M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La taxe d’habitation !

M. Serge Dassault. … la taxe d’habitation, en effet, dont le montant change !

Imaginez que vous déménagiez pour vous installer dans un logement neuf qui disposerait de tout le confort nécessaire. Votre taxe d’habitation, qui est calculée par les services des impôts, serait alors beaucoup plus importante. Et le pauvre locataire qui a été obligé de quitter son logement se retrouve en plus à devoir payer une taxe d’habitation au-dessus de ses moyens !

Je souhaiterais donc que, lorsque des logements sociaux sont reconstruits après démolition d’autres logements sociaux, les locataires de ces nouveaux logements ne paient pas plus de taxe d’habitation qu’auparavant ; ce ne serait que justice ! De toute façon, ils ne peuvent pas payer plus, ou alors ils se retrouveraient dans une situation financière extrêmement grave. Dans ma commune, j’ai reçu de nombreuses réclamations à ce sujet.

Je vous soumets cette question parce qu’elle n’a été étudiée par personne. Elle nous a été suggérée par le contact direct avec les locataires et mérite que l’on y réponde. Il serait assez simple de le faire, même si les communes et les conseils généraux auraient à déplorer un manque à gagner, ce qui ne serait pas le cas de l’État. Mais les maires devraient pouvoir accepter de ne pas percevoir ces taxes, puisque leurs administrés ne peuvent pas les payer et qu’il serait d’ailleurs injuste de les leur faire payer !

Je voudrais aussi revenir sur un sujet que j’ai déjà développé : on ne s’occupe pas suffisamment des familles monoparentales. Celles-ci connaissent de grandes difficultés et ne trouvent pas toujours de logements, car elles ne sont pas considérées comme prioritaires dans les attributions de logements sociaux. Il faudrait réparer ce regrettable oubli ; cela ne coûterait rien et serait tout à fait normal.

Enfin, il conviendrait d’augmenter les crédits alloués à l’ANRU, qui a conduit une excellente opération sociale et politique dans les communes qui en ont profité, comme les nôtres. Mais il se trouve que les coûts ont augmenté et que les prévisions budgétaires n’ont pas été suffisantes : l’argent finit donc par manquer. Les communes ne peuvent pas non plus payer et il serait souhaitable que les crédits supplémentaires de l’ANRU, même s’il y en a peu, puissent leur être aussi attribués.

Je crois également que le projet de Mme Boutin de rénovation de quartiers délaissés, comme certains centres villes, va marcher. J’attire votre attention sur les conséquences politiques très importantes de cette situation que j’ai subie moi-même : les habitants de ces quartiers, voyant les quartiers dits « sensibles » rénovés, avec de beaux parcs et de belles maisons et constatant l’absence de travaux en centre-ville, sont mécontents, se sentent abandonnés et ne votent pas pour le maire sortant. C’est ce qui m’est arrivé, et qui a failli me coûter la commune ! (Sourires.)

En ce qui me concerne, j’ai fait des propositions pour rénover les quartiers de centre-ville qui ne sont pas dans un état très brillant et devraient aussi recevoir des crédits, beaucoup moins élevés que pour les autres, mais nécessaires pour satisfaire la population.

Telles sont, madame le secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les quelques propositions que je voulais vous faire. Ce sont des propositions de bon sens, que tous les maires devraient soutenir. Il serait utile que tout le monde puisse les voter, mais je ne déposerai pas d’amendements, parce qu’il n’est pas toujours facile de les faire accepter par le Gouvernement…

Mmes Odette Terrade et Isabelle Pasquet. Pour vous aussi ! (Sourires.)

M. Serge Dassault. Mais je souhaite que le Gouvernement se saisisse de ces problèmes et nous propose, peut-être à l’occasion du prochain budget, des améliorations. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, « Comment peut-on parler de République quand la réussite scolaire et l’avenir professionnel dépendent non de l’intelligence, non du courage, non de l’ardeur au travail, non du mérite mais beaucoup du milieu social d’où l’on vient, du quartier où l’on habite, du nom que l’on porte, de la couleur de sa peau ? […] Le plus grand danger qui menace notre modèle républicain, c’est que la République devienne une idéologie désincarnée » : c’est en ces termes que le Président de la République, Nicolas Sarkozy, évoquait la République qu’il appelait de ses vœux, à l’occasion de son discours à l’école Polytechnique.

Mais, sur le terrain, dans les politiques mises en place, dans les arbitrages ministériels, rien – ou si peu ! – ne traduit cet engagement de façade. Les décisions présidentielles contreviennent aux beaux discours élyséens. Les frontières de la République s’arrêtent-elles là où la question sociale est la plus aiguë ? Plus encore qu’en 2005, année marquée par des semaines d’affrontements violents, nos quartiers sont les grands oubliés, les « territoires perdus » de la République. Le Gouvernement, avec indifférence, détourne le regard et ne se préoccupe pas du sort des huit millions de nos concitoyens qui vivent dans des territoires éligibles à la politique de la ville et, le plus souvent, aiment leur territoire, en dépit des difficultés.

Nous en sommes à l’heure des bilans ! Les grandes promesses du plan « Espoir banlieues » ne se traduisent pas sur le terrain. Le Président de la République avait fait état d’une « mobilisation sans précédent pour casser les ghettos ». Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, l’ONZUS, montre que l’écart entre les zones urbaines sensibles et le reste du territoire ne s’est pas réduit depuis 2005. Les éléments qui ont contribué à la révolte de l’automne 2005 n’ont pas disparu, bien au contraire.

L’insécurité n’a pas reculé : la suppression de la police de proximité, parti pris idéologique de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, a eu les conséquences néfastes que l’on sait. Son rétablissement, via les unités territoriales de quartier, est tardif et vraiment insuffisant. La sécurité dans les zones sensibles est vue sous l’angle de la technologie – vidéosurveillance, Taser –, de la politique du chiffre – contrôle au faciès, multiplication des procédures pour outrage –, et non sous l’angle d’une présence policière stable et rassurante pour tous.

La tâche des policiers dans les quartiers sensibles est difficile. Mais quand des fautes sont commises, il faut qu’elles soient sanctionnées. Les abus et les dérapages de quelques-uns ne doivent pas discréditer le professionnalisme de la majorité, car l’impunité porte préjudice à l’ensemble de nos forces de l’ordre. Ce n’est pas faire preuve d’angélisme que de dénoncer ces pratiques et d’appeler à des sanctions. Au contraire, c’est soutenir les policiers, reconnaître leur rôle et leurs revendications sur les effectifs, dans les missions républicaines qui leur sont confiées. Dans le domaine de la sécurité, donc, le résultat n’est pas au rendez-vous !

En ce qui concerne l’emploi, le chômage frappe durement les habitants des zones sensibles. En moyenne, un jeune sur quatre y est au chômage, contre un jeune sur huit dans le reste de la France. En matière de revenus, une personne sur trois vit en dessous du seuil de pauvreté, et même une sur deux pour les moins de 18 ans. Le taux de chômage dans les zones urbaines sensibles s’établit à presque 17 % ; il est moitié moins élevé sur les autres territoires.

En dépit de ce tableau très sombre, le Gouvernement a, dans un premier temps, refusé de réserver une partie de la dotation de solidarité urbaine aux villes les plus pauvres. De l’avis de Mme la secrétaire d’État et de Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois et président de l’association des maires « Ville et banlieue de France », il est impératif de concentrer la DSU sur les villes les plus pauvres, et non de la saupoudrer sur les 750 zones urbaines sensibles, si l’on veut réellement obtenir des résultats.

Par ailleurs, comme le réclame Mme la secrétaire d’État, l’engagement de tous les ministères est nécessaire pour s’attaquer à ce que Jean Louis Borloo avait qualifié de « cancer de la République ». Le diagnostic existe depuis longtemps ; les conséquences sont connues ; les moyens sont aujourd’hui notoirement insuffisants.

C’est de la non-assistance à population en danger, et j’évoquerai cinq exemples de cette indifférence du Gouvernement.

Premier exemple, l’an passé, à l’occasion de la discussion de la loi de finances, le Gouvernement avait fait voter, contre l’avis des commissions concernées, la limitation des avantages fiscaux et sociaux consentis aux zones franches urbaines. Or, pour l’ONZUS, ce dispositif a montré son efficacité puisque, dans les zones franches urbaines, le taux d’activité a augmenté en moyenne de 20 % par an.

Le budget de l’État pourrait donc se permettre un manque à gagner de 3 milliards d’euros par an en faveur des restaurateurs, un bouclier fiscal de 15 milliards d’euros par an pour les plus favorisés, mais n’aurait pas 165 millions d’euros à consacrer à l’emploi dans les quartiers populaires ?

Deuxième exemple de cette indifférence, les crédits des politiques de la ville sont en nette diminution : 6 % en autorisations d’engagement et 10 % en crédits de paiement. Or le changement de périmètre, avec le départ du service civil volontaire, n’explique pas toute la baisse.

Troisième exemple, le financement de l’Agence nationale de rénovation urbaine n’est plus assuré à partir de l’an prochain. Dans les territoires, les élus se sont déjà engagés dans la phase opérationnelle de leur projet de rénovation et ont toutes les peines à obtenir de l’État le chèque prévu.

Surtout, quatrième exemple, le comité interministériel des villes, qui devait se réunir en octobre pour coordonner le plan d’action de la politique de la ville, a été repoussé sine die. Sans dynamique interministérielle, la politique de la ville se réduit comme une peau de chagrin. Or, pour que la coopération interministérielle fonctionne, il faut qu’elle soit soutenue au plus haut niveau du Gouvernement. Monsieur le secrétaire d’État, revient-il vraiment au groupe socialiste du Sénat de dénoncer aujourd’hui la très grande solitude de Mme Amara qui, dernièrement, n’a pas ménagé ses efforts d’alerte ? Nous avons le sentiment que ses collègues du Gouvernement ne jouent pas le jeu de la mobilisation collective !

Cinquième et dernier exemple de cette indifférence, votre projet pour le Grand Paris. Quand il s’agit de vouloir implanter un métro souterrain en forme de grand huit en région parisienne, étrangement, les moyens ne manquent pas : 25 milliards d’euros pour créer une liaison entre Roissy, Orly, La Défense et Saclay au profit de quelques-uns et, pour les autres, rien !

Alors que les stations prévues de ce dispendieux grand huit vont se concentrer sur quelques points seulement, la région, par le biais du Syndicat des transports d’Île-de-France, propose de créer des liaisons rapides de banlieue à banlieue pour favoriser la circulation de tous les Franciliens et non d’une minorité. Nous voulons une agglomération durable qui ne fasse pas du tri sélectif de Franciliens !

Le groupe socialiste aurait préféré que l’énergie et le temps dépensés dans le cadre du débat sur l’identité nationale soient investis dans l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens les plus fragiles.

Je profite de cette tribune pour dire à André Valentin, maire UMP à la célébrité éphémère, que « les dix millions que l’on paie à rien foutre » – et dont je fais partie ! – contribuent à la vitalité de la France. Les habitants des quartiers populaires souffrent d’être les otages des campagnes électorales. Ils veulent se loger, travailler, se déplacer et aspirent à gagner un droit à l’indifférence, autrement dit, à être des citoyens à part entière et non des citoyens à part.

Il ne faudra pas s’étonner si, prochainement, à l’instar de ce qui s’est fait aux États-Unis, la France venait à célébrer une journée sans immigrés – ou personnes issues de l’immigration –, journée pendant laquelle tous ceux qui se sentent injustement stigmatisés cesseraient toute activité et tout acte de consommation.

Le rôle de Cassandre n’est jamais agréable. Mais la situation dans les quartiers populaires est très préoccupante. C’est pourquoi, très solennellement, le groupe socialiste demande à M. le Premier ministre de réunir au plus tôt le comité interministériel des villes, de sonner la fin de la récréation en mettant un terme à cette opération politicienne sur l’identité nationale, qui vire au nauséabond : elle n’a pour seul résultat que d’ouvrir les vannes du racisme, de l’islamophobie et de la bêtise, et elle ne fera qu’amplifier le fléau des discriminations qui sont de véritables morts sociales, on ne le dira jamais assez !

Aujourd’hui, plus que jamais, le rôle de l’État en tant que garant de la solidarité nationale et de l’égalité républicaine des territoires et des populations doit constituer une priorité. La baisse des crédits, les incertitudes sur le financement de l’ANRU, du fait de la suppression de la taxe professionnelle, la remise en cause des zones franches, la fin de la clause de compétence générale des départements et des régions : tout concourt à un avenir sombre pour nos quartiers, de l’avis même des maires, de droite comme de gauche.

C’est pourquoi, vous le comprendrez, le groupe socialiste votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais vous parler du dispositif Scellier ou, plus exactement, de la discrimination qu’il institue entre les zones éligibles et celles qui ne le sont pas.

Loin de moi la volonté de critiquer ce dispositif, qu’il faut surtout continuer à développer. Son principal mérite réside dans sa simplicité, qui explique d’ailleurs son succès. Mais ce succès a pour effet pervers que certaines zones se trouvent discriminées par rapport à d’autres, ce qui pose une véritable question d’aménagement du territoire.

Aujourd’hui, dans certaines zones rurales ou périurbaines, on observe un phénomène d’inversion : certaines communes voient leurs programmes entièrement gelés à cause de l’effet d’aspiration du dispositif Scellier. Or ces territoires exclus du dispositif occupent parfois une position stratégique dans le cadre du développement harmonieux d’une agglomération. Ils sont classés en zone C et, après la fin des dispositifs Robien et Borloo, ils vont finalement être privés d’outils pour le locatif privé. En effet, dans le cadre des lois Robien et Borloo, que l’on soit en zone A, B ou C, on peut bénéficier des dispositifs avec des normes différentes. En revanche, en zone C, le dispositif Scellier ne s’applique pas.

Certes, l’accession à la propriété est peut-être plus facile dans ces zones C. Je trouve cependant qu’une politique efficace du logement combine logement locatif public et privé et accession à la propriété.

Nous ne pouvons pas avoir un pays coupé en deux parties : dans l’une se concentrerait l’essentiel de l’offre locative privée et dans l’autre cette offre serait absente. Il faut donc, à mon sens, trouver une solution et surtout un zonage cohérent.

Aussi, monsieur le ministre, j’ai une proposition à vous faire ; c’est d’ailleurs le sens de l’amendement que j’ai déposé sur l’article 44 bis et qui fait partie des articles non-rattachés du projet de loi de finances. Il est vrai que cet amendement sera examiné lundi et que je ne pourrai pas être présent.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Moi non plus !

M. Gérard Cornu. Cet article a été introduit, à juste titre, par l’Assemblée nationale : il permet une certaine souplesse d’agrément à la suite d’une procédure, certes un peu lourde, qui se termine par une décision finale du ministre ; c’est donc une avancée.

Le sens de mon amendement est d’alléger la procédure : on conserve la décision du ministre et la procédure mise en place par l’Assemblée nationale, mais je souhaiterais que la procédure soit allégée lorsque des outils d’urbanisme et d’aménagement du territoire existent sur le terrain ; je pense notamment au SCOT ou au PLH. En effet, il me semble inconcevable que les communes incluses dans un SCOT approuvé ou un PLH établi soient dans des zonages différents, a fortiori lorsque les élus locaux ont décidé sur le territoire délimité par le SCOT ou le PLH de répartir harmonieusement les logements locatifs.

Les élus locaux connaissent bien leur terrain, et lorsqu’ils établissent un PLH ou un SCOT, à l’issue d’une période d’étude et de réflexion de deux ans, ils savent mieux que quiconque où doivent être placés les logements locatifs, qu’ils soient publics ou privés. Il faut donc leur faire confiance. C’est pour cela que cette proposition me semble intéressante.

Je vais vous donner un exemple très concret, car je crois que c’est en se nourrissant de l’expérience locale qu’on légifère le mieux. Je représente le département d’Eure-et-Loir ; il s’agit d’un département un peu comparable à la Marne, quoique plus proche de l’Île-de-France. Toute l’Île-de-France est éligible au dispositif Scellier. Certaines communes de l’Eure-et-Loir sont éligibles au dispositif Scellier – c’est notamment le cas de Chartres et de son agglomération –, mais toutes les communes périphériques incluses dans un SCOT n’y sont pas éligibles.

La tension en matière de logements est peut-être encore plus forte dans les communes rurales. Curieusement, on étend le dispositif Scellier à des communes de banlieue, c’est-à-dire là où il y a déjà beaucoup de logements locatifs publics sociaux. Or, à mon sens, un développement harmonieux consiste à construire des logements locatifs dans les petites communes. C’est d’ailleurs ce que l’on a décidé au niveau du SCOT de l’agglomération, avec un PLH. Les maires sont généralement d’accord, les conseils municipaux un peu moins, mais c’est un moyen de répartir judicieusement les logements locatifs sur l’ensemble du SCOT.

Une telle possibilité pourrait compléter opportunément ce qui a été prévu par l’Assemblée nationale. Je voudrais avoir votre avis sur cette proposition, monsieur le secrétaire d’État. En tant que parlementaires de terrain, notre rôle est de pouvoir apporter notre contribution à un système qui fonctionne bien pour l’instant, mais qui peut être encore amélioré au niveau du zonage. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je constate, aux vues de la diversité de vos questions, que vous nourrissez un vif intérêt pour la politique de la ville, et je m’en réjouis.

Les actuelles zones urbaines sensibles, ou ZUS, comprennent quatre millions d’habitants. Et si l’on considère les quartiers bénéficiant d’un contrat urbain de cohésion sociale, ce sont huit millions d’habitants qui sont concernés par les actions que je mène au titre de la politique de la ville. II ne s’agit donc pas d’un enjeu marginal.

La dynamique « Espoir banlieues » se veut une politique sur mesure pour répondre aux exigences et aux besoins des habitants des quartiers. Si j’ai appelé ainsi cette action, c’est parce qu’elle crée une dynamique collective qui mobilise l’ensemble des acteurs concernés : l’État, les collectivités locales, les associations, le monde économique.

L’année 2010 connaît un contexte budgétaire difficile, certes. Mais, compte tenu des enjeux, les crédits d’intervention de la politique de la ville doivent être non seulement maintenus, mais renforcés. C’est pourquoi ce projet de budget pour 2010 doit être regardé à l’aune de l’effort qui sera accompli pour les banlieues.

Je ne reviendrai pas sur les grandes tendances décrites par M. Dallier, rapporteur spécial, mais je tiens à affirmer que la sécurisation de ce budget est l’une de mes priorités. Elle l’est d’autant plus que le dernier rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, ou ONZUS, a mesuré l’ampleur de la précarité que connaissent les populations des zones urbaines sensibles, pauvreté qui a augmenté sous l’effet de la crise économique, comme l’a judicieusement rappelé Mme Bariza Khiari, rapporteur pour avis.

Cela nous montre plus que jamais que nous devons redoubler d’efforts pour réduire cette fracture sociale. Dans cette perspective, mon action ministérielle sera renforcée sur les grandes priorités.

Il s’agit, d’abord, de la rénovation urbaine. Ce sujet me tient particulièrement à cœur, parce qu’il est le levier de la transformation visible du cadre de vie des habitants. Depuis 2007, le chemin parcouru par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine est considérable. Au travers de 375 projets concernant 475 villes, près de 42 milliards d’euros de travaux ont été générés par les 12 milliards d’euros apportés par l’ANRU. Ce sont autant d’emplois sauvegardés ou créés.

Grâce à une meilleure fluidité des financements, on assiste à une accélération du programme, qui constitue une véritable force d’entraînement pour l’ensemble de notre économie.

Aujourd’hui, la totalité des 12 milliards d’euros est réservée et la forte augmentation du volume d’opérations sur la période 2009-2011, communément appelée la « bosse de l’ANRU », suscite des inquiétudes. Le financement de l’ANRU sur cette période est assuré. Pour celle qui s’ouvre en 2012, je m’engage à ce qu’une concertation avec les partenaires sociaux débute dès l’année prochaine.

Le succès de l’agence est salué par tous les élus. Ensemble, nous considérons qu’il faut terminer le travail, et c’est pourquoi je milite pour un PNRU 2.

De plus, cette année, la mobilisation supplémentaire de l’État s’est traduite par l’allocation de 350 millions d’euros à l’ANRU dans le cadre du plan de relance. Rapidement consommés, ces crédits ont permis la montée en puissance d’opérations qui ont généré 4,4 milliards d’euros de travaux. Ce sont autant d’emplois créés, notamment pour les jeunes des quartiers.

Par ailleurs, un projet de rénovation urbaine ne peut être réussi que lorsqu’il rejoint la préoccupation première des habitants : l’emploi. Les clauses d’insertion vers l’emploi introduites dans les marchés publics de l’ANRU connaissent des résultats encourageants : près de 7 000 personnes des quartiers populaires en ont déjà bénéficié.

Je veux persévérer et amplifier notre action sur ce point. C’est pourquoi j’ai demandé à l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSE, de consacrer 10 millions d’euros à des actions exceptionnelles, venant renforcer celles qui sont menées par les régies de quartier ou les structures d’insertion par l’activité économique au bénéfice de l’emploi.

Cet ensemble de dispositions s’ajoutera naturellement à toutes les mesures annoncées par le Président de la République, dont l’objectif premier est de faire reculer le chômage des jeunes dans les quartiers.

À ce sujet, il convient de rappeler quelques vérités sur le contrat d’autonomie, qui apporte une réponse pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi. Aujourd’hui, ce sont cinq cents contrats signés par semaine. Ce dispositif exceptionnel bénéficie à 18 000 jeunes, soit 70 % de l’objectif de 2009.

Par ailleurs, parmi les jeunes qui ont reçu leur formation, 46 % profitent d’une sortie positive soit dans l’emploi, soit dans une formation qualifiante. Vous le voyez, en période de crise et compte tenu du public ciblé, les résultats sont très encourageants, mais il nous faut aller au-delà.

Enfin, je tiens à rappeler qu’une évaluation, menée en partie par l’ONZUS et un cabinet indépendant, présentera dès 2010 des statistiques détaillées sur la mise en œuvre de ce dispositif.

J’attire votre attention sur un autre point fondamental de mon action : je souhaite que la République soit présente dans nos quartiers. Nous ne pouvons bâtir un pacte républicain solide sans cette présence impérative de l’État. Dans ce cadre, la mise en place de délégués du préfet dans les quartiers prioritaires est un levier nouveau de la politique de la ville, et constitue le maillon de proximité de l’État qui manquait dans les quartiers.

Au 30 novembre 2009, trois cent un délégués ont été recrutés, soit 85 % de l’objectif fixé pour la période 2008-2010. Les deux tiers sont d’ailleurs affectés dans les régions comportant les plus fortes concentrations de quartiers en difficulté.

Tous les ministères, ainsi que les établissements publics, les associations, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale ont participé, comme je l’ai souhaité, au recrutement. Parmi ceux-ci, les ministères de l’intérieur et de la justice sont les mieux représentés. De plus, près de 5 % des délégués sont issus de la société civile et des associations, ce qui répond aux impératifs de la promotion de la diversité.

La politique de la ville ne peut se penser sans une vision claire non seulement des enjeux, mais aussi des zones d’intervention. C’est pourquoi une réforme de la géographie prioritaire s’impose, conformément au souhait de la représentation nationale lors du projet de loi de finances de 2009. Concernant les échéances à venir, un prochain conseil interministériel à la ville, en janvier 2010, validera le calendrier de cette révision, ainsi que ses grands principes.

L’objectif fixé est de disposer d’une nouvelle carte des zones urbaines sensibles avant l’été 2010. Ensuite, les contrats urbains « nouvelle génération » devront être opérationnels en janvier 2011.

Ainsi que l’a rappelé le Président de la République à maintes reprises, il faut donner plus à ceux qui ont moins et donc concentrer notre action sur les territoires les plus en difficulté si nous voulons atteindre cet objectif simple, mais indispensable : la réduction des écarts territoriaux. Ce principe, qui est la base du pacte républicain, répond aussi aux impératifs de la lutte contre les discriminations et de la promotion de la diversité qui est au cœur de ma démarche.

Jean Jaurès a dit : « Je n’ai jamais séparé la République des idées de justice sociale, sans laquelle elle n’est qu’un mot ». C’est l’essence même de la dynamique « Espoir banlieues », dont la réussite repose sur la mobilisation de tous.

C’est pourquoi, il faut continuer à désenclaver, à « déghettoïser », à lutter contre la pauvreté et le chômage, à créer les conditions de réussite pour nos enfants, à favoriser la diversité, à promouvoir l’excellence et à réduire la fracture sociale. En conclusion, je peux assurer les membres de la représentation nationale qui m’accueillent ce soir de ma totale et ferme détermination pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)