M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En conséquence, la Creuse, dont la population est de 123 000 habitants, et la Lozère, qui compte un peu plus de 76 000 habitants, ne désigneront plus, en effet, qu’un seul député chacune.

D’où un paradoxe : dans le département de la Creuse, la circonscription unique comptera plus de 100 000 électeurs. En nombre d’inscrits, elle sera la plus importante de France – nous évoquions cette question ce matin –, et deux fois plus vaste qu’une circonscription moyenne à Paris ou dans la région parisienne.

Comme l’a indiqué M. le rapporteur, seule une révision constitutionnelle rendrait possible la solution que vous préconisez, madame la sénatrice, et que, à titre personnel, j’appelle également de mes vœux, puisque c’est celle que nous avions retenue dans la loi d’habilitation.

Je crois savoir qu’une proposition de loi a été déposée en ce sens, qui devra bien sûr être examinée par la commission de contrôle présidée par M. Guéna, car celle-ci est pérenne et devra donner son avis sur ce texte.

Ensuite, l’évolution que vous souhaitez, madame la sénatrice, pourrait avoir lieu à l’occasion d’une révision constitutionnelle qui interviendrait éventuellement – mais je ne suis pas dans le secret des dieux ! – avant le prochain renouvellement de l’Assemblée nationale.

Certes, nous ne pouvons modifier la Constitution pour ce seul motif. Toutefois, à l’occasion d’une révision de notre loi fondamentale, une telle proposition pourrait trouver un aboutissement et nous permettre de revenir à une solution juste.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, pour explication de vote.

Mme Renée Nicoux. Monsieur le secrétaire d'État, je remarque que votre position est moins rigoureuse que lors de la première lecture de ce texte. Je vous remercie de vous être déclaré favorable à l’évolution du nombre des députés de la Creuse.

D'ailleurs, comme je l’ai souligné tout à l’heure, les résultats du dernier recensement montrent que ce département, qui comptait 124 500 habitants, vient d’en gagner 460 ; nous atteindrons donc au cours de cette année le seuil des 125 000 habitants, qui permet d’obtenir un député supplémentaire.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Non, car la moyenne va également augmenter !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est la conséquence du recensement !

Mme Renée Nicoux. Une telle évolution marque tout de même un changement important pour un département rural comme la Creuse, dont la population a diminué pendant plus d’un siècle – il perdait mille habitants par an ! – et qui, pour la première fois, voit sa situation démographique s’améliorer. Nous espérons d'ailleurs que ce phénomène sera durable et que la population du département, aujourd’hui stabilisée, augmentera de nouveau.

Toutefois, qu’adviendra-t-il si nous n’avons pas la possibilité de revenir sur la suppression d’une circonscription en raison du nombre de députés plafond qui a été introduit dans la Constitution ?

L’un de nos collègues de l’Assemblée nationale a déposé un amendement qui vise précisément à modifier la Constitution, afin que le nombre des députés ne soit plus gravé dans le marbre.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On ne peut pas changer la Constitution par voie d’amendement !

Mme Renée Nicoux. Aujourd'hui, nous devons revoir cette disposition du projet de loi, me semble-t-il, car il ne s’agira là que d’une « mesure limitée ».

Or le Conseil constitutionnel a autorisé le Parlement à s’affranchir du respect de la règle démographique, à condition – ce point est bien précisé dans sa décision – que ce soit de façon « limitée ». Nous pouvons donc choisir de revenir sur le nombre de députés de ces départements.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas aujourd'hui !

Mme Renée Nicoux. Bien sûr, le plafonnement à 577 du nombre des députés qui a été inscrit dans la Constitution pose problème, parce que, pour compenser la création d’une circonscription, il faudrait – mais il n’en est pas question ici – en supprimer une autre.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est obligatoire !

Mme Renée Nicoux. C’est à ce niveau que la question se posera. J’espère que nous trouverons, ensemble, une solution à ce problème.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :

Le tableau n° 1 annexé au code électoral est ainsi modifié :

1° Dans la première circonscription de l'Aube, les mots : « Méry sur Seine » sont supprimés.

2° Dans la troisième circonscription de l'Aube, ajouter les mots : « Méry sur Seine III ».

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite apporter un peu de sérénité à ce débat. Cet amendement n’a en effet aucune portée politique et son objet ne menace aucun équilibre : il a seulement vocation à voir triompher le bon sens.

M. Bernard Frimat. C’est mal parti !

M. Daniel Reiner. Aucune chance !

M. Philippe Adnot. Dans le département de l’Aube, sur les trois circonscriptions conservées, il en existe une qui est moins importante que les autres en termes de population, mais très importante en nombre de communes. Tout le monde reconnaissait qu’un rééquilibrage était nécessaire. On aurait pu imaginer qu’une concertation serait organisée et que les parlementaires seraient consultés. Mais, en fait de concertation, rien !

Le découpage proposé consiste à attribuer à cette circonscription plus de la moitié du territoire départemental – 220 communes – en diminuant d’autant la circonscription qui compte le moins de communes. Or, dans la mesure où ces trois circonscriptions se rejoignent à Troyes, il suffisait de déplacer 10 000 habitants urbains, pour que ce rééquilibrage ne gêne personne !

Naturellement, c’est le canton rural dont je suis l’élu qui, avec ses 9 000 habitants, a été déplacé et a quitté son arrondissement pour rejoindre la circonscription qui était déjà la plus grande.

Pas un seul citoyen de mon département ne comprend quoi que ce soit à ce découpage ! Organisez un référendum demain et vous constaterez qu’aucune voix ne s’élève pour soutenir cette mesure.

M. Bernard Frimat. Sauf celle d’Alain Marleix !

M. Philippe Adnot. Je le répète, il suffisait de déplacer un canton urbain plutôt qu’un canton rural, et cela ne changeait en rien les équilibres politiques.

Cette décision est-elle un mauvais coup contre François Baroin ? La question se pose, puisque ce découpage lui fera perdre un petit nombre de voix. (Exclamations sur quelques travées de lUMP.) Mais, monsieur le secrétaire d'État, je vous rassure : cela ne changera rien, il sera tout de même élu !

Est-ce un mauvais coup contre moi ? Ma modeste personne ne justifie pas, à mon sens, une telle manipulation.

Ce qui est sûr, c’est que cela va contre le bon sens.

M. Pierre-Yves Collombat. Cela ne les arrête pas !

M. Philippe Adnot. Est-on toujours obligé de raisonner politiquement ou bien est-il possible, dans cette enceinte, de procéder différemment pour que le bon sens l’emporte ? Telle est la question que je souhaitais poser en défendant cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement est nouveau : il n’avait pas été déposé en première lecture. Initialement, le Gouvernement ne souhaitait pas apporter un grand nombre de modifications à la situation actuelle et le département de l’Aube ne devait pas être concerné. Toutefois, il a été contraint par la commission de contrôle du redécoupage électoral et par le Conseil d’État à rééquilibrer démographiquement les circonscriptions, et ce même dans un département où les circonscriptions ne devaient pas être modifiées.

À entendre certains raisonnements, le député serait quasiment le chef de sa circonscription. Or il s’agit en fait d’une circonscription électorale ! Les communautés de communes, les cantons, c’est autre chose ! (M. Charles Pasqua acquiesce.) M. Pasqua sait de quoi il retourne : on est élu dans un cadre territorial. En 1986, certaines circonscriptions législatives étaient bizarres. Moi-même, j’ai été député d’une circonscription extrêmement étrange.

M. Charles Pasqua. Le fruit du hasard !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela ne m’a d’ailleurs pas empêché d’être élu. Mais c’est une autre histoire. (Sourires.)

Monsieur Adnot, c’est à cause de la commission de contrôle du redécoupage électoral que le Gouvernement a été conduit à procéder à un rééquilibrage démographique, même dans des circonscriptions qui n’étaient pas modifiées.

M. Philippe Adnot. On peut le faire autrement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le découpage qui a été décidé dans le département de l’Aube ne plaît pas plus à vous-même qu’à d’autres éminents parlementaires, mais il répond exactement aux critères fixés par la commission de contrôle du redécoupage électoral.

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Nous ne souhaitons pas que le Sénat se trouve amené à redessiner toute la carte des circonscriptions législatives !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Comme c’est la première fois que cette question est abordée, je profiterai de l’examen de cet amendement pour exposer dans le détail la méthodologie retenue par le Gouvernement.

Sur cet amendement, trois observations peuvent être formulées.

Premièrement, dans le département de l’Aube, avec le découpage actuel, les écarts démographiques sont sensibles, puisque l’on va de 83 090 habitants pour la première circonscription – cela représente un écart de 17 % par rapport à une population moyenne départementale des circonscriptions égale à 99 901 habitants – jusqu’à 112 425 habitants pour la troisième circonscription, soit un écart de 13 %.

M. le rapporteur l’a rappelé, dans un premier temps, le Gouvernement avait conservé le découpage de 1986, inchangé depuis 1958, comme il l’avait envisagé pour certains départements dont le nombre de circonscriptions ne varie pas : la loi d’habilitation lui semblait permettre cette stabilité, d’autant que le seuil de 20 % admis par le Conseil constitutionnel était largement respecté.

Deuxièmement, le transfert du canton de Méry-sur-Seine proposé par la commission Guéna a été retenu et le Conseil d’État a également préconisé cette solution.

Le transfert du canton de Méry-sur-Seine, issu de la troisième circonscription, qui permet de réduire le déficit de la première circonscription, malgré les inconvénients que cela peut engendrer, a été demandé par la commission Guéna. Il s’agit non pas d’une « suggestion » mais d’une « proposition », qui est au plus haut sur l’échelle des réactions de la commission de contrôle du redécoupage électoral.

L’ampleur de l’écart démographique entre les deux circonscriptions voisines, proche de 30 %, a été déterminante dans le choix du Gouvernement et l’a conduit à suivre l’avis de la commission de contrôle du redécoupage électoral, comme il l’a d’ailleurs fait dans tous les autres cas similaires.

Troisièmement, une solution de rechange existait, mais sa mise en œuvre aurait été trop lourde de conséquences au regard de la situation actuelle. Elle aurait permis de rééquilibrer les populations des trois circonscriptions du département, tout en respectant mieux la logique de la délimitation actuelle, équilibrée autour de la ville de Troyes, et en maintenant dans chaque circonscription un nombre sensiblement voisin de communes, respectivement 164, 137 et 134.

Cette suggestion a d’ailleurs été transmise à la commission de contrôle du redécoupage électoral par l’un des députés concernés, mais elle n’a pas été retenue, car elle affectait un plus grand nombre de cantons.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne pouvait pas passer outre la proposition de la commission de contrôle du redécoupage électoral.

C’est pourquoi il émet aujourd’hui un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Cette explication ne tient pas. Personne ne conteste la nécessité du rééquilibrage démographique. En revanche, il était possible de l’opérer à partir d’un milieu urbain, sans créer de telles disproportions entre les territoires.

Avec ce nouveau découpage, l’une des trois circonscriptions de l’Aube représentera plus de la moitié du département, avec 220 communes, alors qu’une autre n’en comptera qu’une centaine. C’est ridicule. Personne ne comprend une telle décision. En revanche, tout le monde perçoit le fort mépris manifesté à l’égard des citoyens, à qui l’on impose une situation sans leur demander leur avis.

À la limite, cet amendement avait pour seul objet d’obliger le Gouvernement à réaffirmer qu’il ne tient compte ni de l’avis des gens, des populations concernées, ni du bon sens.

La commission des lois s’est trompée. Nous ne contestons pas le rééquilibrage démographique, mais il était parfaitement possible d’y procéder sans déséquilibrer les territoires : il aurait suffi de déplacer un canton urbain et non un canton rural. Le Gouvernement ne le souhaite pas : il a certainement quelques arrière-pensées. L’histoire jugera !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas à nous de faire la carte électorale !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. La situation qu’expose notre collègue est tout à fait comparable à celle que j’ai décrite s’agissant du département du Var. Personnellement, je voterai cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article unique
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés
Rappel au règlement

Article unique

(Texte non modifié)

L’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés, prise en application de la loi n° 2009-39 du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et autorisant le Gouvernement à fixer le nombre total et à délimiter les circonscriptions des députés élus par les Français établis hors de France et à mettre à jour la répartition des sièges de députés élus dans les départements et dans les collectivités d’outre-mer, ainsi que la délimitation des circonscriptions législatives, est ratifiée.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.

M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite revenir sur ce que conteste M. le secrétaire d'État, à savoir la légitimité de nos débats sur la modification de la carte des circonscriptions législatives. Pour cela, je citerai certains des propos qu’il a tenus à l'Assemblée nationale. Ils méritent que l’on s’y attarde.

« Le passage du texte au Sénat était juridiquement nécessaire [...]. Il devait alors être rapide : la tradition veut en effet qu’une assemblée parlementaire ne s’immisce pas dans les questions touchant les membres de l’autre assemblée. » Mes chers collègues, apprenez que nous nous « immisçons » !

Je ne reviens pas sur ce qui a déjà été souligné : ce type de manœuvre a déjà été pratiqué. Je ferai cependant remarquer que le nouveau découpage aura une influence sur les nouveaux cantons qui seront dessinés pour y installer les nouveaux conseillers territoriaux, si le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales est adopté. Par conséquent, en tant que sénateurs, nous sommes directement concernés.

Mais je poursuis ma citation.

« Je remarque cependant que le Sénat, qui était appelé à voter [...] ne devait pas débattre. » J’ai eu l’occasion de souligner que nous étions dans un régime de République consulaire. C’est exactement cela !

M. Pierre Fauchon. C’était mieux que l’Empire !

M. Pierre-Yves Collombat. Sous le Consulat, sans parler même de l’initiative des lois, rôle qui, dans notre République, semble aujourd’hui assumé par le journal de vingt heures, une chambre débattait sans voter, l’autre votait sans débattre.

C’est ce qui nous était proposé : il fallait que nous votions sans débattre !

À en croire le Gouvernement, c’est d’ailleurs parce que le méchant Sénat a débattu que le texte a dû être examiné en deuxième lecture à l’Assemblée nationale !

Non, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas la discussion au Sénat qui a provoqué cette situation ; c’est un incident – rien de plus – sur lequel il n’est pas utile de revenir éternellement, même si, pour ma part, j’y ai vu la main des dieux. (Sourires.)

La suite est de la même eau, mais plus formidable encore : « Qu’on le veuille ou non, la représentation nationale s’en trouve insécurisée. » Ainsi donc, nous « insécurisons la représentation nationale » ? Quelle accusation ! Ce n’est pas rien !

Enfin et surtout : « Certains ont ainsi voulu, si je puis dire, refaire le match. En laissant le Sénat venir en quelque sorte sur votre terrain, empiéter sur votre choix et donc s’ériger en arbitre, voire en censeur, de vos conditions d’élection, ont-ils conscience de la dérive ainsi provoquée, qui ne sert pas l’Assemblée nationale, seule chambre, rappelons-le, élue au suffrage universel direct ? » (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste.)

En d’autres termes, pour faire accepter le vote bloqué, on met tout sur le dos de la Haute Assemblée en faisant croire aux députés que, s’ils ne sont pas bien gentils, les sénateurs vont venir manger dans leur gamelle. C’est un peu fort !

Cela signifie-t-il que la chambre élue au suffrage universel direct aurait une légitimité plus grande que celle qui est élue au suffrage universel indirect ?

Monsieur le secrétaire d'État, sommes-nous les indigènes de la République ?

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.

M. Louis Mermaz. Le projet de loi de ratification de l’ordonnance concernant les circonscriptions législatives nous revient donc après sa discussion en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, à la suite de son rejet par le Sénat.

Le Gouvernement persiste donc à défendre un projet dont les débats dans les deux assemblées ont pour le moins révélé qu’il portait lourdement atteinte à la démocratie. Le Gouvernement aurait pourtant pu saisir, on l’a fort bien exposé ce matin, l’occasion du recensement publié le dernier jour de l’année 2009 pour revoir sa copie.

En tenant compte de ces nouveaux chiffres et en reprenant totalement la procédure, le Gouvernement aurait respecté les exigences constitutionnelles. Il aurait respecté l’égalité des citoyens devant le suffrage.

Il a préféré une nouvelle fois passer en force pour finir par recourir, mardi dernier, à l’Assemblée nationale, à un vote bloqué, refusant l’examen des amendements dont plusieurs orateurs de l’opposition, comme M. Bruno Le Roux, avaient exposé minutieusement le bien-fondé.

M. Jacques Mahéas. Tout à fait !

M. Louis Mermaz. Notre groupe s’élève à nouveau – mieux vaut se répéter que se contredire – contre le fait que le Gouvernement s’obstine à choisir, pour la répartition des sièges de députés, une méthode de calcul, de préférence à d’autres, méthode qui, par un effet de seuil, vous l’avez constaté vous-même, monsieur le secrétaire d’État, favorise les départements les moins peuplés au détriment de ceux où la population se concentre désormais.

Lors du premier débat d’habilitation devant l’Assemblée nationale, vous avez usé, monsieur le secrétaire d’État, d’une formule à la fois cynique et cocasse : « Mais nous ne sommes pas à la recherche du meilleur système de répartition ». Quel aveu ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Le remodelage des circonscriptions à l’intérieur des départements obéit, on l’a compris, à une tout autre logique, dictée celle-là par l’intérêt exclusif de l’UMP, dont le Président de la République, confondant les genres, est de fait le chef, quelques miettes, monsieur Pierre Fauchon, revenant au Nouveau Centre.

Peu importe qu’il faille pour cela casser des villes ou des cantons, tourner le dos aux réalités administratives ou simplement à celles de la vie quotidienne : il faut refouler autant que faire se peut les électeurs réputés de gauche dans des circonscriptions de sûreté, dans des réserves, si vous préférez, pour conforter les circonscriptions plutôt de droite, que l’on redessine quand nécessaire ou que l’on crée. Et le tour est joué !

Pour les futures circonscriptions des Français résidant hors de France, le Gouvernement a vu large, très large, puisqu’elles enjamberont les continents et les océans sur des milliers de kilomètres. Continents et océans seront logés à la même enseigne que nos cantons métropolitains !

Faut-il que le Président de la République et le Gouvernement soient inquiets pour l’avenir de leur majorité ! On constate, en effet, que, plus les échecs économiques sont patents, plus les inégalités se creusent, plus ils tentent de se prémunir contre un rejet du pays en se barricadant et en s’attaquant non seulement aux libertés et aux droits des collectivités locales, victimes d’une véritable casse – je vous renvoie au projet de loi sur les conseillers territoriaux –, mais aussi bientôt à l’indépendance de la justice, à la liberté de la presse – je vous renvoie ici à la nouvelle loi prévoyant, selon un système bizarre, la nomination des PDG de l’audiovisuel public – ainsi qu’au droit d’asile.

Un ministre s’en prend maintenant au Conseil constitutionnel dans un article du quotidien Le Monde, parce qu’une décision a déplu.

Et mardi, ce fut le tour du Sénat, accusé devant l’Assemblée nationale de se mêler de ce qui ne le regarde pas. Nous avons apprécié, sur toutes les travées de notre assemblée, la mise au point de M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, qui s’exprimait sous l’œil pétillant du président du Sénat. (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est toujours pétillant !

M. le président. En effet, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)

M. Louis Mermaz. Mais, à mon sens, M. Hyest fut, hélas ! moins bon dans les conclusions de son rapport.

À entendre le secrétaire d’État, le Sénat n’aurait donc pas à se préoccuper de ce qui touche au mode d’élection de l’Assemblée nationale. M. Bernard Frimat a apporté la preuve que les choses ne s’étaient jamais passées comme il semblait le penser.

Comme si les lois électorales ne relevaient pas constitutionnellement d’un vote dans les deux assemblées ; comme si le Parlement n’était pas un, composé de deux assemblées ; comme si chacune d’entre elles n’avait pas pour mission de veiller, par ses délibérations et par ses votes, à l’équilibre des institutions et au respect de la démocratie !

Autant de raisons pour nous, mes chers collègues, de voter contre l’article unique, s’il n’est pas supprimé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 8 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 9 est présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour défendre l’amendement n° 8.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce projet de loi, qui redessine les circonscriptions électorales de nos collègues députés, est clairement orienté pour vous permettre de conserver la majorité. La partialité de votre découpage est évidente.

Il ne s’agit en aucun cas d’un projet qui vise à assurer une plus grande représentativité des citoyens. Monsieur le secrétaire d’État, ce matin, en réponse à la motion que je défendais, vous laissiez entendre que je n’étais pas d’accord pour revenir sur le recensement. Pas du tout, je suis tout à fait d’accord au contraire pour que l’on procède à une nouvelle délimitation des circonscriptions puisque la dernière est fort ancienne.

Cependant, votre projet ne respecte en rien les recommandations du Conseil constitutionnel et remet en cause le principe d’égalité des citoyens devant la loi. Votre texte instaure de nouvelles disparités entre les citoyens, raison pour laquelle nous ne pouvons pas l’accepter en l’état.

C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression et j’ose espérer – je suis très optimiste – qu’il connaîtra le même sort que lors de la première lecture…

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 9.

M. Bernard Frimat. S’agissant d’un amendement de suppression, je tiens à attirer l’attention du Sénat, car l’expérience prouve que le vote des amendements de suppression est un moment particulièrement vivant et tonique dans notre hémicycle. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je le dis à chaque sénateur : quand il prendra le bulletin dans son tiroir, qu’il fasse bien attention à ne pas confondre le rouge et le bleu ; que, dans l’exercice de son libre arbitre, il choisisse bien, et que, si jamais il se trompait, il coure, il vole, il bondisse à la tribune pour nous éviter le genre d’incident que nous avons connu ! (Sourires.)

M. Nicolas About. Va, cours, vole, et nous venge !

M. Bernard Frimat. Nous avons déposé cet amendement de suppression pour les raisons présentées par Mme Josiane Mathon-Poinat et pour celles que j’ai indiquées ce matin dans la discussion générale sur le caractère exclusivement partisan d’un découpage qui tord les dispositions et n’a d’autre ambition que de ne pas enfreindre les visions du Conseil constitutionnel.

En outre, ce découpage traduit, M. Jean-Pierre Sueur l’a montré, une lecture, là aussi, partisane du considérant 21. Le Conseil constitutionnel n’a jamais dit : « Si vous ne dépassez pas les 20 %, c’est bien ». Non ! Il s’agit de faire au mieux, en respectant les données essentiellement démographiques et, chaque fois que c’est possible, d’améliorer les équilibres.

Vous avez choisi la méthode de la tranche, qui n’avait pas été utilisée en 1958, puisque l’on avait alors choisi la méthode du plus fort reste. Vous avez fixé la tranche à 125 000 habitants. Cependant, si l’on observe les chiffres des populations municipales fournis par le dernier recensement, on s’aperçoit – vous l’avez vu, je suppose, comme moi – que la Seine-Saint-Denis dépasse ce seuil et arrive à treize députés…

M. Bernard Frimat. … et que le Puy-de-Dôme, où vous aviez supprimé une circonscription, dépasse également ce seuil et peut retourner à six députés !

N’ayez pas deux logiques. Vous avez fixé la tranche à 125 000 ? Vous devez l’appliquer ! Bien sûr, cela présente l’inconvénient de vous obliger à tout refaire. On ne va pas, dites-vous, changer le découpage tous les ans. Mais, pour l’instant, le découpage n’est pas voté ; il n’existe pas aujourd’hui. Si vous voulez respecter l’esprit du Conseil constitutionnel, vous devez répartir les sièges au mieux.

Le Conseil constitutionnel ne remet pas en cause votre méthode, dites-vous. Soit ! Il faut de toute manière répartir les sièges en respectant les données démographiques les plus récentes, ce que vous ne faites pas.

Voilà pourquoi il vous faut, me semble-t-il, pour votre tranquillité future, revoir la totalité de votre découpage. Nous nous permettons donc de vous rendre service en vous proposant de supprimer l’article unique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 8 et 9.