retour des réfugiés et des personnes déplacées du haut-karabagh

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 898, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Haut-Karabagh est un territoire azerbaïdjanais, occupé par l’Arménie. Cette occupation a été condamnée par plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, mais celles-ci n’ont jamais été appliquées.

Récemment, le représentant français au sein du groupe de Minsk, chargé du règlement du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, s’est fait piéger par une traduction infidèle. Malgré des mises au point et des dénégations, la traduction tronquée a fait l’actualité, devenant un fait médiatique avéré, autant dire la vérité, ce qui a tout naturellement provoqué une certaine incompréhension en Azerbaïdjan. Vous connaissez, comme nous tous, monsieur le secrétaire d’État, les effets ravageurs de la rumeur…

Dans le même temps, la diplomatie européenne s’active pour que l’Arménie et la Turquie règlent leur conflit historique.

Cette agitation diplomatique se fait, semble-t-il, sans que l’Arménie soit amenée à respecter les résolutions des Nations unies, qui l’enjoignent de restituer les territoires occupés du Haut-Karabagh, et donc de facto au détriment de l’Azerbaïdjan, qui est un partenaire économique et stratégique important et stable pour la France.

Le Président Sarkozy a récemment reçu le Président arménien à Paris.

Dans un Caucase si prompt à s’enflammer, où les troupes se massent en application d’un vieux principe que nous connaissons tous – si vis pacem, para bellum –, il est urgent que la France clarifie sa position et réaffirme sa volonté de voir régler la situation de milliers de réfugiés et de personnes déplacées qui attendent dans des conditions souvent dramatiques de rentrer chez eux dans le Haut-Karabagh.

Quelles mesures la France compte-t-elle prendre pour que les accords à venir entre l’Arménie et la Turquie ne négligent pas les intérêts légitimes de l’Azerbaïdjan, et quelles initiatives entend-elle engager pour favoriser le retour des réfugiés et des personnes déplacées du Haut-Karabagh ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Madame Nathalie Goulet, je vous prie d’excuser M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, qui m’a prié de bien vouloir vous transmettre sa réponse sur un dossier que je connais d’ailleurs personnellement pour m’être rendu sur place en prévision d’un prochain voyage dans cette région.

La France est très attachée à la paix et à la stabilité en profondeur de l’ensemble de la région du Caucase. Avec la Russie et les États-Unis, qui coprésident avec elle le groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, OSCE, elle joue un rôle actif pour aider les parties à conclure un règlement pacifique et équitable du conflit du Haut-Karabakh. Les excellentes relations que nous entretenons aussi bien avec l’Azerbaïdjan qu’avec l’Arménie constituent un atout très important. Ces deux pays sont d’ailleurs reconnaissants à la France de ses efforts.

C’est dans ce contexte que le coprésident français du groupe de Minsk, l’ambassadeur Bernard Fassier, s’est exprimé récemment – en français en effet – devant des députés de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, à Erevan. Certains de ses propos ont été déformés ou interprétés de manière erronée en Arménie puis dans la presse azerbaïdjanaise, qui s’en est fait l’écho. Depuis lors, les autorités de Bakou, au plus haut niveau, se sont déclarées satisfaites des explications qui leur ont été données et n’ont plus accordé d’attention à cet incident.

S’agissant du règlement du conflit, la référence aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ne suffit pas. Ces résolutions, qui remontent d’ailleurs à 1993, sont antérieures au cessez-le-feu de mai 1994. Par conséquent, elles ne recouvrent pas la totalité des territoires azerbaïdjanais occupés aujourd’hui et ne peuvent donc constituer à elles seules la base du règlement.

La France a une position très claire. Elle n’a jamais accepté l’occupation des territoires azerbaïdjanais ni reconnu l’indépendance du Haut-Karabakh. Elle a transmis aux parties fin 2007, conjointement avec ses partenaires américain et russe, un modèle de règlement possible, « les principes de Madrid ».

Ce modèle prévoit, entre autres dispositions, l’évacuation des territoires azerbaïdjanais occupés qui sont adjacents au Haut-Karabakh, la reconnaissance par l’Azerbaïdjan d’un statut intérimaire pour le Haut-Karabakh et le principe du droit au retour pour toutes les personnes réfugiées ou déplacées.

Cette proposition de règlement équitable a été renouvelée au plus haut niveau par le Président de la République, conjointement avec les Présidents américain et russe, en juillet 2009, dans leur déclaration commune sur le Haut-Karabakh au sommet de L’Aquila.

Après une année diplomatique très dense en 2008-2009, avec onze rencontres entre les Présidents Aliev et Sarkissian, dont huit avec les coprésidents et trois avec le Président Medvedev, la négociation s’est compliquée depuis le processus qui s’est engagé entre l’Arménie et la Turquie, et qui a suscité, du moins au début, de l’espoir.

La France est convaincue que la normalisation entre l’Arménie et la Turquie aurait une portée historique. C’est d’ailleurs pourquoi nous soutenons ce processus. Elle comprend les préoccupations de Bakou. Mais nous sommes convaincus que l’Azerbaïdjan n’a rien à craindre de ce processus dont il serait lui-même l’un des premiers bénéficiaires avec la Turquie et l’Arménie, à la faveur d’un retour à la stabilité et à l’ouverture des frontières dans la région. Nous entretenons, au plus haut niveau, un dialogue constant et confiant avec les autorités azerbaïdjanaises. Il y aura des prolongements dans les mois qui viennent.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Je rentre du Haut-Karabakh. J’étais plus précisément à Bakou. J’ai visité les camps de réfugiés. Pour avoir bien connu ceux de la Palestine, je dois dire que ceux d’Azerbaïdjan n’ont absolument rien à leur envier !

Une solution humanitaire devrait être apportée à ces réfugiés qui ne demandent pas d’aide particulière et dont la situation, qui ne doit pas perdurer, doit être prise extrêmement au sérieux, d’autant qu’ils veulent seulement rentrer chez eux !

Par ailleurs, une visite du Président de la République en Azerbaïdjan serait certainement la bienvenue. Le Président Aliev est lui-même venu quatre fois en France dans un temps extrêmement bref.

prise en charge des frais de transport d'un handicapé entre l'établissement et le domicile, lors d'une permission de sortie

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteur de la question n° 831, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.

Ma chère collègue, M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique, dont ce sera la première intervention au Sénat, vous répondra à la place de Mme Morano, retenue. J’en profite pour lui souhaiter la bienvenue, au nom de tous nos collègues.

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer l’attention de Mme la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité sur les difficultés que rencontrent encore actuellement de nombreuses familles dont l’un des membres, handicapé, est accueilli en foyer d’accueil médicalisé, pour la prise en charge de ses frais de transport entre l’établissement et le domicile, lors d’une permission de sortie.

Le 16 avril 2009, dans sa réponse à ma question écrite sur ce même sujet, Mme Nadine Morano m’indiquait que, « dans l’attente de la mise en place d’un nouveau dispositif, la CNAMTS s’est engagée à adresser une nouvelle instruction à ses caisses locales, pour garantir la poursuite de la prise en charge des frais de transport dans les conditions actuelles ».

Par ailleurs, le 14 novembre 2009, le Sénat a adopté, sans modification, l’article 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui prévoit que « les frais de transport entre le domicile et l’établissement des personnes adultes handicapées fréquentant en accueil de jour les établissements ou les foyers d’accueil médicalisés sont inclus dans les dépenses d’exploitation de ces établissements et foyers et sont financés par l’assurance maladie ».

Ce dispositif constitue une avancée indéniable, mais il est loin de répondre, malheureusement, à la diversité des situations.

Ainsi, permettez-moi de prendre un exemple concret, celui d’une famille habitant en Charente, dont un fils âgé de trente-cinq ans, adulte handicapé, se trouve en pension complète dans un foyer d’accueil médicalisé à environ soixante-dix kilomètres de chez lui, soit plus de cent quarante kilomètres aller et retour !

Les parents de ce jeune homme vivent très modestement. Mais, comme ce sont des parents très attentifs, aimants, ils ramènent leur fils deux fois par semaine au domicile familial. Non seulement c’est nécessaire à son équilibre de vie, mais cela fait partie intégrante de son projet de soins individuels.

Pour l’année 2009, ils ont reçu de la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente, pour les indemniser de leurs frais de transport, seulement 772,48 euros pour la période de janvier à avril et 181,76 euros pour le mois de mai. Depuis, plus rien, alors que les frais de transport coûtent chaque mois à cette famille entre 400 euros et 500 euros.

Par conséquent, vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'État, ce qui m’avait été indiqué dans la réponse à ma question écrite et encore réaffirmé au Sénat lors de l’examen de l’article 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 n’a pas été appliqué dans les faits par la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente. Celle-ci n’a pas poursuivi le moratoire sur la prise en charge des frais de transport !

Enfin, les dispositions de l’article 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ne peuvent pas s’appliquer dans ce cas précis, puisque le jeune homme handicapé réside en pension complète dans son foyer médicalisé et non pas seulement en accueil de jour, comme cela figure dans le texte. Cette famille est donc totalement désemparée et sans solution. Les parents ont de plus en plus de mal, avec leur petite retraite et sans aucun remboursement de la caisse primaire d’assurance maladie, à prendre en charge les frais de transport de leur fils. D’autres familles, et elles sont nombreuses, ne peuvent même plus aller chercher leur enfant handicapé, ce qui, vous l’imaginez, provoque des drames humains importants.

Aussi ma question est-elle double.

Le Gouvernement va-t-il rapidement proposer des mesures pour ne pas laisser les personnes handicapées en internat, sans solution ?

Compte-t-il faire appliquer sur le terrain, avec un remboursement rétroactif des sommes dues, le moratoire que Mme Nadine Morano a demandé aux caisses primaires d’assurance maladie sur la prise en charge de ces publics jusqu’à l’entrée en vigueur d’un nouveau dispositif ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, mes premiers mots seront pour vous remercier de votre accueil. Je suis très heureux d’intervenir devant le Sénat.

Madame Nicole Bonnefoy, je vous prie tout d’abord d’excuser Mme Nadine Morano, secrétaire d'État, qui m’a chargé de vous répondre. Je suis pour ma part très conscient de l’importance de votre question dans la mesure où, sur le plan personnel, je suis également très engagé dans des affaires de cette nature, la commune dont je suis maire s’efforçant de tout faire pour alléger les contraintes du handicap pour les familles.

Le Gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre une solution pérenne pour la prise en charge des frais de transport des personnes handicapées entre leur domicile et l’établissement qui les prend en charge. En ce sens, nous avons confié à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, le pilotage d’un groupe de travail chargé de proposer, en lien avec l’ensemble des partenaires concernés, un dispositif plus satisfaisant que celui qui existe aujourd’hui.

Cette concertation a démontré que les cas les plus complexes étaient liés aux accueils de jour en maisons d’accueil spécialisé, les MAS, et en foyers d’accueil médicalisé, les FAM. En effet, les transports y sont souvent médicalisés et les retours à domicile quotidiens, ce qui génère une charge importante pour les familles.

C’est la raison pour laquelle la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2010 a prévu de confier aux établissements de jour l’organisation de ces transports, en échange d’une dotation transport qui sera intégrée à leur budget de fonctionnement.

Le décret d’application de cet article est en cours d’examen auprès du Conseil d’État. Il sera publié dans les prochaines semaines, afin de permettre l’entrée en vigueur du transport organisé par les établissements au 1er juillet.

Si le dispositif se limite pour l’instant aux établissements d’accueil de jour, le Gouvernement a souhaité aller plus loin.

En effet, la direction générale de la cohésion sociale, DGCS, et la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, CNSA, étudient l’intégration des frais de transport dans le budget des établissements pour les autres types de publics. II s’agit notamment de personnes en internat, comme le jeune homme dont vous venez d’évoquer la situation.

En attendant, comme vous l’avez souligné, les caisses primaires d’assurance maladie se sont engagées à poursuivre la prise en charge des frais de transport dans les conditions actuelles, dans l’attente de la mise en place d’un nouveau dispositif.

J’ajoute que les situations de non-respect de ce moratoire peuvent être signalées au conciliateur de la caisse primaire, qui est parfaitement sensibilisé à ce dossier. Le Gouvernement a fait en sorte que les conciliateurs le soient tous, compte tenu des cas tels que celui que vous venez de décrire et qui ne doivent pas se multiplier.

Enfin, je veux rappeler que la prestation de compensation du handicap, PCH, mise en place depuis le 1er janvier 2006, peut également prendre en charge, sur décision de la maison départementale des personnes handicapées, MDPH, les frais de transport des personnes handicapées pour se rendre en établissement médicosocial ou retourner à leur domicile, et cela jusqu’à 2 400 euros par an.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse.

Je note que des propositions vont être faites par le Gouvernement pour intégrer les personnes handicapées en internat et que, pour le non-respect du moratoire – ce qui est le cas avec la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente – il est possible de saisir le conciliateur. C’est ce que nous allons faire.

J’ose espérer que ce dossier aboutira pour cette famille, comme pour celles qui se heurtent au même problème et qui, sans garantie de remboursement, ne peuvent même pas aller chercher leur enfant.

Si tel n’était pas le cas, je ne manquerais pas de saisir à nouveau Mme Morano.

droit au rapprochement familial des détenus corses

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la question n° 849, adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ma question était destinée à l’origine à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Je vous l’adresse donc, monsieur le secrétaire d'État.

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a consacré, dans le chapitre des droits et devoirs des détenus, le principe du rapprochement familial.

Ce principe constitue une avancée majeure du droit pénitentiaire dont la mise en œuvre est, pour de très nombreuses familles, une étape décisive dans le maintien effectif de liens familiaux avec leurs proches.

L’application de ce principe, au cœur des préoccupations de nombreuses familles de détenus, est pourtant restée en suspens depuis 2009, faute pour le Gouvernement d’avoir proposé les décrets d’application indispensables à la mise en œuvre de ce droit fondamental.

Aujourd’hui, il est nécessaire d’organiser ce droit au rapprochement familial, notamment pour les détenus corses incarcérés sur le territoire métropolitain.

En effet, pour les familles vivant en Corse, le maintien de liens familiaux avec les personnes détenues sur le territoire métropolitain est devenu un véritable cauchemar.

De nombreux détenus corses sont en effet maintenus sur le territoire métropolitain sans que leur situation fasse l’objet d’une considération particulière, c’est-à-dire prenant en compte la spécificité de la séparation géographique d’avec leur famille.

Or une telle prise en compte est non seulement nécessaire, mais également fondamentale : l’exercice par ces familles de leur droit de visite est semé de difficultés, tant matérielles que financières.

Des familles sont aujourd’hui privées de leur droit d’entretenir des relations familiales avec leurs proches en raison du coût exorbitant des voyages nécessaires sur le territoire métropolitain.

En 2003, l’Assemblée de Corse avait voté, à l’unanimité, une motion demandant la mise en œuvre rapide du rapprochement familial des détenus corses, mais le gouvernement n’avait pas donné suite à cette demande.

Devant une telle situation, une solution rapide est envisageable : le transfèrement des détenus du territoire métropolitain vers les établissements pénitentiaires de Casabianda ou de Borgo, en Corse.

Cette solution est conforme à l’article 34 de la loi pénitentiaire, selon lequel « les prévenus dont l’instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d’un rapprochement familial jusqu’à leur comparution devant la juridiction de jugement. »

Monsieur le secrétaire d’État, quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre pour que le principe du rapprochement familial des détenus puisse être effectif rapidement, en particulier pour ceux dont la famille réside dans un territoire non métropolitain ou insulaire – c’est le cas des détenus corses –, afin que le droit de visite puisse s’exercer dans de meilleures conditions ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Madame le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Michèle Alliot-Marie, qui m’a chargé de vous répondre.

Le maintien des liens familiaux constitue un élément essentiel de la politique d’affectation des détenus. L’article 34 de la loi pénitentiaire auquel vous venez de faire référence concerne « les prévenus dont l’instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement ». Il appartient par conséquent aux magistrats en charge de la procédure de donner leur accord à la demande exprimée par le détenu.

Chaque demande doit être abordée en fonction de ses spécificités, en application du texte de loi, ainsi que dans l’intérêt des personnes détenues, de leur famille, mais aussi de la société. Il convient également de tenir compte de la spécificité de chaque établissement. Par exemple, en Corse, si le centre pénitentiaire de Borgo et la maison d’arrêt d’Ajaccio peuvent recevoir des personnes en attente de jugement, le centre de détention de Casabianda, en revanche, ne peut accueillir que des détenus condamnés et affectés à l’issue d’une procédure d’orientation. De plus, le centre de détention de Casabianda est spécialisé dans l’accueil des auteurs d’infraction à caractère sexuel.

Par ailleurs, l’affectation en établissement pour peine prend en compte plusieurs critères, dont la volonté exprimée par le détenu, l’évaluation de sa dangerosité, ainsi que sa situation familiale, sociale et médicale.

Le maintien des liens familiaux constitue le critère quasi exclusivement retenu dans le processus d’affectation des condamnés. Dans ce cadre, nous avons notamment créé des unités de visite familiales et des salons familiaux au sein de nombreux établissements pour peine répartis sur l’ensemble du territoire. Les familles peuvent ainsi rester plusieurs jours auprès de leur proche incarcéré. Depuis 2006, toutes les constructions nouvelles en disposent et les établissements de construction ancienne en sont également dotés dès lors que l’emprise foncière le permet.

Bien entendu, une attention particulière est portée aux détenus originaires de territoires non métropolitains. Depuis l’ouverture, en novembre 2003, du quartier de détention du centre pénitentiaire de Borgo, 165 condamnés d’origine Corse y ont été transférés.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. En effet, les unités de visite familiales existent, mais elles ne sont pas assez nombreuses. La liste d’attente est si longue que certains détenus ne peuvent en bénéficier !

Et pourtant, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, le lien familial est important dans le processus de réinsertion et dans la lutte contre la récidive. Il est d’ailleurs pris en compte par la nouvelle politique pénitentiaire, dont nous nous félicitons.

Toutefois, certains points n’ont toujours pas fait l’objet des décrets d’application nécessaires. Je souhaite donc que ceux-ci soient pris rapidement. Nous pourrons ainsi nous réjouir de l’effectivité d’une loi dont nous sommes fiers.

Par ailleurs, vous le savez, les détenus corses, basques ou bretons sont, d’une certaine manière, des détenus politiques, ce qui leur confère un caractère un peu différent. Sans doute leurs particularités familiales pourraient-elles être prises davantage en considération.

suppression de compétences du tribunal de grande instance de strasbourg

M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 841, adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Roland Ries. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai souhaité attirer l’attention de madame le garde des sceaux sur la décision prise par le Gouvernement de retirer au tribunal de grande instance de Strasbourg une partie essentielle de ses compétences en matière civile et commerciale.

Une série de décrets, promulgués à la fin de l’année 2009, ont désigné huit tribunaux de grande instance ou tribunaux de commerce désormais seuls compétents pour statuer sur certains contentieux. Pour le Grand-Est de la France, le tribunal de grande instance et le tribunal de commerce de Nancy ont été retenus. Si le souci de spécialiser les magistrats et les tribunaux est légitime, je considère que l’exclusion de Strasbourg de la liste des tribunaux compétents n’est pas justifiable.

Cette décision va d’ailleurs à l’encontre des propres engagements de l’État, qui a financé, aux côtés des collectivités, au travers des deux derniers contrats triennaux, la réalisation d’un pôle de compétences en propriété intellectuelle, ou PCPI, à hauteur de 9 millions d’euros.

En outre, cette décision n’est pas, hélas, isolée. Elle fait suite à l’installation à Nancy des juridictions interrégionales spécialisées en matière pénale et à l’annonce, l’été dernier, du transfert de la direction interrégionale des services pénitentiaires. Elle s’ajoute au silence du Gouvernement quant à la rénovation des locaux du palais de justice de Strasbourg, pour laquelle la ville, le département et la région ont pourtant accepté de contribuer à hauteur de 7,5 millions d’euros, bien que cet investissement relève de la compétence exclusive de l’État.

Le décret n° 2009-1205 du 9 octobre 2009 transfère notamment au tribunal de grande instance de Nancy la compétence exclusive en matière de droits de propriété intellectuelle ou industrielle. La ville de Strasbourg joue pourtant, depuis de nombreuses années, un rôle important dans le domaine de la propriété intellectuelle. La signature de la Convention sur l’unification de certains éléments du droit des brevets d’invention, dite Convention de Strasbourg, sans oublier la présence au sein de notre agglomération du seul pôle de compétitivité français à dimension mondiale en matière d’innovations thérapeutiques et du Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle, prouvent que Strasbourg est devenue, au fil des années, une référence au niveau national et européen en matière de propriété intellectuelle.

En définitive, c’est le statut de capitale du droit dont bénéficie Strasbourg, par la présence du siège du pouvoir législatif européen, de la Cour européenne des Droits de l’Homme et d’une université dont la renommée n’est plus à faire pour l’enseignement des matières juridiques, qui est ainsi fragilisé. Le choix unilatéral de l’État, au détriment de l’Alsace en général et de Strasbourg en particulier, montre que les discours du Gouvernement sur la défense de la vocation européenne de Strasbourg et sur son rôle de métropole régionale ne sont pas suivis des décisions concrètes nécessaires pour en assurer la crédibilité.

Par conséquent, eu égard aux arguments évoqués ici, je demande une nouvelle fois au Gouvernement de revenir sur une décision que nous considérons unanimement, gauche et droite confondues, inacceptable pour notre région et pour Strasbourg.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, la commission présidée par le recteur Serge Guinchard a proposé de poursuivre le travail de spécialisation engagé par la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, par la création d’un pôle national du contentieux des brevets et des obtentions végétales.

La commission a suggéré de spécialiser parallèlement certaines juridictions pour connaître des autres contentieux de la propriété intellectuelle, en matière de marques, d’indications géographiques, de dessins et modèles, ainsi que de propriété littéraire et artistique.

En matière de brevets, la commission a proposé de spécialiser le tribunal de grande instance de Paris, qui traite d’ores et déjà plus de 80 % de ce contentieux.

S’agissant des autres contentieux de la propriété intellectuelle, la commission suggérait la spécialisation d’une juridiction par ressort de cour d’appel.

Lors d’un arbitrage interministériel, il est apparu nécessaire d’aller au-delà des préconisations de la commission s’agissant du degré de spécialisation à retenir, en adoptant un schéma déclinant celui des juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS.

Le niveau de spécialisation ainsi retenu a pour effet de concentrer ces contentieux auprès des quelques juridictions amenées à connaître d’un nombre significatif d’affaires, et d’offrir une réponse judiciaire de qualité fondée sur l’expertise induite par cette spécialisation.

La spécialisation des juridictions en matière de pratiques restrictives de concurrence est prévue par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Le décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 fixe la liste et le ressort des juridictions compétentes : il s’agit des tribunaux de grande instance ou tribunaux de commerce de Marseille, Bordeaux, Lille, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement est bien conscient des interrogations et inquiétudes qu’ont pu susciter ces transferts de compétences. Il a donc décidé d’étudier, en concertation avec les élus et les différents acteurs locaux, les compensations et précisions de compétences qui pourraient être apportées à ces transferts en termes de répartition des contentieux spécialisés.