M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne comprends pas les préventions qui ont incité le Gouvernement à ne pas engager la procédure accélérée sur ce texte tant cette deuxième lecture est verrouillée. C’est de l’urgence déguisée, monsieur le secrétaire d’État ! Aussi, vous ne serez pas surpris que je partage les interrogations de ma collègue Odette Terrade.

La deuxième lecture de ce projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services a-t-elle permis de l’améliorer ? Manifestement, la réponse est « non », dans la mesure où seul un article a été retouché par nos collègues de l’Assemblée nationale. En revanche, les aspects financiers, les questions liées aux compétences, au transfert des agents mais aussi à la création d’un conseiller territorial consulaire n’ont pas reçu, dans le débat, la clarification nécessaire.

Il est vrai que, en première lecture, le Sénat a amélioré les dispositions du texte qui pouvaient être améliorées, en supprimant les mesures les plus controversées – à ce stade, je tiens à remercier M. le rapporteur de sa capacité d’écoute, plusieurs de nos amendements ayant été adoptés –, je pense notamment au rétablissement de la personnalité morale pour les CCI de l’Essonne et de la Seine-et-Marne.

En dépit de quelques avancées obtenues à la suite de l’adoption d’amendements présentés par l’opposition, le texte demeure source de nombreuses insatisfactions et d’incertitudes. Le grand écart entre la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et la commission des finances du Sénat est toujours d’actualité.

En première lecture, la commission des finances de notre assemblée avait pourtant alerté le Gouvernement et la représentation nationale en dénonçant « le déficit de préparation et d’ambition de la réforme des CCI », considérant que celle-ci restait « au milieu du gué » et que, si elle avait été saisie au fond, « elle aurait demandé le rejet de la partie du projet de loi relative aux chambres de commerce et d’industrie ».

Le groupe socialiste tient une fois encore à rappeler que les transferts d’argent des CCIT aux CCIR sont antinomiques avec le schéma régional retenu.

Aujourd’hui, les chambres régionales sont des coquilles vides. Cette réforme leur confère un rôle de tête de pont régional. Or le texte est conçu de telle sorte que le savoir-faire, la motivation, la « gagne » demeureront au niveau territorial, alors que les moyens financiers et les décisions stratégiques relèveront du niveau régional.

Je ne suis guère optimiste sur les vertus de cette organisation : ni descendante, ni ascendante, elle sera source de névroses et de démotivation. (M. le secrétaire d’État s’exclame.)

En première lecture, j’avais souligné que cette organisation consulaire s’articulait autour de chambres de nature différente – territoriale, métropolitaine, régionale –, sans que la répartition des diverses compétences ne soit correctement établie. Ce constat, non partisan, est toujours d’actualité.

La majorité sénatoriale était, les 9 et 10 juin dernier, fortement divisée, notamment sur la perte d’autonomie fiscale des CCIT.

Le groupe socialiste a souligné que le projet de loi était incohérent, que son dispositif de financement était bancal, illisible, fondé sur un enchevêtrement de flux et de reflux financiers entre les chambres, dont le mécanisme supprime l’autonomie fiscale des CCI locales.

L’examen du texte en deuxième lecture n’a pas permis de revenir sur ces vices de fabrication. Cette réforme est mal engagée, sa réussite compromise. Les futurs conseillers territoriaux consulaires, nos territoires et nos entreprises vont probablement en essuyer les plâtres. Je ne doute pas un instant que nous serons prochainement sollicités pour remettre l’ouvrage sur le métier.

Seul l’article 11 relatif aux marchés d’intérêt national a été modifié à l’Assemblée nationale.

Le groupe socialiste est bien évidemment opposé à la suppression du périmètre de référence. À cet égard, je suis chaque fois surprise lorsque mes collègues de la majorité affirment que je soutiens le monopole. C’est une illusion d’optique, ou une manifestation de mauvaise foi (M. le rapporteur fait un signe de dénégation.), que de considérer Rungis comme un monopole. Il s’agit, au contraire, d’une mosaïque de producteurs et de distributeurs, concentrés dans un marché, ce qui facilite les différents contrôles.

En effet, le MIN est un périmètre réglementé destiné à protéger le consommateur et le producteur, dans un souci d’aménagement du territoire. Il présente un certain nombre d’autres avantages, sur lesquels je ne reviendrai pas car ils ont été longuement évoqués en première lecture.

Pour se mettre en conformité avec la directive Services, il fallait revoir les procédures d’autorisation d’installation des grossistes au sein des périmètres de protection. Ce travail de transposition a donné lieu à la version initiale d’une proposition, établie en concertation avec les MIN. Ce dispositif, qui n’avait pas rencontré le désaccord de Bruxelles, maintenait une autorisation administrative préalable à toute installation d’un grossiste dans le périmètre. Cette autorisation était fondée non plus sur un test économique, mais sur des considérations d’aménagement du territoire et de développement durable.

Le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale a estimé que ce compromis était encore trop protectionniste. À cet égard, l’option retenue par la majorité parlementaire est d’inspiration encore plus libérale que Bruxelles. Le rapporteur au Palais-Bourbon a souhaité établir la liberté totale d’installation, autrement dit la dérégulation.

Heureusement, le Sénat a adopté un amendement du groupe CRC-SPG tendant à maintenir une autorisation d’exploitation commerciale pour les projets d’implantation dont la superficie de vente est supérieure à 1 000 mètres carrés. L’Assemblée nationale est revenue en partie sur cette disposition en précisant la règle de calcul des 1 000 mètres carrés et en prévoyant une clause de revoyure. Il s’agit là d’un dispositif transitoire.

Le groupe socialiste demeure encore très réservé sur cette position dite « de compromis ». En effet, le commerce de gros n’est pas régi par la loi de modernisation de l’économie. Autrement dit, lorsqu’un grossiste souhaitera installer un entrepôt de 4 000 mètres carrés, il lui suffira, conformément aux dispositions de ce projet de loi, de déclarer une surface de produits frais de 999 mètres carrés et d’obtenir un permis de construire. Aucune autre formalité n’est requise. Or, par la suite, qui contrôlera que les rayons frais seront bien cantonnés dans ces 999 mètres carrés ?

D’où vient cette volonté, cette obsession de démanteler des régulations qui ont fait leur preuve ?

Le groupe socialiste n’est pas, en soi, opposé à l’ouverture de nouveaux entrepôts : il estime néanmoins indispensable que toute nouvelle ouverture fasse l’objet non seulement d’un examen attentif en matière d’aménagement du territoire, d’inscription dans l’espace urbain et d’accessibilité, mais aussi d’un contrôle dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité alimentaire.

C’est pourquoi nous présenterons deux amendements. Nous sommes sans grandes illusions sur le sort qui leur sera réservé, mais, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État, seuls les combats qui ne sont pas menés sont perdus d’avance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Odette Terrade applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé en deuxième lecture fait suite à une proposition de réforme élaborée par l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie en avril 2009, après un débat mené en 2008.

Plus exactement, l’objectif du projet de loi est principalement de rationaliser l’organisation administrative et territoriale des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat, mais aussi de réformer le régime administratif de plusieurs professions réglementées dans le domaine du commerce, de l’artisanat et des services.

Sa logique générale est de renforcer le niveau régional des chambres et de diminuer leur nombre à l’échelon local afin – c’est en tout cas le but affiché – de réaliser des économies, conformément aux objectifs de la RGPP, tout en conservant un important réseau de proximité.

Dans un contexte d’endettement massif des entreprises, nous aurions pu être d’accord avec un renforcement des missions de service public de nos organismes consulaires et une action de proximité et d’animation plus importante auprès des petites et moyennes industries, ainsi que des petites et moyennes entreprises. Or le projet de loi qui nous est présenté est un texte fourre-tout : il débute par une révision de la carte consulaire, programme ensuite la mort des marchés d’intérêt national en supprimant leurs périmètres de référence, supprime au passage la licence d’agent artistique, révise la législation sur la profession d’expert-comptable et ouvre la voie à des ordonnances spécifiques organisant le secteur des métiers et de l’artisanat.

Ce qui importe avant tout, c’est que les CCI puissent se recentrer et se concentrer sur ce qui constitue leur expertise et leur cœur de métier, à savoir la relance de l’innovation, des investissements, de la production, des marchés et de l’emploi sur l’ensemble de nos territoires, notamment les territoires ruraux les moins peuplés et les plus touchés par la crise. Ces territoires ont besoin, vous en êtes tous convaincus, d’être soutenus.

Or ce projet de loi, qui est mal construit, parce qu’il a fait l’objet d’une concertation insuffisante en amont, prévoit exactement le contraire. Il conduira ainsi à accélérer la désertification et la paupérisation en milieu rural et montagnard, sans pour autant permettre aux métropoles, où sont concentrés le chômage et la précarité en période de crise économique, de faire face aux enjeux auxquels elles sont confrontées.

Nous ne voulons pas que les établissements consulaires deviennent de simples cabinets de consulting auprès des quelques grosses entreprises qui siégeront au sein du conseil d’administration de la CCI de région. Nous ne sommes pas dupes ! Nous voyons bien que l’objectif, in fine, de cette réforme est d’amener les chambres de commerce et d’industrie à abandonner progressivement leurs missions de service public au profit de missions purement commerciales.

L’ancrage territorial du réseau des CCI, au plus près du maillage entrepreneurial, est un atout décisif. Pourquoi alors ne pas avoir mis en place une véritable concertation avec les collectivités territoriales, qui représentent 75 % de l’investissement public de notre pays et qui sont des partenaires à part entière du développement économique ? C’est cette proximité qui permet de répondre en permanence de manière adéquate aux besoins évolutifs des entreprises, d’apporter des réponses rapides, souples, réactives, originales et innovantes aux problèmes perpétuellement nouveaux auxquels elles ont à faire face. En aboutissant à un affaiblissement de cette proximité territoriale, la réforme proposée par le texte manquera totalement son but.

En réalité, le projet de loi semble vide de tout contenu. De fait, il invite les CCI à faire des économies d’échelle en sacrifiant le niveau efficace de la proximité et à réduire les emplois, sans aucune concertation sociale au préalable. Plusieurs centaines d’emplois vont disparaître car, malgré ce qui a pu être dit, cette réorganisation entraînera des suppressions de postes.

Enfin, je conclurai mon intervention par quelques mots sur le seul article restant en discussion. Le texte résultant des travaux du Sénat en première lecture permettait d’assurer la défense de l’existence des marchés d’intérêt national, grâce au maintien des périmètres de référence. L’Assemblée nationale a légèrement modifié le texte du Sénat. Cependant, je me félicite qu’elle ait maintenu le périmètre de référence, tout en autorisant les surfaces inférieures à 1 000 mètres carrés. Je ne suis pas contre cette possibilité, à condition qu’il soit précisé qu’il s’agit de moins de 1 000 mètres carrés cumulés.

En conclusion, je rappelle que le groupe RDSE est très réservé sur ce projet de loi. Comme d’habitude, il s’exprimera dans sa diversité : la majorité du groupe s’abstiendra sur ce texte, tandis que quelques-uns de nos collègues l’approuveront, monsieur le secrétaire d’État. (Mme Odette Terrade et M. Jean-Claude Frécon applaudissent.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. L’honneur est sauf ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services.

L’Assemblée nationale a adopté conforme le texte issu des travaux du Sénat en première lecture, à l’exception d’un article, l’article 11, relatif aux marchés d’intérêt national.

En tant que sénateur du Val-de-Marne, département dans lequel, chacun le sait, est implanté le MIN le plus important de France, je voudrais rappeler pourquoi mon collègue Christian Cambon et moi-même étions attachés au maintien de la version initiale du projet de loi en ce qui concerne le périmètre de référence des MIN.

En effet, le texte initial de l’article 11 était conforme aux exigences de la directive européenne et permettait à tous les grossistes de s’établir au sein d’un MIN. Ces marchés sont, comme les chiffres le démontrent et comme l’a rappelé Mme Khiari, des lieux de véritable concurrence. La version initiale de l’article 11 protégeait ces zones d’échange et assurait leur pérennité.

Le Gouvernement, il faut le rappeler, avait mené une concertation approfondie pendant deux ans. Il était en effet nécessaire d’assouplir les périmètres de protection du fait de l’adoption de la directive européenne proscrivant les régimes de protection pour les remplacer par des régimes d’autorisation.

Cette concertation a abouti à un texte destiné à assouplir le périmètre de protection en soumettant l’autorisation à des critères d’aménagement du territoire et de développement durable. Ces critères n’ont pas été retenus par hasard et n’avaient nullement été contestés par la Commission européenne. Ce sont d’ailleurs ceux que nous avions adoptés en 2008 pour l’urbanisme commercial, dans la loi de modernisation de l’économie. Il était donc logique qu’ils soient proposés pour assouplir le périmètre de protection des MIN.

Cependant, l’Assemblée nationale n’a pas souhaité en tenir compte. Elle a préféré supprimer de façon radicale les périmètres de protection, de même que M. le rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Comme je l’ai déjà dit en première lecture, je trouve regrettable que les parlementaires, qu’ils soient sénateurs ou députés, n’aient tenu aucun compte du processus de concertation réelle qui avait été mené par le Gouvernement. Le Sénat avait pourtant adopté une position de sagesse, se rapprochant du texte initial du Gouvernement.

Ce que nous voulons, c’est une concurrence saine qui préserve non seulement la réputation des MIN, mais surtout l’objectif initial de leur création. Vous avez vous-même reconnu, monsieur le rapporteur, que les MIN, et notamment celui de Rungis, fonctionnaient très bien. Alors pourquoi vouloir les désorganiser ?

Ces marchés contribuent très largement aux échanges commerciaux de productions agricoles et alimentaires dans nos régions ; ils permettent à des milliers de producteurs de trouver les débouchés nécessaires à l’écoulement de leurs produits auprès des grossistes et des distributeurs.

Par ailleurs, nous savons les efforts qu’accomplissent ces professions pour promouvoir la qualité et la variété d’une production agricole française réputée dans le monde entier, et qui nous est enviée.

Monsieur le rapporteur, en supprimant purement et simplement les périmètres de référence au nom de la libre concurrence, dont on connaît les dérives et surtout les dégâts, vous risquiez de porter un coup fatal à cette magnifique filière de produits frais dont les acteurs sont si respectueux de la qualité et qui laisse toute leur place aux producteurs, y compris aux plus petits d’entre eux.

Monsieur le secrétaire d’État, si le texte final de l’article 11 recueille aujourd’hui un large consensus, soyez assuré que nous saurons rester vigilants quant à son évolution dans deux ans, et ce quels que soient les sénateurs élus ou réélus sur ces travées.

Telles sont les remarques que je souhaitais faire en mon nom personnel et au nom de M. Christian Cambon, ainsi que des trente et un autres sénateurs cosignataires de notre amendement, en particulier Mme Bernadette Dupont, MM. Ambroise Dupont, Louis Nègre, Jean-Claude Gaudin et Laurent Béteille, sans oublier le président Roland du Luart.

S’agissant des autres dispositions du projet de loi, nous pouvons nous féliciter de leur adoption conforme par nos collègues de l’Assemblée nationale dans la rédaction modifiée par le Sénat en première lecture, notamment concernant la réforme des réseaux consulaires, en particulier celle des chambres de commerce et d’industrie, qui était sans nul doute la partie la plus difficile du texte et sur laquelle un consensus a donc été trouvé.

Je voudrais également saluer la position constructive du rapporteur de l’Assemblée nationale, qui a permis l’adoption d’un texte dans un climat apaisé.

Enfin, je tiens à remercier le rapporteur du Sénat, M. Gérard Cornu, pour son courage : il a accepté de rapporter un texte sur lequel, au départ, nul ne pensait pouvoir trouver un accord, en particulier pour ce qui est des réseaux consulaires.

Monsieur le rapporteur, vous avez su réduire progressivement les points de désaccord sur ce sujet et, à l’instar M. le secrétaire d’État, vous montrer à l’écoute des préoccupations des uns et des autres. Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, au nom du groupe UMP, je tiens à vous en remercier.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe Union pour un Mouvement Populaire apportera son soutien au projet de loi, même si certains parmi nous regrettent que l’Assemblée nationale n’ait pas voté conforme l’intégralité de ce texte, y compris, donc, l’article 11. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, force est de constater que le texte que nous examinons aujourd’hui, c’est-à-dire l’article 11 du projet de loi, puisque tous les autres articles ont été adoptés conformes par nos collègues de l’Assemblée nationale, suscite sinon moins d’opposition, en tout cas moins de vives réactions.

Souvenons-nous que l’article 11 relatif aux périmètres de référence des marchés d’intérêt national avait provoqué, après la suppression de ces périmètres protecteur en première lecture à l’Assemblée nationale, une vive réaction de la part de nombreux sénateurs, qu’ils soient membres de l’opposition ou de la majorité.

Monsieur le secrétaire d’État, le groupe socialiste du Sénat, avec le soutien de sénateurs de toutes les travées de cet hémicycle, vous avait alors donné l’opportunité de revenir à la rédaction initiale du projet de loi que vous aviez déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Ce premier texte était issu de la fructueuse concertation que vous aviez menée avec l’ensemble des professionnels du commerce des produits frais et de l’agriculture. Ce processus avait abouti à une proposition d’évolution de la réglementation des MIN qui recueillait l’assentiment de la plupart des parties concernées et qui semblait acceptable par la Commission européenne.

En effet, il convient de le rappeler, la directive Services n’a jamais condamné la nature ni les objectifs des marchés d’intérêt national et leurs périmètres de référence. Le texte qui avait été élaboré était conforme à la lettre et à l’esprit de cette directive, quoi qu’on en pense par ailleurs. L’argument selon lequel les périmètres de référence devaient être supprimés au motif qu’ils étaient en contradiction avec cette directive ne tenait donc pas.

Mes chers collègues, nous connaissons tous la suite : c’est finalement un amendement de compromis déposé par nos collègues du groupe CRC-SPG qui a permis de sauver les périmètres de référence des MIN. Les procédures d’autorisation dans ces marchés ont été assouplies et les critères d’octroi de l’autorisation permettant l’installation d’un grossiste dans le périmètre de référence d’un marché d’intérêt national ont été redéfinis.

Le texte résultant des travaux du Sénat était sans doute le meilleur compromis qu’il était possible d’envisager. Les autorisations d’installation des grossistes n’étaient plus obligatoires que pour les surfaces commerciales supérieures à 1 000 mètres carrés et prenaient en compte des critères fondés sur des considérations d’aménagement du territoire, de sécurité sanitaire et de développement durable.

Mes chers collègues, il convient de rappeler que ces périmètres de référence sont tout à fait essentiels pour la bonne marche du service public de l’alimentation. Il ne s’agit pas de défendre un monopole, bien au contraire ! Sans ces périmètres dits « de protection », les grossistes et distributeurs du secteur agroalimentaire auraient pu s’installer rapidement au sein des agglomérations, sans autorisation préalable des pouvoirs publics, au titre du commerce de gros des produits frais, tout en échappant aux divers contrôles, notamment sanitaires.

Cette concurrence déloyale aurait eu pour effet d’affaiblir sensiblement les 1 300 PME du MIN de Rungis ainsi que des dizaines d’autres en régions, et de menacer la pérennité des 26 000 emplois des MIN de France.

Les périmètres de protection des marchés d’intérêt national interdisent, comme chacun le sait, toute extension ou création d’activité destinée à la vente en gros à l’intérieur du périmètre pour les produits protégés. C’est en partie grâce à l’efficacité de cette mesure destinée à protéger les MIN et les grossistes et producteurs qui y exercent leurs activités que le marché de Rungis, le plus grand marché de produits frais au monde, est devenu un modèle dont l’organisation est exportée par ses dirigeants dans le monde entier.

Le marché de Rungis génère à lui seul un chiffre d’affaires de près de 8 milliards d’euros. Plus de 5 500 grossistes y emploient 12 000 salariés. Depuis plus de quarante ans, le MIN de Rungis mène au quotidien le combat de la qualité et de la fraîcheur de ses produits dont 18 millions de consommateurs profitent tous les jours. Chaque matin, ce sont plus de 30 000 professionnels qui franchissent les portes du marché pour l’approvisionner, y faire leurs achats ou venir y travailler.

Grâce aux périmètres de référence, les MIN sont de puissants outils d’aménagement du territoire. Ils constituent un réservoir d’emplois qu’il faut protéger et, pour nombre de nos agriculteurs, un outil essentiel de mise en marché de leurs produits jusque sur les étalages des commerçants forains et sédentaires de nos centres-villes. Ils sont le seul outil dont l’État dispose pour suivre la formation des prix de détail des produits frais. Ils sont, enfin, un lieu de contrôles sanitaires et phytosanitaires, des procédures essentielles pour assurer notre sécurité alimentaire.

Certes, les travaux du Sénat ont permis de sauver ces périmètres de protection, et nous pouvons être satisfaits, mes chers collègues, du combat qui a été mené sur toutes les travées de cet hémicycle pour la défense des MIN.

Lors de la deuxième lecture, l’Assemblée nationale s’est fort opportunément ralliée au texte voté par le Sénat et l’a même amélioré en écartant toute possibilité pour un opérateur de détourner, en multipliant sur le même site plusieurs implantations distinctes, la mesure de simplification consistant à dispenser d’autorisation les installations de faible surface.

Le texte transmis par l’Assemblée nationale prévoit en effet que la surface s’entend, le cas échéant, pour un groupe d’installations proches mais formellement distinctes, ce qui permettra d’éviter la constitution sans contrôle d’une installation dépassant le seuil légal des 1 000 mètres carrés par agrégation de plusieurs bâtiments destinés aux mêmes clients.

En revanche, le texte issu des travaux du Sénat en première lecture a été mis à mal sur deux points essentiels selon nous.

Tout d’abord, le Sénat avait prévu que l’autorité administrative compétente pour donner l’autorisation d’installation devait statuer sur les demandes d’autorisation en prenant en considération les effets du projet en matière d’aménagement du territoire, de développement durable et de sécurité sanitaire. L’Assemblée nationale a supprimé ce dernier critère, ce qui ne paraît absolument pas justifié : la sécurité sanitaire constitue une condition tout à fait essentielle pour accorder ou refuser l’autorisation d’implantation d’un grossiste. Nous vous proposerons donc un amendement visant à réintroduire ce critère.

Par ailleurs, le dispositif de compromis adopté par le Sénat en première lecture a été substantiellement fragilisé : la majorité à l’Assemblée nationale a décidé de lui conférer un caractère provisoire en limitant son application au 31 décembre 2012. À cette date, un bilan de l’organisation des marchés d’intérêt national, portant en particulier sur la mise en œuvre et l’efficacité des périmètres de référence au regard des objectifs visés, sera présenté au Parlement par l’autorité administrative compétente.

Certes, l’élaboration de ce bilan associera notamment les établissements publics et les organisations interprofessionnelles concernées. Les déclarations du rapporteur Gérard Cornu lors de la réunion de la commission de l’économie du 30 juin dernier ne nous ont cependant pas rassurés sur l’orientation de celui-ci.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons un amendement de suppression de cette clause de revoyure.

De plus, vous n’êtes pas sans savoir que, pour se développer, les MIN ont besoin d’investissements importants qui nécessitent une visibilité à long terme. Manifestement, cette clause de revoyure constitue un obstacle à de tels investissements.

Si l’échéance du 31 décembre 2012 devait être maintenue, les élus et professionnels qui défendent une alimentation de qualité au service des citoyens seront plus nombreux et plus déterminés que jamais pour préserver la concurrence « qualité » que garantissent les marchés d’intérêt national.

Le savoir-faire de ceux qui y travaillent et le service public qui les protège méritent toute notre attention et notre respect. Il s’agit ni plus ni moins de défendre le modèle français d’économie mixte et de distribution alimentaire alternative à la grande distribution ? Nous serons toujours attentifs à la défense des MIN, car il ne s’agit rien de moins que de défendre l’intérêt général et le service public de l’alimentation.

Grâce à l’existence des périmètres de référence, la France dispose encore d’un circuit de distribution alimentaire de qualité. Les MIN sont, par définition, des lieux de concurrence où se confronte une diversité d’offres. Ce ne sont ni des « monopoles » ni des lieux de « privilège ». Nous serons toujours présents pour défendre leur pérennité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)