M. Guy Fischer. Très bien !

Mme Christiane Demontès. Il nous faut apporter un certain nombre de garanties : le maintien d’une durée de cotisations de quarante ans ; l’amélioration sensible du taux d’activité des plus de cinquante ans ; la préservation du droit à l’accès à la retraite à 60 ans, qui est une conquête sociale majeure ; la conclusion des négociations sur la question de la pénibilité des métiers, monsieur le ministre du travail, conformément aux engagements pris dans la loi Fillon ; la proratisation du nombre d’années de référence pour le calcul des pensions en fonction du nombre d’annuités pleines pour les carrières incomplètes ; je pense aux femmes en particulier.

Enfin, en termes de financement, nombreuses sont les pistes qui existent.

En définitive, ce PLFSS illustre une nouvelle fois le choix fondateur de cette législature : refuser systématiquement toute remise en cause des niches et des exonérations sociales, comme du bouclier fiscal. Il s’agit d’une politique de déremboursements et de transferts de la sécurité sociale vers les organismes complémentaires et assurantiels. En d’autres termes, c’est une privatisation qui ne veut pas dire son nom ! Ce choix est une remise en cause des principes fondateurs de notre régime de protection sociale, qui veulent que chacun reçoive selon ses besoins et contribue selon ses moyens.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce sont des propos idéologiques !

Mme Christiane Demontès. Voilà ce que vous remettez en cause en assumant la faillite de la sécurité sociale, faillite que vous avez provoquée (Mme Gisèle Printz applaudit.), et à laquelle nous ne pouvons souscrire.

Parce que nous considérons que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 n’est pas acceptable, nous le combattrons. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce sont des propos sectaires et idéologiques !

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Le grand capital au pouvoir !

M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, …

M. François Autain. C’est parti !

M. Serge Dassault. … intervenant presque en dernier, je n’ai l’intention ni de critiquer ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ni de résoudre le problème grave du déficit ; je me contenterai de vous faire des propositions pour réduire celui-ci.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ah ! des propositions ! Voilà qui va nous changer !

M. Serge Dassault. Permettez-moi d’introduire dans ce débat le paramètre « entreprises » : on les oublie trop souvent, alors qu’elles conditionnent notre activité économique et financière. Ce sont en effet les entreprises qui financent le budget par leur activité.

Il faut donc tout faire pour favoriser les activités des entreprises et ne pas croire qu’elles sont a priori là pour payer, alors qu’elles perdent également de l’argent ; on n’insiste pas suffisamment sur ce point.

La conjoncture est difficile pour les entreprises en raison des charges trop élevées qui grèvent les salaires : les salaires nets perçus par les salariés sont pratiquement doublés, ce qui est considérable.

Celles-ci doivent également faire face à une concurrence de plus en plus agressive des pays émergeants, qui sont d’ailleurs presque tous d’anciens régimes communistes. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Ça commence !

M. Serge Dassault. Ils ont parfaitement compris comment nous faire concurrence en appliquant nos propres méthodes.

Les charges conduisent les entreprises soit à ne pas embaucher, soit à licencier, soit à délocaliser leur production, afin de réduire leurs coûts et d’accroître leurs ventes. Il est facile d’augmenter les charges sur les salaires, mais il faut en mesurer les conséquences pour notre économie et pour l’emploi.

Les charges sur salaires participent, mais insuffisamment, au financement de la sécurité sociale. Les cotisations sociales destinées à ce financement représentent 30 % des charges sur salaires des entreprises marchandes, et 70 % si l’on y ajoute le financement du chômage et des retraites. On pourrait les intégrer dans le budget de l’État, comme cela se pratique dans certains pays, mais je crois qu’il n’en est pas question, compte tenu de la situation de nos finances. On pourrait également faire payer les entreprises selon d’autres paramètres, comme la valeur ajoutée ou le chiffre d’affaires, idée qui a déjà été en partie étudiée, mais sans résultat.

C’est là qu’intervient ma proposition d’asseoir ces charges non plus sur les salaires, mais sur le chiffre d’affaires diminué de la masse salariale. Il ne faut pas pénaliser la masse salariale. Au contraire, il faut la favoriser par un allègement des charges, car la réduction des coûts de production favorise l’emploi et l’entreprise de main-d’œuvre.

C’est pourquoi je vous propose de financer la sécurité sociale, au moins en partie, non plus par les charges sur salaires, mais par les résultats de la production de l’entreprise, c'est-à-dire, je le répète, le chiffre d’affaires diminué de la masse salariale.

Une entreprise ayant beaucoup de salariés en France paierait moins de charges que celle qui en emploierait peu, car sa masse salariale serait plus importante. Cela permettrait d’alléger les charges des entreprises de main-d’œuvre et d’augmenter celles des entreprises de services et des importateurs. Un tel dispositif pénaliserait les délocalisations, ce qui est très important pour l’emploi en France.

Un autre avantage considérable de cette proposition serait d’assurer un meilleur financement de la sécurité sociale, dont vous cherchez à augmenter les recettes. En effet, si on calcule le coefficient d’activité pour l’ensemble des secteurs marchands, on obtient aujourd'hui, pour une dépense de l’ordre de 100 d’euros, un coefficient de 4. Et une augmentation d’un point de ce coefficient représenterait une recette supplémentaire de 25 milliards d’euros, ce qui correspond à peu près au déficit actuel de la sécurité sociale.

Il s’agit d’un système simple, mais qui ne peut être appliqué qu’au secteur marchand. Cette idée n’a pas été suffisamment étudiée.

En outre, on pourrait supprimer les charges sur salaires correspondant au chômage et aux retraites. À ce sujet, je voudrais simplement vous indiquer que la France est le seul pays à financer le chômage et les retraites par les salaires, l’affiliation individuelle auprès de compagnies d’assurances étant la norme ailleurs. Une telle mesure permettait de libérer totalement les salaires de ces charges et donc d’améliorer considérablement la rentabilité des entreprises et l’emploi, qui sont aujourd'hui fortement pénalisés.

La retraite par répartition, dont on vante tant les mérites, ne peut plus remplir son rôle. En effet, les inactifs sont de plus en plus nombreux et les actifs le sont de moins en moins. Les retraites sont ainsi de plus en plus faibles, car il n’y a plus assez d’argent pour payer correctement les retraites. C’est de l’arithmétique pure ! Il faut donc trouver une autre solution.

Pour vous donner une idée de ce handicap, les entreprises américaines acquittent seulement 10 % de ce que nous payons. Par exemple, quand une entreprise française paye 60 000 euros de charges annuelles pour un salaire brut de 120 000 euros, les États-Unis n’en payent que 6 000 !

M. François Autain. Il faut aller vous implanter aux États-Unis !

M. Serge Dassault. Vous vous rendez compte de la différence de coût ? Pour les entreprises américaines, cela représente un gain considérable.

En résumé, ma proposition permettrait à la fois de faciliter l’emploi, c'est-à-dire de réduire le chômage, d’améliorer notre compétitivité et de mieux financer le déficit de la sécurité sociale. Je crois donc qu’elle mérite d’être examinée.

Je ne déposerai pas d’amendements, car ceux que je présente sont souvent, malheureusement, refusés par notre cher Gouvernement. C’est ainsi… Cela nous évitera des débats.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est du réalisme !

M. Serge Dassault. Toutefois, madame la ministre, je vous propose de mettre en place une commission spéciale qui comprendrait la commission des affaires sociales, la commission des finances et la commission de l’économie, car le sujet concerne à la fois la sécurité sociale, le budget de l’État et les entreprises.

On peut toujours dire que cette mesure aura tel ou tel inconvénient, mais la solution qui présenterait le plus d’inconvénients, me semble-t-il, ce serait celle qui consisterait à ne rien faire.

À mon sens, il faut bouger, il faut réformer, et, surtout, à l’instar du Président de la République, il faut avoir le courage de le faire. Je sais, madame la ministre, que vous ne manquez pas de courage, et c’est pourquoi je vous fais cette proposition. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À présent, il ne reste plus qu’à agir !

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, je vais examiner le volet médicosocial, afin de vous éclairer sur les interrogations qui sont légitimement les nôtres quant aux difficultés auxquelles nous nous exposons, dans ce domaine comme dans les autres.

Avant de m’y atteler, je souhaite attirer votre attention sur la qualité du travail fourni par notre rapporteur général sur ce texte.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, ma chère collègue.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Je partage ses inquiétudes et je souscris pleinement à certaines de ses observations, parfois ouvertement critiques.

Si je dis cela, ce n’est certainement pas par complaisance ; c’est plutôt pour souligner l’importance de nos travaux en commission. Il m’est en effet arrivé précédemment d’émettre quelques réserves sur le fond au moment de voter les textes de la majorité dans notre hémicycle et de regretter que le rapporteur adopte, au moment du vote, une position plus souple que celle que laissaient présager ses critiques en commission et qu’il se rallie à la cause de la majorité en toute dernière instance. Espérons que ce sera différent cette année.

Qu’à cela ne tienne ! Attelons-nous plutôt au contenu de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

D’une manière générale, il n’est pas usurpé de prétendre que l’horizon est plutôt brumeux.

Le déficit massif de la sécurité sociale cette année, s’il est en partie lié à la crise économique, cache en fait un déficit structurel que le Gouvernement renonce à résorber.

La crise « pour raisons conjoncturelles » a bon dos. Elle permet d’expliquer beaucoup de choses. Elle est néanmoins très insuffisante pour justifier de nombreux choix, qui relèvent de la seule volonté, parfois très idéologique et a fortiori contestable, de ce gouvernement ; je devrais dire de notre Président de la République.

À la rationalisation des dépenses, engagée, je vous le concède, par la majorité – mais, rappelons-le, en faisant appel à un effort collectif des plus faibles, c'est-à-dire les malades – il est assez simple d’opposer l’argument de la menace des équilibres par l’effondrement des recettes.

Comment concevoir que l’on vise un quelconque équilibre, alors que M. Woerth proposait, ce matin même, pour sortir de la crise, de ne pas toucher aux allégements de charges, aux niches sociales, aux prélèvements, c'est-à-dire, en un mot, de ne pas rechercher de recettes complémentaires, instaurant par là même – et durablement, je le crains – un déficit structurel ?

D’ailleurs, il est urgent de prendre nos distances avec les hypothèses par trop volontaristes que vous avez retenues et que je n’hésiterai pas à qualifier, à mon tour, de « mensongères ». Vous prévoyez un taux de 2,5 % de croissance par an après 2010 et une augmentation de la masse salariale de 5 %. Et, malgré ces prévisions, vous prévoyez un déficit cumulé des comptes de la sécurité sociale de plus de 150 milliards d’euros à l’horizon 2013, alors même que les instituts de prévision ne sont pas en mesure d’attester d’une quelconque reprise...

Voilà qui me paraît pour le moins hasardeux. Et s’il est bien un registre dans lequel il convient de ne rien laisser au hasard, c’est, sans aucun doute, la santé des Français, leur retraite, leur famille... Alors, pourquoi reporter à plus tard les réformes structurelles à même de tendre vers l’équilibre des comptes ?

Je ne vous cache pas que je suis assez lasse de l’irréalisme en politique. On peut sortir des batteries de chiffres tous plus favorables ou effrayants les uns que les autres, selon que l’on se place ou non du côté des prêcheurs.

Derrière les arguments conjoncturels et, a fortiori, la réalité structurelle des finances sociales, se nichent en fait trois questions fondamentales.

D’abord, il y a l’absence de contribution au redressement des finances sociales, que la récente intervention de l’État dans le cadre de la crise économique via le soutien financier apporté aux banques rend incompréhensible, voire inacceptable.

Ensuite, l’accumulation massive de déficits laisse se profiler à l’horizon 2013 une dette colossale que nous lèguerons en héritage aux prochaines générations.

Enfin, on met à mal un principe fondateur de notre système de protection sociale, celui de la répartition dans un souci de justice sociale. Depuis 2002, le système de redistribution fonctionne à l’envers. C’est aux plus fragiles que l’on demande de fournir un effort, tandis que ce sont les plus aisés qui se voient exonérés par ailleurs. Aux mesures d’économies évoquées plus haut, on opposera simplement la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, ou loi TEPA, dont le bouclier fiscal et les exonérations sociales sur les heures supplémentaires, la forfaitisation des dividendes et le refus du Gouvernement d’aborder franchement la taxation des hauts revenus.

Il s’agit bien pour moi d’atteindre ici le cœur du sujet. En arrière-plan de nos discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est la question du service public qui est posée. Comme dans les débats qui nous animent concernant la programmation de la privatisation de La Poste, j’entrevois dans la dégradation des finances du secteur de la santé et du médicosocial une manœuvre de désengagement de l’État de notre système de protection sociale.

La spécificité du champ médicosocial me servira à démontrer à quel point la démarche du Gouvernement est cousue de fil blanc et relève d’une idéologie très libérale, très classique et très visible. En adoptant un point de vue synoptique sur les mesures récentes prises par ce gouvernement et en inscrivant ce projet de loi de financement de la sécurité sociale dans un contexte général de dérégulation, il apparaît simplement que la dégradation des finances publiques et des équilibres sociaux de notre pays relève bien d’une orchestration savante.

Au moment où ce Gouvernement désengage l’État de ses missions de service public en général, et de santé publique en particulier, il procède à un renforcement de la participation des conseils généraux et de la contribution des particuliers. Autrement dit, alors que ce gouvernement défait les départements en les privant notamment de certains financements, il les charge d’assumer davantage les coûts induits par les missions de protection sociale.

J’en veux pour exemple la situation particulièrement représentative des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qu’il m’a été donné d’aborder dans le cadre d’une mission d’information ayant abouti à la publication d’un rapport au mois de juillet dernier. Les concours au financement des MDPH, de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, ont été diminués à deux reprises. Aussi, les fonds transférés aux conseils généraux pour financer l’APA et la PCH sont moins élevés que prévu.

Pour l’APA, ils passent de 32,9 % en 2008 à 28,5 % en 2010. Le taux de couverture de la PCH, qui était de 100 % en 2008, sera ramené à 76,8 % en 2010. Inévitablement, les départements devront prendre le relais : pour la première fois, en 2009, leur participation au titre de l’APA devrait être supérieure à 70 %.

Dans notre rapport d’information sur les MDPH, mon collègue Paul Blanc et moi-même avons rappelé l’État à ses obligations, en soulignant que l’apurement de ses dettes et le respect de ses engagements étaient indispensables au bon fonctionnement de ces structures.

Or une enquête réalisée par les directeurs des MDPH en octobre 2009 démontre que l’enveloppe de 10 millions d’euros promise en 2008 par Mme Valérie Létard pour compenser les charges non couvertes au titre de l’exercice de cette même année a servi en fait à financer l’exercice 2009, après avoir été scindée en deux sous-enveloppes : l’une de 3,57 millions d’euros pour compenser les postes non pourvus par la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, la DDTEFP, l’autre de 6,3 millions d’euros, qui sert finalement non pas à compenser les postes vacants, comme prévu initialement, mais à financer les postes relevant de la fongibilité asymétrique pour 2009.

Cela signifie qu’aujourd’hui le montant de la dette cumulée par l’État au titre de la compensation des postes vacants s’élève à 34 millions d’euros.

Jusqu’à maintenant, les conseils généraux ont accepté de se substituer provisoirement à l’État pour financer ces postes, dans un souci de garantir la continuité du service public. Je m’abstiendrai de vous rappeler quels projets nourrit le Gouvernement à l’égard des conseils généraux et des départements, projets qui ne sont pas de nature à nous rassurer quant au sort qui leur sera réservé en matière de financement.

Pour sa part, le Gouvernement se garde bien de nous renseigner sur les solutions qu’il imagine à cet égard. Pourtant, cette question d’un financement viable, propre à garantir un service public de qualité, inquiète bon nombre de parlementaires, l’ensemble des personnels des MDPH, ainsi que les personnes handicapées et leurs représentants. À titre d’exemple, l’État doit plus de 1 million d’euros à la MDPH de mon département.

Par ailleurs, suite à l’affichage d’un engagement du Gouvernement en matière de gratification des stages, j’ai personnellement interrogé le ministre sur le cas particulier des stagiaires du secteur médico-social, soumis à l’obligation d’effectuer une période de stage pendant leur formation post-baccalauréat. À son tour, ma collègue Christiane Demontès a posé une question orale : elle a obtenu une réponse « copiée-collée », méthode que la majorité, à l’instar du Président de la République, semble affectionner !

Dans sa réponse, le Gouvernement nous promettait la mise en place d’un dispositif adapté correspondant à ses engagements. Constatant, sur le terrain, que cette promesse n’était pas suivie d’effet, ma collègue et moi-même avons conjointement présenté un amendement en commission, qui visait à inscrire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale la mise en œuvre de cette disposition législative. Contre toute attente, cet amendement a été retenu par la commission des finances.

Aujourd’hui, les établissements n’ont pas les moyens d’accueillir les stagiaires, ce qui remet gravement en cause la formation des travailleurs sociaux, sans que le Gouvernement semble s’en soucier plus que cela ni prendre le soin d’évaluer la non-conformité, faute de moyens, du cahier des charges spécifique à ces formations à la réalité des faits. Quant au taux de progression de l’ONDAM médico-social, il est plus qu’artificiel, du fait, notamment, du gel des dotations médico-sociales.

C’est pour toutes ces raisons que j’ai souhaité insister dès le début de mon intervention sur l’inquiétude que nous inspire l’examen d’un texte qui suscite tant de critiques venant de toutes parts, mais qui risque, une fois de plus, de faire l’objet d’un vote conforme… à la volonté du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, encore une fois, nous devons faire le constat que les réponses du Gouvernement, devant le déficit abyssal des comptes de la sécurité sociale – 134 milliards d’euros de déficits cumulés depuis 2002 et 31 milliards d’euros cette année –, relèvent de l’irresponsabilité, voire de la provocation.

Une fois de plus, c’est aux assurés sociaux que l’on demande de mettre la main à la poche : multiplication des franchises, recul de 35 % à 15  % du taux de remboursement d’une centaine de médicaments – les mutuelles, excédées, ont déjà annoncé qu’elles ne prendraient pas en charge la différence –, baisse des pensions, lutte contre la fraude, que tout le monde sait marginale mais dont on se sert encore pour stigmatiser les assurés, augmentation du forfait hospitalier, qui passe de 16 euros à 18 euros, hausse forcée des tarifs des mutuelles d’au moins 3,9 % en 2010, dépassements d’honoraires autorisés, voire encouragés, fiscalisation envisagée des indemnités versées aux accidentés du travail…

Aucune réforme de fond n’est entreprise, mais les personnes les plus fragiles, les malades, les handicapés, les personnes âgées sont culpabilisés de façon injuste, au motif qu’ils coûtent à la collectivité ! Il est permis de s’interroger, comme nous le faisions déjà en 2008 : s’agit-il d’une œuvre de destruction voulue et organisée de la solidarité nationale ?

Le Gouvernement, clairement, ne souhaite plus assumer son devoir de solidarité, sans doute par crainte d’indisposer les siens : les plus riches n’ont jamais aussi peu contribué à l’effort commun ! La part des entreprises dans le financement de la protection sociale a aussi été réduite, passant de 40 % à 34 % pendant que celle des ménages augmentait de 31,1 % à 46,6 %.

Or les moyens de rétablir l’équilibre existent. Ils sont volontairement ignorés ou repoussés.

Vous avez choisi de laisser courir la dette jusqu’en 2012 : qu’en sera-t-il ensuite ? La prochaine étape sera, on peut le deviner, très douloureuse pour les assurés.

Vous pourriez pourtant envisager de supprimer le bouclier fiscal, évidemment, mais aussi de limiter et de conditionner à des contreparties tangibles votre politique d’exonérations de charges sociales, qui, outre qu’elle n’a pas d’incidence sur l’emploi, freine la hausse des salaires et dégrade le pouvoir d’achat, voire empêche l’entrée des jeunes diplômés dans le monde du travail. Il s’agit de mesures aveugles, qui entraînent un manque à gagner en termes de cotisations puisqu’elles ne sont pas compensées totalement par l’État, ce que nous dénonçons depuis des années.

Vous ne voulez pas l’entendre, mais l’instauration d’un régime d’imposition spécifique pour les stock-options ou pour les retraites chapeaux serait un vrai signe de partage de l’effort.

Pour notre part, nous préconisons la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu, assorti d’une vraie progressivité.

De votre côté, vous préférez taxer davantage les assurés sociaux, les salariés, les retraités et les accidentés du travail, plutôt que de chercher de nouvelles recettes !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mais non !

Mme Jacqueline Alquier. Le Gouvernement ne prouvera sa volonté de pérenniser une prise en charge solidaire que quand il acceptera de mener un débat de fond sur ce sujet avec les Français !

Il faut réorienter le financement de la protection sociale pour tenir compte de l’évolution d’un contexte qui, ne nous leurrons pas, amènera un accroissement des dépenses de santé étant donné le vieillissement de la population et le progrès des technologies médicales.

La réflexion doit être commune, car nous avons des idées et ne demandons qu’à les développer, comme nous le ferons au cours de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Nous devrions, notamment, tirer des conclusions pratiques du débat mené dans cette enceinte, il y a quelques jours, sur les prélèvements obligatoires : il y va de notre avenir et de celui de nos enfants, pour lesquels nous voulons garantir la stabilité et la pérennité de notre système social, même si nous avons bien conscience qu’il doit évoluer.

Refuser l’augmentation des prélèvements obligatoires sous prétexte que ce serait porter atteinte au pouvoir d’achat des Français relève de l’hypocrisie, quand il est demandé par ailleurs à nos compatriotes de débourser toujours plus pour se soigner ! Oui, c’est bien de l’hypocrisie, puisque vous n’hésitez pas à prélever des taxes à tire-larigot sur le tabac, le carburant, les assurances, les mutuelles, etc.

Les déficits sont reportés d’année en année sur la CADES, donc mis à la charge des générations futures. L’augmentation de la CRDS est devenue inévitable pour faire face solidairement à l’explosion de la dette sociale. Tous les spécialistes sont d’accord sur ce point, mais le Gouvernement s’entête à choisir une autre option : ce sera l’ACOSS qui, en relevant son plafond d’emprunt de 65 milliards d’euros, portera les nouvelles dettes. Alourdir la dette, tel est votre programme !

Si les difficultés étaient seulement conjoncturelles, comme vous le prétendez, ce serait compréhensible ; mais ce n’est pas le cas. La crise économique n’explique pas tout. Le déséquilibre de nos finances est ancien et structurel, et les perspectives, contrairement à ce que vous annoncez de façon irréaliste, pour ne pas dire utopiste, ne sont pas bonnes.

Ainsi, faute de faire les bons choix dans l’intérêt commun, le recul des acquis sociaux se poursuit : ceux qui le peuvent accroissent leur effort de capitalisation en vue de la retraite, et le transfert de la protection aux mutuelles et aux assurances en matière de santé s’accélère. C’est bien vers une privatisation que nous nous dirigeons !

D’année en année, les inégalités dans l’accès aux soins s’accentuent : aujourd’hui, plus de 30 % des Français ne se soignent plus ou retardent les soins, et bénéficier d’une mutuelle devient un luxe. Les fractures, sociale et territoriale, s’aggravent. C’est ainsi que 182 blocs opératoires ont été fermés, pour de prétendues raisons de sécurité : n’en doutons pas, il s’agissait plutôt d’une question de rentabilité !

Ainsi, la mise en œuvre d’une logique libérale affirmée précipite le détricotage de notre système sanitaire et social. Nous sommes bien loin de l’esprit du pacte social issu du programme du Conseil national de la Résistance, qui préconisait « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail », et prévoyait « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

À ce propos, le rendez-vous de 2010 sur les retraites ne se présente pas sous les meilleurs auspices : aucun des engagements pris n’a été tenu, qu’il s’agisse de l’intégration de la pénibilité dans les critères d’évolution du dispositif ou de l’application de mesures visant à augmenter le taux d’emploi des seniors.

À la suite de ma collègue Christiane Demontès, je voudrais insister sur la situation des agriculteurs retraités. Encore une fois, tout comme leurs conjoints, ils sont les oubliés du projet de loi de financement de la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)