M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 291.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 292, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La réforme territoriale a notamment pour objectif d'accroître la part de la péréquation au sein de l'ensemble des dotations de l'État aux collectivités territoriales.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. On peut regretter que, dans l’élan pour une réforme de la fiscalité locale – une réforme sur les effets de laquelle chacun ici s’interroge d’ailleurs à bon droit, en tout cas pour ce qui est de ses effets à long terme ! –, le Gouvernement ne se soit pas saisi de la question importante de la péréquation.

La péréquation, en principe, tout le monde y est favorable. Mais on en parle bien plus qu’on ne la met réellement en pratique. Pourtant, c’est un moyen efficace de compenser les inégalités entre les collectivités au regard, notamment, de leur richesse fiscale.

Vous le savez, mes chers collègues, cette notion a été inscrite en mars 2003 dans la Constitution. Ainsi, le cinquième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». De fait, pour chaque niveau de collectivité, la DGF comprend une part forfaitaire et une ou plusieurs parts de péréquation.

Toutefois, on est bien loin des ambitions affichées lors d’un débat organisé par l’Observatoire de la décentralisation. À cet égard, le professeur de finances publiques et de fiscalité Michel Bouvier rappelait qu’« au-delà de la réduction des inégalités entre collectivités locales, c’est bien la satisfaction des besoins des citoyens qui est recherchée, de même que pour les collectivités les plus défavorisées, il s’agit de compenser les différences de niveau de revenus, d’offre d’emplois ou de logement, et plus récemment de lutter contre les nuisances qui affectent plus particulièrement les zones urbaines ».

J’en conviens, ce débat est ancien, et il ne sera pas tranché aujourd'hui. Mais on peut se poser la question de l’efficacité des différentes solutions envisageables. Faut-il accompagner et soutenir les efforts des territoires qui sont encore dynamiques et se prennent en main en bâtissant des projets ? Ou, au contraire, faut-il mettre l’accent sur ceux qui, en raison de handicaps géographiques ou d’un développement sévèrement entravé par le vieillissement de leur population, ou l’ampleur des chantiers de reconversion d’une industrie en déclin, ne sont plus réellement en mesure de faire remonter des projets ? Il est certes difficile de débattre de ces questions à l’heure où l’efficacité de la dépense et la rigueur dans l’utilisation des fonds publics sont évidemment encore plus nécessaires que par le passé.

On sait bien que, dans ce pays, le pauvre, le précaire est toujours un peu considéré comme responsable de son état, mais, convenez-en avec moi, mes chers collègues, les inégalités existant entre les départements des Hauts-de-Seine et de la Seine-Saint-Denis ou entre ceux du Rhône et de la Haute-Loire ne tiennent pas seulement à la sagacité de leurs élus, au professionnalisme de leurs agents ou à la rigueur de leurs procédures ; sont aussi en cause les difficultés que rencontre la population, le vieillissement de leurs infrastructures et la fragilité de leurs entreprises.

Renforcer les outils de péréquation, faire en sorte que chaque collectivité contribue à ce dispositif en fonction de ses ressources et en bénéficie en fonction de ses charges, n’est-ce pas, au fond, revenir à l’esprit même de l’impôt et de ce qui le rend acceptable ?

C’est la raison pour laquelle nous demandons que le principe de péréquation soit réaffirmé ici, car il a toute sa place dans un texte qui traite de la réforme des collectivités territoriales.

M. le président. L'amendement n° 294, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'État garantit la péréquation entre les collectivités territoriales. Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives des différentes collectivités.

La parole est à M. Edmond Hervé.

M. Edmond Hervé. Cet amendement vise à préciser que la loi assure l’application des principes constitutionnels de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales.

Indiscutablement, ce projet de loi procède à une recentralisation de l’organisation du territoire. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les dispositions relatives à la rationalisation de la carte intercommunale, avec la prépondérance préfectorale et l’amoindrissement de la commission départementale de la coopération intercommunale.

Par cet amendement, nous voulons rappeler avec force notre opposition à toute tentative de recentralisation. Du reste, ce texte aurait pu être l’occasion de franchir une nouvelle étape en ouvrant le troisième acte de décentralisation, qui doit se fonder sur le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution puisque, en vertu de la hiérarchie des normes, la loi doit se conformer à un principe constitutionnel. Mais les dispositions de ce projet de loi contredisent malheureusement ces ambitions ; nous nous efforcerons donc, tout au long de nos débats, de remédier à ces lacunes en proposant des amendements.

Au demeurant, je souligne que la libre administration des collectivités territoriales a été qualifiée de « liberté fondamentale » par le Conseil d’État dans l’arrêt Commune de Venelles du 18 janvier 2001. Or on ne saurait garantir la libre administration des collectivités territoriales sans autonomie financière.

Mes chers collègues, si je me suis permis d’évoquer ces différents points, c’est parce que je regrette beaucoup que la clause de revoyure n’ait pas été respectée. (Absolument ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

Hier, lors de l’examen en commission des finances du rapport de M. le rapporteur général sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009, nous avons pu mesurer toute l’importance que revêt la péréquation et avons eu la preuve qu’il était précisément nécessaire d’en débattre.

En effet, il ne suffit pas de se cantonner au niveau des principes : encore faut-il, très concrètement, pouvoir calculer ce que l’on appelle la « richesse financière des collectivités locales », un sujet sur lequel nous avons beaucoup de choses à dire.

Par ailleurs, il faut que nous puissions apprécier les différentes charges des collectivités. Or, lorsque nous avons eu ici même, l’année dernière, une discussion sur la clause de revoyure, une clause fondamentalement diplomatique, pour que, chers collègues de la majorité, vous votiez ce que le Gouvernement vous proposait,…

M. François Patriat. Très bien !

M. Edmond Hervé. … nous avions justement en tête la nécessité d’approcher ces définitions.

Et si nous avions disposé le 1er juin dernier, comme le prévoit la loi de finances pour 2010, du rapport gouvernemental présentant des simulations détaillées, nous aurions pu avoir, avant le 31 juillet, comme le prévoit également cette même loi de finances, un grand débat pour adapter le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales, débat qui aurait très certainement facilité l’examen du projet de loi de finances pour 2011.

Voilà quelques arguments de bon sens qui démontrent le bien-fondé de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 295, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'État garantit la péréquation entre les communes. Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives de chaque commune.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Notre pays est marqué par de profondes inégalités : des inégalités sociales, bien entendu – et nous pouvons tous craindre que la prochaine réforme des retraites ne les aggrave ! –, mais également des inégalités territoriales évidentes. Ce n’est pas la même chose d’habiter dans telle région plutôt que dans telle autre ou dans tel département plutôt que dans tel autre ; de plus, au sein même des régions et des départements, il y a de fortes inégalités entre les communes.

L’article 72-2 de notre Constitution dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». Mais de quelle loi s’agit-il ?

Mes chers collègues, nous vous proposons d’acter de manière forte et déterminante dans la loi de réforme des collectivités territoriales que l’État sera garant de la péréquation entre les collectivités territoriales, en l’occurrence entre les communes.

M. le président. L'amendement n° 322 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'État garantit la péréquation entre les départements. Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives de chaque département.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Je reviens sur le débat, évoqué par ma collègue Dominique Voynet, relatif aux critères permettant d’évaluer très précisément les ressources des départements. Il est évident que, au-delà de la qualité de la gestion, des raisons authentiquement structurelles font que certains départements sont avantagés par rapport à d’autres.

Cela a déjà été souligné, le principe de péréquation est certes inscrit dans la Constitution, mais l’examen de ce projet de loi nous donne vraiment l’occasion de faire figurer dans la loi cette mission de l’État qui nous tient tant à cœur afin qu’elle entre ultérieurement dans les faits.

Vous ne pouvez ignorer, mes chers collègues, que nombre de départements sont au bord de la faillite en raison du transfert, ces dernières années, de l’État vers les conseils généraux du versement des allocations que sont l’APA, le RMI, la PCH, qui pèsent très lourdement sur les budgets des départements dans la mesure où elles n’ont pas été, il s’en faut, compensées à l’euro près comme cela avait pourtant été indiqué.

Cela signifie très clairement que, en moins de dix ans, l’écart s’est creusé entre les départements les plus pauvres et les mieux lotis. Claudie Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, explique que, sur les 12 milliards d’euros que coûtent les prestations que j’ai mentionnées, 8 milliards seulement sont en réalité compensés par l’État.

Jean Jaurès disait que le socialisme, c’est la République accomplie. Mes chers collègues, nous ne vous demandons pas d’être socialistes, nous vous demandons simplement de faire un geste éminemment républicain en votant cet amendement qui vise à corriger une inégalité.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, avant d’entendre l’allocution de fin de session ordinaire de M. le président du Sénat.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

Articles additionnels avant le chapitre Ier (avant l'article 1er AA) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Articles additionnels avant le chapitre Ier (début)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

4

Allocution de M. le président du Sénat

M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite, alors que nous parvenons à la fin de la session ordinaire, faire un bref point de notre activité au cours des six mois écoulés.

Je commencerai par deux constatations.

La première revêt désormais un caractère habituel. Nous aurons siégé 123 jours au cours de cette session, soit trois jours de plus que le maximum constitutionnel indicatif. La conférence des présidents a d’ailleurs été saisie de cette question la semaine dernière. Les quelque mille heures de séance au cours desquelles nous avons siégé nous placent encore une fois au niveau des records de la Ve République. Encore faut-il préciser que, pendant environ deux cents heures, nous avons siégé le soir, même si nous maîtrisons mieux les choses à cet égard depuis le mois de janvier. Cela ne m’apparaît pas comme la meilleure façon de légiférer et de faire entendre notre message par-delà cet hémicycle.

Seconde constatation : cette session ordinaire va être immédiatement suivie d’une session extraordinaire. Cela prouve trois choses : que le Gouvernement agit, que les textes qui nous sont soumis sont trop longs (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) et que la structuration du temps législatif demeure un chantier inachevé. (Même mouvement sur les mêmes travées.)

Notre assemblée a été saisie, en première lecture, de textes essentiels. Souvenons-nous des débats approfondis que nous avons eus sur l’avenir de La Poste. (On s’en souvient ! sur les travées du groupe socialiste.), sur la réforme des collectivités territoriales – nous y revenons ces jours-ci –, sur le Grenelle II de l’environnement, sur la démocratie sociale dans les très petites entreprises, sur la modernisation de l’agriculture et de la pêche… Sur tous les textes en question, nous avons exercé notre expertise sénatoriale spécifique, marquée par notre expérience des territoires et des réalités concrètes locales.

Éclairés par la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale conduite par notre rapporteur général, nous avons également pris toute notre part dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. De même, l’expertise de la commission des finances a été décisive s’agissant du projet de loi de finances pour 2010, notamment pour nos finances locales.

Nous avons ainsi joué pleinement notre rôle de législateur. Un seul chiffre me permettra d’illustrer ce propos : plus de 90 % des amendements votés par le Sénat ont finalement été retenus par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de lUMP.) Vous pouvez en effet applaudir l’Assemblée nationale pour sa sagesse ! (Sourires.)

Nous avons également réalisé des progrès sur le dossier complexe de la gestion du temps parlementaire.

Je voudrais ici remercier le ministre chargé des relations avec le Parlement, Henri de Raincourt. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.) Sa compréhension de la singularité sénatoriale facilite grandement les choses, notamment lors des réunions de notre conférence des présidents.

Notre collaboration, adossée à la compréhension du Premier ministre, a eu un résultat important, à savoir la décrue de l’utilisation de la procédure accélérée : douze cas lors de cette session, contre trente-deux lors de la précédente.

Notre collaboration active a aussi conduit à une plus grande prévisibilité et à un plus grand réalisme dans le programme législatif, même si des progrès peuvent encore être accomplis à cet égard.

Nous avons également enregistré des progrès en matière de gestion des séances publiques, notamment celles des semaines d’initiative partagée et des semaines de contrôle. Notre conférence des présidents s’efforce, pour ce qui dépend d’elle et d’elle seule, de centrer nos « semaines sénatoriales » sur trois jours de séance et de les organiser dans des cadres horaires aussi prévisibles que possible.

Grâce à notre groupe de travail sur la réforme du règlement et au rôle accru de la conférence des présidents, ainsi qu’au climat de respect mutuel qui y règne, nous avons réussi à affirmer collectivement une logique sénatoriale du partage. Je souhaiterais à ce propos remercier ici les présidents de groupe ainsi que les présidents et les vice-présidents de commission pour le travail que nous accomplissons en conférence des présidents, sans doute moins visible, mais fructueux.

Permettez-moi d’insister sur cette logique sénatoriale de partage que nous faisons progresser ensemble.

Partage entre le Sénat et le Gouvernement, dans l’esprit même de la réforme constitutionnelle, y compris pour le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale : dix-neuf semaines pour le Gouvernement et treize pour le Sénat.

Partage entre les groupes, les commissions et nos trois délégations sur les sujets inscrits à l’ordre du jour des semaines sénatoriales. Sans doute faudra-t-il d’ailleurs que nous fassions mieux reconnaître la place de nos trois délégations dans ce partage du temps.

Partage entre les groupes des temps de parole et de l’exercice du droit d’amendement. Ce partage a permis à tous les groupes – de la majorité, minoritaires ou d’opposition – d’exercer plus largement leurs droits. À titre d’exemple, les groupes CRC-SPG et socialiste ont déposé plus de la moitié des quelque 7 700 amendements de séance et ont occupé plus de 40 % du temps total de la séance plénière. C’est d’ailleurs la répartition que le groupe de travail avait déjà évoquée.

Tout cela concourt à l’apparition de réalités nouvelles.

D’abord, le droit d’initiative connaît un nouveau souffle. Sur vingt propositions de loi définitivement adoptées, onze ont pris naissance au Sénat. Il s’agit souvent de textes importants comme ceux, pour ne citer que deux exemples, relatifs au service civique ou aux sociétés publiques locales.

Ensuite, les droits des groupes politiques de l’opposition, mais aussi de la majorité ou des groupes minoritaires, se renforcent.

Enfin, nos commissions affirment pleinement leur rôle, au-delà même de leur fonction constitutionnelle nouvelle dans l’examen des textes puisqu’un nombre croissant de sujets donne lieu à un suivi vigilant, assuré notamment par nos missions d’information. Ainsi en a-t-il été du mal-être au travail, de la difficile question des troubles mentaux au sein des établissements pénitentiaires ou des douloureuses conséquences des inondations qu’a connues notre pays ; je pense ici notamment à la Vendée et à la Charente-Maritime.

C’est dans ce même esprit que nous participons, à travers des propositions concrètes, au rendez-vous sur les retraites, grâce, notamment, à la réflexion approfondie et concertée de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, de la commission des affaires sociales et de la commission des finances.

Désormais consacrée par la Constitution, la commission des affaires européennes a développé son rôle de veille, notamment en matière de contrôle du principe de subsidiarité, exercé avec les commissions permanentes. Notre groupe de travail vous proposera d’ailleurs une modification du règlement visant à intégrer cette mission nouvelle issue de l’application pleine et entière du traité de Lisbonne. C’est aussi une réalité sénatoriale en plein essor que l’action de nos délégations, dont les compétences sont clarifiées et qui s’en trouvent de ce fait renforcées.

Au-delà de ces progrès, réalisés de manière consensuelle, il reste du chemin à parcourir.

Je précise tout de suite que le choix collectif, conforme à nos traditions sénatoriales, que nous avons fait – il n’était pas évident et il a été précédé d’amples discussions – de ne pas adopter le dispositif du « temps législatif programmé » n’a pas, après analyse, allongé la durée des débats législatifs du Sénat par rapport à ceux de l’Assemblée nationale, à une exception près : mais le texte relatif à l’avenir de la Poste le méritait !

Si nous avons siégé neuf jours de plus que l’Assemblée nationale, cela s’explique par le simple fait que nous avons pleinement exercé nos nouveaux droits constitutionnels de contrôle. Le président Poncelet disait il y a quelques années que c’était inhérent à la mission fondamentale du Sénat. De fait, depuis 2008, nous avons bien plus exercé nos pouvoirs de contrôle que l’Assemblée nationale. La sanctuarisation de notre semaine de contrôle a ainsi permis la tenue de trente-sept débats d’origine sénatoriale.

Certes, la conjonction des priorités du Sénat avec celles du Gouvernement, ainsi que la prise en compte des droits nouveaux des groupes, à laquelle nous tenons tous, pèsent sur le temps du Parlement. C’est la simple conséquence de la réforme constitutionnelle de 2008.

Comment, dans ces conditions, assurer une gestion plus fluide de la séance publique ? Les pistes, nous les connaissons. Il importe de continuer à les expérimenter sans a priori, dans un esprit de dialogue, de respect mutuel, et en gardant à l’esprit la spécificité sénatoriale.

Une meilleure évaluation de la durée de discussion des articles et des amendements ainsi qu’une plus grande prévisibilité des prises de parole sont-ils des objectifs impossibles ?

La clarification, à mes yeux nécessaire, de l’application des règles issues des articles 40 et 41 et de ce qui concerne les cavaliers législatifs n’est-elle pas le simple corollaire du respect de la Constitution ?

M. le président. Je pense qu’il n’y a rien de pire que de se faire adresser des leçons par le Conseil constitutionnel ou d’autres institutions. Mais c’est un autre sujet ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

La deuxième lecture doit-elle demeurer ce qu’elle est trop souvent, à savoir une simple répétition de la première, avec une durée identique, fournissant autant d’arguments supplémentaires à la systématisation de la procédure accélérée ? Pour éviter de donner cette tentation au Gouvernement, tâchons de nous modérer nous-mêmes !

Une dynamisation de nos débats de contrôle est-elle impensable ? Je crois que nous devons poursuivre la réflexion dans ce domaine. La compacité d’un débat dessert-elle forcément sa vivacité et donc son écho hors de nos murs ?

Reste la question, sans doute majeure, de la répartition des rôles, en matière de travail législatif, entre les commissions et la séance publique.

La revalorisation du rôle préparatoire des commissions ne me semble pas avoir suffisamment entraîné le « recentrage » de la séance plénière sur l’essentiel. L’écart entre le nombre des amendements déposés en commission et en séance est révélateur à cet égard. Je livre les chiffres, sans porter de jugement, à la réflexion de chacun d’entre vous : environ 2 200 amendements ont été examinés en commission, contre près de 6 000 – hors « amendements financiers » –, soit plus du double, en séance, dont un tiers seulement a été adopté.

C’est pourquoi nous avons souhaité une meilleure visibilité du travail en commission. A ainsi été adopté le principe d’une expérimentation, dont je remercie le service concerné, d’un véritable compte rendu analytique de commission, non exclusif – j’y insiste – du maintien d’un compte rendu plus analytique de nos séances. Je sais, messieurs les questeurs, que vous suivez cette expérimentation avec une attention particulière.

Une réhabilitation de la loi s’impose. Il nous faut des textes allégés, moins touffus, plus compacts et constitutionnellement législatifs. C’est un impératif pour le Gouvernement et un devoir pour nous. Cette exigence, nous la devons à nos concitoyens, pour lesquels et au nom desquels nous légiférons, et à qui nous devons aussi – il est bon de le répéter – des lois compréhensibles et cohérentes, éclairées par un débat parlementaire plus attractif et plus lisible. Pour toutes ces raisons, la qualité de la loi doit être au cœur de nos réflexions.

Avant de nous quitter… pour une brève session extraordinaire… qui en précédera une autre plus longue, je voudrais adresser, en votre nom à tous, nos remerciements les plus vifs à tous ceux qui nous assistent avec tant de dévouement et d’efficacité dans notre travail : les fonctionnaires parlementaires du Sénat, les collaborateurs de nos groupes politiques respectifs et nos assistants. Au cours de cette session particulièrement nourrie, ils ont su, avec efficacité, faire face à une charge de travail accrue.

Je voudrais aussi saluer les journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, ainsi que nos partenaires de Public Sénat. Tous contribuent à mieux faire connaître la façon dont nous remplissons nos fonctions de législation, de contrôle, d’évaluation et de prospective, au service de nos concitoyens, dans le respect de l’éthique parlementaire et la recherche commune de l’intérêt général.

En ces temps de simplifications faciles et de rapides mises à l’encan, il est bon de rappeler que le Parlement a une éthique au service du pays. (Applaudissements prolongés sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du RDSE, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste.)

La parole est à M. le ministre.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, accompagné par la présence lumineuse de mes collègues Michel Mercier et Alain Marleix, je tiens, au nom du Gouvernement, à vous remercier tous. À la place qui est la mienne aujourd’hui, je crois pouvoir affirmer que le Gouvernement sait apprécier la qualité du travail qui est mené au Sénat, avec un sens toujours vérifié du dialogue et de l’écoute.

Chacune et chacun d’entre vous, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège, a défendu avec passion ses idées, avec le souci de faire vivre le débat démocratique. Ce faisant, aucun n’a cependant jamais trahi l’esprit de respect mutuel qui règne au sein de la Haute Assemblée, honore ses membres et fait partie des grandes qualités qui sont reconnues à cette assemblée.

Monsieur le président, au cours d’un certain nombre d’années passées dans cette maison, le même nombre que vous d’ailleurs, j’ai pu constater votre acharnement, dans les différentes fonctions que vous y avez exercées, à défendre le bicamérisme. Vous avez toujours travaillé sans relâche pour que la Haute Assemblée tienne le rang qui est le sien dans notre République.

À titre personnel, je veux vous remercier également pour la qualité du dialogue que nous avons toujours eu et, en particulier, celui que nous avons noué dans le cadre de nos fonctions respectives. C’est dans un climat de grande confiance que, main dans la main, nous partageons dorénavant le désir de faciliter l’organisation des travaux parlementaires. Vous y faisiez référence vous-même, nous unissons nos forces au sein de la conférence des présidents – je veux à mon tour en saluer les membres – pour mettre en œuvre le mieux possible les pratiques nouvelles que la Constitution révisée a engendrées.

Qu’il me soit permis de saluer aussi les présidents de séance, dont l’autorité compréhensive s’exerce dans le respect du règlement, tout en favorisant la libre expression des sénateurs.

Je veux enfin remercier, au nom du Gouvernement, l’ensemble des présidents de groupes et leurs collaborateurs, les présidents de commissions, les fonctionnaires du Sénat, MM. les questeurs, ainsi que toutes celles et ceux qui n’ont pas ménagé leur peine pour accompagner le bon déroulement des travaux de la Haute Assemblée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous achevons aujourd’hui la première session ordinaire conduite entièrement sous l’empire de la Constitution révisée le 23 juillet 2008.

De notre point de vue, l’objectif assigné par le Président de la République est très largement atteint : le déroulement de cette session illustre parfaitement le renforcement des pouvoirs du Parlement, qu’il appelait de ses vœux.

La période que nous vivons est passionnante : c’est aujourd’hui, sous nos yeux, avec le concours de chacune et chacun d’entre vous, que se met en place un nouveau système, que se développent de nouvelles pratiques, de nouveaux réflexes, de nouvelles méthodes de travail, qui permettent à une nouvelle culture parlementaire d’émerger, afin de nourrir la vie démocratique la meilleure possible.

L’ordre du jour partagé constitue un nouveau défi pour le Gouvernement, comme pour le Sénat. Nous avons, tous ensemble, essayé de trouver les voies et moyens d’une organisation sereine de ces nouveaux espaces.

Le partage égal de l’ordre du jour ne doit pas être appréhendé de manière fermée. Certains croient parfois qu’il existe une sorte d’affrontement entre l’ordre du jour réservé par priorité au Gouvernement et celui qui relève de l’initiative sénatoriale. Telle n’est pas notre conception, tel n’est pas l’esprit qui nous anime.

Monsieur le président, nous avons fait ensemble la démonstration qu’une certaine souplesse était fructueuse. Le Sénat a ainsi consacré une partie des semaines réservées à ses initiatives pour examiner deux textes qui intéressent tout particulièrement les sénateurs : le projet de réforme des collectivités territoriales et le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement a, quant à lui, inscrit à son ordre du jour prioritaire sept propositions de loi.

Cette souplesse témoigne d’un esprit qui, j’en suis convaincu, perdurera. Elle est la clef du succès de l’ordre du jour partagé, comme d’une meilleure prévisibilité de l’ordre du jour, à laquelle vous êtes particulièrement attaché, monsieur le président.

Je vous suis reconnaissant d’avoir souligné voilà un instant la forte décrue du recours à la procédure accélérée. À cet égard, je reprendrai les chiffres que vous venez de citer.

Au cours de cette session, le Gouvernement a diminué de plus de moitié le recours à la procédure accélérée, en ne l’engageant que sur douze textes, dont neuf projets de loi, contre trente-deux textes durant la session précédente, alors même qu’il ne dispose plus que de la moitié du temps disponible. Cette procédure n’aura donc concerné que 20 % environ des quarante-neuf projets de loi déposés au cours de cette session. Le Gouvernement a été, à cet égard, particulièrement sensible aux préoccupations des parlementaires et aux recommandations des présidents des deux assemblées.

Je sais que vous êtes conscient, en contrepartie de cet effort, de l’intérêt qu’il y aurait à rationaliser le déroulement de certains des débats du Sénat pour éviter, notamment, que certaines deuxièmes lectures ne soient en réalité de nouvelles premières lectures.

Pour ma part, je ne manquerai pas de relayer votre préoccupation auprès de mes collègues du Gouvernement : les projets de loi, vous l’avez souligné à juste titre, doivent être plus concis et se concentrer sur l’essentiel. C’est une discipline à laquelle chacun doit se soumettre dans le cadre nouveau de l’ordre du jour partagé.

Le succès de cet ordre du jour partagé s’est par ailleurs manifesté par le nombre important de propositions de loi ayant abouti au cours de cette session. Sur les vingt propositions qui ont été définitivement adoptées par le Parlement, onze sont d’origine sénatoriale.

Le renforcement du droit d’initiative parlementaire marque clairement celui des droits de l’opposition et des groupes minoritaires. Outre six propositions de loi du groupe UMP du Sénat, deux propositions de loi du groupe Union centriste ont été votées, deux du groupe du RDSE et une du groupe socialiste.

L’accroissement des pouvoirs du Parlement s’est également traduit au Sénat par la systématisation des travaux de contrôle. Je vous sais gré, monsieur le président, d’avoir rappelé combien le président Poncelet était attaché à ce rôle absolument déterminant pour un Parlement moderne. (M. Christian Poncelet acquiesce.) Désormais, une semaine par mois est consacrée à des débats d’évaluation et de contrôle. C’est là un des aspects majeurs de la réforme de juillet 2008.

Corollaire de cette réforme, le Sénat a beaucoup siégé au cours de cette session. On recense en effet 123 jours de séance publique, soit plus de 1 000 heures de débat. Je le reconnais, le Gouvernement a demandé aux sénateurs de se mobiliser. Mais cela était indispensable pour poursuivre les réformes engagées pour notre pays depuis 2007 et pour répondre à la situation inédite engendrée par la crise de l’automne 2008 et du printemps 2010.

Cette année encore, le Parlement a adopté des textes majeurs, que vous avez rappelés, monsieur le président. Pour n’en évoquer que deux, je citerai le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, examiné en ce moment par l’Assemblée nationale, et le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, qui est de nouveau en discussion au Sénat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous poursuivrez la deuxième lecture de ce projet de loi alors que débutera une nouvelle session extraordinaire. Je souhaite de tout cœur que le déroulement de vos débats permette à chacun d’entre vous, dès le 13 juillet, de quitter l’enceinte parlementaire pour une période de repos bien mérité.

J’espère vous retrouver plein d’allant à la fin de l’été et je vous donne rendez-vous, probablement dès le début du mois de septembre, pour poursuivre la mise en œuvre du programme de réformes. Je n’en doute pas, la perspective de nous retrouver pour le seul service de la France est de nature à vous enchanter. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)