Sommaire

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

Secrétaires :

MM. Jean-Noël Guérini, Daniel Raoul.

1. Procès-verbal

2. Rappel au règlement

Mme Évelyne Didier, M. le président.

3. Décision du Conseil constitutionnel

4. Commission mixte paritaire

5. Audition au titre de l'article 13 de la Constitution

6. Candidatures à une commission mixte paritaire

7. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

8. Dépôt de conventions

9. Candidature à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

10. Débat sur l'application de la loi de 2005 sur le handicap

M. Jacky Le Menn, pour le groupe socialiste ; Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

Mme Isabelle Pasquet, M. Jean-Jacques Pignard, Mme Patricia Schillinger, MM. Jacques Mézard, Jean Louis Masson, Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Yves Daudigny, Mmes Bernadette Dupont, Gisèle Printz, M. Jacques Blanc, Mme Bernadette Bourzai, M. Dominique de Legge, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Paul Blanc, René Teulade.

Suspension et reprise de la séance

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.

11. Nomination d’un membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

12. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

13. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d'un projet de loi

14. Transposition de la directive « Services ». – Discussion d'une question orale européenne avec débat

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, auteur de la question.

MM. Roland Ries, Aymeri de Montesquiou, Jean Louis Masson, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Annie David.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.

15. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Noël Guérini,

M. Daniel Raoul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures quarante.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour un rappel au règlement.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 36 du règlement.

Le 3 mai dernier, les forces de l’ordre, à savoir 30 policiers et gendarmes, ont investi les locaux de l’institut d’éducation motrice « Les Jonquilles » à Freyming-Merlebach en Moselle, pour arrêter un jeune sans-papiers de quinze ans et procéder ensuite à l’expulsion de toute la famille. Ce jeune, prénommé Ardi, présente la particularité, outre d’être originaire du Kosovo, d’être polyhandicapé depuis l’âge de dix ans à la suite d’une attaque cérébrale.

Sa situation dramatique particulière n’a pourtant pas conduit les autorités de l’État, qu’elles soient nationales ou locales, à infléchir leur position. Cette expulsion a été examinée sous l’angle strictement administratif, et les facteurs humains ont été tout simplement ignorés.

Nous avons donc confirmation, depuis ce 3 mai, qu’être sans-papiers est le facteur déterminant, en dehors de toute autre considération, dans la décision de reconduite à la frontière dans le cadre de la politique mise en œuvre par ce gouvernement.

Les méthodes employées pour expulser la famille ont d’ailleurs indigné l’Association des paralysés de France et le Réseau éducation sans frontières, pour qui « le dispositif mis en place s’apparente à de l’intimidation ».

Face à cette situation, notamment à l’insuffisance des structures d’accueil au Kosovo et à l’incapacité de la famille à financer les soins, nous souhaitions vous alerter, madame la secrétaire d’État, pour vous dire notre indignation et vous demander de transmettre au Gouvernement le message suivant : Ardi doit revenir en France, où il pourra être accueilli dans de bonnes conditions pour être soigné, comme son état sanitaire le nécessite et comme la tradition d’accueil de notre pays, voire la plus élémentaire compassion, l’exige. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, ma chère collègue.

3

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date de ce jour, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.

Acte est donné de cette communication.

4

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant engagement national pour l’environnement.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

5

Audition au titre de l'article 13 de la Constitution

M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre, par lettre en date du 11 mai 2010, a estimé souhaitable, sans attendre l’adoption des règles organiques qui permettront la mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution, de mettre la commission intéressée en mesure d’auditionner, si elle le souhaite, M. Dov Zerah, qui pourrait être prochainement nommé, en conseil des ministres, aux fonctions de directeur général de l’Agence française de développement.

Acte est donné de cette communication.

Le courrier a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

6

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

7

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 4 de la loi n° 2008-136 du 13 février 2008 relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d’attraction, le premier rapport relatif à l’accidentologie survenue lors des fêtes foraines et dans les parcs d’attractions.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et est disponible au bureau de la distribution.

8

Dépôt de conventions

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, les conventions conclues entre l’État et les organismes gestionnaires des fonds consacrés à la mise en œuvre des actions arrêtées au titre du programme des investissements d’avenir.

Acte est donné du dépôt de ces conventions.

Elles ont été respectivement transmises à la commission des finances ainsi qu’à la commission des affaires sociales et à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Elles sont disponibles au bureau de la distribution.

9

Candidature à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation d’un membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Jacqueline Chevé.

Le groupe socialiste a présenté la candidature de Mme Maryvonne Blondin pour la remplacer.

Cette candidature a été affichée. Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

10

Débat sur l'application de la loi de 2005 sur le handicap

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’application de la loi de 2005 sur le handicap, organisé à la demande du groupe socialiste et du RDSE.

La parole est tout d’abord donnée aux orateurs des groupes qui ont demandé ce débat.

La parole est à M. Jacky Le Menn, pour le groupe socialiste.

M. Jacky Le Menn, pour le groupe socialiste. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, sans attendre l’examen de la proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, qui devrait avoir lieu dans quelques semaines, il est apparu urgent à notre groupe d’engager, dès aujourd’hui, un débat exhaustif sur la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, cinq ans après son adoption par le Parlement.

Rappelons que, dans l’exposé des motifs de cette loi, il était précisé l’esprit  dans lequel elle s’inscrivait : « Il implique que la nouvelle législation organise de manière systématique l’accès des personnes handicapées au droit commun, qu’elle adapte celui-ci ou le complète par des dispositions spécifiques afin de garantir, en toutes circonstances, une réelle égalité d’accès aux soins, au logement, à l’école, à la formation, à l’emploi, à la cité et de reconnaître ainsi la pleine citoyenneté des personnes handicapées ».

Bien que très imparfaite, cette loi apportait des perspectives d’améliorations. Aujourd’hui, après un quinquennat pour le moins décevant, elle apparaît de plus en plus vidée de son esprit originel.

Alors même que la question du handicap demeure un enjeu politique et social de grande ampleur dans nombre de pays européens, en France, elle reste traitée de manière sectorielle et « compassionnelle ».

Le Président de la République avait pourtant promis, en juin 2007, qu’il n’y aurait aucun délai dans l’application de cette loi. Hélas ! il nous faut constater les retards accumulés dans sa mise en œuvre sur le terrain ainsi que les tentatives de recul inadmissibles, de la part tant du Gouvernement que de la majorité parlementaire qui le soutient.

Certaines grandes associations représentatives de nos concitoyens handicapés ont déclaré 2009 l’« année noire du handicap ». Dans le contexte économique et social particulièrement dégradé que nous connaissons – c’est un euphémisme –, les personnes handicapées sont en effet encore plus pénalisées que la majorité de nos concitoyens, qui sont pourtant, pour des millions d’entre eux, dans des situations dramatiques.

Plusieurs collègues de mon groupe interviendront dans le débat pour illustrer de manière très précise ces retards et ces reculs, que nous condamnons. Je me limiterai donc à en souligner succinctement quelques-uns. Ils sont tout à fait révélateurs d’un « nouvel état d’esprit » qui, en définitive, décrédibilise les déclarations du Gouvernement et du Président de la République concernant l’exigence d’égalité des chances et des droits tout au long de la vie pour nos concitoyens en situation de handicap.

Ce recul est manifeste en matière de ressources.

La précarité touche toujours une grande partie des personnes en situation de handicap. Nombre d’entre elles se trouvent en effet sous le seuil de pauvreté.

Le Gouvernement a accru leurs difficultés en imposant aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, les déremboursements de médicaments, la hausse du forfait hospitalier, les franchises médicales. En outre, les bénéficiaires de l’AAH, toujours en dessous du SMIC, voire du seuil de pauvreté, n’ont pas droit à la CMU complémentaire.

Il en va de même dans le domaine de l’emploi.

Selon le baromètre « emploi et handicap », 55 % des entreprises – un peu plus d’une entreprise sur deux – ne comptent aucun handicapé dans leurs effectifs. Voilà la situation vingt-deux ans après le vote d’une loi visant à obliger l’emploi de travailleurs handicapés dans les entreprises du milieu ordinaire !

Nonobstant cette violation manifeste de la loi, que constatons-nous ?

Le Gouvernement, à la veille de Noël 2009, a concédé un délai supplémentaire de six mois aux entreprises de vingt à quarante-neuf salariés qui n’étaient pas en conformité avec la loi, au lieu d’appliquer les sur-contributions financières prévues par celle-ci. Ce délai supplémentaire est d’autant plus déplorable qu’il s’adresse à des entreprises n’ayant engagé aucune action en faveur de l’emploi des personnes handicapées, telle que, par exemple, l’achat de fournitures auprès d’entreprises du milieu protégé.

Ce n’étaient donc pas les conditions qui manquaient de s’exonérer de tout ou partie de la contribution à verser à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, ou au Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP ! De plus, rappelons que les entreprises disposaient de cinq ans pour se préparer à cette échéance.

Ce report de six mois de l’application de la sur-contribution est un signal fort et un gage donné à ceux qui ne respectent pas la loi. Cela est déplorable ! De même qu’est déplorable la situation dans la fonction publique, où le quota de 6 % d’emplois de travailleurs handicapés dans les effectifs est loin d’être atteint, sans parler de l’éducation nationale, qui continue de jouir d’une dérogation tout à fait contestable.

Ces retards et reculs sont flagrants dans l’accessibilité.

Durant l’année 2009, le Gouvernement a tenté à plusieurs reprises d’étendre les possibilités de dérogation aux règles d’accessibilité prévues par la loi, y compris pour le cadre bâti. Le 21 juillet 2009, le Conseil d’État a dû annuler un décret de mai 2006 visant à accorder toute une série de dérogations remettant en cause le principe d’accessibilité.

Quelques mois plus tard, le Gouvernement a, cette fois, tenté de modifier directement la loi du 11 février 2005 par le biais de la loi de finances rectificative pour 2009 en instaurant des dérogations pour les constructions de bâtiments neufs. Heureusement, le Conseil constitutionnel, alerté, a censuré l’article en cause !

Encore actuellement, des députés de la majorité, à l’occasion de l’examen du projet de loi Grenelle II, viennent de déposer deux amendements visant à nouveau à introduire des dérogations au principe d’accessibilité en matière de cadre bâti.

Ces pratiques gouvernementales et parlementaires sont condamnables. Elles visent à privilégier les intérêts des investisseurs immobiliers au détriment de ceux des personnes en situation de handicap. Ce mode opératoire n’est pas correct et nous interroge sur la volonté réelle du Gouvernement de voir les obligations de cette loi totalement respectées.

Se pose aussi pour les collectivités territoriales le problème aigu du financement de l’accessibilité, notamment en matière de transport, auquel ne répond pas le Gouvernement.

On constate les mêmes reculs pour le droit à la compensation.

La remise en cause du plan personnalisé de compensation, le PPC, pourtant l’une des pièces centrales du dispositif de compensation prévu par la loi du 11 février 2005, ne laisse de nous inquiéter. En effet, en décembre dernier, un amendement voté dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, qui a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, est revenu sur le caractère inéluctable de cette aide en rendant « optionnel » le plan personnalisé de compensation. Cette disposition laisse aux équipes pluridisciplinaires des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, la décision d’élaborer ou non un plan personnalisé de compensation. Compte tenu de la charge de travail des MDPH, qui est par ailleurs dénoncée, ce plan risque d’être progressivement abandonné, ce qui serait extrêmement regrettable.

Enfin, le Gouvernement se désengage progressivement de l’enjeu, pourtant primordial, de la scolarisation.

Pour les associations de personnes handicapées, il s’agit d’une déresponsabilisation. On assiste à une remise en cause, insidieuse là aussi, des dispositions de la loi du 11 février 2005, qui visent à « confier » à l’éducation nationale la gestion des auxiliaires de vie scolaire, ou AVS, personnel si précieux pour les enfants en situation de handicap. Aux termes de l’article 44 de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, les dispositions en vigueur concernant l’accompagnement des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire ont en effet été modifiées. Ainsi, « l’aide individuelle […] peut […] être assurée par une association ou un groupement d’associations ayant conclu une convention avec le ministère de l’éducation nationale ».

Cette disposition remet directement en cause l’esprit de la loi du 11 février 2005 en matière de scolarisation. Comment peut-on parler d’école inclusive si, demain, les familles des personnes handicapées doivent rechercher elles-mêmes des associations gérant des auxiliaires de vie scolaire ?

Les enfants en situation de handicap ont droit à l’éducation publique comme tout le monde. Nous demandons donc que l’éducation nationale continue de gérer et de former directement les auxiliaires de vie scolaire et que la pérennité de leur statut soit assurée afin que les enfants concernés puissent bénéficier de la même éducation que les enfants valides. Nous souhaitons également que la formation des enseignants intègre le fait que ceux-ci, au cours de leur carrière, auront à enseigner à des enfants en situation de handicap et devront tenir compte de leurs besoins.

S’agissant des maisons départementales des personnes handicapées, nous aurons l’occasion de faire valoir nos observations et nos propositions lors de l’examen de la proposition de loi les concernant, qui sera soumise à notre assemblée dans quelques semaines.

Je me limiterai donc à signaler que les MDPH sont asphyxiées par le refus de l’État de compenser les postes vacants, contraignant les départements à intervenir toujours plus sur le plan financier, alors que le Gouvernement n’a de cesse de diminuer leurs ressources. Pourtant, l’État s’était engagé à compenser financièrement les emplois non mis à la disposition des MDPH ; il ne l’a pas fait en 2008 et seulement en partie en 2009. À la fin de l’année 2009, le montant cumulé de sa dette s’élèverait à 34 millions d’euros, ce qui devient une charge insupportable, comme le dénoncent les présidents de conseils généraux.

Nous profiterons aussi de ce débat pour évoquer le dossier sensible des retraites pour les personnes handicapées et leurs proches. Écarté de la loi du 11 février 2005, ce dossier revêt aujourd’hui un fort caractère d’urgence alors que se profilent pour les mois à venir des modifications législatives d’envergure concernant les pensions de retraite de nombre de nos concitoyens. Certains de mes collègues interviendront donc sur ce sujet.

Je ne saurais terminer mon intervention sans faire part de l’inquiétude de nombreuses associations dont nous avons auditionné les représentants de voir le Gouvernement exclure le handicap du débat sur le cinquième risque, qui s’engagera cette année. Nous partageons cette inquiétude.

Ce débat ne peut, à l’évidence, se limiter aux seuls enjeux du vieillissement de la population. Nous souhaitons donc que la question du cinquième risque soit appréhendée d’un point de vue global, dans la perspective de voir ces discussions déboucher sur une réforme ambitieuse et cohérente fondée sur un droit universel à compensation, reposant sur un système de financement par la solidarité nationale. Cette réforme s’inscrit dans une volonté politique affirmée d’amélioration et de simplification des droits pour toute personne se retrouvant dans une situation de diminution ou de perte d’autonomie temporaire ou durable.

Le débat sur le bilan de la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 qui nous réunit aujourd’hui n’est pas mineur. Il doit nous permettre de renforcer notre vigilance concernant les politiques en faveur des personnes en situation de handicap et mobiliser notre capacité d’indignation lorsqu’on tente de les détourner. Il doit réaffirmer une ambition sociale, partagée par tous les membres de notre assemblée – j’en suis persuadé –, celle de garantir à tous nos concitoyens ce droit fondamental qu’est le droit à la dignité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.

Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, aujourd’hui encore, le handicap continue de se poser comme un défi majeur dans notre société.

La loi de 2005, qui a concrétisé la volonté du président de la République Jacques Chirac de faire du handicap un chantier prioritaire de son quinquennat, a mis en place des avancées notables pour une prise en charge personnalisée et globale du handicap. L’ambition de cette loi était très importante, et surtout nécessaire. Elle méritait un engagement de tous.

Pourtant, alors que la France vient de ratifier la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, le handicap reste toujours une cause d’exclusion, non seulement en termes d’éducation, d’accès aux infrastructures et d’intégration professionnelle, mais également en termes d’acceptation sociale. Je suis donc ravie que nous puissions profiter de cette semaine de contrôle pour faire enfin un premier bilan.

Sur le papier, les personnes en situation de handicap ont les mêmes droits fondamentaux que l’ensemble des citoyens. Dans les faits, notre société est organisée de telle sorte qu’il leur est souvent impossible de jouir de l’ensemble de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Elles sont en effet confrontées à de nombreuses formes d’entraves. Qu’ils soient liés à leur environnement, à des comportements ou à des facteurs sociaux, juridiques ou financiers, ces obstacles sont souvent synonymes d’exclusion sociale et de pauvreté.

Nombre de ces barrières persistent, parce que les personnes en situation de handicap sont généralement oubliées lors de la conception d’un nouveau service, au point qu’elles ont souvent été qualifiées de « citoyens invisibles ». Or l’intégration du handicap doit systématiquement prendre en compte les priorités et les besoins des personnes de façon transversale, dans toutes les politiques. Il ne s’agit malheureusement pas encore d’une réalité.

Je voudrais maintenant évoquer la question de l’accessibilité, sur laquelle mon collègue Jacques Mézard s’étendra un peu plus.

La loi de 2005 visait à prévoir que la France rende accessibles les bâtiments et les espaces publics aux personnes handicapées et à mobilité réduite d’ici à 2015. Or nous sommes très en retard. L’Observatoire national de l’accessibilité, mis en place en février dernier, devra en faire le triste constat. Je déplore d’ailleurs que cet organisme n’ait pas été créé dès 2005. Il aura donc fallu attendre cinq ans, pour qu’un premier diagnostic intervienne le 1e janvier 2011. Quel gâchis !

Dans ce domaine, comme dans d’autres, le décalage entre l’esprit de la loi et la réalité est avéré. Cette situation de crise est dénoncée par les professionnels et le secteur associatif sur le terrain, qui parlent de régression de fait. Ils célèbrent dans la colère le cinquième anniversaire de la loi !

Je pourrais ainsi évoquer l’insuffisance de la compensation des charges transférées aux départements pour les maisons départementales des personnes handicapées, la fiscalisation des indemnités relatives aux accidents du travail, le projet de modification du calcul de l’allocation aux adultes handicapés, la mise en danger de l’aide à domicile, l’insuffisance des aides ménagères et à la parentalité, la nécessaire suppression de la barrière d’âge des soixante ans ou encore le désengagement de l’État dans les fonds censés financer intégralement la compensation.

J’en viens maintenant à la question de la scolarisation des enfants handicapés, sujet qui me tient particulièrement à cœur.

Il est indéniable que la loi de 2005 a accéléré la mise en œuvre de l’accès des enfants en milieu scolaire ordinaire. Toutefois, 13 000 enfants et jeunes de moins de vingt ans ne sont pas pris en charge. Trop handicapés pour aller à l’école et à cause d’un manque de place dans les établissements spécialisés, ils restent chez leurs parents. Pour ces enfants, les plus atteints, condamnés à rester chez eux en raison de la pénurie de place dans les structures d’accueil, il faut de trois à cinq ans sur liste d’attente pour obtenir enfin une place.

Madame la secrétaire d’État, quelle solution allez-vous mettre en œuvre pour ces enfants et ces familles en détresse ?

M. Jacques Blanc. Vous avez raison, il faut des établissements spécialisés !

Mme Françoise Laborde. Vous évoquez le financement de 12 000 places à l’horizon de 2014. Malheureusement, il s’agira surtout d’aide à domicile, alors que les besoins d’accueil dans les établissements spécialisés sont immenses. Selon l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, le handicap concernerait encore 15 000 naissances par an.

Pour les enfants et les jeunes qui ont la chance d’être scolarisés en milieu ordinaire, d’autres problèmes se posent. Bien qu’ils aient une place à l’école, ils n’y trouvent pas forcément « leur place ».

Tout d’abord, l’augmentation du nombre d’enfants accueillis cache des disparités très importantes en fonction du handicap. Si les jeunes affectés par des déficiences physiques suivent un cursus ordinaire jusqu’au lycée, la proportion des enfants affectés par des déficiences intellectuelles ou mentales diminue au fur et à mesure de la scolarité. Or, un faible niveau de formation engendre un taux de chômage élevé. Ce dernier est d’ailleurs deux fois plus important chez les personnes en situation de handicap que dans l’ensemble de la population. Un effort doit être fait dans ce domaine pour accroître le niveau de formation. Il est primordial que ces enfants soient le plus tôt possible en contact avec des enfants « ordinaires », afin qu’ils soient intégrés socialement.

Je citerai simplement les propos tenus par Nicolas Sarkozy, pendant la campagne présidentielle : « Je considère qu’il est scandaleux qu’un enfant ayant un handicap ne puisse pas être scolarisé dans une école "normale." […] Les autres […] au contact de cet enfant différent apprendront que la différence est une richesse. Dans les démocraties du nord de l’Europe, 100 % des enfants ayant un handicap sont scolarisés en milieu scolaire classique. En France, c’est 40 %. » Mais ce n’est pas si simple…

La question de la scolarisation en milieu ordinaire soulève un autre problème, celui de l’insuffisance des moyens humains et financiers pour rendre possible cet accueil dans des conditions décentes. En 2009, 1 500 auxiliaires de vie scolaire ont vu leur contrat non renouvelé et les associations viennent de dénoncer la convention-cadre qui prévoyait de mettre en place un groupe de travail qui, finalement, ne travaille pas…

Les AVS, recrutés pour trois ans renouvelables, sont des personnels précaires. Cette situation est inquiétante, car l’auxiliaire de vie scolaire a un rôle primordial d’aide à l’enseignant et à l’intégration dans la classe du jeune qu’il aide dans ses déplacements et les actes de la vie quotidienne. Il favorise la communication avec ses camarades et sa socialisation. Il contribue à lui assurer des conditions de sécurité et de confort. Il intervient dans la classe en concertation avec l’enseignant ou en dehors des temps d’enseignement. Il collabore au suivi des projets personnalisés de scolarisation, participe aux sorties de classe et se charge des gestes techniques médicaux ou paramédicaux. Les familles demandent, légitimement, un vrai statut professionnel pour ces personnels.

C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je vous demande de débloquer d’urgence les négociations avec les associations pour avancer enfin sur la mise en place de ce statut professionnel du métier d’AVS-EVS – auxiliaire de vie scolaire-emploi vie scolaire. Sinon, il s’agirait une fois de plus d’un désengagement inacceptable de l’État.

Il est temps, en effet, de reconnaître et de valoriser les acquis de ces professionnels, tout comme il est urgent d’organiser une formation spécifique à l’accueil des enfants en situation de handicap à destination des enseignants et de garantir des effectifs réduits dans les classes qui accueillent ces enfants.

Cette avancée garantira aux enfants concernés, à leur famille et aux enseignants un service d’accompagnement compétent et de qualité. Madame la secrétaire d’État, le temps presse !

Je souhaiterais enfin évoquer le problème de l’extrême pauvreté. Alors que l’année 2010 a été déclarée « année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale », il est inadmissible que, dans notre pays, aujourd’hui, près d’un million de personnes en situation de handicap vivent – « survivent » devrais-je plutôt dire – sous le seuil de pauvreté.

Je rappellerai simplement le texte de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, dont l’article 28 précise que « les États parties […] prennent des mesures […] destinées à assurer aux personnes handicapées et à leurs familles, lorsque celles-ci vivent dans la pauvreté, l’accès à l’aide publique pour couvrir les frais liés au handicap, notamment les frais permettant d’assurer adéquatement une formation, un soutien psychologique, une aide financière ou une prise en charge de répit ».

Actuellement, l’allocation aux adultes handicapés, versée à près de 900 000 personnes, s’élève à 693 euros maximum par mois, ce qui ne leur permet pas de vivre décemment. Certes, le ministre du travail a annoncé la revalorisation de l’allocation de 25 % d’ici à 2012, mais elle sera toujours inférieure au seuil de pauvreté, qui, je le rappelle, est selon l’INSEE légèrement supérieur à 900 euros. Par ailleurs, plusieurs mesures risquent de neutraliser cette augmentation. Je pense notamment à l’instauration des franchises médicales, à l’augmentation du forfait hospitalier et au déremboursement de médicaments. Comment pouvons-nous accepter que ces personnes extrêmement fragilisées vivent dans de telles conditions ?

La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005 a permis un changement important de notre société et peut-être, je l’espère, une révolution des mentalités. Madame la secrétaire d’État, mon vœu le plus cher, en accord avec tous les collègues de mon groupe, serait que cet anniversaire soit l’occasion de donner un nouveau souffle à cette loi et de concrétiser enfin tous les espoirs qui ont été mis en elle. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux d’abord saluer la délégation de l’Association des paralysés de France, l’APF, qui est venue assister à ce débat sur l’application de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Les membres de cette délégation sont présents, mais ils ne sont pas dans les tribunes : ils nous écoutent depuis la salle des conférences puisque les tribunes du public sont malheureusement inaccessibles aux personnes handicapées.

Année après année, innovation technologique après innovation technologique, les architectes ont su, à la demande des présidents successifs, moderniser nos locaux. Pour expliquer que certains d’entre eux n’ont pas bénéficié de cette modernisation, on invoquera sans doute le fait que le palais du Luxembourg est un bâtiment historique. Certes, mais le Palais-Bourbon en est un aussi ! Pourtant, des travaux d’aménagement y ont été entrepris, un ascenseur y a été installé, et c’est bien la délégation de l’APF dans son ensemble qui a pu, depuis les tribunes, assister aux débats de l’Assemblée nationale.

Cette situation, mes chers collègues, ne nous honore pas. Le Sénat est à l’image des collectivités qu’il représente : insuffisamment accessible aux personnes en situation de handicap. J’espère vivement que, très prochainement, le président du Sénat et les questeurs décideront d’aménager le bâtiment pour le rendre accessible et qu’ils autoriseront – pourquoi pas ? C’est une proposition technique pragmatique ! – l’accès des personnes en fauteuil à la tribune présidentielle, seul espace assez vaste pour les accueillir.

Cet exemple, qui pourrait paraître anecdotique, témoigne des difficultés que rencontrent chaque jour les personnes en situation de handicap pour accéder aux lieux culturels, associatifs ou politiques. Il est la démonstration que, partout, nous devons nous poser la question de l’accessibilité pour tous et en toutes circonstances, sans chercher à nous abriter derrière des excuses qui ne sont finalement que des prétextes.

Aujourd’hui, nous ne le savons que trop bien, les personnes handicapées demeurent des victimes, non pas de leur situation, mais du manque de volonté des pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour éviter le sur-handicap, l’exclusion. Bref, elles sont, dans leur diversité, des victimes de notre renoncement à la construction d’une société ouverte à tous. (Mme Marie-Thérèse Hermange s’exclame.) Pourtant, il ne s’agit ni plus ni moins que de partir du postulat incontestable que la nation doit garantir l’effectivité pour tous d’un certain nombre de droits fondamentaux, reconnus notamment par la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Constitution et, depuis cette année, la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées.

La situation est telle que les associations qui travaillent dans le domaine du handicap n’hésitent pas à dire que l’année 2009 a été une année noire pour le handicap et que l’année 2010 sera celle de la colère. Cela a conduit récemment le président de l’APAJH, l’Association pour adultes et jeunes handicapés, à saisir la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, pour discrimination d’État, afin d’attirer l’attention des pouvoirs publics, à commencer par le Président de la République, tant sur leur sentiment d’exaspération face au détricotage progressif de la loi de 2005 que sur leurs inquiétudes pour les années à venir, notamment en raison du plan d’austérité que concocte le Gouvernement et qui ne sera pas sans conséquences sur la politique du handicap.

Cette colère est d’autant plus grande que la loi du 11 février 2005 a engendré beaucoup d’espoirs, tous disparus au fil des projets de loi, des amendements gouvernementaux ou parlementaires, qui ont eu pour effet de faire passer la société à côté des objectifs pourtant proclamés par cette loi. C’est pourquoi le débat d’aujourd’hui est utile. Il nous donne l’occasion de regarder l’application de la loi de 2005 avec lucidité et peut-être, je l’espère, d’envoyer un signal clair au Gouvernement quant à l’urgence de revenir à l’esprit de la loi de 2005 avant de l’amplifier.

Compte tenu du peu de temps imparti au groupe CRC-SPG pour ce débat, je voudrais aborder plus spécifiquement la question de la compensation du handicap, de l’accessibilité et de la scolarisation des enfants handicapés.

Concernant la compensation du handicap, la loi de 2005 a posé le principe légitime et impératif d’une compensation intégrale du handicap. Or force est de constater, plus de cinq ans après, que nous en sommes loin. Cela résulte notamment de la tarification et du plafonnement des différents éléments de la prestation de compensation du handicap, ainsi que de l’exclusion d’un certain nombre d’activités du périmètre de la compensation ; je pense particulièrement aux activités dites « domestiques » ou encore aux aides à la parentalité.

Quant aux fonds départementaux de compensation du handicap, leur utilisation est très inégalitaire selon les territoires. En effet, en raison de l’absence de décret d’application, les départements ont décidé seuls, sans cohérence nationale, de la politique d’attribution des ressources de ces fonds. Ceux-ci subissent par ailleurs, depuis 2008, un véritable désengagement financier de la part de l’État, leur faisant courir le risque, faute d’autres financeurs, de continuer à contribuer seuls, à la place d’un État défaillant et non solidaire.

Parallèlement, le faible montant de l’AAH plonge près de 850 000 personnes dans une situation financière très difficile, le montant de l’allocation aux adultes handicapés demeurant inférieur au seuil de pauvreté.

Face à cette situation, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG réaffirment la nécessité et l’urgence de revenir au principe même de la loi de 2005, à savoir la création d’une allocation unique, destinée à compenser intégralement le handicap. Pour notre part, nous sommes favorables à l’instauration d’un revenu d’existence dont le montant devrait être au moins égal au SMIC.

Concernant l’accessibilité des constructions, tant publiques que privées, autant dire que tout reste à faire. C’est certainement dans ce domaine que les mesures les plus simples pourraient être prises et avoir les conséquences les plus visibles et les plus rapides.

Décider d’avoir une vraie politique d’urbanisme cherchant à supprimer les « situations environnementales de handicap » constituerait un signal fort en direction des personnes pour qui l’inaccessibilité de la majorité des lieux présente un caractère particulièrement handicapant. De telles mesures doivent d’ailleurs tenir compte de l’ensemble des formes de handicap et de la dépendance. Cela porte un nom le « design pour tous », et un véritable projet de société : l’« accessibilité universelle ». Car, pour reprendre les propos de Jean-Louis Garcia, président de l’APAJH, dans un entretien croisé que nous avons réalisé pour le journal l’Humanité, « chaque fois que l’on améliore les choses pour les personnes en situation de handicap, cela sert à toute la société ».

Je me réjouis avec les associations œuvrant dans le domaine du handicap que, sous leur pression, les députés de votre majorité aient renoncé aux amendements qu’ils avaient déposés sur le projet de loi Grenelle 2 introduisant de nouvelles dérogations à l’obligation de rendre accessibles les constructions aux handicapés. Avec elles, nous resterons cependant vigilants, car nous connaissons la tentation du Gouvernement et de sa majorité de créer de nouvelles dérogations.

Cela a commencé en 2006 par la tentative du Gouvernement de prévoir par décret une dérogation pour les bâtiments neufs. Ce décret ayant été annulé par le Conseil d’État, ce sont les parlementaires de la majorité qui ont tenté, par le biais de la loi de finances rectificative de 2009, d’instaurer cette dérogation. C’était sans compter sur le Conseil constitutionnel, qui a alors censuré cette disposition. Et je ne parle pas de l’amendement déposé par le secrétaire d'État chargé du logement et de l’urbanisme, Benoist Apparu, qui a tout simplement tenté de faire disparaître, pour les bâtiments neufs, toute forme d’obligation.

En réalité, toutes ces mesures n’ont qu’un objectif : permettre aux promoteurs de baisser le plus possible le prix des constructions.

Je le dis avec force : les personnes handicapées n’ont pas à payer le prix d’une logique libérale qui vise à l’accumulation des profits. Nous ne saurions l’accepter ! C’est pourquoi, avec ma collègue Marie-Agnès Labarre, nous avons déposé une proposition de loi portant notamment sur l’accessibilité des personnes handicapées.

J’évoquerai, enfin, la question de la scolarisation des enfants en situation de handicap, plus particulièrement en milieu ordinaire.

En 2009, à la suite de la non-reconduction des contrats de 1 500 auxiliaires de vie scolaire, quatre associations ont décidé de signer avec l’État une convention afin de permettre leur renouvellement pour l’année en cours et de garantir ainsi la continuité de l’accompagnement des enfants handicapés. L’État s’était engagé, d’une part, à financer ces postes et, d’autre part, à proposer pour l’année 2010 une solution pérenne, tant pour les professionnels concernés que pour les enfants et leurs familles.

Ces quatre associations ayant constaté que le Gouvernement ne respectait pas ses engagements, elles ont décidé de mettre un terme à cette convention. Se pose donc aujourd’hui, pour la rentrée de 2010, la question des conditions d’accueil des enfants en situation de handicap. Dans ce domaine, qui fait partie des missions régaliennes de l’État, le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et mettre tous les moyens en œuvre pour offrir une véritable politique d’inclusion en milieu ordinaire des enfants en situation de handicap, conformément aux objectifs inscrits dans la loi de 2005.

Il est de notre responsabilité commune d’exiger aujourd’hui, et de manière unanime, que le Gouvernement engage les moyens financiers nécessaires à la scolarisation de tous les enfants handicapés et qu’il respecte ses engagements concernant les AVS, notamment en termes de professionnalisation. Il est en effet essentiel de donner aux enfants avec lesquels travaillent ces personnels la garantie d’un accompagnement de qualité et d’assurer à ces derniers un parcours professionnel sécurisé.

En outre, le Gouvernement a renoncé à soumettre à la contribution AGEFIPH les entreprises de moins de cinquante salariés ne respectant pas l’obligation d’embaucher des personnes handicapées. Par ailleurs, le caractère automatique du plan personnalisé de compensation du handicap a été supprimé, au motif que les maisons départementales des personnes handicapées ne seraient pas en mesure, en raison de leur désorganisation, de le proposer systématiquement. Ainsi les personnes en situation de handicap seraient-elles privées d’un droit au seul prétexte que l’État ne respecterait pas son obligation de solidarité nationale !

Vous l’aurez compris, nous portons un regard très critique sur l’application de la loi de 2005. Les attentes suscitées par ce texte demeurent aujourd'hui intactes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard.

M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 constitue une avancée législative majeure : elle fait honneur au gouvernement qui en a pris l’initiative et au Parlement, qui l’a votée.

Dans notre pays, il aura fallu attendre 1975 pour qu’un premier texte ambitieux prenne véritablement en compte les attentes de nos concitoyens en situation de handicap. Trente ans plus tard, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées allait bien au-delà : ces personnes y sont considérées non plus seulement comme des allocataires bénéficiant, peu ou prou, de la solidarité nationale, mais comme des citoyens responsables, dignes, soucieux de prendre en charge leur propre destin.

Le débat d’aujourd’hui nous invite à faire un bilan d’étape des multiples aspects de la loi cinq ans après son adoption. Compte tenu du temps qui m’est imparti, je n’évoquerai que trois d’entre eux, afin de pointer leurs dysfonctionnements : l’accueil, la compensation, l’accessibilité.

S’agissant d’abord de l’accueil, les maisons départementales des personnes handicapées, ou MDPH, véritables guichets uniques destinés à accueillir, orienter et accompagner les personnes handicapées ou leur famille, ont été créées et organisées en groupements d’intérêt public. Le statut retenu par le législateur a pour intérêt de rassembler dans une même structure les quatre principaux acteurs de la politique du handicap à l’échelon local – conseil général, État, caisse primaire d’assurance maladie, caisse d’allocations familiales –, ainsi que les associations représentatives et les mutuelles.

L’expérience a cependant montré qu’il était difficile de faire travailler ensemble des agents provenant d’administrations différentes, avec des grilles de traitement, des avantages, des primes, voire des congés différents. Ainsi, les agents relevant de l’inspection académique – gestionnaires, psychologues et médecins scolaires – bénéficient-ils des congés scolaires. On ne saurait le leur reprocher, mais force est de constater que cela, entre autres, entraîne des dysfonctionnements dans la vie des MDPH.

Et l’incertitude quant au financement de l’État n’arrange pas la situation !

La loi a confié au département la tutelle administrative et financière des MDPH sans pour autant lui donner toute latitude dans la gestion de celles-ci. Il est indispensable de faire évoluer ce statut et de confirmer le département dans son rôle de chef de file de la MDPH. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir au mois de juin, lors de l’examen de la proposition de loi qui leur est consacrée. Dans le rapport qu’il a remis au Premier ministre le 20 avril dernier, Pierre Jamet préconise de laisser à l’échelon local le soin de tester des formules juridiques différentes – établissement public, intégration dans les services – par voie de convention. Une évaluation contradictoire au bout de trois ans permettrait d’identifier les améliorations significatives.

J’en viens maintenant à la compensation, qui constitue l’une des principales innovations de la loi de 2005. La loi de 2002 prévoyait que la compensation relevait de la solidarité nationale. La loi de 2005 était censée concrétiser ce principe. Il faut bien admettre que les modalités de financement ne permettent pas d’assurer une compensation totalement satisfaisante, et ce, à mon sens, pour deux raisons.

La première raison, c’est que le plan personnalisé de compensation du handicap, qui comprend le projet de vie, est évalué par des équipes pluridisciplinaires parfois insuffisamment formées. Ce n’est pas anecdotique : si les besoins réels des personnes handicapées ne sont pas bien évalués, la compensation peut se transformer en miroir aux alouettes.

La seconde raison, c’est que les fonds de compensation dysfonctionnent. La loi avait prévu qu’ils compenseraient le reste à charge pesant sur les bénéficiaires. Toutefois, si la prestation de compensation du handicap, la PCH, est bien une prestation légale, l’aide versée par les fonds ne l’est pas : elle est une sorte de variable d’ajustement.

En pratique, on constate que ces fonds ne jouent pas pleinement leur rôle, précisément parce qu’ils sont facultatifs. Le département est de plus en plus souvent seul à contribuer, les autres acteurs – la CAF, la CPAM, les mutuelles, voire la région – ne participant pas ou ne le faisant qu’insuffisamment parce qu’ils n’y sont pas contraints par la loi. Le département ne pouvant pas couvrir l’intégralité de la charge, il a souvent la tentation de se désengager.

Cette situation est d’autant plus préoccupante que les tarifs des services d’aide à la personne fixés par voie réglementaire impliquent mécaniquement de forts restes à charge pour les personnes handicapées. Ces tarifs sont notoirement sous-évalués : 18 euros le tarif horaire prestataire, c’est peu ; 16 euros le tarif horaire mandataire, c’est également peu ; mais 12 euros le tarif horaire en cas d’emploi direct d’une aide professionnelle de qualité, charges comprises, c’est vraiment très peu !

Certes, ce dernier cas n’est pas majoritaire. Il n’en demeure pas moins que l’on pénalise ceux qui font le choix de l’autonomie et qui permettent à la société de réaliser des économies. Les personnes qui choisissent le gré à gré ont en effet pour la plupart une activité professionnelle. Elles renoncent ainsi à l’AAH et optent pour un mode d’aide dont le tarif est le plus bas. Ce sont elles qui, compte tenu du tarif en vigueur, se retrouvent avec le plus fort reste à charge, lequel ne pourra pas être compensé par le fonds, pour les raisons que j’ai évoquées tout à l’heure.

En outre, du fait des tensions budgétaires qu’ils connaissent, les fonds jouent sur les avances de trésorerie consenties par les bénéficiaires, lesquels sont remboursés très longtemps après avoir présenté le justificatif de leurs dépenses.

En résumé, l’amélioration de la formation des équipes pluridisciplinaires doit être une priorité dans la mesure où elles sont la matrice du projet de vie. Dans les fonds de compensation, le département doit pouvoir compter sur un soutien plus affirmé, voire obligatoire, de ses partenaires. Quant aux mécanismes de financement, leur amélioration passe inéluctablement par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. Il ne faudrait pas que les excédents soient détournés de leur objet principal.

Pour terminer, j’évoquerai l’accessibilité, fondamentale dans la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Une chose est de verser des prestations, une autre est de permettre à tous de participer à la vie civique, sociale, culturelle et sportive. Une telle participation suppose obligatoirement l’adaptation des bâtiments publics, ainsi que des aménagements de voirie.

Si, dans l’absolu, tous les décideurs acquiescent à de tels projets, dans la pratique, c’est moins évident. Et ce problème, mes chers collègues, concerne tant la majorité que l’opposition. Ainsi, je me souviens que l’un de nos éminents collègues, parti depuis sous d’autres cieux, avait été applaudi sur toutes les travées lorsqu’il nous avait proposé, voilà trois mois, au détour d’un amendement, le gel de ces normes pour deux ans.

Peut-être les élus locaux – et j’en suis un – ont-ils des excuses. J’ai été très longtemps président de l’association des maires du Rhône et je n’ai pas oublié ce que m’ont toujours dit mes collègues, qu’ils soient élus ruraux ou urbains. S’il ne faut pas leur jeter la pierre, il faut néanmoins leur rappeler que la différence entre un handicapé et un élu, c’est que le handicapé n’a pas choisi de l’être alors que l’élu a, lui, fait en sorte de le devenir.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Bravo !

M. Jean-Jacques Pignard. Cela a des implications et entraîne, notamment, des obligations qui sont fixées par la loi. Ainsi la loi de 2005 a-t-elle prévu un délai de dix ans pour la mise aux normes. Bien sûr, dix ans, cela peut paraître trop court, surtout à ceux qui n’ont rien fait en cinq ans…

Le mieux est souvent l’ennemi du bien. Or, lorsqu’on est élu d’une commune rurale et qu’on a peu de moyens, on n’est pas obligé de faire refaire la mairie de fond en comble et d’y faire installer un ascenseur : il suffit parfois de descendre les services au rez-de-chaussée afin de les rendre accessibles aux citoyens handicapés.

Je suis président du festival des Nuits de Fourvières. Même s’il n’est pas facile d’aménager les théâtres antiques pour les personnes handicapées, nous avons trouvé des solutions pour accueillir ces dernières, notamment grâce à des agents d’accueil. Les élus doivent faire preuve d’imagination ! De tels aménagements ne sont pas impossibles.

En conclusion, quel bilan tirer de la loi de 2005 ? Pour répondre à cette question, il faut, à mon sens, se garder à la fois de l’angélisme et du catastrophisme. Des avancées spectaculaires ont eu lieu, il faut le reconnaître, mais des problèmes de financement et de gouvernance subsistent. Il faut en être conscient et les corriger afin que ceux de nos concitoyens qui sont en situation de handicap et pour qui la loi de 2005 a été un formidable acte de solidarité nationale n’aient pas le sentiment d’avoir été floués. (Mmes Bernadette Dupont et Marie-Thérèse Hermange ainsi que M. Paul Blanc applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur l’accessibilité, domaine dans lequel la France accuse, par rapport à d’autres pays, un retard qu’il lui faut combler.

Les problèmes d’accessibilité restent nombreux dans les domaines du transport, du logement, de l’information, du travail, de la santé et de l’éducation. La loi du 11 février 2005 précise que l’accessibilité est autant physique qu’intellectuelle. Elle prévoit que tous les lieux publics, les parties communes des bâtiments d’habitation, ainsi que les logements neufs devront être accessibles aux personnes handicapées d’ici à 2015.

Or, selon une étude récente, en cinq ans, seuls de 5 % à 15 % des bâtiments recevant du public et dépendant de l’État ou des collectivités territoriales ont été mis aux normes pour l’accueil des handicapés. Aussi, les associations ont-elles exprimé de vives inquiétudes concernant le respect des délais de mise aux normes des transports et des établissements ouverts au public.

L’Association des paralysés de France a créé un baromètre de l’accessibilité afin d’évaluer l’état d’avancement des mises aux normes en France par rapport aux engagements pris. Les résultats publiés en février dernier sont très inquiétants. Le manque d’incitation de l’État laisse les acteurs de terrain face à des difficultés inextricables.

En ce qui concerne les transports, nous sommes loin des objectifs fixés par la loi. L’article 45 prévoit ainsi : « Dans un délai de dix ans à compter de la date de publication de la présente loi, les services de transport collectif devront être accessibles aux personnes handicapées et à mobilité réduite. » À mi-parcours, il apparaît que cette échéance ne pourra pas être respectée.

Cet article prévoit également la création de schémas directeurs d’accessibilité par les autorités compétentes pour l’organisation du transport public dans les trois ans à compter de la publication de la loi. Il prévoit également la mise en place de transports de substitution, ainsi que l’établissement par chaque commune d’un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics.

Où en sommes-nous ? Le baromètre de l’APF montre que nous sommes bien loin d’avoir atteint les objectifs de la loi de 2005 sur le handicap. Nombre de schémas directeurs d’accessibilité des transports ne sont pas finalisés.

Les actions entamées par les villes sont insuffisantes pour permettre à la France de respecter l’échéance de 2015. Aujourd’hui, si 97 % des chefs-lieux départementaux déclarent avoir créé une commission communale pour l’accessibilité, comme le prévoit la loi de 2005, 75 % de ces commissions n’ont organisé aucune réunion depuis le mois de septembre 2008. En outre, 73 % des villes interrogées n’ont jamais élaboré le rapport annuel d’état des lieux sur l’accessibilité au sein du cadre de vie et 21 % des collectivités n’ont toujours pas effectué l’état des lieux de leurs transports, alors que 60 % des villes interrogées n’ont aucune ligne de bus entièrement accessible. De grands efforts sont encore à réaliser dans la signalétique.

Il y a, au niveau législatif, la marque d’une incompréhension de la réalité du terrain. Pour preuve : on laisse de grandes responsabilités aux collectivités territoriales pour réaliser les objectifs en termes d’accessibilité et, dans le même temps, le Gouvernement leur accorde de moins en moins de moyens financiers et de liberté.

On a parlé de 2009 comme d’une « année noire du handicap ». En effet, elle a été marquée par toute une série de remises en cause, reports, amendements, recours ou annonces gouvernementales qui sont revenus progressivement sur les principes fondateurs de la loi de 2005.

Comme l’a expliqué mon collègue Jacky Le Menn, au cours de l’année 2009, le Gouvernement a tenté à plusieurs reprises d’étendre les possibilités de dérogations en matière d’accessibilité, y compris pour le cadre bâti neuf, alors que le Conseil d’État a clairement jugé de telles dérogations illégales.

Par ailleurs, on observe certaines aberrations réglementaires. Ainsi, depuis le 1er octobre 2007, l’accessibilité des bâtiments et des logements n’est plus contrôlable lors de l’instruction des permis de construire puisque les plans de l’intérieur des bâtiments ne font plus partie des pièces constitutives du dépôt de dossier. On n’a donc, à présent, aucun moyen de vérifier si les critères de qualité et de conformité en matière d’accessibilité sont respectés. Par conséquent, on risque de plus en plus de se retrouver avec des ouvrages non conformes, sans aucune possibilité de revenir en arrière.

Il faut améliorer l’aspect qualitatif, en augmentant le nombre d’ascenseurs dans l’habitat et de logements en rez-de-chaussée.

Par ailleurs, une attention particulière doit être portée à l’accessibilité de certains établissements. Je pense notamment aux universités, au Sénat – notre belle maison ! – ou encore aux tribunaux et prisons, établissements dans lesquels on observe d’importants retards, alors que la mise aux normes a déjà été effectuée aux États-Unis, dans les pays scandinaves, au Royaume-Uni ou en Espagne.

On constate aujourd’hui un réel manque d’accompagnement de la loi, de pilotage politique, de recensement des données et l’absence d’un véritable centre de ressources rassemblant les outils dépareillés.

Je souhaite véritablement que l’État prenne une telle question au sérieux et y mette du sien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, vivre comme tout le monde, telle est l’aspiration fondamentale et légitime des personnes en situation de handicap. C’est donc l’accès à tous les droits fondamentaux qui est en jeu : droits à l’éducation, au travail, à la santé, à la circulation...

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont l’application fait l’objet du présent débat, constitue un élément fort d’une ambition que nous partageons pleinement. Au-delà des déclarations, l’important, à nos yeux, ce sont les réalisations sur le terrain.

Je peux le dire d’autant plus facilement que je suis l’élu d’une ville et d’une agglomération moyennes classées, selon une enquête réalisée au mois de février dernier par l’hebdomadaire L’Express, en partenariat avec l’Association des paralysés de France, en septième position sur quatre-vingt-seize en France. Et, dans certains domaines, comme celui des nouveaux équipements touristiques, nous allons au-delà des contraintes réglementaires.

Pour autant, si la loi et le règlement sont une chose, la volonté politique en est une autre. Il s’agit même parfois tout simplement de bon sens. Ainsi, il est souvent très peu coûteux d’adapter un bâtiment aux déficiences visuelles, à condition d’y songer et de le vouloir…

La loi et le règlement ont exprimé une volonté et des objectifs. C’était et cela reste indispensable. En revanche, je le dis comme je le pense, quand la norme aboutit à fixer des objectifs irréalistes, voire incohérents, elle va à l’encontre de la finalité recherchée et devient même contraire à l’intérêt de nos concitoyens en situation de handicap.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Jacques Mézard. Il existe deux dangers : l’excès de réglementation et l’absence de réglementation !

En tant que responsable d’une autorité organisatrice de transports, et après avoir fait réaliser – dans les temps – un schéma directeur d’accessibilité des transports urbains et périurbains, je me suis rendu compte, comme d’autres, de l’étendue des difficultés techniques et financières. Une application technocratique de la réglementation devient inévitablement une mauvaise application, voire conduit à une non-application partielle !

MM. Jacques Blanc et Paul Blanc. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. Vu la manière dont la loi est actuellement mise en œuvre, les objectifs ne seront pas atteints en 2015. Mieux vaut avoir le courage de le dire et essayer d’inverser la tendance !

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Jacques Mézard. Au mois de février 2015, nous serons loin des objectifs visés dans plusieurs domaines, surtout lorsqu’il s’agit d’objectifs irréalistes ou inadaptés. D’ailleurs, cela peut fonder la réticence de ceux qui ne sont pas pressés…

Lorsqu’il existe une disproportion manifeste entre les travaux à réaliser et les effets sur le fonctionnement du réseau de transports ou lorsqu’il y a des critères d’impossibilité technique comme ceux que nous connaissons, que fait-on ?

Compte tenu du plan de rigueur qui touche de plein fouet les recettes des collectivités territoriales, celles-ci ne pourront, à l’évidence, pas faire face à l’ensemble des dépenses d’équipement à réaliser, même avec une programmation pluriannuelle d’ici à 2015. Ou alors, j’aimerais bien qu’on m’explique comment on va faire !

Le 27 avril 2010, répondant à une question orale que je lui avais posée sur le sujet, le Gouvernement indiquait que les collectivités territoriales n’avaient aucun concours financier à attendre de la part de l’État, mais que celui-ci pouvait en revanche leur apporter « un appui juridique et technique ». Ainsi, le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques, le CERTU, a publié de nombreux guides et recueils de bonne pratique et organisé des journées d’échanges sur cette question…

Il nous a également été précisé que l’appui avait été « institutionnalisé » par l’installation de l’observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle ! (Mme Françoise Laborde s’esclaffe.) Je sais bien qu’il s’agit de la version française d’une idée anglo-saxonne, l’universal design, mais je trouve que la création d’un tel observatoire mériterait tout de même un certain nombre de discussions, même s’il est présidé par l’un de nos éminents collègues sénateurs, dont je salue par ailleurs le travail.

De guides pratiques en colloques ou en comités de pilotage dans les préfectures, après la « conception universelle », jusqu’où irons-nous ? Aux miracles ? Que de mots qui ne guérissent pas les maux dont souffre ce dossier !

Comment réellement faciliter l’action des collectivités locales, des transporteurs publics et privés, notamment s’agissant du renouvellement du matériel ? Je suis personnellement convaincu qu’il faudra impérativement s’orienter plus facilement vers des services de substitution adaptés, à coût égal pour la personne en situation de handicap, notamment par le développement des transports des personnes à mobilité réduite, voire des services à la demande.

Mais ne nous leurrons pas : cela nous amènera inéluctablement à trouver de nouvelles ressources au niveau des autorités organisatrices de transports ; il n’y a pas d’autres solutions !

Madame la secrétaire d’État, quelles sont les réflexions du Gouvernement sur le sujet ? Envisagez-vous une augmentation du « versement transport » ou, au moins, une mise à niveau en fonction de l’importance des collectivités territoriales ? Si ma mémoire est bonne, les taux varient actuellement de 0,60 % à 1,30 % ; or les villes moyennes ne connaissent pas forcément moins de difficultés.

Favorisons les moyens d’action, au lieu de multiplier les normes ou observatoires et de complexifier à outrance ! C’est là le moyen le plus efficace de construire une société ouverte à tous ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, de l’Union centriste et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, je voudrais tout d’abord revenir sur les obligations imposées aux collectivités locales en matière d’harmonisation de l’accessibilité à leurs bâtiments.

De mon point de vue, le plus gênant dans le dispositif législatif que nous avons adopté est son caractère général, systématique et non modulable.

Je pense qu’il y a des endroits où il est effectivement impératif d’agir, car il est vraiment anormal que les lieux dans lesquels beaucoup de personnes circulent et pour l’aménagement desquels on dispose des moyens financiers adaptés ne soient pas plus accessibles.

Prenons le cas du métro parisien, que des centaines de milliers de personnes empruntent chaque jour : il est tout de même singulièrement affligeant que notre métro connaisse, en termes d’accessibilité, un tel retard par rapport à ceux des autres capitales européennes.

Au Sénat aussi, il y a sans doute beaucoup à faire…

Mais il faut également songer à ces petites communes rurales qui vont être obligées d’engager des dépenses colossales pour effectuer des travaux, et parfois en dépit du bon sens !

Ainsi, je me trouvais la semaine dernière dans une commune d’une centaine d’habitants où n’est célébrée qu’une seule messe par an. Mais, comme la commune est soumise au régime concordataire d’Alsace-Moselle, le sous-préfet exige qu’elle entreprenne des travaux très importants pour rendre l’église accessible à tous !

Je crois sincèrement qu’on marche sur la tête ! (M. Jacques Blanc manifeste son approbation.) Quand je dis « on », j’entends « le législateur », car c’est tout de même nous qui votons la loi, il faut le reconnaître. Il est, certes, facile de pointer tel ou tel dysfonctionnement, mais nous avons, nous aussi, à nous poser quelques questions !

À mon sens, il serait opportun d’instituer des dispositions prévoyant que, en deçà d’une fréquentation totale – je parle bien de fréquentation « totale », c'est-à-dire prenant en compte non seulement les personnes handicapées, mais également les personnes valides – d’une cinquantaine ou d’une centaine d’individus par an, la commune ne saurait être obligée d’engager des dépenses complètement extravagantes.

C’est d’autant plus vrai que le Gouvernement serre la vis à toutes les collectivités locales. Il est tout de même un peu énorme d’obliger les communes à réaliser des travaux et à assumer des charges supplémentaires tout en leur serrant la vis en matière financière !

C’est la première remarque que je voulais formuler.

Ma deuxième remarque s’écartera un peu du sujet dont nous débattons aujourd'hui puisqu’elle concerne les taux d’invalidité.

J’aimerais bien qu’une réflexion soit un jour menée sur cette question car, si l’on observe les décisions prises par les différentes commissions départementales qui attribuent les taux d’invalidité, on constate qu’il existe, d’un département à l’autre ou d’une région à l’autre, des distorsions considérables. Nous sommes là en présence, me semble-t-il, d’une profonde injustice. En tant que sénateur de l’est de la France, j’ai pu procéder à des comparaisons. Pour le même type de handicap, par exemple lorsqu’une personne a été amputée d’une jambe, on note des écarts très importants dans l’attribution des taux d’invalidité par les commissions selon le département ou la région.

Certes, il s’agit d’un sujet dont on ne parle pas beaucoup, car il y a assez peu d’éléments en la matière. Néanmoins, il me semblerait utile que les pouvoirs publics se penchent un jour sur la question.

D’ailleurs, madame la secrétaire d’État, vous qui êtes, comme moi, une élue de l’est de la France, je pense que vous devriez examiner le problème, car ce sont nos concitoyens qui sont les victimes de cette rigidité tout à fait excessive.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, lorsque nous avons voté la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, sous votre impulsion, cher Paul Blanc, Jean Vanier n’avait pas encore formulé ces propos : « La personne handicapée est un homme à l’envers pour remettre les autres à l’endroit. »

Pourtant, intrinsèquement, c’est sans doute cette réflexion qui nous a amenés à réviser la loi de 1975 pour nous remettre à l’endroit par rapport au handicap quand celui-ci nous crie : « J’ai besoin de toi !»

Cette loi a une dimension anthropologique puisqu’il s’agit de mieux replacer la personne handicapée au cœur de la vie quotidienne.

C’est la raison pour laquelle, dans cette loi, nous avons institué une nouvelle norme, celle de l’accessibilité. C’était une nécessité, tant nous savions que dans nombre de lieux publics correspondant à des services publics, métros, quais de gare, hôpitaux, écoles, lycées, collèges, musées, l’accessibilité n’était pas une réalité ; hélas, malgré la loi de 2005, elle n’en est toujours pas une aujourd’hui.

Il s’agit à présent pour nous de tirer le bilan de l’application de la loi, mais aussi de faire bilan vis-à-vis de nous-mêmes, en repensant notre regard sur la façon d’accueillir la personne handicapée.

Je dirai d’abord un mot du bilan d’application.

Sans revenir sur la précarité des AVS, sur la gouvernance des MDPH et sur l’AAH – et j’espère, madame la secrétaire d'État, que le décret annoncé ne lésera pas les personnes handicapées –, je voudrais tout simplement faire part des réponses des institutions que j’ai interrogées et qui m’ont répondu, à savoir le Sénat et un lycée parisien.

En ce qui concerne le Sénat, la question du handicap a fait l’objet d’une réunion de notre bureau le 16 décembre dernier. Il en est ressorti : premièrement, qu’un programme d’amélioration en trois phases d’accessibilité aux locaux avait été décidé à partir de 2009 ; deuxièmement, qu’au titre de l’emploi le Sénat comptait actuellement dix-sept personnes handicapées et que huit autres seraient recrutées d’ici à la fin de 2010 ; troisièmement, que des aménagements de concours et de postes étaient proposés depuis le vote de la loi, mais que certains ne voyaient pas l’intérêt d’une procédure d’aménagement, voire de reclassement, qui peut être vécu comme une « double peine » – c’est ce qu’ont fait prévaloir le médecin de prévention et l’assistante sociale du Sénat.

Il apparaît, d’une part, que ce bilan est modeste, y compris sur le plan financier, mais encourageant et, d’autre part, que l’on ne peut jamais nier le facteur humain par rapport aux normes mises en place.

C’est la même réalité aujourd’hui qui fait écrire au proviseur d’un grand lycée parisien dans un courrier qu’il m’a adressé : « Je suis au regret de vous informer que rien n’a été fait au regard de l’accueil des handicapés, dans nos locaux prestigieux, classés “monuments historiques” […]. Nous ne pouvons donc accueillir aucun élève ni personnel à mobilité réduite. Le conseil administration a dernièrement réitéré la demande de mise en conformité auprès des collectivités territoriales », en l’occurrence le maire de Paris et le président de la région d’Île-de-France.

Je vous ai livré ces propos pour souligner que le chemin à parcourir est encore long en matière d’accessibilité. Cela étant, pour se donner bonne conscience, n’institue-t-on pas un humanisme procédural, excessif, tant il est vrai, d’une part, que l’intégration systématique signifie une société de normalisation, incompatible avec certains handicaps, et, d’autre part, que l’accessibilité physique ne règle en rien l’ensemble des problèmes du handicap ?

J’en veux pour preuve ce troisième témoignage, celui de parents qui, constatant le coût des travaux à réaliser pour intégrer leur fils handicapé dans un établissement, ont préféré une approche plus humaine : à la suite d’une suggestion du proviseur du lycée, les élèves ont accepté d’être solidaires et de se relayer pour accueillir l’enfant dans l’établissement.

Nous devons donc également faire bilan sur nous-mêmes, repenser sans cesse nos habitudes et modifier l’idée que nous avons du handicap. À nous en dispenser, nous nous privons du regard humain que nous adresse la vulnérabilité du handicap.

Il faut accepter ce qui est visage de l’autre tout en sachant que « ce qui est spécifiquement visage est ce qui ne s’y réduit pas », car toute personne dépasse la matérialité de son corps. À ne pas se plier à cet exercice, on masque l’épreuve pour ne retenir que ce qui est d’ordre opératoire, maîtrisable et rationnel.

À cet égard, je ferai deux observations.

Ma première remarque a trait à la définition du handicap. L’article 2 de la loi du 11 février 2005 donne pour la première fois une définition légale du handicap en disposant que « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »

Or l’Assemblée nationale, par la voix d’un député de l’opposition, veut revenir sur cette définition en proposant de parler non plus de « personne handicapée », mais de « situation de handicap ».

Or dire que le handicap n’est que de situation peut conduire à nier un état de fait, une souffrance, qui existera au-delà de tous les mots. Et d’être masquée, la souffrance est avivée. Une société qui n’arrive pas à pallier les déficiences de ses membres les plus faibles est elle-même en situation de handicap, car c’est son incapacité qui gêne la participation sociale des intéressés.

Non, mes chers collègues, l’homme n’est pas qu’un être en situation : même dans des situations considérées comme indignes, il reste un individu digne de respect !

Dans Éloge de la faiblesse, Alexandre Jollien dit « ne pas fuir le handicap ». Il écrit : j’accepte que « jamais je ne serai normal ».

Est-il plus facile de dire « cet homme infirme moteur cérébral n’est pas une personne handicapée, mais simplement une personne en situation de handicap », en se focalisant exclusivement sur les normes et les structures, ou de dire « cette personne est une personne handicapée », en changeant son regard pour la voir comme une personne ?

Cela revient à poser la question du sens de la dissemblance, de la distinction trop rapide que nous faisons entre ce qui est normal et ce qui est anormal.

À ne pas mieux appréhender cette question, nous nions ce qui nous gêne le plus, à savoir notre égale humanité partagée avec la personne handicapée dont on parle peu : la personne handicapée mentale.

Le 6 juillet prochain, le Sénat projettera un film sur cette minorité invisible et inaudible de 700 000 hommes et femmes qui a une immense soif d’être entendue. Vous êtes tous invités à cette projection. Cette manifestation est une bonne occasion d’écouter ces personnes afin de sortir de l’injonction administrative et exclusivement légale, de regarder cette humanité inédite pour lui dire à notre tour : désormais, je ne parle plus à ta place ; j’ai besoin de toi parce que ton « savoir-être » est une leçon pour notre savoir-faire.

Cette projection est également une bonne occasion d’écouter les personnes handicapées mentales à la veille de la révision de la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004 : alors que la loi du 11 février 2005 a pour objet de garantir à toute personne handicapée l’accès aux droits fondamentaux reconnus à l’ensemble des citoyens, il convient de nous interroger plus largement sur la façon dont la société opère, selon le Conseil d’État, « une pratique individuelle d’élimination presque systématique » de 96 % des cas de trisomie 21 détectés. Dans le même temps, la recherche pour guérir la trisomie 21 est peu subventionnée par l’État quand le dépistage est, lui, richement pourvu.

Cela pose le problème de l’accessibilité à la vie pour la personne handicapée trisomique.

Pour combien de temps encore restera valide le principe selon lequel « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance » ?

Mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 est un bon début ; mais elle n’est qu’un début. Elle a été rendue possible grâce à l’investissement de nombreuses personnes : je pense aux familles, dont on ne parle pas beaucoup et dont certaines ont décidé de donner leur vie pour faire grandir leur enfant, aux associations, à deux Présidents de la République – Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy –, à des ministres et à des parlementaires.

Beaucoup des objectifs fixés par la loi doivent être atteints à l’échéance de 2015. Osons espérer qu’un nouveau débat de contrôle aura lieu dans notre assemblée d’ici là. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je m’attacherai à la question du financement du droit à compensation du handicap, qu’il s’agisse des prestations servies ou des institutions dédiées.

Le progrès issu de l’adoption de la loi du 11 février 2005 pour ce qui est de l’appréhension de la notion de handicap est incontestable. Force est de constater, néanmoins, que les moyens prévus pour la mise en œuvre de cette loi n’ont pas permis d’atteindre des objectifs ambitieux.

Cinq ans après, les personnes en situation de handicap et leurs proches ont manifesté dans la rue : c’était le 27 mars dernier.

La fédération des APAJH a saisi la HALDE le 4 mars dernier pour discrimination en matière d’accès aux bâtiments, aux transports, à la scolarisation, à la formation, à l’emploi et à la compensation, toutes facultés pour lesquelles la loi du 11 février 2005 entendait justement instaurer un traitement égal.

Toutefois, il faut faire la part des choses.

Premièrement, les difficultés actuelles trouvent leur origine dans le fait que les dispositions expressément prévues par la loi n’ont pas été mises en œuvre. En d’autres termes, le Gouvernement n’a pas respecté ses obligations. Madame la secrétaire d'État, c’est le rôle du Parlement que de vous rappeler à la loi, et nous vous demanderons de prendre des engagements.

Deuxièmement, ces difficultés trouvent leur source dans le mauvais choix qui a été fait d’un mode de financement non pérenne et ne permettant pas d’atteindre un niveau suffisant. Tel était, à l’époque, le jugement déjà unanimement porté par la CNAM, la CNSA et le CNPH, ainsi que l’atteste l’avis défavorable qu’ils ont rendu sur le texte qui leur était soumis.

Telle est aujourd’hui la situation : l’allocation aux adultes handicapés, même à taux plein, même revalorisée, reste en deçà du seuil de pauvreté. Les départements, qui financent la PCH, gèrent les MDPH, supportent les frais de séjour et sont, pour nombre d’entre eux, à la limite de leurs capacités.

Troisièmement, les difficultés sont liées aux perspectives d’avenir tracées par le Gouvernement. De ce point de vue, évidemment, l’absence de projet et de visibilité inquiète.

Je veux dire un mot du non-respect de la loi par le Gouvernement. Vous n’ignorez pas, madame la secrétaire d'État, que l’État doit 34 millions d’euros aux départements au titre des postes non pourvus en MDPH.

Alors que vous en appelez constamment à la responsabilité individuelle des Françaises et des Français, à la réciprocité des droits et des devoirs, le Gouvernement devrait à tout le moins respecter ses obligations !

Par ailleurs, aux termes de l’article 13 de la loi du 11 février 2005, vous étiez tenus de supprimer la barrière d’âge de soixante ans, qui limite l’accès au droit à compensation.

Bien entendu, les difficultés seraient moindres si la loi, sur ces deux aspects, était effectivement appliquée. C’est ce que vous demande la représentation nationale. Nous vous écouterons aujourd'hui avec attention sur ce sujet.

En outre, les difficultés de financement sont liées à la loi elle-même, qui souffre d’une malformation consubstantielle. Il y a, en effet, une contradiction évidente à prévoir le financement d’un droit universel à compensation par des ressources non pérennes ; au surplus, leur répartition à enveloppe fermée exclut la prise en compte de l’augmentation constante des besoins.

Les baisses de recettes de la journée de solidarité et de CSG, qui abondent les enveloppes de la CNSA, entraînent mécaniquement une diminution drastique du taux de couverture de la PCH servie par les départements. Cette couverture est passée de 97 % en 2008 à 61 % en 2009, pour tomber à 44,5 % cette année.

De même, vous ne pouvez pas, sans contradiction, sortir la CNSA de son rôle, qui est d’intervenir « en plus » et non « à la place » de l’État. C’est bien pourquoi nous nous sommes opposés, lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, aux mesures de « débasage » des excédents de la CNSA réintégrés à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.

Il en résulte que les départements eux-mêmes, piégés entre baisse de leurs ressources et financement insuffisant des compétences transférées, se trouvent encore dans l’obligation de compenser une prestation qui relève de la solidarité nationale, et dont ils ne décident ni les taux ni les conditions d’attribution, quand ils assument dans le même temps – j’insiste sur ce point – la charge croissante des frais de séjour en établissement.

Telle est bien la toute première observation du rapport Jamet, qui relève que les départements se sont vu confier la gestion de prestations qui « pèsent considérablement sur les budgets départementaux », ajoutant que « toutes se révèlent plus coûteuses que prévues », car « force est de constater que […] les perspectives communiquées lors des débats parlementaires se sont avérées erronées ».

Madame la secrétaire d'État, quelle est votre volonté ?

La multiplication des tentatives pour réduire la portée de la loi du 11 février 2005 – de nombreux exemples ont déjà été cités – ne laisse pas de nous inquiéter.

Quelles sont réellement vos perspectives ?

L’annonce d’un projet de réforme de l’AAH, alors que les budgets des familles sont toujours plus lourdement grevés de charges nouvelles – du déremboursement de médicaments à la fiscalisation des indemnités d’accident du travail –, n’y suffira pas, de même que n’y suffira pas la proposition de loi de notre collègue Paul Blanc dont le Sénat débattra bientôt, même si nous l’approuvons pour l’essentiel.

Aujourd’hui, l’urgence et l’attente sont d’un autre ordre : elles exigent un projet d’une autre ampleur, une vision solidaire de la prise en charge et de l’accompagnement de la perte d’autonomie, conformément au principe fondateur de la CNSA, et à l’ambition initiale de la loi du 11 février 2005 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Vive Chirac !

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sans rien retrancher au propos de notre collègue Marie-Thérèse Hermange, je voudrais revenir sur le problème de l’accessibilité, que j’avais abordé dès 1995 avec Éric Molinié, spécialiste de la question que beaucoup d’entre vous doivent connaître.

Tout ne reste pas à faire dans ce domaine, mais l’accessibilité reste un enjeu central pour l’insertion sociale des personnes handicapées, qui rencontrent encore de nombreux obstacles au quotidien, que ce soit dans le milieu scolaire ou professionnel, dans les transports, ou bien simplement pour accéder à la culture et aux loisirs.

La loi du 11 février 2005 a fixé des objectifs ambitieux à la société pour qu’elle devienne accessible à tous, avec une obligation de résultat à l’horizon de 2015. Cette échéance, qui peut sembler encore lointaine, risque pourtant d’être difficile à respecter étant donné l’ampleur des chantiers qui restent à mettre en œuvre.

C’est la raison pour laquelle Xavier Bertrand, lorsqu’il était ministre, avait prévu d’anticiper d’un an – c’est-à-dire avant la fin de 2008 – la remise du rapport des commissions communales et intercommunales d’accessibilité, chargées de dresser le bilan de l’accessibilité du cadre bâti existant, de la voirie, des espaces publics et des transports et de faire des propositions pour leur mise en accessibilité. Malheureusement, ces commissions n’existent pas encore partout sur le territoire national.

Sur ce point, je pourrais citer la ville de Versailles, qui a été exemplaire en établissant très tôt – dès 2006 – ce diagnostic et en prenant la mesure des travaux à réaliser : ils sont chers, très chers, reconnaissons-le. Mais, en réalité, de nombreuses communes n’ont pas encore effectué ce bilan et ont ainsi pris un retard qui sera très difficile à combler.

Cette situation s’explique en partie par l’ambiguïté des dispositions de la loi de 2005 concernant la répartition des compétences entre les communes et les intercommunalités. Fort heureusement, cette ambiguïté a été levée l’été dernier, grâce à une disposition introduite dans la loi de simplification du droit par notre collègue Paul Blanc.

Cependant, ce retard reste difficile à rattraper et les communes vont se trouver « au pied du mur » à l’échéance de 2015 qui approche à grands pas. Prévoir un moratoire serait un très mauvais service à rendre à tout le monde : nous n’en avons pas le droit, comme nous n’avons pas le droit de baisser la garde ! Nous devons plutôt nous demander comment aider les communes à avancer au mieux, en mobilisant davantage le Fonds interministériel pour l’accessibilité aux personnes handicapées, le FIAH. Puisque, à l’évidence, tout ne sera pas faisable dans les délais prévus, ne doit-on pas envisager de fixer un ordre de priorités ?

Je voudrais encore donner en exemple la ville de Versailles, que je connais bien pour y avoir beaucoup travaillé : ne pouvant réaliser l’accessibilité dans toutes les écoles, la municipalité a décidé de ne rendre accessible, dans un premier temps, qu’une école par quartier. Jusqu’à présent, je crois que les parents ont été satisfaits de cette décision.

Il me semble donc souhaitable d’identifier les projets les plus urgents, et je souhaiterais recueillir votre sentiment sur ce point, madame le secrétaire d’État.

Si des problèmes d’ordre technique, difficiles à résoudre, se posent dans le bâti ancien et les secteurs sauvegardés – encore un sujet que je connais bien, car la ville de Versailles est certainement, en France, une des premières concernées par ce problème –, il semble qu’il existe également des difficultés dans le bâti neuf.

On peut d’ailleurs regretter que des pressions très fortes aient été exercées pour élargir le champ des dérogations aux règles de l’accessibilité des bâtiments et des logements, en particulier dans les logements sociaux. Il faut certes reconnaître que les surcoûts ne sont pas négligeables et qu’il existe également des contraintes techniques évidentes, par exemple en haute montagne. Mais on ne peut admettre que des dérogations aient été accordées pour le bâti neuf sur le fondement de dispositions réglementaires prises sans base légale, le législateur n’en ayant prévu, en 2005, que pour les bâtiments existants. Ainsi, le décret du 17 mai 2006, sur le fondement duquel plusieurs permis de construire ont été accordés, a-t-il été annulé l’été dernier par le Conseil d’État. En vertu de cet arrêt, les constructions autorisées devraient être, en toute logique, démolies !

Cette situation a d’ailleurs conduit le Gouvernement à introduire dans la loi de finances rectificative pour 2009 un article prévoyant de nouvelles possibilités de dérogation, en cas d’impossibilité technique résultant de l’environnement du bâtiment, pour les ensembles de logements à occupation temporaire ou saisonnière – ce qui pourrait être une marque de sagesse ! –, mais aussi en cas de contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural. Cet article, mal encadré, a été invalidé par le Conseil constitutionnel.

Je crois savoir qu’une consultation est en cours à ce sujet, associant les ministères du logement et de la solidarité, en concertation avec les associations représentatives des personnes handicapées. Pouvez-vous, madame le secrétaire d’État, nous donner des précisions à ce sujet ?

Il apparaît urgent de trouver une solution permettant de concilier les exigences légitimes des personnes handicapées et les contraintes techniques que rencontrent, sur le terrain, les architectes et les promoteurs. Ainsi, les dérogations pour le bâti neuf devront être accordées dans un esprit pragmatique et responsable, respectueux des droits et attentes des personnes handicapées.

Pour y parvenir, il est indispensable de prévoir, comme pour le bâti existant, que les décrets définissant lesdites dérogations seront soumis à l’avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, et que, localement, les dérogations seront soumises à l’avis conforme des commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité.

En outre, les dérogations ne devront pas revêtir un caractère trop général. Si l’accessibilité en fauteuil peut se révéler très difficile à réaliser techniquement, la dérogation accordée ne doit pas pour autant inciter l’architecte à s’exonérer des obligations tendant à garantir l’accessibilité des lieux aux personnes atteintes d’un handicap sensoriel, par exemple ; je veux parler de la sonorisation des annonces, des indications en braille, des bandes fluorescentes au sol pour les malvoyants ou du repérage par des codes couleurs dans la signalétique pour les infirmes moteurs cérébraux, etc.

L’Union sociale pour l’habitat a évalué à 12 % les surcoûts résultant de la construction de logements accessibles, en particulier dans le cas des logements sociaux. Ce chiffre peut sembler disproportionné et excessif à certains, mais il faut savoir quelle société nous voulons ! Sommes-nous aussi regardants pour le coût des mesures environnementales ? La société doit être solidaire au regard de ce que j’appelle « l’accès à tout pour tous ».

L’accessibilité ne vaut d’ailleurs pas uniquement pour les personnes handicapées : sont également concernées les personnes âgées, les personnes temporairement blessées, ou encore les mamans avec poussette. Les personnes âgées représenteront bientôt 25 % de la population et sont souvent atteintes, du fait de l’âge, d’affections qui réduisent leur mobilité. Il faut donc mener une réflexion complète et, sur ce sujet, je partage le point de vue de notre collègue Paul Blanc, dont nous allons examiner prochainement la proposition de loi : il suggère, lorsque la mise en accessibilité totale représente un coût trop élevé, de préparer les conditions pour prévoir l’avenir. Par exemple, on peut réserver l’espace nécessaire pour la construction future d’une douche avec mise à niveau pour une personne âgée ou handicapée.

Je souhaiterais évoquer rapidement les trois secteurs qui me paraissent essentiels du point de vue de la mise en accessibilité.

La mise en conformité des établissements recevant du public, les ERP, tels que les mairies ou les écoles, représente un coût important pour les collectivités locales, mais je crois qu’il convient de faire preuve de pédagogie et de pragmatisme. Ici encore, je peux citer l’exemple de la magnifique restauration du lycée Hoche, à Versailles, bâtiment ancien s’il en est : l’accessibilité y est presque parfaite, mais il reste une zone de pavés « Grand Siècle » totalement intouchable et impraticable ! L’office du tourisme de Versailles a d’ailleurs reçu le label « tourisme et handicap » : des efforts ont donc bien été réalisés. C’est pourquoi je récuse les propos tenus par notre collègue : non, tout ne reste pas à faire, mais il convient de se faire bien conseiller et accompagner, pour éviter des travaux mal pensés ou excessifs par rapport à l’objectif visé.

M. Alain Gournac. Évidemment !

Mme Bernadette Dupont. En ce qui concerne les lieux de travail, nous devons mobiliser davantage les moyens financiers existants. Le manque de crédits devrait inciter à trouver des solutions nouvelles : l’AGEFIPH, compétente pour le secteur privé, et le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, compétent pour le secteur public, qui disposent de fonds propres importants issus du recouvrement des contributions des employeurs qui ne remplissent pas leur obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés, ne pourraient-ils pas participer au financement de ces travaux ? Je pense que ces fonds pourraient parfaitement être utilisés pour l’aménagement des lieux de travail, mais il faudrait que le législateur le précise.

Enfin, je terminerai par quelques mots sur l’accessibilité des transports. Il est regrettable que les nouvelles rames de TGV ou de métro ainsi que les nouveaux bus ne soient pas systématiquement et intégralement accessibles. Cette situation pose un réel problème, étant donné la durée de vie de ces matériels. Nous devons également réfléchir et progresser sur ce point : l’accès aux wagons doit se faire du quai, de plain-pied ; un plan incliné ne doit se terminer par trois marches, comme je l’ai récemment vu dans une gare ; les ascenseurs et les escaliers mécaniques des gares doivent être régulièrement vérifiés et en état de marche.

Mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 a constitué une réforme d’ampleur, particulièrement attendue. Mais il faut agir vite pour ne pas décevoir cette attente. Après la réalisation de leur diagnostic, les communes devront établir sans délai l’échéancier des travaux et investissements qu’elles auront à réaliser d’ici à 2015, c’est-à-dire demain ! Sur ce dossier, l’État doit jouer un rôle d’aiguillon et d’animateur. Nous vous écouterons donc, madame le secrétaire d’État, pour savoir comment vous envisagez l’avenir – et l’horizon de 2015 – sur cette question essentielle de l’accessibilité. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviendrai sur les volets emploi et formation professionnelle, pour lesquels la loi du 11 février 2005 promettait une réelle égalité : elle posait le principe de non-discrimination et donnait la priorité au travail en milieu ordinaire, en misant sur l’incitation vis-à-vis des employeurs.

La loi réaffirmait l’obligation pour les entreprises de plus de vingt salariés d’employer au moins 6 % de personnes handicapées. Elle étendait aussi cette obligation à de nouvelles catégories de personnes handicapées : les titulaires de la carte d’invalidité et les titulaires de l’AAH. Enfin, la loi renforçait aussi la contribution à l’AGEFIPH, pour les entreprises qui n’ont pas rempli leurs obligations. Cette contribution-sanction devait même être triplée pour les entreprises n’ayant réalisé aucun effort au terme de trois ans.

Le dispositif de sanction a donc été renforcé et étendu aux employeurs publics puisque la loi a créé un Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, alimenté par la contribution des ministères, des collectivités territoriales et des hôpitaux publics ne respectant pas l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

L’objectif n’est malheureusement pas atteint. Le taux moyen d’emploi de personnes handicapées n’est que de 4,4 % : cela signifie bien que nombreuses sont les entreprises qui emploient encore moins de 6 % de handicapés. Ce constat est surprenant quand on sait que l’obligation date de la loi du 10 juillet 1987, mais il est encore plus surprenant, et regrettable, que le Gouvernement ait consenti un délai supplémentaire de six mois aux entreprises employant de 20 à 49 salariés pour se mettre en conformité avec les dispositions législatives. De plus, ce délai supplémentaire ne concerne que des entreprises qui n’ont engagé aucune action en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap. Ce report de six mois représente donc un signal fort et un gage donné à ceux qui ne respectent pas la loi !

Pourtant, la situation des personnes handicapées sur le marché du travail est préoccupante. Ainsi, 19 % d’entre elles sont au chômage, soit deux fois plus que la moyenne de la population active. Par ailleurs, le taux de chômage augmente en fonction du niveau de handicap. Seuls 44  % des plus handicapés exercent une activité professionnelle, contre 71 % de l’ensemble de la population, tous âges confondus.

Les personnes handicapées qui occupent un travail sont le plus souvent employées dans les secteurs les moins qualifiés : ainsi, 80 % des travailleurs handicapés sont soit ouvriers soit employés, contre 57 % de l’ensemble des actifs ; 3 % seulement sont cadres, contre 11 % de l’ensemble.

Les difficultés d’intégration des personnes handicapées dans le monde du travail sont doubles : d’une part, leur parcours scolaire étant plus difficile, leur niveau de qualification est souvent inférieur à la moyenne puisque 83 % d’entre elles ont un niveau d’étude inférieur au baccalauréat ; d’autre part, elles sont plus âgées que la moyenne des actifs, puisque 34 % des salariés atteints d’un handicap ont plus de cinquante ans.

La formation des personnes handicapées est donc primordiale. Les femmes et les hommes concernés doivent pouvoir bénéficier d’une formation professionnelle de qualité et leur prise en charge ne doit pas être trop tardive, aussi bien en termes de formation que d’aide à la recherche d’emploi.

Un de mes interlocuteurs, dans le cadre de la préparation de ce débat, établissait un parallèle entre les personnes en situation de handicap et les jeunes des quartiers urbains en situation d’échec scolaire. Dans un cas comme dans l’autre, il ne faut pas attendre pour mettre en place une prise en charge : celle-ci doit commencer dès l’école primaire.

Toujours à propos de la formation professionnelle, je rappelle aussi que nous avions proposé, en septembre dernier, lors de la discussion du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, un amendement visant à ce que la question du handicap ne soit pas ignorée dans le cadre de la stratégie nationale mise en œuvre et coordonnée par l’État, les régions et les partenaires sociaux. Nous regrettons encore que cet amendement n’ait pas été adopté, alors que le public souffrant de handicap a besoin plus que tout autre d’une sécurisation de son parcours professionnel.

En matière d’embauche, il est indispensable de mener des politiques publiques de sensibilisation, y compris en direction des entreprises de moins de vingt salariés. De telles démarches existent, mais elles relèvent uniquement de l’initiative d’associations, ce qui est insuffisant. En dehors de la semaine annuelle pour l’emploi des personnes handicapées, la communication sur les mesures incitatives demeure largement défectueuse. Or recruter une personne handicapée n’est pas qu’une démarche citoyenne : c’est aussi une démarche financièrement intéressante pour l’entreprise ; il est donc important que les entreprises le sachent.

Le Gouvernement a annoncé en septembre dernier que chaque ministère devrait atteindre l’objectif défini par la loi, à savoir employer au moins 6 % de personnes handicapées dans ses effectifs, sous peine de voir ces derniers gelés. Nous prenons acte de cet engagement et serons attentifs à sa mise en œuvre. Mais, l’éducation nationale continuant de jouir d’une dérogation tout à fait contestable, nous doutons de la volonté réelle du Gouvernement d’atteindre cet objectif.

Cinq ans après la loi du 11 février 2005, le bilan est donc mitigé en termes d’emploi et de formation. La situation évolue, mais les mentalités changent très lentement.

L’intérêt de ce débat est de souligner ces blocages, ces lenteurs qui écartent du marché du travail les personnes handicapées alors que celles-ci attendent un emploi, une formation, un vrai statut social... L’intérêt de ce débat est aussi de réaffirmer qu’il n’y a pas de situation inéluctable au regard de l’emploi. Ce qu’il faut maintenant, c’est agir promptement, sans plus perdre de temps, afin que toute personne handicapée puisse vivre dignement des revenus de son travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à féliciter les sénateurs qui ont pris l’initiative de ce débat dont, je le crois, nous mesurerons tous l’intérêt. Qu’on me permette de souligner au passage que c’est grâce à la réforme constitutionnelle que nous pouvons avoir aujourd'hui un débat de ce type. (Mme Bernadette Dupont ainsi que MM. Paul Blanc et Alain Gournac applaudissent.)

J’ai été le rapporteur, à l’Assemblée nationale, de la loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées, grande loi fondatrice dans ce domaine. Dix ans après, toujours député, j’ai souhaité qu’un débat y soit consacré. Cela n’a malheureusement pas été possible, du moins dans l’hémicycle du Palais-Bourbon, car j’ai tout de même pu organiser par ailleurs un colloque, auquel ont du reste participé aussi bien Mme Simone Veil que Mme Georgina Dufoix. Aujourd’hui, mes chers collègues, du fait de la réforme constitutionnelle, nous pouvons avoir, dans l’hémicycle, un débat ambitieux.

Cela nous donne l’occasion de réfléchir à ce qui a été fait. La qualité des interventions, me semble-t-il, démontre la réalité des avancées permises par la loi du 11 février 2005, même si, bien sûr, tout n’est pas parfait et s’il faut aller plus loin.

Celui qui fut notre excellent rapporteur sur cette loi, l’éminent docteur Blanc, Paul Blanc (Sourires.), fera un point plus précis sur ces avancées, en particulier sur celle qui concerne la définition même du handicap, associant désormais les notions d’incapacité et d’environnement.

Dans le domaine de l’éducation, y compris au niveau de l’enseignement supérieur, nous avons tout de même franchi des étapes formidables.

Pour ce qui est de l’emploi, cela a été dit, il faut poursuivre les efforts.

Mais ce débat nous donne également l’occasion de réfléchir à l’avenir et je voudrais, à cet égard, exprimer quelques préoccupations.

J’ai notamment été interpellé par les recommandations que le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a émises sur la « désinstitutionnalisation » des enfants handicapés.

Bien sûr, nous sommes tous convaincus de la nécessité de nous mobiliser pour permettre à un maximum d’enfants de suivre une scolarité dans une école normale, grâce à un soutien scolaire. Bien sûr, nous sommes tous convaincus de l’importance de l’accessibilité. Mais nous partageons la position de notre collègue Jacques Mézard : l’excès de normes peut parfois aller à l’encontre des objectifs fixés. C’est le cas ici !

Vous le savez, mes chers collègues, les parents d’enfants handicapés ont vécu et vivent un grand drame. N’ajoutons pas à ce drame la culpabilisation que certains d’entre eux pourraient éprouver parce qu’ils seraient dans l’incapacité de garder leur enfant handicapé au sein de la famille !

Il y a quarante ans, déjà, à l’époque où personne ne s’occupait d’eux, je travaillais comme neuropsychiatre dans des établissements accueillant les plus grands handicapés. Je peux dire ici que la générosité la plus totale, l’ambition la plus forte ne sont pas suffisantes : si l’on nie le fait qu’il est nécessaire d’apporter à certains grands handicapés un soutien institutionnel, aussi bien dans leur éducation que, ensuite, dans leur vie, on laisse tomber ceux qui ont le plus besoin de la solidarité ! Cela, nous ne pouvons pas l’accepter ! (Mme Bernadette Dupont, MM. Paul Blanc et Alain Gournac applaudissent de nouveau.)

C’est donc un cri que je veux lancer au nom des parents concernés, par exemple ceux de l’association du Clos du Nid, que je connais et dont j’ai suivi les enfants en qualité de médecin. Permettez-moi d’insister, mes chers collègues : n’ajoutons pas la culpabilisation à leur drame ! En revanche, soyons ouverts et vigilants, afin de pouvoir offrir à chaque personne handicapée, à tout moment de son existence, le maximum de chances d’épanouissement. Telle est notre responsabilité !

Face aux enfants ou aux adultes handicapés mentaux qu’ont évoqués nos collègues Marie-Thérèse Hermange et Bernadette Dupont, on n’a pas le droit de se bercer d’illusions ou de se laisser aller à des mouvements de générosité qui ne s’accompagneraient pas d’une vision objective et pragmatique. C’est vrai pour la question de l’accessibilité comme pour celle des institutions.

Madame la secrétaire d’État, nous comptons sur vous et sur le Gouvernement. La France n’a pas à rougir de ce qu’elle a réalisé, déjà lorsque M. Giscard d’Estaing était Président de la République, que M. Jacques Chirac était Premier ministre d’un gouvernement où se trouvaient Mme Simone Veil et M. René Lenoir,…

M. Alain Gournac. Il ne faut pas l’oublier !

M. Jacques Blanc. … c'est-à-dire quand fut votée la loi de 1975. Trente ans après, nous avons adopté celle du 11 février 2005 et, nous le savons, d’autres avancées seront sans doute nécessaires.

Dans mon département de la Lozère, qui s’honore d’avoir su percevoir, avant d’autres peut-être, l’exigence de solidarité vis-à-vis des très grands handicapés, nous allons ouvrir un complexe « sport, loisir, handicap ». Avec ce projet, nous entendons apporter un secours institutionnel, garantir aux parents que nous ne laisserons pas tomber leurs enfants devenus adultes, quelles que soient leurs capacités. Mais nous voulons aussi porter un message sur la nécessité d’une insertion aussi complète que possible de ces personnes dans notre société. Ainsi, l’ouverture de ce pôle est dans la continuité du droit au sport et aux loisirs dont j’avais fait inscrire la reconnaissance dans la loi de 1975.

Certains grands handicapés ou jeunes handicapés ayant parfois des moments d’intolérance à leur environnement personnel, dans leur milieu familial, voire en institution, nous venons également d’ouvrir un centre de séjour d’urgence. Dans ce cadre, nous réfléchirons au projet que nous pouvons offrir à la personne handicapée.

Mes chers collègues, à l’image du débat que nous venons d’avoir, ne nous enfermons pas dans l’idéologie ! Soyons tout à fait honnêtes dans notre analyse et ne tombons pas dans des excès qui pourraient se retourner contre la bonne volonté. Tous ensemble, faisons preuve, comme différentes interventions nous y ont invités, d’une capacité à prendre en compte la réalité des personnes handicapées.

Nous avons voulu l’affirmer, ces femmes et ces hommes ont la même dignité que les autres. Ce sont des êtres humains, qui ont tous les droits, et notre mission de législateur est d’être en permanence en éveil pour traduire, dans la loi, puis dans les faits, cette ambition de reconnaissance de la dignité de toute personne. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens à la demande de Mme Maryvonne Blondin, qui a dû partir, sur la question de l’accès à l’éducation des enfants handicapés.

Certes, la loi du 11 février 2005 est une avancée. Force est de constater que le regard de la société sur le handicap a changé et que les parents d’enfants porteurs de handicaps ont cru voir la fin de leur parcours du combattant en matière de scolarisation arriver.

Donner plus à ces enfants, c’est en effet pouvoir leur donner différemment. C’est pouvoir différencier la pédagogie, adapter les effectifs et les évaluations, former les enseignants et les accompagnants.

Alors, cinq ans après, où en sommes-nous ?

S’il faut bien reconnaître que la loi a permis une augmentation des scolarisations, celles-ci ne se réalisent pas toujours dans des conditions satisfaisantes.

Pendant l’année scolaire 2008-2009, 181 000 enfants handicapés étaient scolarisés ; un bilan qu’il faut néanmoins nuancer en rappelant que 37 % d’entre eux l’étaient à temps partiel et qu’il n’existe aucun suivi de ces enfants hors du temps d’intégration scolaire. En outre, à ce jour, encore 5 000 enfants demeureraient sans aucune solution de scolarisation. On est donc encore loin du droit opposable !

Le premier et le plus grand reproche que l’on peut faire à cette loi est d’être appliquée sans les moyens nécessaires au regard des objectifs annoncés. L’appel d’air suscité n’a pas été suffisamment anticipé et préparé. Pis, le temps passant, on supprime progressivement les rares moyens initialement destinés à la mise en œuvre de ces dispositions, les maigres acquis obtenus grâce au texte, et on vide ce dernier de sa substance. La révision générale des politiques publiques, mise en œuvre par le Gouvernement, est passée par là… Bref, des annonces fortes, mais des moyens faibles !

Ce manque de moyens se traduit d’abord par de cruelles carences en matière d’accompagnement adapté, personnalisé et professionnalisé.

La spécificité de ces enfants consiste en effet en ce qu’ils ont besoin d’un accompagnement sur mesure et, à cet égard, la complexité de l’organisation institutionnelle entre l’éducation nationale et le secteur médico-social est toujours un obstacle non négligeable.

Bien sûr, on me dira que les MDPH, qui, notamment, orientent de manière collégiale les enfants, facilitent les procédures en offrant un guichet unique. Mais on connaît leur situation : elle a été évoquée précédemment.

L’inspection d’académie assure les affectations. Mais elle est, elle aussi, confrontée à la logique de réduction des postes. Chacun ici se souvient de la mobilisation – vaine, hélas ! – pour conserver les RASED…

Par exemple, dans le département du Finistère, dont Mme Blondin est élue, sept postes sont encore supprimés à la rentrée de 2010 et la fermeture de dix CLIS – classes d’intégration scolaire – sur trois ans risque d’être imposée. La situation est comparable dans mon département, la Corrèze.

S’agissant du projet personnalisé de scolarisation qui, en théorie, constitue une bonne idée, il est, en pratique, peu appliqué, notamment parce que le nombre d’enseignants référents est insuffisant.

Les moyens de sensibilisation et de formation auprès des enseignants travaillant en CLIS ne sont pas davantage assurés.

La précarité de la situation des AVS, des EVS et des AED demeure tout autant intolérable. Elle incarne l’absence totale de reconnaissance du travail de ces agents, pourtant essentiel et indispensable. À ce jour, toujours aucun statut et aucune professionnalisation ne sont prévus. Les effectifs sont aussi largement insuffisants. Ainsi, 14 000 AVS supplémentaires seraient nécessaires pour subvenir aux besoins des familles.

En outre, aucune évolution de ce métier vers une prise en charge de tous les temps de vie des enfants n’est envisagée. Au contraire, après plusieurs mois de travail concerté entre les associations et les deux cabinets ministériels concernés, il ressort que la création de ce métier n’est pas envisagée et que les services d’aide à domicile ainsi que certaines associations sont sollicités pour reprendre les AVS en gestion : 9 000 postes d’AVS vont ainsi être transférés au maintien à domicile. Un bricolage qui ne simplifiera pas le parcours des familles !

Par ailleurs, les parents acceptent fréquemment une réorientation vers le secteur médico-éducatif, dans lequel on répond mieux aux besoins de soins. Mais le système actuel souffre encore largement de rigidité entre les différents secteurs et la frontière entre les deux grandes familles de scolarisation reste trop hermétique, ce qui ne facilite pas l’individualisation des parcours.

Pourquoi ne pas insuffler de nouvelles méthodes de collaboration interinstitutionnelle et créer de véritables passerelles entre ces différents secteurs ? Malheureusement, l’État se désengage sur tous les fronts dans cette bataille de l’inclusion !

Or je tiens à rappeler, en conclusion, certains termes de l’arrêt Laruelle du 8 avril 2009. Celui-ci a reconnu que la carence de l’État en matière d’obligation de scolarisation pour les enfants est « constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité » et ouvre droit à des dommages et intérêts.

Madame la secrétaire d’État, nous ne pouvons pas laisser plus longtemps les grands principes de solidarité, de proximité, de continuité et de mixité bafoués par la restriction des moyens accordés et nous vous demandons d’intervenir auprès de M. le ministre de l’éducation nationale pour le rappeler à ses obligations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été dites depuis le début du débat. Aussi consacrerai-je mon propos à l’accueil en milieu scolaire des enfants handicapés.

La loi du 11 février 2005 constitue une avancée notable dans la reconnaissance de la dignité et de l’égalité de l’enfant handicapé, ce dont nous nous réjouissons. Le taux de scolarisation des enfants handicapés a ainsi progressé d’environ 40 % depuis sa mise en œuvre.

Des efforts ont été accomplis pour financer les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, dont la mission est d’accompagner la scolarité des enfants handicapés, et M. Chatel a rappelé récemment dans cette enceinte qu’un groupe de travail avait été mis en place en vue de professionnaliser davantage ces personnels et de pérenniser leurs postes.

Toutefois, à l’occasion de ce débat, je souhaite appeler votre attention, madame la secrétaire d'État, sur les difficultés rencontrées sur le terrain, et cela à la lumière de ce que je constate dans mon propre département.

Les prescriptions de prise en charge édictées par la maison départementale des personnes handicapées ne sont pas toutes satisfaites. Il semble que l’on se heurte à deux obstacles : d’une part, l’insuffisance de postes financés ; d’autre part, les difficultés pratiques de recrutement liées à la nécessité de former ces personnels particuliers que sont les AVS.

Afin de contourner ces obstacles, on voit se multiplier les recours à des emplois aidés, les emplois de vie scolaire, ou EVS, qui se substituent progressivement aux trop peu nombreux AVS.

Il n’est pas envisageable qu’une telle situation, qui conduit à pérenniser un service par le recours à des emplois précaires, se poursuive !

De surcroît, ce recours aux EVS se heurte aux mêmes problèmes en termes de formation initiale des candidats, mais il y répond moins bien du fait du caractère encore plus précaire de ces emplois aidés. Certes, l’on peut se réjouir de voir des personnes en difficulté bénéficier d’un projet d’insertion, mais l’objectif n’est pas là et cette formule ne saurait constituer une solution à la hauteur de l’enjeu.

M. Jacky Le Menn. Tout à fait !

M. Dominique de Legge. Les enfants handicapés méritent une prise en charge de qualité, effectuée par un personnel formé et compétent.

Le recours à des emplois aidés ne saurait être considéré comme une solution pérenne, d’autant que certains de leurs bénéficiaires sont eux aussi confrontés à des difficultés d’insertion et nécessitent un accompagnement. On ne peut envisager de construire un service durable sur des emplois précaires confiés à des personnes plus ou moins fragilisées.

Que l’on me permette une réflexion plus personnelle : cette approche, qui n’accorde pas toute sa place au professionnalisme, tranche avec la rigueur, quelquefois excessive, de la commission communale pour l’accessibilité aux personnes handicapées, qui voudrait rendre accessibles toutes les salles de classe de nos écoles et tous les vestiaires de nos clubs sportifs !

J’observe souvent des exigences d’aménagements systématiques, parfois inutiles et décalés par rapport aux réalités économiques et sociales.

Certes, je sais que le respect d’une norme technique est plus facile à mettre en œuvre que des aides humaines, mais je souscris totalement aux propos tenus sur ce point par plusieurs de mes collègues, notamment par Jacques Mézard, et je ne voudrais pas que l’on oublie que l’accueil des personnes handicapées, en particulier des enfants, passe autant, sinon plus, par le règlement des questions d’accompagnement humain et de tierce personne que par le respect de la norme.

En effet, le handicap ne se résume pas à des aspects de mobilité et d’accessibilité, mais prend, hélas ! bien d’autres formes.

Je souhaite donc savoir, madame la secrétaire d'État, si vous partagez le souci de hiérarchiser les priorités dans ce domaine, et je vous remercie par avance de m’indiquer les initiatives que vous entendez prendre afin de donner sa pleine mesure au dispositif des AVS, si essentiel à l’intégration des enfants porteurs de handicap dans nos écoles et à la solidarité due à leurs familles. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. « L’État est garant de l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire… » Ainsi l’affirme l’article L. 114-1 du code de l’action sociale et des familles, tel que modifié par la loi du 11 février 2005.

Or, quelle qu’ait été sa pertinence initiale, notamment de par la création d’un guichet unique d’accueil destiné à faciliter les démarches des personnes handicapées, le moins que l’on puisse dire est que la mise en œuvre de cette loi a été mal engagée et mal accompagnée.

Elle impliquait en effet, d’une part, un changement culturel, une approche moins administrative – on parlait pour la première fois de « clients », de projet de vie… – et, d’autre part, un travail pluridisciplinaire qui n’a pas été anticipé.

La compréhension de cette révolution culturelle ne s’est pas faite partout, car elle demandait du temps, des moyens, une approche personnalisée et, surtout, une garantie de financement.

Le rapport intitulé Les maisons départementales des personnes handicapées sur la bonne voie : premier bilan, quatre ans après la loi du 11 février 2005, réalisé avec mon collègue Paul Blanc, met également en exergue la grande disparité des situations observées entre les départements.

Ainsi, le fait que la part de l’État varie de 12 % à 67 %, celle des conseils généraux s’ajustant en conséquence, pose de sérieux problèmes d’équité. De même, certains postes que l’État s’était engagé à mettre à disposition n’ont été ni pourvus ni compensés.

L’enquête réalisée à la fin de 2009 par l’association des directeurs de MDPH démontre que, en prenant en compte les dettes résiduelles cumulées au titre des postes vacants et de la fongibilité asymétrique, ce sont 34,3 millions d’euros que l’État doit aux MDPH, dont 1 million d’euros à celle de mon département.

Soumises à des injonctions paradoxales – notamment à une obligation de résultat malgré une non-compensation des moyens en personnels –, les MDPH se trouvent dans une situation qui s’aggrave et qui risque même de remettre en cause leur fonctionnement.

Plusieurs propositions ont pourtant été remises au Gouvernement. Qu’en a-t-il fait ?

Souhaite-t-il réellement engager une politique d’intégration des personnes handicapées, en y consacrant les moyens financiers nécessaires et pérennes ?

Et comment appréhender la réforme de l’AAH, qui devait faciliter l’accès à l’emploi des personnes handicapées ? On se souvient que le Président de la République annonçait le 10 juin 2008, lors de la Conférence nationale du handicap, la mise en œuvre d’un pacte national pour l’emploi des personnes handicapées ; force est de constater, deux ans plus tard, qu’il y a loin des discours à la réalité !

Dans son rapport relatif à la situation des personnes handicapées au regard de l’emploi – rapport récent puisque datant du mois de décembre 2009 –, Michel Busnel émet un certain nombre de préconisations, en insistant notamment sur la notion d’accompagnement.

Il encourage aussi la signature de conventions entre les organismes chargés de l’insertion professionnelle des personnes handicapées – MDPH, Cap Emploi... – pour introduire une coopération renforcée.

Il insiste également sur l’importance d’une démarche de prévention en milieu de travail avec les médecins du travail, alors que l’on assiste au contraire à une désaffection de l’État à l’égard non seulement des MDPH, mais également de la médecine du travail.

De même, l’accent avait été mis, lors de réforme de l’AAH, sur la nécessité d’assortir toute demande à une étude de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, même si cette dernière n’est pas sollicitée.

Actuellement, près de 47,5 % des dossiers des MDPH sont liés à l’évaluation des capacités et habiletés professionnelles des demandeurs, dossiers qui commencent à provoquer des contentieux.

Toutes ces contradictions nous amènent à nous interroger sur l’effectivité des mesures d’accès à l’emploi voulues par législateur de 2005, annoncées haut et fort par le Président de la République, largement relayées par les médias, mais restées sans suite…

Actuellement, le taux de chômage des personnes handicapées est supérieur à 20 %, leur taux de chômage de longue durée étant de 46 %, soit presque le double de celui qui est observé chez les personnes valides, pour lesquelles ce taux atteint 26 %.

On estime que, chaque année, 120 000 personnes handicapées sont licenciées du marché du travail pour inaptitude, comme en témoigne le rapport Busnel.

Tous âges confondus, seuls 44 % des personnes handicapées exercent une activité professionnelle, contre 71 % de l’ensemble de la population ; 80 % des travailleurs handicapés sont ouvriers ou employés, contre 57 % de l’ensemble des actifs ; 82 % des personnes handicapées disposent d’une formation inférieure ou égale au niveau V, et seulement 3 % d’entre elles sont ainsi cadres, contre 11 % des actifs valides.

L’obligation d’emploi des personnes handicapées dans les secteurs privé et public aurait pourtant dû largement faciliter leur accès à l’emploi si le Gouvernement n’avait fait voter des dérogations multiples et des reports. L’assiette d’assujettissement des pénalités baisse ainsi de 3 % à 4 % par an.

Les employeurs sont souvent réticents à recruter des travailleurs handicapés, craignant les arrêts maladie répétés et l’incompréhension avec leur équipe. Ils embauchent parce qu’il le faut !

Aussi, l’intégration et l’évolution de la personne handicapée dans l’entreprise sont difficiles. Leur accompagnement en amont et dans l’emploi par les MDPH ou par le réseau Cap Emploi serait la meilleure garantie d’une insertion durable.

La loi de 2005, même si elle a eu des effets mobilisateurs, ne pourra déboucher sur des résultats à long terme sans la volonté de l’État de mobiliser les moyens financiers indispensables pour stabiliser le personnel nécessaire aux MDPH, au premier plan dans l’évaluation et l’accompagnement global des personnes handicapées, et pour favoriser une meilleure coordination des différents acteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.

M. Paul Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je reviendrai tout d’abord sur les propos de Jacques Blanc, qui, à juste titre, a rappelé que c’est grâce à la réforme de la Constitution, réforme votée par la majorité, que nous pouvions avoir aujourd'hui ce débat ; c’est d’ailleurs également grâce à cette réforme que nous pourrons discuter d’une proposition de loi.

C’est encore en raison de cette réforme que j’ai pu, en tant que rapporteur de la loi du 11 février 2005, exercer, notamment en sillonnant les départements, ce que j’appelle le « service après vote ». (Sourires.)

Je constate par ailleurs que, en matière de handicap, les grandes avancées ont été réalisées par la droite : loi « Veil » en 1975, loi en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés de Philippe Seguin en 1987, alors que Jacques Chirac était Premier ministre, et loi du 11 février 2005, sous la présidence de Jacques Chirac. Je constate aussi aujourd'hui que, si la gauche a préféré ne pas voter cette dernière loi, c’est en définitive parce que cela lui laisse beaucoup plus de facilités pour émettre des critiques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C’est une simple constatation, chers collègues de l’opposition, alors que nous avons si souvent dit que le traitement du problème du handicap devait dépasser les clivages politiques…

Cela étant, j’estime pour ma part que la loi du 11 février 2005 a apporté des acquis majeurs, l’un de ces acquis étant la prise en compte, pour la première fois, du handicap psychique et du handicap mental, même si cette avancée est d’une mise en œuvre difficile.

Comme Bernadette Dupont, j’avoue donc avoir quelque peu souffert cet après-midi en entendant parler toujours de « situation de handicap », alors que la question de la définition même du handicap me semblait avoir été définitivement tranchée lors de l’élaboration de la loi du 11 février 2005. La référence à la situation de handicap me paraît en effet relever d’un euphémisme dangereux, même si elle émane de personnes bien intentionnées.

Le handicap est avant tout un état, dont les conséquences placent les personnes qui le subissent dans une situation qu’il faut s’efforcer d’améliorer ; mais l’amélioration de l’environnement ne changera malheureusement rien à l’état des personnes handicapées. On parle bien de l’« état de santé », qui d’ailleurs justifie une compensation avec l’attribution de la PCH et de l’AAH.

La réflexion du Sénat a été à mon avis assez poussée sur ce point et a abouti à une définition complète et réaliste du handicap sur laquelle je tiens absolument à ce que l’on ne revienne pas. Une société qui fait face, sans détours ni euphémismes, aux réalités, même lorsqu’elles sont difficiles à accepter, est mieux préparée à les surmonter.

Ces précisions étant apportées, j’aborderai quelques-uns des thèmes évoqués.

S’agissant des MDPH, Annie Jarraud-Vergnolle et moi-même avons conduit une mission d’information au terme de laquelle nous avons abouti au même constat. Ce constat, quel est-il ?

D’abord, le recours à un groupement d’intérêt public, qui avait été tant décrié, a permis une assise du statut juridique, aujourd'hui reconnu par tous les départements.

Ensuite, il est clair qu’une stabilisation des personnels mis à disposition des MDPH est nécessaire. C’est la raison pour laquelle j’ai opté pour le détachement des personnels pour une période de cinq ans renouvelable sans limitation de durée. Cette solution présente l’avantage de donner aux MDPH une meilleure visibilité financière et de faciliter la gestion des ressources humaines. Madame la secrétaire d’État, je compte sur vous pour que nous puissions en discuter lors de l’examen de la proposition de loi que j’ai déposée avec un certain nombre de mes collègues.

Je souhaite également, comme l’ensemble de mes collègues, une amélioration du financement des MDPH.

La proposition de loi susvisée prévoit ainsi l’exonération de la taxe sur les salaires et la mise en place d’une convention triennale définissant les moyens mis à la disposition des MDPH pour trois années, en particulier le montant de la rémunération des personnels que l’État s’est engagé à transférer à chaque maison départementale dans la convention constitutive. Les MDPH disposeront ainsi des moyens financiers nécessaires pour embaucher du personnel, dans l’hypothèse où les postes que l’État a pris l’engagement de transférer ne seraient pas pourvus.

Pour ce qui concerne la compensation du handicap, lors de l’élaboration de la loi, nous avons peut-être eu tort de laisser coexister l’allocation compensatrice pour tierce personne, ou ACTP, et la prestation de compensation du handicap, ou PCH.

La PCH, qui constitue une avancée considérable, pourrait être améliorée. Il convient en particulier, conformément aux vœux de l’ensemble des associations, d’assurer une meilleure prise en compte des aides humaines. La réactivation des fonds de compensation du handicap est également nécessaire, afin de diminuer le reste à charge pour les personnes handicapées.

Par ailleurs, le Président de la République a pris des engagements au sujet de l’AAH. Chacun peut aujourd’hui constater que la revalorisation de cette allocation, qui doit atteindre 25 % en 2012, est en cours. D’ores et déjà, on enregistre une revalorisation de 15 %, avancée considérable selon moi. Mais il faut mener jusqu’au bout la réforme de l’AAH, qui est restée au milieu du gué. Madame la secrétaire d’État, je compte sur vous !

Je me réjouis des propos tenus par mes collègues M. Mézard et M. de Legge sur la question de l’accessibilité ; ils ont fait preuve de beaucoup de pragmatisme. Par ailleurs, la logique du raisonnement relatif à l’accessibilité des bâtiments de Mme Dupont me paraît pertinente.

Je reconnais que des aménagements sont nécessaires, mais il ne faut pas pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ! Je m’efforcerai d’être une sentinelle vigilante mais éclairée ! Un certain pragmatisme est en l’espèce indispensable.

Il convient d’accélérer l’établissement du diagnostic et la définition des échéanciers de travaux et d’investissements, comme l’a rappelé Mme  Dupont.

Il importe également de prévoir des dérogations, dans une juste mesure, et sous le contrôle du Conseil national consultatif des personnes handicapées et des commissions départementales d’accessibilité pour les constructions neuves. Je suis en effet conscient des difficultés que les promoteurs et les architectes rencontrent et que je connais, en ma qualité d’élu d’une zone de montagne.

Il ne faut pas non plus baisser la garde en matière de constructions neuves. Je partage le point de vue de Mme Dupont : il s’agit d’une priorité ! La question ne concerne pas uniquement les personnes handicapées. Il est néanmoins possible d’engager une réflexion globale sur le logement social, comprenant aussi la question des surcoûts entraînés par les contraintes de sécurité et d’environnement.

N’oublions pas que, en raison du vieillissement de la population, toute personne qui deviendra dépendante se trouvera dans la même situation que les personnes souffrant aujourd’hui d’un handicap moteur.

M. Paul Blanc. Des progrès considérables ont en outre été accomplis en matière de scolarisation des enfants handicapés, comme l’a souligné mon collègue M. de Legge, puisqu’une une progression de 40 % a été enregistrée depuis 2005 à cet égard. Certes, ces efforts sont importants, mais il faut poursuivre dans cette voie.

Ainsi, il convient de parvenir à une plus grande professionnalisation des auxiliaires de vie scolaire.

Il faut assurer la continuité de l’accompagnement des enfants handicapés, accompagnement qui leur est nécessaire non seulement pendant le temps scolaire, mais aussi en dehors, et conserver autant que possible la compétence des AVS en développant la validation des acquis de l’expérience ainsi que les passerelles vers le secteur médico-social.

Je suis personnellement favorable à une délégation de service public aux associations de services à la personne pour une prise en charge au cours et en dehors du temps scolaire.

J’en viens maintenant à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Il est nécessaire d’aménager les conditions de décompte pour les professions exigeant des aptitudes particulières, comme celles de pompier ou d’assistante maternelle. Le coefficient de minoration prévu par la loi n’est pas suffisant. Il faudra certainement aller plus loin. En effet, les pompiers opérationnels ne peuvent être aveugles ou tétraplégiques ! Il est nécessaire de faire preuve de bon sens, sans remettre en cause le principe, par exemple en dissociant les emplois administratifs des autres emplois.

En matière d’insertion professionnelle, il importe de renforcer le rôle du réseau Cap Emploi, dont la compétence spécifique en matière d’insertion professionnelle des personnes handicapées est aujourd'hui reconnue.

Il faut revoir la gouvernance des politiques en faveur de l’emploi des personnes handicapées et redonner à l’État et au service public de l’emploi tout leur rôle. En effet, les fonds collecteurs, en particulier l’AGEFIPH, ont eu tendance à s’arroger des prérogatives qui appartiennent en réalité à l’Etat. Ce dernier doit assurer son rôle de tutelle sur les deux fonds collecteurs que sont l’AGEFIPH et le FIPHFP.

Enfin, je veux mettre l’accent sur la formation professionnelle, tant il est vrai que le manque de qualification constitue un obstacle majeur à l’insertion professionnelle des personnes handicapées.

Pour conclure, je souhaite souligner que le rôle des départements, qui ont en grande majorité joué le jeu, est essentiel. Néanmoins, l’État doit maintenir son engagement en faveur du handicap, qui relève incontestablement de la solidarité nationale, afin de préserver l’équité territoriale.

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a également joué un rôle primordial en la matière et je souhaite qu’elle puisse continuer à œuvrer comme elle l’a fait jusqu’à présent. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. René Teulade.

M. René Teulade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après ce numéro d’autosatisfaction (Exclamations sur les travées de lUMP.), je vais simplement relever le plus objectivement possible ce qu’il nous reste à faire. Je traiterai essentiellement le problème des retraites.

Le dossier des retraites des personnes handicapées et de leurs proches, écarté de la loi du 11 février 2005, sera au premier plan de l’actualité, étant donné le présent débat sur les retraites en général.

Certes, il s’agit d’un problème complexe. Mais la situation des personnes en situation de handicap vivant sous le seuil de pauvreté – elles sont au nombre de un million – est socialement intolérable, et ce d’autant plus que la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées est entrée en vigueur dans notre pays depuis le 20 mars dernier.

La loi du 11 février 2005 a certes permis de lever certains obstacles juridiques, en particulier la barrière d’âge de soixante ans. Cependant, tous les effets de cette barrière d’âge n’ont pas été neutralisés sur le plan tant des prestations et pensions versées aux personnes en situation de handicap que du droit à la retraite de ces dernières et de leur accès à des structures d’hébergement adaptées.

Je vous propose, mes chers collègues, de passer en revue quelques-unes de ces anomalies.

Tout d’abord, les titulaires de pension d’invalidité voient souvent leurs revenus diminuer lors de la conversion de leur pension d’invalidité en pension de vieillesse pour inaptitude à l’âge de soixante ans. Seuls les titulaires d’une pension d’invalidité liquidée avant le 31 mai 1983 peuvent prétendre à une pension de vieillesse qui ne peut être inférieure à la pension d’invalidité dont ils bénéficiaient à l’âge de soixante ans.

Ensuite, la bonification de 10 % de la pension de retraite accordée aux parents de trois enfants n’est pas prévue pour les parents d’un enfant handicapé.

Par ailleurs, la majoration de durée d’assurance pour les assurés ayant élevé un enfant handicapé ne profite pas aux assurés de tous les régimes de sécurité sociale ! Si son bénéfice est accordé aux assurés du régime général, aux commerçants, artisans, industriels, par exemple, les marins, les employés d’EDF, de la SNCF et les professions libérales ne sont pas concernés. Une harmonisation de l’état de droit en la matière est donc souhaitable.

De même, le dispositif de retraite anticipée des travailleurs handicapés ne bénéficie pas aux assurés de l’ensemble des régimes de sécurité sociale.

L’article L 351-1-3 du code de la sécurité sociale prévoit un dispositif de retraite anticipée pour les assurés lourdement handicapés relevant du régime général, du régime agricole, du régime des non-salariés, des professions artisanales, industrielles et commerciales.

Les assurés de ces régimes, qui travaillent ou ont travaillé tout en étant atteints d’une incapacité permanente au moins égale à 80 % ou d’un handicap de niveau équivalent et qui remplissent par ailleurs les conditions d’assurance et de cotisations, ont la possibilité de partir de manière anticipée à la retraite dès l’âge de cinquante-cinq ans, au lieu de soixante ans, au taux plein de 50 %. Les assurés relevant d’autres régimes ne peuvent pas bénéficier de cette mesure.

D’autre part, le dispositif de retraite anticipée des travailleurs handicapés ne bénéficie pas aux personnes dont le handicap est survenu au cours de leur carrière, à la suite d’un accident, par exemple.

Par ailleurs, un certain nombre d’associations nous ont indiqué que certains assurés handicapés souhaiteraient pouvoir bénéficier d’un âge minimal de départ en retraite inférieur à cinquante-cinq ans, dès lors qu’ils remplissent une condition de durée d’assurance de cent vingt trimestres.

En outre, les salariés qui ont fait valoir leur droit entre les mois de juillet 2004 et de mars 2005 n’ont pu bénéficier de la majoration de pension de retraite anticipée.

Enfin, l’attribution de la majoration pour aide constante d’une tierce personne n’a pas été étendue aux titulaires d’une pension de vieillesse attribuée de manière anticipée aux travailleurs handicapés.

Face à de telles inégalités de traitement, il est indispensable que, dans ce domaine particulièrement sensible, une harmonisation de l’état de droit soit réalisée dans les meilleurs délais, afin que le droit à la dignité pour tous nos concitoyens soit réaffirmé et devienne enfin une ambition sociale commune et partagée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier les membres du groupe socialiste et du RDSE d’avoir pris l’initiative de ce débat sur l’application de la grande loi de 2005 sur le handicap.

Paul Blanc a eu raison de rappeler que nous devons d’abord ce débat à la réforme constitutionnelle voulue par le Président de la République, qui permet au Parlement de faire le bilan de l’application des lois qu’il a votées.

Nous nous retrouverons de nouveau, dans un proche avenir, pour examiner la proposition de loi déposée par Paul Blanc et plusieurs de ses collègues ; nous le devrons, là encore, à cette réforme constitutionnelle, qui permet désormais un partage de l’ordre du jour des assemblées entre les textes du Gouvernement et ceux du Parlement.

J’ai entendu nombre de remarques constructives, et aussi des critiques. Il est bon de rappeler que, en trente ans, deux grandes lois ont été adoptées en faveur des personnes handicapées : la loi du 30 juin 1975, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, et la loi du 11 février 2005, portée par le président Jacques Chirac. Ces deux textes étaient très attendus par les personnes handicapées.

La loi de 2005, c’est cette majorité qui l’a souhaitée, et qui l’a adoptée. Je regrette d’ailleurs que le parti socialiste n’ait pas voté ce texte, qui apporte beaucoup aux personnes handicapées.

M. Roland Ries. Qui paie ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Le regard porté par la société sur le handicap a changé. Voilà quelques années, on le cachait, car on en avait honte. La loi de 1975 a permis de modifier cet état de fait. Quant à la loi de 2005, elle a posé le principe, très important, de la citoyenneté des personnes handicapées. J’avais eu l’honneur, lorsque j’étais députée, d’animer une table ronde sur l’accessibilité. Il avait alors été rappelé que les personnes handicapées étaient des citoyens à part entière. Nous devons donc tout faire pour leur permettre de vivre normalement au sein de la cité, d’accéder à la culture, aux transports, aux vacances – j’y reviendrai ultérieurement –, à la scolarité et à la formation.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué le problème de l’emploi des personnes handicapées. Il est vrai que leur taux de chômage est deux fois supérieur à celui des personnes valides. Quant à leur niveau de formation, il est encore trop limité : 83 % des personnes handicapées n’ont pas obtenu de diplôme supérieur au brevet d’études professionnelles.

Nous avons encore beaucoup d’efforts à accomplir, au-delà de la loi, ne serait-ce que pour casser les barrières existantes. On constate ainsi que les parents d’enfants handicapés pratiquent souvent une forme d’autocensure, car ils se demandent si leurs enfants parviendront à suivre une formation classique. Et l’on observe un phénomène identique chez les enfants handicapés eux-mêmes. L’orientation des enfants valides est déjà complexe ; pour les enfants handicapés, c’est un véritable casse-tête !

Nous avons signé une charte avec les entreprises du CAC 40, qui font figure de « locomotives », afin de faire davantage de place aux enfants handicapés. Nous serons donc présents aux côtés de ces entreprises, lors des salons spécialisés dans l’orientation, pour montrer que, en ce domaine, notre société et les entreprises évoluent.

Plusieurs orateurs ont rappelé que le dispositif de surcontribution des entreprises avait été reporté de six mois. Mais il ne s’agit que d’un délai de trésorerie.

Il était absolument légitime, en cette période de grave crise économique et financière, au moment où nous luttons pour l’emploi pour tous, de se pencher sur la situation des entreprises les plus en difficulté et les plus fragilisées par cette crise, c’est-à-dire les PME. En ne leur accordant pas ce délai de trésorerie, nous aurions compromis encore davantage le recrutement des personnes handicapées par ces sociétés. Ce report était donc nécessaire.

Monsieur Teulade, vous avez reproché à Paul Blanc de faire de l’autosatisfaction. Permettez-moi de vous dire qu’il a raison, car il s’est fortement impliqué non seulement lors de l’adoption de la loi de 2005, mais aussi sur le terrain !

Vous avez parlé des retraites pendant quatre minutes, sans émettre la moindre proposition : vous n’avez fait que passer de la critique à l’observation et de l’observation à la critique, conformément à la pratique actuelle du parti socialiste, qui ne propose rien non plus en matière de retraites ! (M. Paul Blanc applaudit. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Et il semble que Mme Aubry soit revenue de son voyage en Chine sans avoir trouvé la recette miracle... C’est toujours la même histoire !

Votre position, qui consiste à multiplier les critiques sans lancer aucune piste de réflexion, est tout à fait décalée dans un tel débat. C’est dommage pour les cinq millions de personnes handicapées !

Mme Annie David. Depuis le début de son intervention, elle n’a toujours rien dit !

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Au mois de juin 2007, le président Nicolas Sarkozy formait le vœu que pas un seul jour ne passe, pendant les cinq années à venir, sans que nous travaillions au service des personnes souffrant d’un handicap, des personnes fragiles et de leurs familles. Et il avait promis, au cours de la campagne de l’élection présidentielle, une revalorisation sans précédent de l’AAH, de l’ordre de 25 %.

Comme Paul Blanc l’a rappelé, nous respectons ce calendrier : au 1er avril, nous avions déjà atteint la phase moyenne d’augmentation et de revalorisation de l’AAH, soit 12,1 %. Ce rythme sera tenu jusqu’en 2012.

Le Président de la République s’était également engagé en faveur d’un plan de création de 50 000 nouvelles places en établissement. Là encore, grâce au vote de la majorité parlementaire dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le calendrier de création de ces places est respecté. C’est important de le rappeler !

La loi du 11 février 2005, contre laquelle le groupe socialiste a voté, a fait naître des attentes que nous ne pouvons décevoir. Il faut la mettre pleinement en œuvre : 120 décrets et arrêtés d’application ont été pris en trois ans. La mobilisation sans précédent des pouvoirs publics a permis d’atteindre les principaux objectifs qui sous-tendent cette loi.

C’est un travail considérable, qui a été réalisé par le Gouvernement et sa majorité, en totale concertation avec les associations de personnes handicapées, notamment à travers le CNCPH, devant lequel je me suis déjà exprimée deux fois depuis ma nomination à ce secrétariat d’État. En outre, je reçois régulièrement – tous les deux mois, en moyenne... – le comité d’entente des associations représentatives de personnes handicapées. Je mets un point d’honneur à respecter une méthodologie qui permette d’avancer avec ces associations.

Le handicap n’est d’ailleurs pas l’affaire d’un secrétariat d’État en particulier, en l’occurrence le mien : c’est celui du Gouvernement tout entier. Toutes les politiques publiques sont concernées, car notre mot d’ordre est l’accès au droit commun pour tous. Tel est le sens de l’installation par le Premier ministre, le 9 février dernier, du comité interministériel du handicap, le CIH, qui réunit désormais tous les ministres chargés de garantir la mise en œuvre opérationnelle de la loi du 11 février 2005.

La politique du handicap de ce gouvernement, c’est aussi un effort extrêmement important de la nation en faveur des personnes handicapées : la masse globale des crédits consacrés au handicap représente tout de même 39 milliards d’euros. Des plans ambitieux sont mis en place, parmi lesquels figure, au premier chef, le plan de création de 50 000 places en établissement, doté de 1,5 milliard d’euros.

Nous avons eu à cœur de répondre aussi aux besoins spécifiques de certains types de handicap par des plans plus sectoriels.

C’est le cas du plan autisme 2008-2010, auquel sont dédiés plus de 200 millions d’euros. Dans le cadre de ce plan, nous avons expérimenté les méthodes dites « comportementalistes », notamment la méthode ABA, ou analysis behavior applied, ce qui signifie en français « analyse appliquée du comportement ». Les résultats obtenus dans les structures que j’ai visitées sont impressionnants.

Le Schéma national d’organisation sociale et médico-sociale pour les handicaps rares 2009-2013 est doté de 35 millions d’euros, le plan handicap visuel 2008-2011 de 80 millions d’euros et le plan en direction des personnes sourdes ou malentendantes de 52 millions d’euros. Par ailleurs, le Premier ministre a demandé à Roselyne Bachelot-Narquin et à moi-même de mettre en place un plan pour les traumatisés crâniens, qui verra bientôt le jour.

Pour répondre plus précisément à l’ensemble de vos questions, j’organiserai mes réponses autour des deux grands piliers de la loi : « l’accès à tout pour tous », d’une part, et la compensation, d’autre part.

J’en viens à l’architecture institutionnelle et à la simplification administrative, en évoquant les maisons départementales des personnes handicapées et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées, la CNSA.

Monsieur Daudigny, puisque vous avez cité la CNSA, je vous rappellerai que, grâce à la journée de solidarité de nos concitoyens en faveur des personnes âgées et handicapées, disposition adoptée par notre majorité parlementaire sous le gouvernement précédent, les fonds de cette caisse ont été augmentés de 2 milliards d’euros.

L’accessibilité concerne non seulement le handicap moteur, mais aussi le handicap sensoriel, psychomoteur et mental. La question de l’accessibilité ne concerne pas uniquement les fauteuils roulants, comme je l’entends bien souvent dire ; il faut penser de façon globale à la personne handicapée.

Pour aider à mettre en œuvre une véritable accessibilité, nous avons créé l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle. Cette notion de « conception universelle » est définie dans la déclaration onusienne, et internationale, pour les personnes handicapées. Elle signifie que toutes les personnes, qu’elles vivent en France ou qu’elles se déplacent dans d’autres pays, ont le droit de bénéficier d’une accessibilité.

J’ai été choquée par certains propos entendus tout à l’heure dans cette assemblée. Par exemple, pour M. Jean Louis Masson, qui a évoqué le milieu rural et qui avait d’ailleurs voté la loi de 2005, réaliser des travaux d’accessibilité dans une église où la messe n’a lieu qu’une fois par an n’est pas justifié.

Indépendamment de ma fonction de secrétaire d’État, je suis moi aussi élue d’une circonscription rurale. J’ai pu le constater, bon nombre de communes, y compris des petites – le cas de communes de cent habitants a été cité, mais j’en connais qui n’en comptent que trente-cinq ! –, déposent des projets d’accessibilité, malgré la faiblesse de leur budget, l’État y participant au travers de la dotation globale d’équipement. Comme Mme Bernadette Dupont l’a rappelé, les communes, même en milieu rural, doivent faire preuve de beaucoup de bon sens et de pragmatisme pour établir leurs priorités.

Alors, si une fois par an une personne handicapée peut entrer dans cette église que j’évoquais précédemment, je vous l’affirme, je m’en réjouirai ! Le handicap est l’affaire de tous ! On peut naître handicapé, mais on peut aussi le devenir à la suite d’un accident ou d’une maladie. Cela peut concerner chacun d’entre nous, un membre de notre famille, notre enfant, un voisin ou un ami : nous sommes tous concernés ! Il ne faut pas l’oublier, demain, le handicap peut nous frapper nous aussi ! Il faut en prendre conscience.

Je fais toute confiance à votre collègue Mme Sylvie Desmarescaux, présidente de l’Observatoire, pour mener à bien le chantier de l’accessibilité.

Par ailleurs, 1 000 commissions communales et 400 commissions intercommunales ont été créées. Nous devons « penser » l’accessibilité au sens large, mais nous devons aussi aider à une meilleure accessibilité, avec un centre de ressources et de conseil.

Certaines communes qui ont réalisé des travaux n’ont pas pensé à tous les champs d’accessibilité et le regrettent. C’est dommage, en effet. Cet Observatoire incarne le besoin d’un centre de ressources et de conseil, de diagnostics et d’aide.

C’est vrai, 2015, c’est demain. Beaucoup déjà ont fait des efforts. Je vous invite à aller voir combien la ville de Vichy, par exemple, s’est transformée et est devenue accessible aux personnes handicapées de manière absolument remarquable et sur tous les champs de handicaps. Les progrès sont donc possibles.

Il faut évidemment agir dans la durée ; on ne transforme pas une commune d’un coup de baguette magique ! On le voit très bien, des actions peuvent être mises en œuvre. Je me réjouis d’ailleurs de constater que nombre de communes se sont déjà engagées dans cette voie.

J’en viens aux transports. Je veux que très vite la France offre des transports accessibles partout et pour tous ! Quel que soit le problème de mobilité, on devra pouvoir circuler et utiliser les différents services sans recourir à l’aide d’un tiers. De nombreux investissements ont été réalisés pour éradiquer les difficultés de mobilité rencontrées dans les gares, les stations, les aéroports et dans les transports en général. Mais la triste expérience vécue par Marie-Patricia Hoarau sur le vol Paris-Nice, le mois dernier, démontre que nous devons poursuivre nos efforts.

Les incidents survenus nous ont amenés, M. Dominique Bussereau et moi-même, à réunir l’ensemble des acteurs du réseau des transports et les associations autour d’une table ronde le 3 juin prochain. Ces travaux se prolongeront par ceux de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, qui dressera un état des lieux, identifiera et recensera les obstacles qui peuvent encore exister sur l’ensemble de la chaîne du déplacement dans les transports.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué les logements neufs. Je vous le rappelle, le Conseil d’État a annulé, pour des raisons de forme, le décret autorisant les dérogations dans les constructions neuves.

Nous partageons profondément le point de vue des associations – je pense notamment à l’Association des paralysés de France, l’APF – relatif à la nécessité d’aménager l’obligation d’accessibilité, précisément pour lui donner plus de force.

Nous devrons trouver un cadre adéquat, extrêmement précis et restrictif pour débloquer les projets immobiliers en cours. Nos précédentes tentatives législatives ont échoué devant le Conseil d’État, puis devant le Conseil constitutionnel, pour des questions de pure forme.

Je le dis très solennellement devant la Haute Assemblée : j’associerai pleinement les associations au travail de rédaction des dispositions adéquates, la seule méthode qui vaille étant celle de la concertation.

C’est pour cette raison d’ailleurs que les amendements déposés dans le cadre du projet de loi Grenelle II n’ont pas été défendus. Je l’ai dit aux parlementaires auteurs de ces amendements : nous devons nous concerter avec les associations.

Un véhicule législatif semble plus approprié : la proposition de loi de M. Paul Blanc, qui devrait permettre d’introduire les mesures nécessaires, une fois la concertation menée à son terme et avec la garantie d’atteindre les objectifs que nous nous fixons.

Vous avez été nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à évoquer la question de la scolarisation, et je le comprends puisqu’il s’agit d’un enjeu important. Dès le mois de juin dernier, le Président de la République affirmait l’exigence de la scolarisation pour les enfants handicapés. Aujourd’hui, 180 000 d’entre eux sont scolarisés à l’école ordinaire, soit 30 % de plus qu’en 2004. C’est l’un des grands acquis de la loi du 11 février 2005 et, reconnaissons-le, un défi que l’éducation nationale a su relever.

Quant aux difficultés d’accès au bâti rencontrées par le jeune handicapé moteur que vous avez cité, madame Hermange, leur résolution relève également des collectivités locales, comme vous le savez. S’agissant du handicap, nous sommes tous coresponsables. (Mme Marie-Thérèse Hermange fait un signe d’approbation.)

La scolarisation en milieu ordinaire nécessite parfois que l’enfant handicapé soit accompagné par un auxiliaire de vie scolaire : près de 54 000 enfants sont désormais accompagnés individuellement. Lors des deux dernières rentrées scolaires, 4 700 AVS ont été recrutés, soit une augmentation de presque 50 %, portant leur nombre à près de 10 000 équivalents temps plein.

Mais à mesure de cette évolution, l’impératif de la qualité de l’accompagnement a émergé de plus en plus fortement : les familles attendent que l’AVS soit formé et sache s’adapter à la situation particulière de l’enfant. M. Luc Chatel et moi-même avons donc lancé une grande concertation sur ce sujet, afin de déterminer la professionnalisation nécessaire et de créer une réelle filière de métiers.

Nous avons travaillé afin d’élaborer une solution qui permette, d’une part, de garantir la qualité et la continuité des accompagnements pour les enfants qui en ont besoin, et, d’autre part, de maintenir l’implication forte de l’éducation nationale dans ce qui relève de l’accessibilité de tous à l’école, comme les familles le demandent à juste titre et comme la loi du 11 février 2005 le prévoit.

Nous avons décidé que la solution des services d’accompagnement et d’aide à domicile était la plus à même de répondre à nos objectifs. Il n’est en aucun cas question de transférer tous les AVS vers les services d’aide à domicile : il s’agit des AVS individuels, qui arrivent en fin de contrat et qui sont amenés à continuer leur accompagnement.

Nous ne nous priverons pas des associations qui se sont investies dans le dispositif transitoire de 2009. Nous avons souhaité que les deux dispositifs – le service à domicile et les associations – coexistent.

La solution proposée n’est pas figée. Nous avons décidé de mettre en place un comité de suivi du dispositif, afin de l’évaluer et de l’adapter.

Au-delà de la formation, les associations et les parents demandent – et c’est légitime – la constitution progressive de filières de professionnalisation. Ils ne veulent pas de rupture temporelle ou géographique de l’accompagnement. En effet, la vie de l’enfant handicapé ne se limite pas à l’école, elle s’étend à la famille et aux loisirs. Il faut, à terme, de vraies filières professionnelles pour mieux accompagner les enfants.

Pour ce qui concerne l’emploi, j’ai évoqué la surcontribution des entreprises. Vous avez raison, madame Pasquet, l’accessibilité, c’est aussi l’accès à l’emploi des personnes handicapées. Leur taux de chômage étant plus élevé que celui du reste de la population et leur niveau de formation étant inférieur, le constat est clair : les personnes handicapées ont plus de difficultés que les autres à mener à bien un projet professionnel.

C’est la raison pour laquelle, voilà deux ans déjà, le Président de la République a lancé le Pacte national pour l’emploi des personnes handicapées. Aujourd’hui, les entreprises s’ouvrent. On estime que 40 % d’entre elles atteignent ou dépassent le taux de 6 % de personnes handicapées employées.

Selon le baromètre « emploi et handicap », que vous avez cité vous-même, monsieur Le Menn, et qui est réalisé par le site « Missionhandicap.com » et le quotidien Le Figaro, la place des personnes handicapées dans les entreprises françaises n’a cessé de croître ces vingt dernières années.

Les trois quarts des entreprises emploient au moins une personne handicapée selon le dernier baromètre publié hier, contre seulement une sur deux voilà un an et deux sur trois voilà six mois. C’est le signe, n’en doutons pas, de l’efficacité de notre politique et de l’importance de ce sujet pour les entreprises, en dépit de la crise.

Parallèlement, l’allocation aux adultes handicapés est remaniée pour devenir un instrument facilitant l’emploi et l’insertion, lorsque la situation des personnes s’y prête.

La réforme de l’AAH est importante. J’en ai beaucoup discuté avec les associations de personnes handicapées à travers le comité d’entente. Comme vous le savez, il est possible de cumuler l’AAH et un niveau de revenus équivalent à 1,1 SMIC. Avec la réforme, ce niveau passera à 1,3 SMIC.

Il s’agit aussi de trimestrialiser l’AAH. En effet, il faut être plus réactif en fonction de la situation des personnes handicapées sur le marché du travail – en cas de perte d’emploi ou simplement de modification de la situation professionnelle. Par ailleurs, j’ai souhaité qu’il n’y ait que des gagnants, en lissant, par cette réforme, les plafonds d’abattement.

La réforme entrera en vigueur le 1er janvier prochain. Cela permettra aussi aux caisses d’allocations familiales de mieux accompagner les personnes handicapées vers cette trimestrialisation et de les informer de ce nouveau dispositif. Ce délai laissera à chacun le temps de trouver ses marques.

Notre action s’organise autour de trois axes.

Le premier axe porte sur la formation. De l’aveu de tous, c’est le grand frein à l’embauche. Je l’évoquais à l’instant, il nous faut des écoles, des universités mais aussi des centres de formation accessibles. Là encore, l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle s’y emploie.

Le deuxième axe concerne la mise en relation de l’offre et de la demande avec le renforcement et la professionnalisation du réseau Cap Emploi, la mobilisation du service public de l’emploi et des entreprises, dont les initiatives sont tout à fait innovantes.

Je pense à certaines banques, comme – je cite de mémoire – la Société générale, qui ont organisé un tour de France pour recruter des personnes handicapées ou pour mettre ces dernières en relation avec les entreprises.

Nous menons un travail de terrain et de proximité, en lien avec nos partenaires locaux. Une expérimentation est en cours dans plusieurs départements. Elle s’appuie, entre autres, sur l’AGEFIPH et sur le FIPHFP, mais aussi sur Pôle emploi et des dispositifs comme Record ou le réseau Comète France.

Enfin, le dernier axe de cette politique vise la mobilisation des employeurs. En la matière, les marges de progrès potentielles sont considérables, en particulier dans deux domaines : la sensibilisation des employeurs et la lutte contre les a priori, ainsi que le souci des carrières.

Il faut également prendre en compte les efforts réalisés grâce aux aides dont l’AGEFIPH fait bénéficier les personnes qui sont devenues handicapées. Lorsque je me suis rendue dans les locaux de la société Thales, une personne handicapée se déplaçant en fauteuil roulant à la suite d’un accident de voiture a souligné avec beaucoup d’émotion combien il était important pour elle que son entreprise ne l’ait pas mise de côté et qu’elle ait adapté son poste professionnel. Cet exemple montre que la société a beaucoup évolué et que nous consacrons les moyens nécessaires pour reconnaître le handicap de naissance, mais aussi celui qui se produit à la suite d’un accident de la vie.

J’en viens à présent au second pilier de la loi de 2005 : la création d’un véritable droit à compensation du handicap, c’est-à-dire la prise en charge, de façon personnalisée, des surcoûts de toute nature liés au handicap.

J’évoquerai tout d’abord la prestation de compensation du handicap, nouvelle allocation instaurée par la loi du 11 février 2005.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous m’avez interrogée sur l’accompagnement par l’État des dépenses nouvelles incombant aux conseils généraux. Je vous rappelle que, contrairement à ce qui s’est passé pour l’APA en 2002, nous avons voté en même temps la prestation et la ressource qui contribue à son financement, par exemple, comme je l’ai indiqué au début de mon intervention, les fonds induits par la journée de solidarité.

La montée en charge de la prestation de compensation du handicap est progressive, et cette allocation n’a sans doute pas encore atteint son niveau de croisière. Pour autant, l’État, via la CNSA, verse depuis 2006 la totalité de la ressource promise, alors même que les dépenses sont bien inférieures. Nous pouvons donc constater aujourd'hui que, depuis quatre ans, et en tenant compte des dépenses de l’allocation compensatrice pour tierce personne, qui sont intégralement à la charge des départements, le financement de la PCH, à l'échelle nationale, est assuré pour moitié par l’État et pour moitié par les conseils généraux.

Certes, des questions subsistent sur la répartition équilibrée de cette charge entre les départements. C’est le sens de la réflexion que le président de la CNSA a engagée en ce qui concerne les clefs de répartition des concours.

S'agissant de l’AAH, je rappellerai que nous nous sommes engagés à revaloriser cette prestation et surtout à permettre son cumul avec les revenus d’activité.

Pour finir, j’évoquerai les questions relatives à l’architecture institutionnelle, c'est-à-dire les maisons départementales des personnes handicapées et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées.

Comme la loi le prévoyait, les MDPH sont devenues le point unique par lequel les personnes handicapées accèdent à leurs droits. Elles ont pris toute la place qui leur était dévolue par la loi. Elles ont notamment permis de procéder à une véritable évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées.

Enfin, l’État a largement contribué à la mise en place de ces MDPH en mettant à leur disposition des agents, en remplaçant ces derniers quand ils partaient à la retraite ou décidaient de revenir dans leur administration d’origine, en leur allouant des crédits de fonctionnement – plus de 14 millions d’euros par an –, ainsi que 235 millions d’euros depuis 2006, soit 47 millions d’euros par an, et en consacrant 50 millions d’euros à leur installation.

J’en viens à la compensation des postes. Mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoit toutes les compensations de postes qui seront nécessaires au cours de cette année. Par ailleurs, le Gouvernement souhaite que le statut des personnels des MDPH, que vous avez été nombreux à évoquer, soit stabilisé.

C’est pourquoi je me réjouis que vous examiniez dans les prochaines semaines la proposition de loi déposée par votre collègue Paul Blanc et plusieurs de ses collègues, qui constitue une excellente occasion de modifier les règles qui doivent l’être.

Vous m’avez interrogée également sur l’application de l’article 13 de la loi du 11 février 2005. La mise en œuvre des grands principes qu’il édicte incombe au législateur. Je tiens toutefois à vous indiquer que je souscris aux objectifs généraux de cette disposition, même si j’en connais les limites. J’estime que nombre des dispositifs mis en place nous permettent de nous rapprocher des finalités visées.

La compensation doit dépendre non pas de l’âge de la personne concernée, mais bien de sa situation. De même qu’il est possible de devenir handicapé au cours de sa vie, il n’y a pas de fatalité à vieillir dépendant ; là encore, il s'agit d’un accident de la vie. À ce titre, nous devrions envisager le droit à compensation de la même manière dans les deux cas.

Je suis d’ailleurs extrêmement sensible à la question des personnes handicapées vieillissantes. Elle attire particulièrement notre attention, en nous montrant que certaines frontières de notre droit médico-social sont artificielles.

Nous avons déjà engagé des travaux sur ce thème, pour faire évoluer l’offre dans un sens plus satisfaisant. Nous réfléchissons aussi au problème posé par les aidants, qui vieillissent eux aussi. Voilà autant de grands défis qui nous attendent, mais qui ne sont pas faciles à relever, d’autant que les contraintes financières que la crise fait peser sur les finances locales et nationales ne peuvent être ignorées. C’est pourquoi le simple élargissement du champ des bénéficiaires de la PCH aux personnes âgées n’est pas envisageable.

Je le répète, des progrès ont déjà été enregistrés pour les personnes handicapées de plus de soixante ans. Ces dernières peuvent d'une part, conserver le bénéfice de leur PCH après cet âge et jusqu’à leur mort et, d'autre part, solliciter l’attribution de la PCH après soixante ans – mais avant soixante-quinze ans – si le handicap est survenu avant cet âge. Nous pourrons d'ailleurs réfléchir à la suppression de cette dernière limite qui, je vous l’accorde, mesdames, messieurs les sénateurs, n’a pas grand sens.

J’en viens à la question des retraites, sur laquelle, monsieur Teulade, vous m’avez interpellée sans jamais formuler la moindre proposition !

En ce qui concerne la réforme en préparation, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a lancé une phase de concertation, qui se poursuit.

À ce stade, les personnes handicapées bénéficient d’une pension au taux plein dès l’âge de soixante ans, sans décote et quelle que soit la durée de leur carrière. Toutefois, bien sûr, comme tous les autres cotisants aux régimes de retraite, elles ont été amenées à contribuer davantage.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2009, elles cotisent au moins un trimestre de plus en fonction de leur année de naissance : un trimestre pour les personnes nées en 1949, deux pour celles qui sont nées en 1950, trois pour celles qui sont nées en 1951 et quatre pour celles qui sont nées en 1952 et au cours des années suivantes.

En tout état de cause, mesdames, messieurs les sénateurs, retenez que, en matière de retraite, une personne handicapée ne peut toucher moins que le montant de l’allocation supplémentaire pour les personnes âgées, à savoir 709 euros pour une personne seule, ce qui est heureux !

Par ailleurs, les personnes handicapées bénéficient d’avantages justifiés : un régime de départ anticipé à la retraite, la validation gratuite de trimestres pour les périodes d’arrêt maladie, ou encore certaines mesures protectrices pour les personnes bénéficiant seulement de faibles ressources. Il faut ajouter à ces avantages le développement des structures d’accueil.

Nous consacrons le plus grand soin à la préservation des intérêts des personnes handicapées vieillissantes. Répondre au défi du vieillissement de la population handicapée est même une priorité pour le Gouvernement !

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre action est tout entière tournée vers la défense des personnes handicapées, avec la volonté de respecter les engagements et de conforter les avancées de la loi de 2005. Le Président de la République, les ministres et secrétaires d’État concernés, les parlementaires, qui sont pour nous autant d’alliés précieux, et les administrations souhaitent tous une mise en place rapide et efficiente de cette loi.

Monsieur Le Menn, l’histoire retiendra que, en matière de handicap, il y a ceux qui parlent, voire critiquent, et ceux qui agissent. Le Gouvernement conduit la mise en œuvre de la loi de 2005 et mène des réformes nécessaires et extrêmement difficiles, comme celle des retraites. D’ailleurs, que nul ne s’y trompe : si cette réforme avait été facile, ceux qui se trouvent aujourd'hui dans l’opposition l’auraient sans doute réalisée avant nous ! Quelles que soient les difficultés, malgré toutes les contraintes que nous subissons, je puis vous assurer que nous poursuivrons l’effort de solidarité accompli en faveur des personnes handicapées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que, malgré nos convictions différentes, nous ayons pu mener ce débat. Je me félicite de votre mobilisation, mais aussi de vos critiques, tant il est vrai qu’aucun dispositif n’est jamais parfait. Je salue vos engagements, en particulier ceux de Jacques Blanc, qui a été le rapporteur à l’Assemblée nationale de la loi de 1975, et du beau-père de Marie-Thérèse Hermange, qui, lui aussi, a largement contribué à la rédaction de ce texte.

Soyez assurés que nous poursuivrons notre mobilisation en faveur des personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec ce débat.

11

Nomination d’un membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que le groupe socialiste a présenté la candidature de Mme Maryvonne Blondin pour remplacer Jacqueline Chevé, décédée, au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Maryvonne Blondin membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

12

Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.

La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-Pierre Vial, Patrice Gélard, François Zocchetto, Simon Sutour, Jean-Claude Peyronnet et Mme Josiane Mathon-Poinat ;

Suppléants : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et MM. Yves Détraigne, Christophe-André Frassa, Antoine Lefèvre, Jacques Mézard, Jean-Pierre Sueur et Richard Yung.

13

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d'un projet de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, déposé ce jour sur le bureau de notre assemblée.

14

Transposition de la directive « Services »

Discussion d'une question orale européenne avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 5 de M. Jean Bizet à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la transposition de la directive « Services ».

La question est ainsi libellée :

« M. Jean Bizet interroge Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la transposition en droit interne de la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur, qui devait intervenir avant le 28 décembre 2009.

« Il souhaiterait plus particulièrement être informé des principales dispositions qui restent à transposer et des modalités de cette transposition, connaître l’impact de la directive sur l’exercice des professions réglementées et obtenir des éléments sur le fonctionnement des guichets uniques prévus par ce texte, les informations qu’ils permettront d’obtenir et les procédures administratives qui pourront être effectuées.

« Enfin, il voudrait savoir comment les bénéfices de la directive, en termes tant économiques que de simplification administrative, seront évalués. »

La parole est à M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, auteur de la question, dont c’est aujourd'hui la première intervention en cette qualité de président ; par solidarité géographique, je suis ravi de présider cette séance ! (Sourires.)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, auteur de la question. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre débat d’aujourd’hui illustre le rôle du Parlement en matière de transposition des directives européennes.

Les assemblées parlementaires sont naturellement amenées à adopter des textes de transposition, mais elles peuvent aussi contrôler la préparation de cette dernière par le Gouvernement et ses services. Une telle intervention n’est certes pas fréquente, mais elle gagnerait sans doute à se développer, en particulier pour les directives les plus importantes.

Tel est le cas de la directive relative aux services dans le marché intérieur, adoptée au mois de décembre 2006 et dont la transposition devait intervenir avant le 28 décembre dernier. La commission des affaires européennes a été très attentive à la préparation de la transposition de ce texte, lui consacrant deux rapports d’information, aux mois de février 2008 puis de juin 2009.

La directive « Services », en effet, n’est pas une directive comme les autres, et cela à plusieurs égards.

Sur le plan politique, elle a fait l’objet de débats très nourris, empreints parfois de propos polémiques. On se souvient de la controverse très médiatisée sur la directive Bolkestein et le fameux « plombier polonais », sans doute attisée par la proposition initiale – quelque peu maladroite, avouons-le – de la Commission européenne, qui souhaitait fonder son texte sur le principe du pays d’origine ; or ce dernier suscitait – à juste titre d'ailleurs, je le répète – de nombreuses interrogations et inquiétudes. Cette polémique a incontestablement contribué à brouiller la compréhension des véritables enjeux du texte, qui sont considérables.

La directive « Services » doit permettre de réaliser un véritable marché intérieur des services, secteur qui représente 70 % de l’économie européenne. Pour ce faire, elle facilite l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour ces derniers.

Ses dispositions ne s’appliquent pas à plusieurs domaines relevant de législations spécifiques, tels que le droit pénal, le droit du travail, la sécurité sociale ou encore la libéralisation des services d’intérêt économique général ou la privatisation d’organismes publics prestataires de services.

Toutefois, son champ d’application est très large, même si différents types de services en sont exclus, par exemple les services financiers, les soins de santé ou les services de sécurité privée.

Les enjeux d’une bonne transposition de la directive « Services » sont considérables, non seulement pour le marché intérieur européen, mais aussi pour la France. Ce texte recèle d’importantes opportunités en matière de simplification administrative, et, dans la conjoncture dégradée que nous connaissons, il peut contribuer à faciliter la sortie de crise. Il représente une chance pour les entreprises françaises, bien placées en matière de services, et devrait notamment offrir des opportunités aux PME.

De ce point de vue, j’appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité de ne pas relâcher les efforts en matière de réforme de l’État. Le contexte actuel n’est certes guère porteur, mais il ne faudrait pas que la crise relègue la transposition de la directive au second rang des priorités. Au contraire, cet exercice fait partie des réformes structurelles propices au retour de la croissance et des créations d’emplois. À cet égard, le succès du statut de l’auto-entrepreneur démontre les attentes en matière de formalités administratives simplifiées.

Comment la transposition de la directive « Services » s’est-elle déroulée ?

Cet exercice a été l’occasion pour les États membres de nouer des relations étroites avec la Commission européenne, qui a coordonné leurs travaux de transposition et leur a apporté son assistance technique. J’ai pu moi-même constaté que notre pays avait participé de façon active.

Pour transposer la directive « Services », la France a fait le choix de ne pas invoquer l’article 38 de la Constitution pour recourir aux ordonnances. Je me félicite de cette décision, qui a le mérite de permettre au Parlement de débattre des mesures de transposition. La France a également écarté la solution, retenue par certains États membres, d’une loi-cadre, qui me semble peu appropriée pour transposer un texte aussi technique, dont le champ est particulièrement large et transversal.

La transposition est donc effectuée par l’instillation de plusieurs dispositions dans différents projets ou propositions de loi. Je n’en donnerai que quelques exemples, de crainte de me livrer à un exercice fastidieux : la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, qui a notamment confié la mise en place des guichets uniques aux centres de formalités des entreprises, ou la loi de développement et de modernisation des services touristiques du 22 juillet 2009.

Cette méthode permet de mieux adapter la transposition aux différents secteurs sur lesquels elle porte, mais présente toutefois deux inconvénients.

D’une part, elle rend la transposition moins lisible.

Les enjeux de la transposition de la directive « Services » ne sont pas toujours bien compris. Je pense que nous avons été nombreux dans cet hémicycle à être saisis par des professionnels inquiets des effets de la directive sur leurs conditions d’exercice. Le plus souvent, un examen de leur dossier a révélé que ces professions n’étaient pas concernées par cette directive ou que les évolutions potentielles ne leur étaient pas imputables. C’est par exemple le cas des notaires. La Commission européenne a certes engagé un recours contre les conditions d’exercice de cette profession dans notre pays, mais ce dernier n’est pas motivé par la directive « Services » qui exclut explicitement les notaires de son champ d’application.

L’évolution de nombre de professions réglementées n’est pas liée à la transposition de la directive « Services », mais relève d’une politique d’ensemble de modernisation de certains secteurs, celle du système judiciaire par exemple. Ainsi le rapport que Me Jean-Michel Darrois a consacré aux professions du droit évoque-t-il à peine les conséquences de la transposition de cette directive. La confusion existe cependant et, faute d’information, risque de faire jouer à la directive « Services » un rôle de bouc émissaire.

Je souhaite donc, madame la secrétaire d'État, que vous nous indiquiez les mesures que le Gouvernement a prises ou prendra pour faire mieux connaître les implications de la directive « Services » auprès des professions réglementées et des milieux professionnels, en général. Pouvez-vous nous informer sur le lancement d’éventuelles campagnes de communication ?

D’autre part, la méthode de transposition retenue par le Gouvernement ne permet pas de pleinement respecter l’échéance, en raison de l’encombrement de l’ordre du jour des assemblées.

La transposition de la directive « Services » devait être achevée le 28 décembre dernier. Force est de constater qu’elle ne l’est pas complètement, ni en France ni d’ailleurs dans la plupart des États membres. Selon la Commission européenne, vingt pays, dont le nôtre, n’ont pas achevé la transposition.

Certes, compte tenu de l’ampleur des travaux que requiert une transposition complète et définitive de ce texte, une approche réaliste a prévalu, consistant à transposer la directive de façon progressive. La transposition ne doit en effet pas être bâclée. Il n’en demeure pas moins que la Commission européenne a indiqué à plusieurs reprises qu’elle ne ferait pas preuve d’une indulgence particulière avant de déclencher les procédures d’infraction en cas de retard de transposition.

Or un nombre non négligeable de mesures de transposition ne sont toujours pas définitivement adoptées. Plusieurs d’entre elles figurent dans des textes en cours d’examen devant les assemblées parlementaires, et il n’est pas certain que ces derniers soient tous votés avant la rentrée. Je pense, par exemple, au projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel, qui prévoit la fusion des professions d’avocat et d’avoué, à la proposition de loi tendant à modifier la loi du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, à la proposition de loi visant à encadrer la profession d’agent sportif ou encore à la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous donner des éléments quant au calendrier de l’examen des différents textes contribuant à cette transposition qui sont actuellement en navette ? Comment évaluez-vous le risque et les conséquences d’un éventuel recours en manquement pour retard de transposition ?

J’en viens maintenant aux guichets uniques prévus par la directive « Services » pour fournir des informations facilement accessibles aux prestataires et aux destinataires de services et pour permettre aux prestataires d’accomplir l’ensemble des procédures et formalités relatives à l’accès et à l’exercice des activités de services à distance et par voie électronique. Les guichets uniques constituent l’une des dispositions les plus novatrices de la directive « Services ». Leur bon fonctionnement permettra de se prononcer sur le succès de ce texte et d’en tirer toutes les opportunités.

En France, les guichets uniques électroniques sont ambitieux. Ils doivent fournir trois types de services : tout d’abord, permettre la création d’entreprises de façon totalement dématérialisée, ensuite, délivrer des informations sur les professions concernées, sous formes de fiches, enfin, effectuer des procédures administratives.

Le portail électronique de la création d’entreprise a été ouvert au mois de janvier dernier. S’il délivre effectivement un certain nombre d’informations sur les professions du secteur des services, ce guichet unique ne permet pas encore d’effectuer des procédures administratives en ligne.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous présenter un premier bilan de l’utilisation de ce site Internet et nous apporter des précisions sur la date à laquelle les procédures administratives pourront être effectuées en ligne et sur la disponibilité d’informations dans d’autres langues, notamment en anglais, afin que le guichet unique français puisse être véritablement utilisé par les prestataires de services des vingt-six autres États membres ?

La période actuelle est particulièrement importante. La transposition de la directive « Services » n’est pas achevée. L’année en cours nous donne l’occasion de mesurer les premiers effets du texte et aussi d’adopter les dernières mesures de transposition. Par ailleurs, les États membres ont dû présenter à la Commission européenne un rapport de synthèse sur les différentes dispositions qu’ils ont introduites pour transposer la directive ; la France l’a fait le 20 janvier dernier. Ces rapports sont transmis à l’ensemble des États membres, appelés à formuler leurs observations dans le cadre d’une procédure d’évaluation mutuelle. Cet exercice est important, car il incite les États membres à coopérer lors de la mise en œuvre de la directive.

En effet, il ne faudrait pas qu’un retard trop important de certains États membres introduise une distorsion de concurrence qui pénaliserait les États les plus avancés, dont les prestataires de services ne pourraient bénéficier d’une bonne transposition de la directive à l’étranger, contrairement aux ressortissants des États retardataires.

La Commission européenne doit ensuite déposer un rapport d’ensemble sur l’application de la directive « Services », accompagné, le cas échéant, de propositions de modifications. Selon moi, il n’est d’ailleurs pas inenvisageable que certains secteurs aujourd’hui exclus du champ de la directive y soient à l’avenir intégrés, à la demande des professionnels eux-mêmes, qui trouveraient finalement un intérêt à être couverts par les dispositions du texte, certaines des exclusions actuelles ayant des justifications plus politiques qu’économiques. Laissons encore à ces professions le temps de la réflexion.

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au mois de décembre dernier, notre collègue Jean Bizet, devenu entre-temps le nouveau président de la commission des affaires européennes, ce dont je le félicite, a pris l’initiative d’interpeller le Gouvernement sur l’état d’avancement de la transposition de la directive « Services ». Cette directive, appelée en son temps « directive Bolkestein » et connue pour les nombreux remous qu’elle a suscités dans l’opinion publique européenne en général et française en particulier, devait être transposée au plus tard le 28 décembre 2009. À ce jour, ce n’est toujours pas le cas ; elle n’est transposée que partiellement. La question de Jean Bizet, déposée au terme de l’échéance de la transposition, arrive donc à point nommé.

L’interpellation de notre collègue fait directement écho aux deux rapports d’information qu’il a publiés respectivement au mois de février 2008 et au mois de juin 2009 sur cette directive. Il évoquait à juste titre, me semble-t-il, la question des guichets uniques logiquement mis en place dans le second temps de la transposition. Mais il insistait avant tout – et c’est sur ce point que portera mon intervention – sur les modalités de la transposition. Dans son second rapport, il faisait un état des lieux de l’action du Gouvernement à six mois de l’échéance et s’en tenait donc peu ou prou à justifier les choix gouvernementaux. Je ne m’y attarde donc pas. En revanche, dans son premier rapport, qui se voulait un outil de travail, Jean Bizet recommandait au Gouvernement de transposer la directive sous la forme « d’un texte autonome », et ce pour éviter de voir « le Parlement [...] privé à la fois d’un débat de fond sur les enjeux de la transposition et de son droit d’amendement des dispositions proposées ».

M. Roland Ries. Notre collègue soulignait le risque de voir l’opinion publique « tenue à l’écart, voire dans l’ignorance de l’impact concret [de la] directive ».

Mme Annie David. C’est ce qui se passe !

M. Roland Ries. Il est exact que choisir une autre voie que la voie parlementaire pourrait faire craindre – je reprends une nouvelle fois les termes employés par mon collègue aux pages 38 et 39 de son rapport – une transposition « en catimini ». Je ne peux qu’approuver ce point de vue, car j’ai aujourd'hui le sentiment que c’est ce à quoi nous assistons. (Mme Annie David acquiesce.)

Je ne peux que me réjouir de voir certains de mes collègues de la majorité se saisir de ce sujet et s’interroger. Dans le même temps, je m’en étonne, compte tenu de la manière dont la proposition de loi relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive « Services » que j’ai présentée à la Haute Assemblée le 25 mars dernier – c'est-à-dire tout récemment – a été accueillie et discutée : ce débat ne m’a pas semblé susciter un enthousiasme très grand !

M. Roland Ries. Et, à en juger par le nombre de sénateurs présents dans l’hémicycle, ce n’est guère plus le cas aujourd'hui !

Mme Annie David. Encore moins !

M. Roland Ries. C’est pourtant un sujet essentiel.

Le texte que j’ai soumis au Sénat, sur lequel aucun amendement n’a été déposé, a évidemment été repoussé, sans véritable discussion de fond. Pourquoi, dès lors, inscrire à l’ordre du jour une question orale européenne avec débat sur un sujet abordé quelques semaines auparavant, quand on sait que la discussion a été alors peu ou prou escamotée ?

Mme Annie David. Oui, c’est le terme !

M. Roland Ries. La proposition de loi s’inscrivait pourtant pleinement dans le prolongement du rapport de M. Bizet, puisqu’elle avait pour objet de permettre la tenue d’un débat devant les représentants de la nation. Ce débat n’a pu avoir lieu, n’étant manifestement pas souhaité. Je doute qu’il en soit autrement aujourd'hui.

Mme Annie David. Ce ne sera pas différent !

M. Roland Ries. Madame la secrétaire d'État, je m’étonne que le Gouvernement refuse l’idée même d’une loi-cadre pour transposer cette directive, notre pays se distinguant en cela de la quasi-totalité des États membres de l’Union européenne. La France est, avec l’Allemagne, le seul pays à avoir préféré la transposition sectorielle. Si le choix du gouvernement allemand peut se justifier par la structure fédérale de l’État, les arguments avancés par le gouvernement français sont en revanche beaucoup plus surprenants.

Lors de l’examen de ma proposition de loi, Mme Nora Berra a expliqué que les autres États s’étaient « simplement contentés de copier la directive » tout en ajoutant que « le vote d’une loi-cadre ne constitue pas, en soi, un gage de sécurité juridique ».

Cette remarque est tout de même étonnante dans la mesure où l’objet premier d’une loi-cadre est, pour moi et sans doute aussi pour mon collègue Jean Bizet, de définir avant tout une orientation politique précise, claire et surtout lisible, tant pour le Parlement que pour les citoyens et les acteurs concernés.

Une loi-cadre présente l’avantage d’appréhender le sujet dans sa globalité, en laissant le moins de zones d’ombre possible. La directive « Services » ayant suscité tant de controverses – elle en suscite encore ! –, il me paraissait normal et même salutaire de voir notre pays adopter cette législation dans la plus grande clarté et la plus grande transparence.

Au lieu de cela, comme je le soulignais à l’instant, le Parlement a transposé par voie législative les dispositions relatives à certains secteurs, notamment dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie ou encore dans celui de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».

En revanche, tous les secteurs d’activités entrant dans le périmètre de la directive n’ont pas été logés à la même enseigne.

Le Parlement s’est vu, en particulier, privé d’un débat et d’un arbitrage politique sur les services sociaux d’intérêt général. Pour ces derniers, le Gouvernement a négocié seul la transposition avec la Commission européenne, sans y associer le Parlement. Il a préféré confier cette tâche à une mission interministérielle, justifiant le choix de cette méthode par l’encombrement du calendrier parlementaire et la contrainte des délais.

En somme, on peut dire que le Parlement n’a été associé au travail de transposition de la directive que sur les éléments les moins polémiques et les moins difficiles, ce qui me paraît très regrettable !

Permettez-moi de dire que les membres du groupe socialiste ne partagent nullement cette façon de voir les choses. Le Parlement n’est ni une chambre d’enregistrement ni une variable d’ajustement sur laquelle le Gouvernement pourrait se défausser quand il l’estime nécessaire. Il revient légitimement à la représentation nationale de traduire dans notre droit les directives communautaires, et de le faire globalement.

Le Parlement est le lieu par excellence d’expression du débat public et des choix opérés au nom du peuple français. Encore faut-il pour cela lui en donner les moyens et adapter le calendrier parlementaire aux exigences communautaires, qui laissaient pourtant trois ans, rappelons-le, soit de 2006 à 2009, pour transposer cette directive.

Mais il est vrai que, aux débats de fond engageant la pérennité de notre modèle social et de notre pacte républicain, le Gouvernement a trop souvent préféré le fait d’engorger dans l’urgence l’ordre du jour des assemblées parlementaires de projets de loi rédigés sous le coup de l’émotion produite par tel ou tel fait divers.

M. Roland Ries. Les membres du groupe socialiste déplorent plus encore que le Gouvernement profite de la directive et, au-delà, de l’Europe qu’il érige en bouc émissaire, pour laisser entrer dans le champ de la directive générale des secteurs aussi sensibles que l’accueil collectif de la petite enfance, l’aide à domicile ou encore le soutien scolaire, en d’autres termes pour les abandonner à la libre concurrence.

Ce choix, opéré en connaissance de cause, signifie concrètement que la réglementation en termes de tarif ou de qualité de la prise en charge de populations vulnérables, comme les personnes aux revenus modestes ou encore les personnes handicapées, ne sera plus nécessairement garantie.

Pour ma part, je me refuse à faire porter à l’Europe une responsabilité qui n’est pas la sienne.

Contrairement à la France, de nombreux pays européens, comme l’Allemagne, ont fait d’autres choix, notamment celui d’exclure du champ de la directive tout le secteur de la petite enfance. Du reste, leur choix ne se comprend que trop. Il ne fait aucun doute que l’accueil des enfants âgés de moins de six ans et a fortiori de ceux de moins de trois ans participe à l’éducation et relève donc des missions d’intérêt général.

En France, sous couvert d’une transposition sectorielle, le Gouvernement a fait un choix politique. Il a trié les secteurs d’activités et jugé en fonction des intérêts politiques du moment s’il fallait les soumettre aux lois du marché ou non.

Par exemple, en dérégulant le secteur de la petite enfance, le Gouvernement trouve là un moyen facile de remplir l’objectif des 200 000 places supplémentaires promises par le candidat à la présidence de la République lors de sa campagne électorale. Ce choix s’inscrit, en effet, dans un ensemble de mesures gouvernementales qui, sous le prétexte de développer l’offre d’accueil de la petite enfance, tend en réalité à dégrader la qualité du service.

Si la transposition de la directive permet au Gouvernement d’assouplir la réglementation en vigueur, d’autres mesures ont déjà été prises pour permettre aux assistantes maternelles d’accueillir, en se regroupant, un plus grand nombre d’enfants.

L’un de vos projets de décret, madame la secrétaire d'État, entend également réduire le nombre et la qualification des personnels dans les structures d’accueil collectif.

Je partage donc, pour ma part, les préoccupations du collectif « Pas de bébés à la consigne ». On le voit une fois de plus, la tyrannie du court terme fragilise les visions à moyen et long termes.

De mon point de vue, le petit enfant doit être non seulement gardé, mais aussi éduqué, et les conditions tant matérielles qu’humaines de cette éducation doivent être réunies dans le cadre d’un service public de qualité.

En définitive, le Gouvernement avalise le principe d’un système social à deux vitesses : un segment non rentable accueillant les populations vulnérables et un segment performant à destination des personnes plus aisées. Or telle n’est pas la philosophie de notre modèle social. Nos services sociaux ne sont pas destinés à servir de « voitures balais » pour les plus démunis. Ils ne sauraient pas davantage être assimilés à de l’aide caritative. Notre modèle social est, au contraire, fondé sur l’objectif de mixité sociale, de promotion de la diversité et d’innovation sociale.

Mes chers collègues, tout est question de volonté et de choix. Le Gouvernement n’a pas souhaité modifier la législation pour permettre aux services sociaux d’intérêt général d’être conformes aux exigences communautaires qui garantissent leur protection.

S’il était vraiment besoin de souligner l’importance de cet enjeu, je rappelle que l’Association des maires de France, que le Gouvernement s’est d’ailleurs bien gardé de consulter, s’est unanimement opposée à la politique menée sur ce dossier.

Les maires, amenés concrètement à faire appel à l’action de ces services sociaux sur le territoire de leur commune, sont extrêmement attachés à la qualité de nos services publics, qui, par leur nature même, profitent à toutes les catégories de la population.

La proposition de loi que j’avais déposée avait pour objet de présenter des solutions. Elle entendait utiliser au maximum les possibilités offertes par la directive, exclure les services sociaux en interprétant le plus largement possible ce texte et en définissant précisément sa signification en droit français. L’objectif était, au final, de préserver du libre marché le plus grand nombre de services sociaux qui ont une mission d’intérêt général, en maintenant des règles strictes quant à la qualité du service rendu.

J’aurais souhaité que l’interpellation de notre collègue Jean Bizet soit l’occasion pour le Gouvernement de prendre une position claire – cela viendra peut-être ? – s’agissant du sort qui sera réservé aux services sociaux d’intérêt général. Tous les acteurs concernés, toutes tendances politiques confondues, l’ont réclamé avec constance et fermeté.

Tel n’a pas vraiment été le cas lors de l’examen de ma proposition de loi au mois de mars dernier. Je crains que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. Je le déplore d’autant plus que l’intégrité de notre modèle social reste à ce jour le seul véritable garant de la cohésion sociale de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jean Bizet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, Ready, Steady, Service ! tel est l’intitulé dynamique sous lequel l’organisme Business Europe a lancé, au mois de novembre 2008, son étude comparative sur la transposition de la directive « Services » de 2006, dont le texte a été édulcoré après le tollé provoqué par la directive du commissaire ultralibéral Frits Bolkestein.

Véritable boîte de Pandore, ce texte, dont personne n’avait mesuré l’impact, aurait, entre autres, engorgé les tribunaux locaux en raison de la confusion résultant des droits nationaux trop divers.

La controverse se justifiait sans doute. Mais son ampleur fut largement exacerbée par une utilisation démesurée et mensongère de ce texte par les partisans du « non » au référendum sur le Traité constitutionnel européen.

Si l’on peut reconnaître un seul effet positif du « non » au référendum, et pas seulement en France, ce sera d’avoir permis la réécriture de la directive Bolkestein.

Rappelons ces propos de Robert Schuman, le sage, le visionnaire : « À toutes ces tendances qui nous sont léguées par le passé » – nationalisme politique, protectionnisme autarcique et isolationnisme culturel – « il faudra substituer la notion de solidarité, c’est-à-dire la conviction que le véritable intérêt de chacun consiste à reconnaître et à accepter dans la pratique l’interdépendance de tous. L’égoïsme ne paye plus. »

Mme Gisèle Printz. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Ce principe doit devenir une réalité dans la construction européenne et inspirer aujourd’hui le secteur des services. Le défi de l’année 2010 consiste à instaurer un véritable marché intérieur des services, sans niveler par le bas l’espace social européen.

C’était là une priorité de la présidence tchèque. Par ailleurs, le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, suit attentivement ce dossier depuis des années.

Il faut avoir à l’esprit le paradoxe suivant : les échanges de services entre États membres ne représentent que 5 % du PIB global et 20 % des échanges totaux, et pourtant ce secteur est la principale force économique de l’Europe, puisque 70 % de son PIB et 68 % de ses emplois en proviennent. Il faut donc le dynamiser.

Dans notre pays, le secteur des services est le premier employeur et, sans doute, le principal gisement d’emplois. Favoriser l’installation d’entreprises étrangères et lever les obstacles protectionnistes faciliteront les échanges de services entre ressortissants des États membres.

Cela a été dit, cette directive a pour objet de favoriser la liberté d’établissement des prestataires de services, leur libre-circulation, mais aussi de procurer la garantie d’un niveau de qualité élevée pour les utilisateurs.

Le guichet unique, qui simplifie considérablement les formalités incombant aux entreprises, est en place, non seulement par voie électronique, mais aussi physiquement par le biais des centres de formalités des entreprises, lesquels sont au nombre de sept en France. N’est-ce pas trop ?

Enfin, la coopération administrative entre États membres vise, certes, à contrôler les activités de services, mais aussi à éviter la multiplication des contrôles, en échangeant efficacement les informations. Là encore, la voie électronique devient une priorité.

Le principe d’une directive repose sur l’obligation de résultat, tout en laissant chaque État libre du choix des moyens de transposition. Heureusement, la France n’a pas choisi de transposer cette directive fondamentale en catimini, par la voie des ordonnances prévue à l’article 38 de la Constitution.

Elle n’a pourtant pas choisi non plus une loi-cadre, solution par ailleurs retenue par l’ensemble des États européens, hormis l’Allemagne. Une telle loi aurait permis un débat pédagogique et constructif sur l’Europe.

La France a donc préféré la transposition pragmatique et graduelle par secteurs, induisant une négociation spécifique à chaque type de service. Cette solution permet aussi, il faut le souligner, d’éviter de relancer la polémique sur la libéralisation des services, dont le mythe du « plombier polonais » a tant marqué les esprits, à l’approche des élections européennes.

La directive fixe aussi une échéance pour la transposition intégrale, en l’espèce, le 28 décembre 2009. Nous sommes le 12 mai : avons-nous rempli nos obligations européennes ?

Avec une inquiétude modérée et contenue, à son image, notre collègue Jean Bizet prévoyait, dans son rapport d’information du mois de juin 2009, que la directive ne pourrait être complètement transposée dans les délais. Il avait vu juste, hélas !

Certes, la France a avancé dans la voie de la transposition, comme l’indique le rapport de synthèse du secrétariat général des affaires européennes du 10 janvier dernier, puisque le dispositif des guichets uniques est créé, des secteurs clés sont ouverts, parmi lesquels celui du tourisme, activité essentielle pour l’économie française.

De plus, des mesures ont été adoptées, dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie, relatives aux sociétés d’exercice libéral, à l’urbanisme commercial ou à la suppression de l’autorisation d’ouverture pour les établissements hôteliers.

De même, la coopération entre États membres, au sens de l’article 39 de la directive, a débuté, notamment par la remise des différents rapports et fiches.

Pourtant, le processus n’est toujours pas achevé. Madame la secrétaire d'État, combien reste-t-il de dispositions à transposer ? Combien sont en cours de transposition ? Quels sont les moyens de transposition choisis par le Gouvernement ? Quelle en sera la communication?

Les membres du groupe du RDSE regrettent que cette forme de transposition, qui donne lieu à l’élaboration d’une multitude de textes d’application, vienne amoindrir le rôle qui aurait pu être celui du Parlement lors d’un débat sur une loi-cadre de transposition À cet égard, je reprendrai à mon compte l’argumentation développée par notre collègue Roland Ries. Ce débat aurait pu être l’occasion de promouvoir l’idée européenne, car, comme vous le savez, « entreprendre vaut mieux que se résigner, et l’attente de la perfection est une piètre excuse pour l’inaction ».

Je ne voudrais pas radoter, madame la secrétaire d’État, mais permettez-moi d’évoquer, une fois encore dans cet hémicycle, la proposition de loi constitutionnelle que j’avais déposée en 2001 et que plusieurs de mes collègues ont cosignée, notamment Hubert Haenel, alors président de la délégation pour l’Union européenne : elle visait à accélérer la transposition des directives en prévoyant qu’une séance mensuelle dans chaque assemblée est réservée à cette fin. Du reste, l’actuelle Constitution le permet, dans la mesure où le Parlement maîtrise désormais une partie de l’ordre du jour. La proposition de loi susvisée a été discutée et votée au Sénat, mais n’est jamais parvenue sur le bureau de l’Assemblée nationale. Ce texte me semble pourtant toujours pertinent.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’avenir de notre pays, dont le poids politique est reconnu par tous, se confond avec celui de l’Europe. Européen de toujours, je suis convaincu, comme l’écrivait Robert Schuman voilà déjà soixante ans, que cette « idée "Europe" […] sera la force contre laquelle se briseront tous les obstacles » ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et du groupe socialiste.)

MM. Jean Bizet et Roland Ries. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, étant, pour ma part, modérément favorable à la directive « Services », j’insisterai aujourd'hui sur un problème spécifique qui se pose.

Pour bien fonctionner, ce type de directive devrait s’appuyer sur une harmonisation totale des systèmes juridiques et sociaux. Malheureusement, c’est très loin d’être le cas.

Bien souvent, la distance séparant un pays d’un autre, si elle n’aboutit pas à ériger une petite muraille, permet tout de même d’éviter que leurs habitants respectifs, qui ne se battent pas à armes égales compte tenu des différences de réglementations sociales et juridiques, ne se retrouvent alignés sur le même régime.

Or, et c’est là qu’un problème se pose, cette barrière, si petite soit-elle, qui sert en quelque sorte de garde-fou, n’existe pas dans les départements frontaliers. Pour ces derniers, les conditions d’application et de transposition de la directive deviennent extrêmement préoccupantes dans la mesure où tout se joue à une dizaine de kilomètres. Dès lors que se juxtaposent des distorsions juridiques, sociales ou fiscales, les structures existantes finissent par être totalement pénalisées.

Il s’agit, finalement, d’un problème très général, qui se pose, dans le cadre des transpositions, aussi bien au niveau européen que pour nous, Français. Et si nous n’y prenons garde, comme c’est malheureusement le cas aujourd'hui, il peut s’avérer tout à fait dévastateur pour l’économie, pour la vie d’entreprises à côté des frontières.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que la transposition de la directive « Services » soit de nouveau discutée au Sénat, et ce grâce à l’initiative de notre collègue Jean Bizet.

Cette directive a pour objet la réalisation d’un véritable marché intérieur des services, qui représente 70 % de l’économie européenne et une très grande partie des créations d’emplois, mais seulement 20 % des échanges transfrontaliers. Elle vise à établir un cadre juridique commun, pour renforcer la compétitivité de l'économie européenne.

Depuis la suppression du principe controversé dit « du pays d’origine », à la suite de l’adoption par le Sénat d’une résolution et grâce à la mobilisation de nos collègues parlementaires européens, les finalités de la directive font désormais l’objet d’un consensus.

Malgré tout, des inquiétudes demeurent quant à son champ d’application et à ses conséquences pour certaines professions réglementées ; je pense principalement aux services sociaux et médico-sociaux.

Le 25 mars dernier, lors de la discussion de la proposition de loi relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive « Services », Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés, nous a donné sur ce point nombre d’éclaircissements.

Elle nous a tout d’abord rappelé que la très grande majorité des établissements et services sociaux et médico-sociaux sont exclus du champ d’application de la directive, car ils satisfont aux deux critères cumulatifs d’exclusion prévus par ce texte.

D’une part, ils sont relatifs aux domaines suivants : le logement social, l’aide à l’enfance, l’aide aux familles et aux personnes se trouvant dans une situation de besoin, qu’elle soit temporaire ou permanente.

D’autre part, ils sont assurés par des prestataires mandatés par l’État ou par une collectivité publique.

Mme Nora Berra nous a également rassurés sur les établissements inclus dans le périmètre d’application de la directive : cette dernière ne remet en cause ni leur régime juridique ni leurs caractéristiques essentielles, et ce grâce à l’action du Gouvernement qui a justifié leur pertinence dans un rapport adressé à la Commission européenne au début du mois de janvier.

Par conséquent, le fait que les services soient inclus ou exclus du champ d’application de la directive ne risque pas, à mon sens, d’entraîner une dérégulation ou un abaissement des exigences de qualité.

Certains de mes collègues se sont en outre fait l’écho d’inquiétudes exprimées par les architectes. Actuellement, le droit français impose que le capital des sociétés d’architecture soit détenu majoritairement par les architectes qui en sont membres. Or la profession craint que le Gouvernement ne supprime cette clause majoritaire au prétexte qu’elle constituerait un obstacle à la liberté d’établissement. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous faire part des intentions du Gouvernement sur cette question ?

Une dernière inquiétude demeure quant aux mesures de transposition de la directive. En effet, une réunion qui s’est tenue le 27 avril dernier a permis de constater que vingt États membres – dont la France – sur vingt-sept n’avaient toujours pas pleinement transposé ce texte. Le Gouvernement a choisi, Jean Bizet l’a indiqué, de recourir à une transposition sectorielle, et non à une loi-cadre.

J’en viens maintenant au processus complexe de la transposition d’une telle directive, exercice long et difficile. Cette transposition a d’abord nécessité de passer en revue toute la législation nationale pouvant être affectée par les dispositions envisagées. Elle a aussi suscité d’importants efforts de coordination à tous les échelons des administrations nationales, afin de mettre en place les dispositifs prévus.

L’une des actions requises consistait à instaurer ce qui a été appelé les « guichets uniques », c'est-à-dire les portails d’administration en ligne permettant aux entreprises d’effectuer toutes leurs formalités administratives par voie électronique. Ces guichets uniques ne fonctionnant que depuis quelque temps, il paraît quelque peu prématuré de tirer des conclusions. Mais les utilisateurs ont peut-être fait part de remarques au Gouvernement, madame la secrétaire d'État.

Plusieurs députés européens ont souligné la nécessité de proposer ces sites en au moins deux langues, afin que les prestataires de services souhaitant s’installer dans l’un des États membres soient mieux à même de comparer les conditions dans lesquelles ils exerceront leurs activités. Pouvez-vous nous préciser la position du Gouvernement sur ce sujet ?

Par ailleurs, au vu de l’importance que revêt cette directive tant pour les citoyens que pour les entreprises, il me paraît judicieux de permettre aux acteurs concernés de mieux comprendre les modifications en cours, ainsi que les différentes actions menées. Une campagne d’information volontaire pourrait les y aider. Un tel projet est-il envisagé par le Gouvernement ?

Une fois la législation passée en revue, certaines entraves levées et des réalisations, telles que les guichets uniques, accomplies, une nouvelle étape va pouvoir débuter : il s’agit de la phase dite d’« évaluation mutuelle », durant laquelle chaque État membre produira un rapport sur les modifications législatives effectuées dans le domaine de la prestation de services. Ce document sera étudié par la Commission européenne et par les autres États membres, qui pourront observer concrètement les efforts accomplis par leurs partenaires, et éventuellement signaler les dispositions susceptibles, selon eux, de créer des distorsions de concurrence.

La Commission européenne présentera quant à elle un rapport complet sur l’application de la directive « Services » le 28 décembre 2011. Par la suite, elle en fera de même tous les trois ans. Ces documents seront accompagnés, le cas échéant, de propositions de modifications et de mesures supplémentaires concernant les questions exclues du champ d’application de la directive.

Il paraît envisageable que certains professionnels, se rendant compte des opportunités économiques offertes, demandent leur inclusion dans le champ de la directive « Services », alors qu’ils en sont exclus aujourd’hui.

Il semble donc bien que les réalisations que je viens de citer ne constituent que les premières étapes de la transposition de la directive, qui, plus qu’une transposition législative, doit être perçue comme un processus d’amélioration constant de la qualité des échanges intracommunautaires dans le domaine des services.

Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement partage-t-il cette analyse de l’avenir de la directive « Services » ?

Même si cette dernière n’est effectivement pas entièrement transposée en France, j’estime, à titre personnel, qu’il est plus pertinent de prendre un peu plus de temps que prévu pour transposer ce texte essentiel, plutôt que de bâcler le travail.

Cependant, il importe que cette transposition s’achève le plus rapidement possible dans tous les États membres. En effet, je suis intimement convaincue que cette directive, lorsqu’elle sera entièrement transposée, permettra de dynamiser la croissance économique européenne et de relancer la création d’emplois.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, dans le contexte de crise économique et de désarroi social que nous traversons actuellement, il ne faut négliger aucun outil susceptible d’améliorer la situation de nos entreprises et de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre de la question orale européenne avec débat posée par Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, sur le sujet sensible de la directive « Services ».

Je me réjouis que soit ainsi donnée de nouveau à notre assemblée la possibilité de discuter de la transposition de cette directive, bien que la teneur de la question, qui, il est vrai, date du mois de décembre 2009, me paraisse quelque peu dépassée. Nous avons en effet depuis examiné une proposition de loi présentée par nos collègues membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés relative à ce sujet et obtenu un début de réponse par Mme Nora Berra, présente au banc du Gouvernement ce jour-là.

Mais il reste encore beaucoup à faire. Aussi ce débat ne peut que nous satisfaire, bien que je regrette, à l’instar de notre collègue Roland Ries, qu’il se tienne encore une fois dans une certaine confidentialité, pour ne pas dire une confidentialité certaine…

Au nom de mon groupe, je condamne une nouvelle fois la méthode retenue par le Gouvernement pour opérer la transposition de cette directive. Il a en effet choisi de procéder en catimini et par tranches, ce qui, pour nous, est la marque d’un déni de démocratie !

Comme vous le savez, la plupart des pays de l’Union européenne ont décidé de soumettre une loi-cadre à leur représentation nationale pour transposer la directive. Si une loi-cadre ne garantit en rien une meilleure application, elle permet tout du moins aux différents parlements nationaux de s’emparer pleinement de cette question et d’en faire un véritable débat politique. En effet, c’est bien de politique qu’il s’agit et de construction européenne !

Nous connaissons les raisons qui ont conduit le Gouvernement à agir ainsi : ne pas réveiller certains débats, par exemple celui sur la directive « Bolkestein » ou encore celui sur le « non » au traité de Lisbonne !

Notre collègue Jean Bizet l’expliquait d’ailleurs de manière tout à fait claire dans son rapport publié au mois de juin dernier : « Une loi-cadre de transposition pourrait en effet servir d’“épouvantail” à tous ceux qui seraient tentés d’instrumentaliser un exercice essentiellement technique à des fins électorales. Elle ne doit pas constituer un prétexte à la “cristallisation” des mécontentements de tous ordres, d’autant plus nombreux en période de crise. »

Ainsi, depuis plusieurs années, des textes législatifs transposant des dispositions de cette directive se succèdent. J’en citerai quelques-uns à mon tour : la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, le projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel, dont l’une des conséquences, je le rappelle, est la disparition des avoués, la proposition de loi visant à encadrer la profession d’agent sportif. Mais il y en a bien d’autres, tant la liste est loin d’être exhaustive !

Par ailleurs, nous dénonçons l’opacité entretenue par le Gouvernement, resté longtemps sourd à toutes les demandes formulées par les députés et les sénateurs pour obtenir l’état d’avancement de cette transposition.

Il est d’ailleurs significatif de constater que le Gouvernement a attendu le 22 mars 2010, c’est-à-dire quasiment la veille de l’examen, ici même, de la proposition de loi relative aux services présentée par les membres du groupe socialiste, pour enfin transmettre aux élus la liste des professions réglementées visées par les mesures de transposition.

Que penser du comportement de l’exécutif envers le législatif ? En tout cas, il n’est pas de nature à renforcer le rôle des parlementaires !

Quant aux guichets uniques – la question de M. Bizet aborde en effet ce sujet –, la directive « Services » prévoit qu’ils seront mis en place par les États membres pour apporter, en un seul lieu, toutes les réponses aux questions que se posent les prestataires de services venus d’autres pays de l’Union pour s’installer en France. Je remercie d’ailleurs M. Bizet de sa précision, de sa franchise, même, puisqu’il a évoqué tout à l’heure la notion de prestataires de services « venus d’autres pays de l’Union », qui a habilement remplacé celle du « pays d’origine ».

Or, là encore, plutôt que de procéder à la rédaction d’un texte unique, le Gouvernement préfère morceler le débat : la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures et d’autres textes encore en attente d’adoption ; je pense notamment au projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, qui sera examiné dans cet hémicycle le 9 juin prochain. Notre collègue Aymeri de Montesquiou les ayant détaillés il y a un instant, je n’y reviendrai pas.

Notons-le au passage, alors que la transposition est loin d’être achevée, le guichet unique est un des seuls axes de la directive « Services » qui fonctionne aujourd’hui quasiment bien. Et on comprend pourquoi !

En effet, ces guichets uniques sont le cœur même de la directive, dont je vous rappelle l’objectif : réaliser un marché intérieur en supprimant les barrières juridiques et administratives, considérées comme des obstacles à la libre circulation des prestations de services entre États membres et à leur mise en concurrence. Cette libéralisation concerne 75 % des emplois dans l’Union européenne et 66 % de son PIB, selon la Commission, qui avait fixé comme date butoir le 28 décembre 2009 pour la transposition de cette directive dans l’ensemble des législations nationales.

Ces considérations m’amènent au point essentiel qui constitue le fond de ce débat : la construction de l’Union européenne, ou, à tout le moins, quelle Europe nous voulons concrétiser.

Une fois encore, nous demandons au Gouvernement d’ouvrir un vrai débat sur les services sociaux d’intérêt général, en distinguant clairement ceux qui sont économiques des autres.

À l’heure où une crise d’une particulière gravité s’abat sur notre continent, où les gouvernements s’entendent pour soutenir l’économie, les banques et les spéculateurs – encore une fois ! – et où les peuples vont être soumis à d’importantes mesures d’austérité, ne pensez-vous pas qu’il serait nécessaire que ces gouvernements s’entendent pour que chaque pays puisse continuer à mettre en œuvre une politique sociale répondant aux attentes et aux besoins de ses citoyens ? Une politique sociale qui ne se résume pas à endiguer la pauvreté et la précarité, réservées aux plus démunis et passant d’une conception assurantielle à une conception « assistancielle » de la solidarité nationale, voire de la solidarité européenne.

Notre pays et, plus largement, l’Europe doivent prendre conscience de l’utilité de ces politiques sociales, qui constituent un outil efficace en termes d’aménagement du territoire, de cohésion nationale et de réduction des inégalités.

Certes, le débat d’aujourd’hui a le mérite d’exister, mais il n’est pas suffisant pour aborder le véritable problème de société auquel nous devons faire face : quelles activités humaines voulons-nous mettre à l’abri des règles de la libre concurrence commerciale ?

Le débat concerne l’organisation et la pérennité même des services sociaux de notre pays, et c’est précisément la volonté de les préserver de la dérégulation qui nous avait amenés à voter contre le traité de Lisbonne. Mais ce dernier a été adopté et il est maintenant entré en vigueur. Or, la directive « Services », comme l’ensemble des directives, ne vient pas du tout en limiter l’application. Au contraire, cette directive est porteuse, à l’instar de toutes les autres directives qui ont été adoptées, de la même vision libérale que le traité dont elle est issue. Face au principe de libre concurrence qu’elle réaffirme, elle n’a posé que de fragiles exceptions pouvant, pour la plupart d’entre elles, être remises en question par la Cour de justice de l’Union européenne.

Avec cette directive « Services », les risques d’une marchandisation de l’ensemble des services sociaux sont réels. Pour s’en convaincre, il suffit de citer une communication de la Commission européenne en date du 26 avril 2006 concernant les services sociaux d’intérêt général dans l’Union : « […] la quasi-totalité des services fournis dans le domaine social peuvent être considérés comme des “activités économiques” au sens des articles 43 et 49 du traité sur l’Union européenne ».

Et cette interprétation est chaque fois confirmée par la Cour de justice de l’Union européenne qui, avec zèle, tient son rôle de gardienne du principe supérieur de libre concurrence. Ainsi, en l’état actuel du droit européen, il est impossible de sécuriser véritablement les services sociaux d’intérêt général, bien que certains d’entre eux puissent, à l’instar des « services sociaux non économiques d’intérêt général », être exclus du champ de la directive. Cette exclusion ne sera cependant jamais totalement acquise puisque la Cour de justice de l’Union européenne peut imposer aux États membres de soumettre à nouveau ces domaines au droit de la concurrence.

Face à ce flou juridique, le rapport établi par Michel Thierry invite fermement la Commission à poursuivre ses travaux de clarification du droit européen. De plus, ce rapport permet de cerner les enjeux, les acquis et les difficultés qu’il reste à résoudre ainsi que les améliorations souhaitables, et ce tant au plan national concernant la bonne articulation avec le droit communautaire qu’au plan européen, pour y faire évoluer le droit et les pratiques, notamment au regard des objectifs sociaux et des règles de concurrence et de libre circulation dans le marché intérieur.

Afin de répondre à cette exigence de clarification, nous demandons par conséquent au Gouvernement et à nos partenaires européens de reconnaître définitivement les services sociaux d’intérêt général dans notre pays comme non économiques pour qu’ils soient exclus du champ d’application de la directive « Services ».

À cette fin, la seule alternative possible serait la suivante : soit les dirigeants européens proposent l’adoption d’une nouvelle directive spécifique, soit ils cessent de s’entêter à promouvoir ce système libéral dont les dégâts sociaux, économiques et environnementaux sont mesurés au quotidien par des millions de nos concitoyens européens et procèdent à une modification du traité constitutif lui-même.

Cette dernière option est la plus sensée. Au mépris du vote de nos concitoyens, le traité de Lisbonne a été ratifié. Or, malgré son entrée en vigueur, l’Europe connaît sa plus grave crise : le peuple grec, victime de la spéculation financière, est soumis à une cure d’austérité sans précédent qui devrait bientôt toucher d’autres peuples européens, en Espagne, au Portugal, et même en France, alors que l’on sait la misère sociale qu’une telle politique va générer.

Aujourd’hui, les peuples européens mesurent que l’ouverture de tous les secteurs à la concurrence ne constitue pas une avancée, ni sur le plan social ni même sur le plan économique. Cette marchandisation globalisée est, au contraire, synonyme de « casse » sociale et de plus de misère.

Selon nous, une autre Europe est possible, à condition d’entendre les peuples qui se mobilisent partout dans l’Union contre les effets désastreux des politiques libérales et d’avoir le courage et l’audace politiques de modifier les règles actuellement en vigueur.

De notre côté, nous travaillons à cette alternative. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Je voudrais d’abord féliciter et remercier le président Jean Bizet d’avoir pris l’initiative de cette question, qui donne lieu à un débat tout à fait utile. Une fois de plus, le Sénat contribue à la transparence, et à la communication souhaitée par chacun des orateurs au sujet de cette importante directive.

Je voudrais apporter ma contribution à cet exercice de transparence en complétant le rapport de synthèse sur l’état de la transposition de la directive « Services » que le Gouvernement a présenté au mois de janvier dernier.

Le Gouvernement s’est mobilisé et continue de le faire pour assurer cette transposition le plus rapidement possible, même si, comme Jean Bizet l’a indiqué d’emblée, le délai fixé par la Commission est dépassé et si nous ne parviendrons pas au terme du processus dans les prochaines semaines.

Au cours des trois dernières années, une mission interministérielle dédiée a travaillé sous l’autorité de Christine Lagarde avec les différents ministères concernés et, en particulier, avec le secrétaire général du Gouvernement et le secrétaire général aux affaires européennes.

Il convenait de s’assurer que les dispositions applicables aux différentes professions concernées étaient justifiées et répondaient de façon proportionnée et non discriminatoire aux objectifs de la directive, à savoir : faciliter le libre établissement et la libre circulation des prestations pour assurer au consommateur une haute qualité des services et pour contribuer à l’emploi et à la compétitivité en Europe.

Il ne faut jamais perdre de vue ce dernier objectif. À cet égard, je me permets de rappeler que la France est le quatrième exportateur mondial de services ; elle est donc particulièrement bien placée pour profiter de l’ouverture des marchés européens.

Un certain temps a été nécessaire compte tenu du niveau de réglementation des professions en France, un niveau plus élevé qu’ailleurs à la fois par le nombre de professions réglementées et par le nombre de réglementations en vigueur accumulées au cours des décennies précédentes.

Je voudrais revenir sur les modalités de transposition.

Tout d’abord, je remercie les parlementaires qui ont salué le refus du Gouvernement de légiférer par ordonnance.

Le Gouvernement n’a pas non plus retenu l’option du recours à une loi-cadre, préférant transposer la directive secteur par secteur.

Pour être honnête, le choix était ouvert. Une transposition globale ne correspondait toutefois pas à la tradition juridique française – il n’est pas dans nos habitudes de rédiger un texte en recopiant une directive – et aurait pu, compte tenu du nombre de professions concernées, s’apparenter à un texte « fourre-tout », ce qui n’aurait pas permis de garantir – loin de là ! – la transparence et la qualité du débat.

Le Gouvernement a donc opté pour une autre solution. Il ne s’agissait pas de dissimuler les réformes ; le Parlement a d’ailleurs la place qui lui revient dans le débat sur la transposition. Le choix tenait plutôt à des critères pragmatiques et d’efficacité : nous voulions faire un travail fin, précis et adapté à chacune des professions. Les questions qui ont été posées au sujet de telle ou telle profession n’auraient pas trouvé de réponse au sein d’une transposition globale, trop large pour permettre une discussion point par point.

Le choix du Gouvernement n’a donc pas nui à la transparence, au contraire !

Ainsi, la transposition de la directive « Services » s’est déclinée au travers de différents textes.

Dans les domaines relevant du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, je pense notamment à des textes importants comme la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.

Ainsi que l’indiquait le rapport rendu public le 20 janvier 2010, et pour répondre à une question posée par M. Aymeri de Montesquiou, un certain nombre de textes sont encore en cours d’examen. Le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services transpose certaines des dispositions de la directive au sein d’articles portant sur les marchés d’intérêt national, les experts-comptables et les agents artistiques, pour ne citer que les principales mesures.

La proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit est, quant à elle, en cours d’examen en commission au Sénat après son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale en décembre dernier. Elle assure en particulier la transposition de la directive en matière de libre prestation de services pour l’exercice occasionnel de diverses activités telles que celles d’entrepreneur de spectacle ou d’agence de mannequins.

Je souhaite mentionner également la proposition de loi visant à encadrer la profession d’agent sportif, adoptée en première lecture par les deux assemblées et transmise pour nouvel examen le 24 mars dernier, ainsi que le projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel, qui tend à fusionner les professions d’avocat et d’avoué. Ce dernier texte a été adopté en première lecture par les deux assemblées et transmis pour nouvel examen le 22 décembre dernier.

Enfin, la proposition de loi tendant à modifier la loi du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques concerne les services rendus par les sociétés de ventes.

J’en viens maintenant au fond.

Je commencerai par quelques éléments concernant l’impact sur les professions réglementées.

L’objectif de la transposition est clair : moderniser les modes d’exercice de certaines professions tout en les adaptant aux mutations économiques et préserver les impératifs d’indépendance et d’impartialité de chacune de ces professions, des impératifs auxquels nous sommes attachés.

Beaucoup de débats ont eu lieu sur ces sujets, en particulier sur l’initiative de diverses professions concernées. Je voudrais donner un coup de projecteur sur un aspect spécifique, qui a porté sur les règles de détention du capital des sociétés d’exercice professionnel ; cela concerne plusieurs métiers.

Le Gouvernement a indiqué à plusieurs reprises sa position : il considère que le maintien d’une règle de détention de la majorité des capitaux dans les professions réglementées qui en comportent n’est pas nécessairement contraire à la directive ; en tout état de cause, il convient d’ouvrir le capital à des professionnels ressortissants d’autres États membres qui disposent des diplômes permettant l’exercice de la profession.

En réponse à ce genre de questions, notamment pour la profession d’architecte, je voudrais apporter quelques précisions à Mme Hermange.

Je tiens à le rappeler ici, il est apparu, après examen, que l’essentiel des dispositions concernant la profession d’architecte est compatible avec la directive « Services ».

L’indépendance, la capacité d’exercice ainsi que la responsabilité des architectes et des sociétés d’architecture ont été préservées, de même qu’ont été maintenues des règles strictes quant à la composition de leur capital et leur forme juridique.

Toutefois, il a paru nécessaire, en conformité avec la directive « Services » et comme je l’ai indiqué à l’instant, d’ouvrir la possibilité d’apport de capital à des professionnels ressortissants d’autres États membres qui disposent des diplômes permettant l’exercice de la profession dans l’Union européenne. Cela sera mis en place avec la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

Un autre sujet de fond important a été évoqué par Mmes Hermange et David ainsi que par M. Ries, je veux parler des services sociaux d’intérêt général.

Il faut le redire encore une fois, les services sociaux et médico-sociaux sont exclus, dans leur quasi-totalité, du champ même d’application de la directive. Pour la plupart des régimes déclarés, leur compatibilité avec la directive a été justifiée et aucune modification n’est intervenue et n’interviendra. Mais, lorsque cela était nécessaire, la transposition a donné lieu à des dispositions législatives, comme l’a fait la loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».

Consciente que ces questions des services sociaux d’intérêt général sont souvent sources de malentendus, je voudrais de nouveau confirmer ce qui a été dit à maintes reprises par le Gouvernement et par les parlementaires : la directive « Services » n’a pas plus à voir avec le droit de la concurrence qu’avec les questions des financements publics.

Cela me donne l’occasion, monsieur Ries, de citer un excellent auteur, Mme  la sénatrice Annie Jarraud-Vergnolle. Dans un rapport rédigé voilà moins de deux mois dans le cadre des travaux de la commission des affaires sociales du Sénat, elle précise ceci : « Inclure ou exclure un secteur du champ d’application de la directive ne revient donc pas à le subordonner ou le préserver du droit de concurrence, mais à décider si son régime d’autorisation doit ou non répondre aux critères posés par la directive ». On ne pouvait mieux dire : la directive ne pose pas de règles concernant le droit de la concurrence.

Les financements publics, quant à eux, peuvent donner lieu à débats, mais ce ne sont pas les mêmes, car on est en dehors du champ de la directive. Le régime des aides d’État résulte, en effet, d’un ensemble de normes. Connues sous le nom de « paquet Monti Kroes », du nom de deux commissaires successifs à la concurrence, elles sont dépourvues de tout lien avec la directive « Services ».

Monsieur Ries, vous avez attiré notre attention sur certains débats actuellement animés par les associations concernant la question des gardes d’enfants et des crèches. Là encore, nous sommes typiquement dans une sorte de malentendu. Je voudrais vous rappeler que le régime d’autorisation relatif à l’accueil de la petite enfance ne conduit pas à l’existence d’un mandat entre les collectivités et les crèches. Or, l’examen des critères d’inclusion dans le champ de la directive « Services » ou d’exclusion dudit champ fait apparaître que l’existence d’un tel mandat est nécessaire pour exclure ce régime du champ de la directive. C’est l’article 2 de la directive. Je vous confirme que les crèches et ce type de service sont dans le champ de la directive.

Mais, pour autant, et j’en reviens à l’analyse faite par votre collègue Annie Jarraud-Vergnolle, le fait d’inclure le régime d’autorisation encadrant la création des crèches dans le champ de la transposition n’a entraîné aucune conséquence, toutes choses égales par ailleurs, sur la réglementation existante.

Le projet de décret sur les crèches que vous avez évoqué n’est pas une mesure de transposition de la directive « Services ». Les choses sont claires : le régime des crèches est conforme à la directive. L’autorisation d’exercer vise simplement la conformité des locaux aux règles d’hygiène et de sécurité, ce qui est permis par la directive. Et ce n’est pas dans ce cadre qu’il convient, si vous le souhaitez, de mettre en cause ou d’évoquer la question du décret. Celui-ci n’est pas une conséquence de la transposition de la directive.

Je conclurai enfin sur ce sujet des services d’intérêt général en précisant que le Gouvernement français est en pointe pour défendre ces services. Dans le débat actuel sur ce que l’on appelle parfois « le paquet 20-20 », c’est-à-dire la nouvelle étape de la stratégie dite de Lisbonne, dont l’horizon se situe à 2020, la France souhaite très clairement pouvoir mettre en avant les services d’intérêt général comme l’une des spécificités de la compétitivité européenne et comme l’un des éléments des stratégies que nous devons développer à l’avenir.

Plusieurs intervenants se sont exprimés sur la question du redéploiement du guichet unique. Je ne veux pas revenir sur l’analyse des textes, sur la nécessité de ce guichet unique permettant à la fois la création et l’accès aux différents régimes d’autorisation.

Comme vous le savez, le Gouvernement a choisi de passer par les centres de formalités des entreprises, c’est-à-dire de se mettre du côté de ceux qui favorisent la création d’entreprises plutôt que du côté des différents régimes administratifs. Il a également choisi la gratuité de l’accès à ce guichet unique, ce qui est l’une des spécificités de notre pays par rapport à de nombreux autres États membres.

En décembre 2008, le Premier ministre a décidé de créer un portail Internet unique de création d’entreprises. Il est ouvert. Je vous en confirme l’adresse : www.guichet-entreprises.fr.

Quelques milliers de demandes ont déjà été exprimées auprès de ce guichet unique, tout à fait nouveau puisqu’il date de janvier 2010. Soyons clairs, il n’est pas encore tout à fait complet pour l’ensemble des régimes d’autorisation. Le dispositif se mettra en place petit à petit.

Ce guichet unique a pour fonction d’apporter de l’information sur les formalités à accomplir pour créer et exercer son activité : 92 fiches correspondant à 92  manières d’exercer des activités professionnelles sont accessibles sur le site décrivant les démarches à accomplir. Bien évidemment, nous sommes dans une démarche pas par pas et tout cela devrait progresser assez rapidement.

Parallèlement, des centres physiques de formalités des entreprises fonctionnent actuellement en guichet unique pour 14 activités. Je ne vais pas vous citer l’ensemble des professions visées mais, si vous voulez être coiffeur, boucher, agent immobilier, expert-comptable ou plombier, le centre de formalités des entreprises dont vous dépendez permet d’effectuer les démarches pour créer votre activité et obtenir les autorisations administratives nécessaires pour l’exercer.

Pour terminer mon intervention, j’évoquerai, en me référant là encore aux propos de Mme Hermange, l’importance de l’évaluation mutuelle à l’échelon communautaire. Elle sera faite au niveau des gouvernements. Il est prévu par la directive que les États membres évaluent mutuellement les travaux de transposition réalisés par chacun. Et la mission interministérielle a, pour ce faire, pleine compétence.

Nous souhaitons que les professions réglementées puissent elles-mêmes travailler de façon comparative avec leurs collègues des autres pays. Elles le font. Cette démarche, tout à fait intéressante, pourra nous amener à moderniser notre propre système d’autorisations et d’exercice des professions réglementées.

Nous travaillons, comme les autres États membres, sur les questions d’impact économique de cette directive « Services » et de l’ouverture des marchés.

À cet égard, je voudrais vous citer, à titre d’illustration, les récents travaux de l’ancien commissaire Monti, qui fixe à une fourchette de 0,6 à 1,5 point de PIB l’impact possible de l’ouverture des marchés sur nos économies, sur notre croissance, et donc potentiellement sur nos emplois. Nous y trouvons une indication de l’espoir que nous pouvons placer dans ces transpositions.

La commission permanente de concertation des services mise en place en février dernier par Hervé Novelli aura à cœur de travailler continûment sur l’impact de la transposition de la directive dans l’esprit qui a été indiqué : le processus suivi consiste, certes, à transposer mais au moins autant à dynamiser notre économie grâce au cadre européen.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir, grâce à ce débat, contribué à cette transparence et d’avoir dynamisé les travaux de transposition. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)

M. le président. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

15

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 18 mai 2010 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe).

À quinze heures et le soir :

2. Projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (Procédure accélérée) (n° 200, 2009-2010).

Rapport de M. Gérard César et M. Charles Revet, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 436, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 437, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART