M. le président. L'amendement n° A-1, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

Les redevables prélèvent à leur profit, pour les frais de déclaration et de versement, 2 % du montant de la taxe qu'ils versent aux communes. Ce prélèvement est ramené à 1,5 % à compter du 1er janvier 2012.

II. - Alinéa 57

Rédiger ainsi cet alinéa :

Les redevables prélèvent à leur profit, pour les frais de déclaration et de versement, 2 % du montant de la taxe qu'ils versent aux départements. Ce prélèvement est ramené à 1,5 % à compter du 1er janvier 2012.

III. - Alinéa 83

Rédiger ainsi cet alinéa :

Les redevables prélèvent à leur profit, pour les frais de déclaration et de versement, 2 % du montant de la taxe qu'ils versent aux syndicats ou aux départements. Ce prélèvement est ramené à 1 % à compter du 1er janvier 2012.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J’ai évoqué le sujet tout à l’heure. Nos collègues Michel Sergent, Jean-Claude Merceron et Xavier Pintat ont été associés au travail relatif à cet amendement.

Les paragraphes I et II de l’amendement visent à préciser le dispositif à la suite de l’amendement n°°105 adopté ce matin après une rectification ayant eu lieu pendant la séance. Les compromis, c’est bien, mais lorsqu’ils interviennent au dernier moment, cela ne permet pas d’examiner toutes les situations. Tel qu’il a été rédigé, cet amendement conduit en effet à une année blanche pour les fournisseurs redevables de la taxe en matière de prélèvement pour les frais de gestion.

Le présent amendement prévoit donc – conformément à l’intention des auteurs de l’amendement n° 105 et à la volonté du Gouvernement – que le taux de ce prélèvement sera égal à 2 % en 2011 et à 1,5 % à partir du 1er janvier 2012. (M. Philippe Marini s’exclame.) En effet, cher collègue Philippe Marini, vous aviez déposé un amendement identique, mais vous aviez eu la courtoisie de laisser notre collègue Michel Sergent « monter au créneau » pour le défendre, et négocier, si je puis dire.

Le paragraphe III de l’amendement que je présente en cet instant est également une disposition de compromis. Elle permet de répondre à la situation dans laquelle la taxe communale est perçue par les syndicats d’électricité. Nous avons supprimé tout à l’heure l’exonération du taux de prélèvement pour ce cas. Cet amendement propose un compromis : un taux de prélèvement de 2 % en 2011, qui serait ramené à 1 % à partir du 1er janvier 2012.

Voilà la proposition que fait la commission de l’économie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Le Gouvernement est bien entendu tout à fait satisfait du travail accompli, car cet amendement permet de résoudre deux sujets que nous avons évoqués lors des débats.

Le premier trouve une réponse dans les paragraphes I et II de l’amendement. Au cours du débat, un accord a été trouvé sur la nécessité de permettre aux redevables de prélever, afin de couvrir leurs frais de déclaration et de versement, 2 % du montant de la taxe qu’ils versent au département, ce taux étant ramené à 1,5 % à compter du 1er janvier 2012.

Nous avions exposé ces éléments lors de la discussion. Il nous a fallu les préciser de nouveau dans la rédaction définitive. Cet amendement clarifie les choses.

Concernant le second point, nous avons constaté lors de la discussion que la commission et le Gouvernement voulaient atteindre le même objectif. Une solution de compromis était nécessaire afin de trouver un équilibre raisonnable entre les exigences constitutionnelles et communautaires, tout en prenant en compte la spécificité historique des syndicats d’électrification.

La commission a défendu son objectif initial, et le Gouvernement a fait valoir l’importance de la prise en compte des enjeux constitutionnels. Nous avons trouvé un point d’équilibre au travers de cet amendement.

Je remercie M. le rapporteur et les autres membres de la commission d’avoir bien voulu travailler sur cet amendement, et ce dans des délais très courts. Je pense en particulier à MM. Xavier Pintat, Jean-Claude Merceron et Michel Sergent.

Ce travail clair, accompli dans les règles de l’art, a permis d’aboutir à un texte répondant à toutes les exigences et qui constitue une avancée.

Merci encore à la commission de l’économie !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° A-1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)

M. le président. Nous en avons terminé avec la seconde délibération.

Vote sur l’ensemble

Article 12
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole est à M. Jean-Claude Merceron, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Merceron. Après ces longues heures de débat, je me contenterai d’une intervention courte, simplement pour vous faire part de la tiédeur avec laquelle le groupe de l’Union Centriste accueille le texte, modifié marginalement pendant le débat.

Je ne vais donc pas entrer dans le détail des articles, je préciserai seulement les raisons pour lesquelles le soutien de notre groupe n’est ni unanime, ni enthousiaste. En effet, le texte ne nous semble pas être à la hauteur des enjeux. Autrement dit, il manque terriblement d’ambition.

L’enjeu du texte dépasse la simple mise en conformité du droit français avec le droit communautaire. Pourtant, il semblerait que l’on s’en contente.

Les enjeux d’une nouvelle organisation du marché de l’électricité sont multiples.

L’enjeu énergétique consistait à assurer la pérennité de notre approvisionnement énergétique, et la stabilité à long terme de notre politique énergétique, notamment nucléaire.

L’enjeu industriel consistait à conforter la place de champions énergétiques des entreprises françaises, en France, en Europe, voire dans le monde.

La difficulté pour GDF Suez de vendre une centrale à l’étranger alors qu’elle n’en a pas en France est bien connue.

Malheureusement, la réglementation actuelle ne permet toujours pas l’émergence d’une concurrence industrielle créatrice d’emplois et facteur d’innovation. Elle ne permet pas plus la vente de notre savoir-faire énergétique à l’étranger.

Enfin, l’enjeu de société d’une nouvelle organisation du marché de l’électricité consistait à assurer la nécessaire et progressive remontée des tarifs réglementés d’électricité, afin de financer l’intégralité du coût de production de l’énergie nucléaire.

Malgré l’intérêt pour ce débat, et la pédagogie de notre rapporteur, dont je salue l’effort, j’ai tout de même l’impression que l’on a rogné les fondamentaux.

Cette situation est d’autant plus embarrassante qu’un texte transitoire doit justement poser des bases saines et solides, répondant aux enjeux visés par le texte, quitte à opérer des ajustements par la suite.

Or, d’un point de vue industriel, on ne gagne pas vraiment en lisibilité, ni sur la stratégie globale de la France en matière énergétique, ni sur le prix de l’ARENH, ni sur les tarifs réglementés et leurs évolutions.

Jusqu’en 2015, les industriels comme les consommateurs d’électricité vont « naviguer à vue », et après 2025, on ne sait pas. Il n’y a même pas de sortie en sifflet de l’ARENH.

Or, d’un point de vue sociétal, est repoussée à 2015 l’adéquation des tarifs avec la réalité du coût de production nucléaire, c’est-à-dire de l’ARENH.

Pourquoi attendre ? Il n’est pourtant pas « grossier » de demander au consommateur de payer le prix réel de l’électricité, si toutefois deux conditions sont être réunies.

La première, c’est que cette « rationalisation tarifaire » finance l’investissement dans le parc nucléaire.

La seconde condition d’acceptabilité de la hausse tarifaire, certes déconnectée de la loi, mais ô combien actuelle, c’est que les plus démunis puissent bénéficier d’un tarif social.

Je me réjouis d’ailleurs que l’amendement centriste – disposition déposée par chaque groupe ! – sur l’automaticité du tarif social pour le gaz ait été voté.

Quant à l’attribution d’office du tarif social de l’électricité, nous serons tous très attentifs à la sortie du décret, madame le secrétaire d’État.

Voilà les principales raisons pour lesquelles le soutien des sénateurs centristes n’est ni unanime, ni allant. (M. Roland Courteau s’exclame.)

Cependant, la majorité d’entre nous va soutenir ce texte. Nous faisons en effet un pari, ou plutôt des paris.

Tout d’abord, nous faisons le pari que les industriels joueront le jeu de l’investissement, et que notre « champion » jouera celui du partenariat.

Ensuite, nous faisons le pari de la capacité d’action en toute indépendance de la Commission de régulation de l’énergie.

Enfin, nous faisons le pari d’une responsabilisation du Gouvernement sur le calendrier, afin de mettre en place, progressivement et courageusement, les ajustements réglementaires, notamment en ce qui concerne la politique des tarifs réglementés.

Pour ces raisons, nous serons extrêmement vigilants à ce que le texte, si peu ambitieux soit-il, puisse au moins tenir ses promesses, et surveillerons le calendrier de son exécution, que j’espère volontariste.

La réorganisation du marché de l’électricité est en effet une chance de développement industriel.

La France des « champions énergétiques » a une carte importante à jouer pour se positionner comme une puissance dans le domaine de l’énergie, à l’échelle européenne, dans un réseau interconnecté, et dans le monde, à condition que nos industriels disposent de la lisibilité nécessaire au développement de leur potentiel.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Je ne suis pas spécialiste en la matière, contrairement aux rapporteurs de ce texte, non seulement au Sénat mais aussi à l’Assemblée nationale, avec l’aimable Jean-Claude Lenoir, ancien cadre d’EDF qui, par ailleurs, a été médiateur de l’énergie. Il cumule un certain nombre de mandats en dehors de celui de député de l’Orne, département que j’ai l’honneur de représenter au sein de la Haute Assemblée.

Je n’ai aucun doute sur le fait que notre commission de l’économie entendra des présidents de syndicats primaires, voire du syndicat départemental de l’Orne, qui lui exposeront les difficultés et les « petits bonheurs » de tous les jours relatifs à ce texte.

Je souhaite attirer l’attention de notre assemblée, de Mme la secrétaire d’État et de M. le rapporteur sur les dangers de la contractualisation.

En effet, nous avons beaucoup parlé de contractualisation sur des montants prévisionnels.

De nombreuses entreprises, dans l’Orne ainsi que, je présume, dans toute la France, ont subi de plein fouet la crise économique. Liées par des contrats de fourniture d’EDF, ces entreprises, je pense en particulier à l’usine KME de Boisthorel, ont vu leur consommation d’électricité chuter. En conséquence, elles ont été contraintes de payer non seulement les montants prévus par le contrat, mais également un certain nombre de pénalités liées à la sous-consommation d’électricité.

S’agissant des dispositions à venir relatives à ces contrats, il est important d’attirer l’attention des fournisseurs et des clients sur ce type de risque. Les clauses des contrats doivent être suffisamment claires afin que nos entreprises ne soient pas doublement pénalisées.

J’ai l’honneur de faire partie de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires. Nous avons procédé à de nombreuses auditions avec le président Martial Bourquin.

Il est parfaitement évident que l’aspect énergétique et la question de la fourniture d’énergie constituent un point très important de la stabilité économique, de l’attractivité du territoire ainsi que de la compétitivité de nos entreprises.

J’espère que ce texte ne ruinera pas les efforts mis en œuvre pour faciliter la reprise économique tant attendue et qui commence d’ailleurs peut-être à se faire sentir.

Je souhaite également vous indiquer que ces réserves sont relayées dans les territoires. J’espère que les conditions d’application de ce texte ne porteront atteinte ni aux particuliers ni, surtout, aux entreprises, qui n’en n’ont pas besoin en cette période difficile.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord louer la qualité des débats, et ce grâce à la compréhension du Gouvernement – même si nous n’avons pas toujours été écoutés –, mais aussi et surtout à la qualité de notre rapporteur, dont la compétence est remarquable. Nous pouvons lui décerner le titre de « Monsieur électricité du Sénat » !

M. François Trucy. Monsieur 100 000 volts ! (Sourires.)

M. François Fortassin. Toutefois, si je devais résumer ce texte, les deux mots qui me viendraient à l’esprit seraient « inégalité » et « complexité ». J’ai le sentiment que celui-ci va être très difficile à mettre en œuvre…

M. François Fortassin. … et je souhaite bien du plaisir à nos concitoyens pour en comprendre la finalité !

Mme Nathalie Goulet. Effectivement.

M. François Fortassin. Or nous ne devons jamais oublier que nous sommes des législateurs et que, plus la loi est simple, plus elle a des chances d’être comprise par nos concitoyens.

Il faut bien entendu compter avec l’obsession européenne à remettre en cause les acquis du service public pour, sinon casser, du moins détériorer l’un des fleurons de l’industrie française, notamment dans le domaine nucléaire.

Ce qui me gêne le plus, au fond, avec la bagarre des prix qui va intervenir – dont je ne suis d’ailleurs pas certain qu’elle les fasse baisser –, c’est que les Français vont être soumis à une sorte de double peine.

Le parc nucléaire, lorsqu’il a été mis en place, voilà trente ou quarante ans, a été financé avec les deniers des contribuables.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. François Fortassin. Jusqu’à présent, les consommateurs français en retiraient un avantage tarifaire. Désormais, les consommateurs allemands, qui n’ont jamais mis le moindre mark dans cette affaire, ne paieront pas l’électricité beaucoup plus chère que les consommateurs français.

Ce ne sont pas tout à fait les mêmes consommateurs, me direz-vous. Certes, beaucoup de ceux qui ont payé le parc nucléaire français sont maintenant dans l’au-delà, mais nous ne devons pas pour autant les oublier… De plus, certains auront effectivement payé deux fois.

Ce texte comporte des avancées, nous ne les nions pas. Je pense en particulier au réexamen annuel du prix de cession de l’électricité, à la possibilité, sous certaines conditions, de proroger les conventions favorables au secteur de l’hydroélectricité, etc. Par ailleurs, un quart des amendements déposés par mon groupe ont été acceptés. Ce sont des éléments positifs.

En revanche, il est des points sur lesquels j’ai trouvé le texte un peu timide, en particulier sur les syndicats primaires. Bien entendu, ils ont leur importance historiquement et un certain nombre d’élus y sont particulièrement attachés, mais il faudrait tout de même fixer un cap, même si on l’a dit en filigrane, afin que, dans un délai raisonnable – cinq ans, dix ans –, il existe un véritable syndicat départemental d’électricité dans tous les départements, qui sera un partenaire beaucoup plus puissant, notamment à l’égard de ERDF.

Il convient également de souligner la question des réseaux. Aujourd’hui, chaque client, qu’il réside dans un hameau de 50 habitants ou dans une ville de 20 000 ou 30 000 habitants, bénéficie de réseaux et de services à peu près comparables, notamment en termes de réparations. Nous pouvons, à cet égard, féliciter EDF et ERDF. Demain, je ne sais pas si la loi du marché permettra d’avoir la même réactivité.

Enfin, pour ma part, je regrette que les particuliers ne soient pas tenus, lorsqu’il y a des lignes électriques, de faire en sorte que les arbres ne dépassent pas six ou huit mètres de hauteur. En cas de coup de vent ou de tempête, ce serait une importante mesure de protection des réseaux.

Compte tenu des réserves que je viens d’émettre et du risque de mauvais entretien pour l’avenir, la majorité de notre groupe ne votera pas le projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’issue de nos débats au demeurant fort courtois, force est de constater que la loi NOME instaure une usine à gaz, objectivement kafkaïenne, dont il ressort in fine que l’on fait un pas de plus en direction de l’abandon au secteur privé de la gestion d’un bien pourtant essentiel et stratégique, l’électricité, avec comme première conséquence une hausse à court terme de 12 % de son prix, préjudiciable aux entreprises et aux ménages, particulièrement les plus modestes qui chauffent leurs logements mal isolés à l’électricité.

La discussion a cependant permis de mettre sur la place publique les défis colossaux sur le plan financier pour EDF entraînés par la décision de prolonger de vingt ans la durée de vie du parc nucléaire – 35 milliards d’euros à trouver rapidement – dans la perspective de son renouvellement estimé par le président Proglio à plus de 230 milliards d’euros, sans compter l’explosion du coût du développement de l’EPR : on comprend ses inquiétudes quant au prix de cession du courant nucléaire à ses concurrents…

Ainsi la filière électronucléaire française apparaît-elle désormais comme un colosse aux pieds d’argile, essentiellement pour deux raisons.

D’une part, elle dépend fondamentalement de gisements fossiles limités et situés dans des zones sensibles : les drames récents au Niger viennent démontrer combien l’indépendance énergétique de la France grâce au nucléaire n’est finalement qu’un mythe !

D’autre part, elle est entrée dans un goulet d’étranglement financier parce que le parc est vieillissant et que les stratégies de long terme qui s’imposent ne sont plus de mise dans une économie financiarisée où les actionnaires exigent des retours de dividendes rapides !

Nous connaissons tous la fameuse injonction : « Boire ou conduire, il faut choisir ! ». Il en est de même en termes de stratégie de production électrique : « nucléaire ou renouvelable, il faut choisir », tout simplement parce que nos capacités d’investissement ne sont pas illimitées et que la filière nucléaire est l’industrie la plus gourmande en capital.

Le couperet est tombé. Rappelons trois décisions emblématiques. En adoptant l'amendement n° 245 déposé par la majorité ouvrant la possibilité pour les grands groupes privés de participer au financement des investissements colossaux exigés dès aujourd’hui, le Sénat tente de consolider la filière nucléaire française, pourtant structurellement fragilisée.

Par contre, en refusant notre amendement n° 213 élargissant la possibilité pour des fournisseurs à vocation non lucrative – notamment les sociétés d’économie mixte et les sociétés coopératives d’intérêt collectif – de bénéficier de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, le Sénat refuse un dispositif qui permettait de stimuler le développement de la production d’énergie renouvelable.

De même, en refusant notre amendement n° 221 permettant de mettre à contribution les fournisseurs privés dans le cadre des plans départementaux destinés à lutter contre la précarité énergétique, le Sénat a démontré qu’il préférait ménager le secteur privé plutôt que de le mobiliser pour économiser l’énergie et se donner les moyens nécessaires pour isoler les logements des familles les plus pauvres.

Pour conclure, je considère que les affirmations ex cathedra de M. Apparu concernant le prix de revient du courant nucléaire ne manquent pas de culot. En effet, les provisions affichées pour le traitement des déchets, le démantèlement des centrales en fin de vie et le traitement de ces sites gravement pollués relèvent purement et simplement du dumping environnemental : en témoigne le scandaleux moratoire de cinq ans portant sur l’abondement par EDF aux fonds dédiés au traitement des déchets nucléaires, comme si le problème était réglé !

Alors, tentative de ménager le système électronucléaire français dans le cadre d’une libéralisation du marché de l’électricité, privilèges octroyés aux opérateurs privés, immobilisme coupable en termes d’économies d’énergie, de promotion des énergies renouvelables et de lutte contre la précarité énergétique… Nous votons contre cette loi NOME, qu’il faudra désormais appeler « Nouvelle opération mainmise sur l’électricité » au profit du secteur privé !

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. La démonstration est faite qu’à l’issue de nos débats, très courtois pour reprendre la formule de Jacques Muller, les exigences très libérales de la Commission européenne, faisant primer la concurrence sur toute autre considération, ont offert une nouvelle fois un appui au Gouvernement et à la majorité sénatoriale pour détricoter encore un peu plus notre système énergétique et pour revenir sur les acquis du mode de régulation mis en place depuis 1946.

Les spécificités du secteur de l’électricité ne sont pourtant pas compatibles avec les mécanismes concurrentiels, nous l’avons dit et répété. La recherche de la concurrence à tout prix est néanmoins devenue une fin en soi, à tel point que, à défaut de pouvoir la faire émerger en France, il vous faut la créer de façon factice, quitte d’ailleurs à affaiblir un système qui donne entière satisfaction depuis des décennies et que le monde entier nous envie.

Pourtant, l’ouverture à la concurrence, ça ne marche pas. Plusieurs ministres, des États membres de l’Union européenne, l’ont reconnu, encore récemment, au cours d’un Conseil des ministres de l’énergie. Démonstration est faite, une fois encore, que ce texte constitue bien une énième étape du mouvement de libéralisation.

La politique énergétique, telle que nous sommes en train de la subir depuis maintenant huit ans, n’est que bonds en arrière successifs déguisés en symboles de modernité. C’est la revanche sur les acquis de 1946, où la France avait justement tiré toutes les leçons d’un passé confié aux compagnies privées de l’eau et de l’éclairage.

Aujourd’hui, nous assistons à la montée en puissance d’énormes intérêts privés et la loi NOME, je l’ai déjà dit, est, pour l’instant, le dernier avatar d’un processus délétère.

Ce texte se traduira bien par l’augmentation des prix, et ce quoi que vous nous disiez. Nous l’avons démontré et vous ne nous avez pas convaincus du contraire.

Ce texte, quoi que vous nous disiez, va compromettre les investissements de production en électricité. Nous en avons fait la démonstration et, là encore, vous ne nous avez pas convaincus du contraire.

Ce texte est par ailleurs ambigu : soit le dispositif mis en place constitue ce que l’on appelle une clause de destination, et il risque de subir les foudres de Bruxelles ; soit, comme vous l’affirmez, il n’y a pas de clause de destination et rien n’oblige alors le fournisseur à destiner l’électricité bon marché qu’il obtient aux consommateurs français. Dans ce cas, cela signifie clairement que le fournisseur ayant accès à l’ARENH pourra vendre son électricité sur le marché de gros, et à des clients hors de France voire hors de l’Union européenne. Merci pour les consommateurs français, qui, eux, subiront nombre d’inconvénients liés à la production de l’électricité sans bénéficier complètement des prix compétitifs !

Dans un cas comme dans l’autre, c’est le piège dans lequel tout le monde est tombé. Au final, ce texte n’est pas bon ; il est même dangereux. Nous savons désormais, à l’issue de ces quatre jours et trois nuits de débat, que, s’il reste en l’état, il n’y aura pas que des gagnants, contrairement à ce qu’affirme d’une manière aveuglément optimiste l’étude d’impact du Gouvernement.

Les perdants seront les consommateurs français, petits et gros. Les gagnants seront les fournisseurs privés, petits et gros. En fait, par la grâce de la loi NOME, la rente nucléaire passera en partie de la poche des consommateurs dans celle des fournisseurs d’électricité privés… Et tout cela au nom de l’ouverture à la concurrence et de la libéralisation. Beau résultat que voilà ! Et nous qui pensions que l’Union européenne s’était construite autour d’une priorité principale : l’intérêt du consommateur !

D’ailleurs, le rapport Monti, que j’ai cité tout à l’heure, est parfaitement clair sur ce point.

Voilà l’un des résultats de la propagation de ce que l’on appelle souvent l’idéologie libérale !

Ce résultat, vous pouvez le constater : les conséquences économiques, environnementales, sociales démontrent que partout où cette politique a été appliquée il y a eu échec. Or, nous, en France, nous allons persister dans cette voie, alors que nombre de pays commencent à faire marche arrière.

Non, ce texte n’est pas bon ! Il n’est bon ni pour le pouvoir d’achat des ménages ni pour les industriels. Il n’est bon non plus ni pour l’attractivité de notre pays ni pour les investissements dans la production électrique. De plus, la France s’expose à un risque de dysfonctionnement et de défaillance de son système électrique.

Pour notre part, nous sommes plus inquiets encore que nous ne l’étions sur le risque de privatisation rampante du nucléaire.

Nous avons essayé de vous convaincre en vous proposant, par voie d’amendements, une autre solution, une autre direction, certes aux antipodes de la nouvelle étape de libéralisation que vous mettez en œuvre.

Bref, nul ne sera étonné que nous votions contre ce projet de loi, même si, je l’ai noté, quelques amendements du groupe socialiste ont été adoptés, monsieur le rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’énergie est au cœur d’enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Elle constitue un bien vital pour les populations et, à ce titre, elle ne peut être considérée comme une simple marchandise. Elle est une ressource nécessaire et indispensable, à l’instar de l’eau.

La question de la pénurie des sources d’énergie de la planète n’est pas réglée, pas plus que celle du droit d’accès pour tous au chauffage et à l’éclairage : deux milliards d’êtres humains n’ont toujours pas accès à l’électricité et 80 % de l’énergie produite à l’échelle du globe est consommée par 20 % de la population mondiale.

Dans notre pays, la question de la précarité énergétique se pose avec force puisque 8 millions de personnes vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

De plus, la production énergétique a des incidences sur l’environnement. Il est donc de la responsabilité des gouvernements de mettre en œuvre des politiques cohérentes et à grande échelle afin de lutter contre le réchauffement climatique et l’émission de gaz à effet de serre.

La voie suivie en Europe et en France par la droite, au nom de la primauté des règles du marché, conduit à banaliser le secteur énergétique, à le réduire à un secteur commercial comme un autre, et ce au détriment de la sûreté de toutes les installations produisant de l’électricité, pas seulement des centrales nucléaires.

Cette politique fondée sur les flux commerciaux et les profits à court terme met en danger l’indépendance énergétique de l’Europe.

Le projet de loi NOME est de la même veine. Avec ce texte, le Gouvernement intervient en faveur des opérateurs privés, au détriment de l’intérêt général. En effet, la concurrence ne fonctionne tout simplement pas. Les prix relativement bas proposés par EDF au titre des tarifs réglementés – qui sont le fruit des investissements passés –, le savoir-faire des salariés de l’entreprise, et sans doute d’autres raisons, ont conduit nos concitoyens à ne pas quitter l’opérateur historique.

Face à la concurrence, les gens ont pesé le pour et le contre. Ils ont fait le choix évident de l’entreprise publique. Quoi que vous en disiez, et parce qu’il ne serait pas populaire d’avouer le contraire, la conséquence principale de cette loi sera de tirer tous les tarifs électriques vers le haut, mais pas pour permettre les investissements nécessaires à l’entretien du réseau, à la construction de nouveaux moyens de production, à l’entretien de l’existant ou au financement de la recherche pour l’avenir.

La fin des tarifs réglementés pour les consommateurs non domestiques et la fin du TARTAM vont avoir des conséquences dramatiques sur l’activité industrielle et économique de notre pays. Les tarifs réglementés pour les particuliers vont être remis en cause par le système proposé.

Or, les conséquences sociales de la crise qui frappe des millions de familles conduisent à l’explosion des coupures d’électricité pour impayés et à la montée vertigineuse de la précarité énergétique.

L’article 2 du projet de loi, qui vise à assurer la sécurité d’approvisionnement à travers un marché des capacités d’effacement et des moyens de production, ne nous convainc absolument pas.

L’usager, même industriel, n’est pas en mesure de peser en tant que client sur les politiques menées, lesquelles sont structurantes pour le pays et pour l’environnement.

Il est indispensable de créer une filière énergétique des énergies renouvelables et de mettre en cohérence les différentes filières en tenant compte de leur particularité. D’où l’importance dans le secteur énergétique d’une entreprise publique intégrée !

Je dirai également deux mots sur la clause de destination actée dans le projet de loi et qui, à n’en pas douter, justifiera à l’avenir une nouvelle loi de libéralisation, voire de privatisation, car elle contrevient au droit communautaire.

Cette disposition permettra aux fournisseurs de revendre n’importe où l’électricité nucléaire achetée à bon prix à EDF, à la seule condition de payer la différence entre le prix d’achat et le prix du marché. Évidemment, en s’alignant sur le prix moyen du marché et en choisissant judicieusement la période, l’opération commerciale sera très lucrative ! Ensuite, notre pays devra augmenter ses importations pour fournir les Français, usagers ou industriels.

En matière de nucléaire, les reports de la constitution d’actifs dédiés au démembrement sont intolérables. La question du démantèlement des centrales et de la gestion des déchets nucléaires doit être la priorité du Gouvernement.

Enfin, nous l’avons clairement dit, il est impératif que la filière nucléaire soit entièrement maîtrisée par le secteur public. Nous vous avons exposé la situation préoccupante pour les salariés de l’explosion de la sous-traitance dans le secteur nucléaire. D’ailleurs, l’avenir nous inquiète lorsque nous entendons le secrétaire d’État M. Benoist Apparu ou M. le rapporteur déclarer qu’ils ne voient pas de raison de ne pas autoriser un opérateur privé à exploiter une centrale nucléaire !

Faut-il rappeler que l’acceptabilité du nucléaire en France reposait en grande partie sur le fait que l’opérateur et le propriétaire de la centrale, responsable de la sûreté devant la loi, étaient publics ?

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les membres du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche voteront contre ce texte, qui met en œuvre une politique énergétique purement commerciale. Une telle politique oublie, et c’est grave, les aspects industriels, sociaux et les besoins en termes de recherche. Or ils devraient guider l’action du Gouvernement, au nom de l’intérêt général.