M. Gérard Longuet. C’est vrai !

M. Yves Daudigny. A-t-on besoin de connaître le solfège pour apprécier Mozart ? A-t-on besoin d’être électronicien pour utiliser un iPhone ?

Les textes que nous votons dans cet hémicycle sont-ils accessibles aux citoyens ? À la page 44 du projet de loi, par exemple, voici ce que je lis pour l’alinéa 13 de l’article 10 : « À l’article L. 2571-2 du même code, la référence : “L. 2113-26” est remplacée par la référence : “L. 2113-23”. » Il ne fait aucun doute que ce fruit d’un excellent travail parlementaire est accessible à tout citoyen…

Pourquoi, dans notre pays, seule l’organisation territoriale devrait-elle être parfaitement simple, voire simpliste ? Mais là n’est peut-être pas la question principale.

Monsieur le ministre, pourquoi vouloir réduire à tout prix la capacité d’initiative d’une collectivité territoriale, en contradiction avec le principe de la libre administration ?

De nombreux exemples de toutes les avancées que, dans les années précédentes, des initiatives ont permis de réaliser. On prétend vouloir maîtriser la dépense. Mais on sait bien que ce n’est pas parce qu’un investissement sera, demain, décidé et financé par une seule collectivité, au lieu de deux ou trois, qu’il coûtera moins cher !

Et puis, s’il s’agit de maîtriser et d’étrangler les collectivités territoriales, monsieur le ministre, vous l’avez déjà fait : avec la suppression de la taxe professionnelle et le resserrement des dotations de l’État ! Inutile, donc, de passer un deuxième garrot autour du cou des collectivités : elles sont déjà étranglées !

Ce n’est peut-être qu’un détail, mais quelle signification donner à la mise en place de ce seuil démographique de 3 500 habitants, sans prise en compte de la richesse de la commune, de son potentiel ou de son effort fiscal ? Comment pourrait-on traiter uniquement en fonction de ce seuil démographique une commune située en périphérie d’une grande agglomération ou une autre placée au centre d’un bassin de vie rural ?

J’ajoute une autre question essentielle : quels progrès ces dispositifs amèneront-ils par rapport à la situation actuelle ?

On le sait d’ores et déjà, 80 à 90 % des financements des départements et des régions sont des financements spécialisés. Les financements croisés concernent la culture, le sport et le tourisme : des domaines pour lesquels vous voulez précisément maintenir diverses possibilités de financement.

Monsieur le ministre, concernant le développement économique, quels sont vos objectifs, quelles sont vos intentions ? Envisagez-vous que certains niveaux de collectivités territoriales, disposant d’assemblées élues, n’aient plus aucun regard sur le développement économique, n’aient plus aucun lien ni aucun partenariat avec le monde de l’économie ?

Une expérience maintenant assez ancienne nous le montre, la conjugaison de la décentralisation et de la clause de compétence générale a donné naissance à des partenariats de qualité entre les collectivités. Elle a contribué au développement de nos territoires, de nos communes et de nos villages.

L’article 35 illustre l’absence de cohérence et de ligne directrice d’un projet où les revirements succèdent aux hésitations, où le bricolage le dispute à l’improvisation !

Malheureusement, il mettra en danger l’équité territoriale, l’aménagement du territoire et de l’espace rural, l’équipement de nos communes et leur développement.

D’autres voies étaient possibles, en faisant le pari de la décentralisation, de la confiance aux élus et de l’« intelligence des territoires » – l’expression est forte –, mais aussi en construisant de nouvelles relations de confiance entre l’État et les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Daunis, sur l'article.

M. Marc Daunis. Je partirai de la conclusion de mon collègue Yves Daudigny.

Notre famille politique est viscéralement attachée à la décentralisation, la vraie, celle qui fait confiance aux élus locaux, celle de la libre administration des collectivités territoriales, celle qui favorise la capacité d’initiative pour répondre au mieux aux besoins des territoires.

On le sait, il n’est pas forcément aisé de faire la part, chez les habitants, entre ce qui relève du besoin et ce qui constitue une aspiration. Il faut savoir décrypter une expression polymorphe, issue de tel territoire, de ses habitants, de ceux qui y travaillent, tout en tenant compte du patrimoine de ce territoire, de ses caractéristiques environnementales, bref, de tout ce qui fait la diversité de notre pays.

Nous sommes également attachés à une décentralisation marquée par l’esprit de responsabilité.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le cœur du problème, c’est que vous avez du rôle de l’État une conception ancienne, étriquée, presque archaïque, pour reprendre un adjectif que vous nous appliquez souvent,…

M. Roland Courteau. Tout à fait !

Mme Nathalie Goulet. C’est Michel Rocard qui l’a utilisé le premier !

M. Marc Daunis. … comme s’il y avait d’un côté les modernes et de l’autre les archaïques, étant bien sûr entendu que vous seriez, vous, par une sorte de grâce tombée du ciel, dans le camp de la modernité !

M. Gérard Longuet. Bien vu ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Marc Daunis. Je vous remercie de le reconnaître, monsieur Longuet !

Nous vous invitons donc à ne pas être aussi frileux vis-à-vis des lois de décentralisation que vous l’avez été à l’époque de leur adoption. Faites confiance à ces textes, n’essayez pas à tout prix de revenir en arrière, de rogner les ailes à l’intelligence territoriale !

Au contraire, il faut laisser à ces territoires les moyens de continuer à se développer et à s’aménager, en dépit, cela a été dit, de l’asphyxie financière et de la dépendance vis-à-vis de l’État auxquelles vous les avez contraints.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Marc Daunis. J’en veux pour preuve l’autonomie fiscale des régions et leur capacité à s’administrer librement qui ont été réduites à epsilon.

La discussion de l’article 35 constitue, sinon le moment clef, comme on a pu le dire, au moins un point extrêmement important de nos débats.

C'est pourquoi je vous invite, après Pierre-Yves Collombat, à vous demander si la question de la compétence générale se pose vraiment aujourd'hui avec une acuité particulière, si elle constitue un élément nodal de dysfonctionnement, au point d’exiger impérieusement une décision rapide et une clarification immédiate.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, soyons sérieux ! Comme Gérard Collomb l’a souligné, cet article n’est pas essentiel pour vous. Il ne s’agit que d’un problème technique de clarification des compétences. Du reste, vous supprimez la clause de compétence générale sans pour autant préciser le rôle respectif des uns et des autres !

Il est évident que, si votre propos – et je ne vous fais pas ici un procès d’intention – est avant tout d’ôter aux régions, aux départements et aux autres collectivités cette clause de compétence générale, le débat prend une tout autre tournure !

C'est pourquoi je dois évoquer non seulement l’article 39 de la Constitution, auquel notre collègue Hervé Maurey a fait référence tout à l’heure, sans doute à juste titre, mais aussi son article 72, qui, à travers ce que l’on a appelé la subsidiarité, établit l’importance de la clause de compétence générale pour l’administration des collectivités territoriales. Permettez-moi de le souligner, cet article 35 du projet de loi, s’il était adopté, contredirait le vote que nous avons émis naguère sur l’article 72 de la Constitution.

Poursuivons notre raisonnement. Pourquoi prenez-vous de tels risques ? C’est là que réside le véritable archaïsme ! Votre logique peut être ramenée à une équation extrêmement simple : « désengagement de l’État + asphyxie financière organisée + fin de la compétence générale = impossibilité pour toute une partie de notre territoire de continuer à s’organiser et à s’administrer librement ».

Dès lors, et je le dis avec beaucoup de gravité, la porte est ouverte à la privatisation de tout un pan de l’activité publique. Cette évolution relève non pas d’un choix technique de gestion, mais d’une obligation. C’est l’ère des PPP, les partenariats publics privés, mais aussi de l’externalisation et de l’impossibilité pour les collectivités de jouer leur rôle de solidarité ! On s’en remet au secteur privé pour l’exercice de compétences essentielles qui ressortissent selon nous à l’initiative publique, à savoir le développement des territoires et la solidarité entre nos concitoyens.

En conclusion, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, au moment de l’examen de cet article, nous vous demandons d’être modernes, d’avoir une conception des collectivités territoriales et de la décentralisation qui soit tournée vers l’avenir, au lieu de vous complaire dans de petits calculs frileux et archaïques et de vous replier sur un État qui ne sera jamais plus tel que vous le rêvez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous voyons bien que cela ne va pas !

Vous vous efforcez de façon quelque peu désespérée, et même pathétique, car vous ne manquez pas de bonne volonté, je vous le concède volontiers à tous deux, de sauver un esquif qui perd des planches à chaque vague !

M. Roland Courteau. Un fragile esquif !

M. Jean-Pierre Sueur. Ne pensez-vous pas qu’il serait préférable de prendre acte de la situation dans laquelle nous nous trouvons ?

Rares sont ceux qui, ici, ont vraiment envie de voter cet article 35. Certains seront peut-être animés d’une sorte de sursaut, un peu forcé, de volontarisme, d’abnégation…

Mme Nathalie Goulet. De conviction !

M. Jean-Pierre Sueur. … ou peut-être de conviction, ma chère collègue, je ne sais pas.

Toutefois, nous le voyons bien, cet article 35 est en lambeaux.

Lors de l’examen de la première version de votre texte – si j’ose même parler de première version, puisque la réforme dont nous avons discuté en première lecture a été totalement modifiée depuis lors –, chaque fois que nous évoquions les compétences, vous répondiez qu’elles seraient déterminées par une future loi ! Chaque fois que nous évoquions les élections, vous répondiez qu’elles seraient déterminées par une future loi !

Or, comme M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, a estimé qu’il fallait en finir au plus vite avec cette affaire, vous avez essayé de raccrocher tous ces éléments à ce texte qui, du coup, ressemble à un costume rapiécé.

Mme Nathalie Goulet. C’est la saison des soldes ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Votre projet ne donne vraiment pas le sentiment d’être poussé par un souffle décentralisateur.

À ce sujet, je voudrais d’ailleurs faire un petit rappel.

Dans les années quatre-vingt, l’adoption des lois Deferre, qui ont lancé le mouvement de décentralisation, fut bien sûr très importante ; toutefois, il faut aussi souligner que, parallèlement, les contrats de plan ont été créés par Michel Rocard.

Le vieux rocardien que je suis…

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, et M. Gérard Collomb. Pas si vieux ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet. Le rocardien fidèle !

M. Jean-Pierre Sueur. Merci, messieurs ! (Nouveaux sourires.)

Le rocardien que je suis et que je resterai a toujours considéré que les deux concepts allaient de pair : il faut en même temps la décentralisation et le contrat.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. L’invention du contrat de plan a été déterminante parce qu’elle rompait avec les conceptions anciennes du plan, dans lequel l’État décidait de tout. À mes yeux, il a été très important d’instituer des contrats permettant à l’État et aux régions de discuter et de se mettre d'accord : ainsi le contrat de plan État-région est-il une œuvre commune.

Je prendrai un seul exemple, qui n’est pas évoqué dans le présent texte, mais sur lequel nous reviendrons : celui des universités. Il me paraît essentiel qu’il existe une politique nationale de l’université ! En effet, si tel n’est pas le cas, nous risquons d’avoir des difficultés à financer des troisièmes cycles diversifiés et de qualité dans la région Limousin, par exemple, cependant que l’université Vinci, dans les Hauts-de-Seine, regorgera de moyens, à trois cents mètres de l’université publique de Nanterre qui, elle, dispose de ressources par étudiant bien plus faibles.

Mme Isabelle Debré et M. Gérard Longuet. Il s’agit du pôle universitaire Léonard de Vinci !

M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait ! Il ne s'agit pas de l’autre Vinci, dont on parle d'ailleurs bien plus que de Léonard.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De toute façon, bientôt, les parkings Vinci financeront les universités…

M. Jean-Pierre Sueur. L’État a donc une responsabilité éminente en la matière. Or nous craignons qu’il n’ait plus l’argent nécessaire pour l’exercer, qu’il ne devienne un mendiant, quémandant auprès des collectivités – les régions, les départements, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines, les communes – afin qu’elles paient à sa place ! Et il est vrai que nous avons tous à cœur, dans toutes les régions dont nous sommes les élus, d’avoir des universités, et des universités de qualité.

J'ajoute que l’université est l’affaire non pas seulement de l’État et des collectivités, mais aussi celle des chercheurs, des professeurs, des étudiants et des personnels.

Autrement dit, si nous voulons une université qui aille de l’avant, il faut nécessairement une politique nationale en la matière. Nous y tenons comme à la prunelle de nos yeux, car, sans elle, il n'y a pas d’aménagement du territoire équilibré en ce qui concerne l’enseignement supérieur, donc pas de justice dans l’accès à l’université.

Toutefois, la force des régions, des départements et des agglomérations est aussi nécessaire. À l’évidence, il s'agit donc là d’un faux débat : si l’on crée une compétence exclusive, à quelque collectivité qu’on la confie, on porte atteinte à l’université. Et le même raisonnement vaut bien sûr pour d’autres domaines, tel celui de la culture.

C'est pourquoi, si j’étais vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, plutôt que de m’agripper aux lambeaux qui subsistent de l’article 35 – sans parler du 35 bis, du 35 ter, du 35 quinquies ! –, je liquiderais toutes ces dispositions, au bénéfice de la clause de compétence générale.

Ainsi, nous ne perdrions pas notre temps avec des morceaux de texte inutiles. Nous pourrions repartir de l’avant, tous ensemble, pour ce troisième souffle de la décentralisation qui est attendu depuis trop longtemps ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, sur l’article.

M. Jacques Mézard. Lorsque j’ai défendu la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité devant notre assemblée, j’ai rappelé ce qui, pour nous, constituait un problème de forme : le texte que nous voyons revenir ici n’a guère à voir avec celui qui était parti du Sénat. L’article 35, voté par la Haute Assemblée, à une faible majorité d'ailleurs, si mes souvenirs sont bons,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais c’était tout de même une majorité !

M. Jacques Mézard. Certes, monsieur le président, mais je suis en droit de rappeler qu’elle était, sinon faible, du moins courte : la majorité des suffrages exprimés était de 167 voix, et le Sénat a adopté à 175 voix un texte qui, objectivement, me semblait meilleur que celui qui nous vient de l’Assemblée nationale.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Alors, il fallait le voter à une plus large majorité !

M. Jacques Mézard. Cela ne veut pas dire qu’il fallait le voter, mon cher collègue ! N’interprétez mes propos de manière à appuyer votre propre thèse.

Par rapport à l’article 35 qui est issu des travaux de l’Assemblée nationale, ce texte était à peu près clair, mais vous avez compliqué la clarification qu’il apportait, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, sous prétexte de simplification !

Revient donc devant nous un article 35 très différent, accompagné d’un article 35 bis A, d’un article 35 bis et d’un article 35 ter dont la rédaction contredit ce qui nous avait été affirmé lors de la première lecture. En effet, M. Michel Mercier, qui représentait le Gouvernement, avait souligné que nos débats étaient intéressants, il avait salué la finesse de M. Sueur, ce que je me plais à faire aussi, et il avait indiqué : « Nous disons, à l’article 35, qu’une loi déterminera la répartition des compétences entre les diverses collectivités. Nous sommes même un peu plus stricts puisque nous prévoyons un délai de douze mois. » En l’occurrence, il se référait à la loi du 2 mars 1982, qui prévoyait que des lois détermineraient la répartition des compétences entre l’État, les régions et les départements.

Nous n’étions donc pas censés parler du système de répartition des compétences puisqu’un projet de loi allait être ultérieurement soumis au Parlement sur ce sujet. Et voilà que vous revenez devant la Haute Assemblée non seulement avec un dispositif de répartition des compétences, mais aussi avec un système de pourcentage dans les cofinancements.

Sur la forme, je le répète, nous considérons qu’un tel procédé est contraire à l'article 39 de la Constitution et que ce n’est pas correct au regard du rôle fondamental du Sénat en matière d’organisation des collectivités territoriales.

J’en viens maintenant au fond.

S’appuyant sur une étude d’impact, le Gouvernement entend réaliser des économies de gestion, qu’il évalue à 20 milliards d'euros, en luttant contre les chevauchements de compétences. En ce qui me concerne, je n’ai rien trouvé qui corrobore cette estimation.

Mme Nicole Bricq. On les connaît, les chiffres de Bercy !

M. Jacques Mézard. Bien sûr, des économies sont certainement possibles. Pour notre part, nous n’avons jamais été hostiles à une gestion plus rationnelle, encore que nous estimions que les collectivités locales, si elles peuvent accomplir des progrès, n’ont pas de leçon à recevoir en la matière !

M. le ministre Michel Mercier prétend que le rapport de la mission Belot est en quelque sorte ma bible. Disons que, pour un radical qui n’a en général qu’un goût modéré pour la lecture des Saintes Écritures, c’est une bible raisonnable ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Gourault. Vous êtes de vrais laïcs !

M. Gérard Longuet. On peut être cultivé sans être croyant ! (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Mézard. Exactement, mon cher collègue !

Mme Nathalie Goulet. Et réciproquement ! (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Mézard. À ceux qui seraient tentés de nous reprocher de ne rien vouloir changer, je rappelle que ce rapport contient, à la page 59, des propositions constructives, novatrices, raisonnables et acceptables par une grande majorité de nos collègues. Le Gouvernement a décidé de ne pas les mettre en application. C’est regrettable pour le fonctionnement de nos collectivités, car, je le répète, aucune clarification ne sera possible avec un texte aussi compliqué.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.

M. Roland Courteau. Je rappelle que l’adoption par le Sénat, mercredi dernier, de l'amendement n° 166 rectifié a été tout particulièrement appréciée par la très grande majorité des élus. C’est un vote qui fait honneur à la Haute Assemblée...

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tu parles !

M. Roland Courteau. ... et qui justifie que le Sénat soit appelé « Grand Conseil des communes de France ».

Plus que jamais, nous avons besoin de solidarité territoriale dans nos départements et dans nos régions. Or le vote intervenu ici même la semaine dernière tient compte de cette absolue nécessité, car, faute de solidarité territoriale, c’est l’existence même des petites et des moyennes communes qui est remise en cause.

Dans ma grande naïveté, je pensais – tout comme beaucoup d’entre nous, d’ailleurs – que l’article 35 serait par conséquent considéré comme n’ayant plus d’objet ou serait retiré.

M. Roland Courteau. Pourquoi est-il maintenu ? Cela signifie-t-il que la majorité sénatoriale, qui n’a pas été en nombre suffisant mercredi dernier, entend revenir, par le biais d’une seconde délibération, sur la restauration de la clause de compétence générale en faveur de laquelle nous nous sommes prononcés ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est sûr !

M. Roland Courteau. Voilà qui serait gravissime et qui serait particulièrement mal apprécié par tous les élus, de gauche comme de droite !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !

M. Roland Courteau. C'est la raison pour laquelle nous demanderons la suppression de l'article 35. Nous ne voulons pas de ce bricolage, de ce dispositif mi-chèvre mi-chou, comme l’a dit l’un des orateurs, de ce fouillis que vous nous présentez.

En matière de clarification, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on peut faire bien mieux ! J’aurai l’occasion d’y revenir en présentant, au nom du groupe socialiste, l'amendement n° 437, qui tend à supprimer l'article 35. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.

M. Claude Domeizel. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me demande où je suis !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, et M. Gérard Longuet. Au Sénat ! (Sourires.)

M. Claude Domeizel. Je ne comprends pas !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela ne nous étonne pas !

M. Claude Domeizel. Nous avons voté la semaine dernière un amendement rétablissant la clause de compétence générale et voilà que nous reprenons aujourd'hui le même débat !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand cela ne correspond pas aux souhaits de la majorité, il faut recommencer !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est normal !

M. Claude Domeizel. Ce projet de loi est plein d’embûches et a suscité un émoi profond chez les élus.

Deux exemples suffiront à illustrer mon propos.

D’une part, le Gouvernement fait preuve d’incohérence. Alors que quatre projets de loi étaient initialement prévus, l'Assemblée nationale a, par un simple amendement, intégré l’un d’entre eux au texte que nous examinons. Voilà qui ne manque pas d’être surprenant et qui montre que le Gouvernement entend aller vite.

M. Claude Domeizel. Pourtant, la précipitation n’a jamais rien apporté de bon.

D’autre part, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous vous prenez sans cesse les pieds dans le tapis avec ces fameux conseillers territoriaux dont vous ne savez ni comment ils seront élus ni combien ils seront par département et par région. C’est un sujet qui, croyez-moi, ne suscite souvent que la risée !

Je ne reviendrai pas sur les raisons pour lesquelles j’ai voté l'amendement n° 166 rectifié tendant à rétablir la clause de compétence générale. Comme Roland Courteau, je considère que la solidarité est une notion importante, qui doit s’exercer y compris entre collectivités, entre régions et entre secteurs d’une même région. Le conseil général et le conseil régional sont des lieux de solidarité entre les territoires d’un même département ou d’une même région, entre zones favorisées et zones déshéritées, ou riches et moins riches.

Pour nous rassurer, vous soutenez qu’une collectivité qui souhaitera ajouter une nouvelle compétence pourra le faire. Peut-être, mais ce sera source de contentieux sans fin ! Alors pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

Roland Courteau s’est demandé à l’instant pourquoi l’article 35 n’était pas devenu sans objet ; c’est valable aussi pour les articles 35 bis et 35 ter. Pour ma part, je peux comprendre que vous vouliez mener la discussion de ces articles à son terme puisque ceux-ci font partie du projet de loi. Mais je ne suis pas particulièrement inquiet : monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, nous connaissons tous votre respect pour les positions de la Haute Assemblée. C'est la raison pour laquelle je veux croire que, sur les amendements de suppression de l'article 35, compte tenu du vote intervenu la semaine dernière, vous émettrez un avis favorable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.

M. Gérard Longuet. C’est précisément parce qu’il nous faut débattre de nouveau de la clause de compétence générale que je formule le vœu que l’article 35 soit l’occasion de remettre sur le métier l’ouvrage relatif au rôle des collectivités locales.

La République française est décentralisée. Elle n’est pas fédérale, elle est encore moins éclatée, comme l’était par exemple l’Allemagne du Saint Empire romain germanique après les traités de Westphalie. Or c’est exactement ce à quoi nous aboutirions si nous acceptions indéfiniment d’étendre la clause de compétence générale aux trois niveaux de collectivités que sont la commune, le département et la région.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Gérard Longuet. Pour ma part, je suis favorable à l’article 35 et je souhaite que, à l’occasion d’une deuxième délibération, nous puissions réexaminer cette disposition hâtivement votée qui a supprimé le principe d’une hiérarchie entre collectivités. (Ah ! Nous y voilà ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Roland Courteau. Les choses se clarifient !

Mme Éliane Assassi. Elles sont enfin dites !

M. Gérard Longuet. La clause de compétence générale donne l’illusion d’établir la démocratie à tous les échelons. Car ce n’est qu’une apparence ! En réalité, c’est un principe d’inégalité, qui consolide le pouvoir des collectivités les plus riches au détriment des plus pauvres.

M. Roland Courteau. Où va-t-il chercher tout ça ?

M. Gérard Longuet. J’ai écouté avec attention Jean-Pierre Sueur évoquer tout à l’heure le cas de l’université. Il a raison : il faut une politique nationale de l’université ; elle existe.

M. Gérard Longuet. Cependant, si nous acceptions de prolonger indéfiniment le désordre qu’entraîne la clause de compétence générale aux différents niveaux, les universités n’existeraient plus que dans les territoires riches, sans que règnent l’esprit régional, l’esprit de partage et la solidarité nationale.