveur-sur-Tinée, de Guillaumes, de Roquesteron, de Villars-sur-Var, de Puget-Théniers. Je me suis demandé si les élus de ce secteur avaient été entendus par la direction de La Poste avec tout l’intérêt requis, pour éviter ce regrettable phénomène.

Pour mémoire et pour aller à l’essentiel, le député élu en juin 2007 sur ce secteur nous est connu : il s’appelle Christian Estrosi et il défend devant nous, depuis plusieurs jours, le projet de loi dont nous débattons. Eh bien ! mes chers collègues, il me semble que nous devons aider les habitants de la cinquième circonscription des Alpes-Maritimes et leur député à disposer d’un véritable service public postal ! (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Daniel Raoul. Vous en faites trop ! (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)

M. Jean-Claude Danglot. Nous voterons donc cet amendement en faveur du développement des bureaux de poste de plein exercice. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, à l’instar de Martial Bourquin, je dis ce que je pense, mais, au préalable, je prends la peine de réfléchir à ce que je vais dire. Mon collègue n’a pas voulu vous prêter de mauvaises intentions : il décrit la dégradation qu’entraîneront les dispositions adoptées.

Un seuil irréversible a été franchi avec le passage du statut d’EPIC à celui de société anonyme. Que vous le vouliez ou non, parce que c’est la tendance – comme Martial Bourquin, je ne prétends pas que c’est prémédité – dans nombre de cantons et de villes, nous risquons d’évoluer vers une dégradation de la qualité du service : les bureaux de poste de plein exercice se transformeront en agence postale communale, etc.

Monsieur le ministre, vous avez insisté sur les pouvoirs considérables dont dispose le maire dans sa commune, pouvoirs qui dépasseraient largement ceux que lui confère la loi en tant que premier magistrat. Pourtant, ce sont vos propres amis qui, jour après jour, et singulièrement depuis quelque temps, expliquent que les élus locaux sont disqualifiés, parce qu’ils sont dépensiers. Il faudrait balayer devant votre porte et cesser d’avoir des positions à géométrie variable selon ce qui vous arrange !

Comme d’autres, je voterai cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 2 bis (Nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Discussion générale

9

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au samedi 7 novembre 2009, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (n° 599 rectifié, 2008-2009).

Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 50, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 51, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD