M. Christian Poncelet. D’où l’opportunité de considérer, dans le cadre de la réforme soumise à notre examen, l’existence de troubles causés par des intoxications d’origine professionnelle.

D’où également l’opportunité de considérer, dans la même optique sociale, la situation tout à fait particulière des femmes mères de famille ayant élevé trois enfants.

M. Christian Poncelet. La raison de cette légitime sollicitation est simple : notre pays constitue, fort heureusement d’ailleurs, et tout le monde le souligne, une exception démographique en Europe, avec, en 2009, un taux de fécondité de 2,1 enfants par femme.

C’est une richesse considérable sur le plan économique ; c’est aussi un facteur particulièrement positif pour l’avenir financier d’un régime de retraite intergénérationnel par répartition comme le nôtre.

Parce qu’elles ont dû généralement interrompre leur activité professionnelle pour élever leurs enfants, les mères de famille éprouvent de grandes difficultés à obtenir une retraite au taux plein.

Actuellement, une femme retraitée, mère de quatre enfants, perçoit, en moyenne, une pension de 627 euros par mois, contre 818 euros pour une mère de deux enfants et 1 122 euros pour une femme sans enfant.

Parce que l’adoption de la réforme du régime des retraites ne saurait conduire à aggraver la situation matérielle des mères de famille ayant élevé trois enfants, nous vous proposons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de maintenir en faveur des intéressées le bénéfice de la limite d’âge de 65 ans pour l’obtention d’une retraite sans décote.

Oui, nous vous demandons instamment de tenir compte de la situation particulièrement digne d’intérêt de ces mères de famille et de leur assurer, dans le cadre du dialogue ouvert avec le Sénat, le maintien de cet avantage qui leur est actuellement reconnu. Cette demande est, vous le savez, légitime ; elle est également juste.

La réponse favorable que nous attendons tous du Gouvernement, non seulement serait appropriée et opportune, sur les plans social et politique, mais encore serait un engagement tout à l’honneur du Sénat et de nature à susciter sa fierté ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Etienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, encore une fois, un texte législatif majeur occulte la situation des 3 millions de nos concitoyens qui vivent à huit ou quinze heures d’avion de la capitale.

Je parle de lieux où l’espérance de vie est globalement inférieure de quatre ans à la moyenne nationale, où les carrières sont fatalement plus courtes du fait d’un chômage structurel trois fois plus élevé qu’en métropole, qui touche jusqu’à 55 % des jeunes actifs, lorsque le taux national est de 23 %.

Je parle de lieux où les prix sont fabriqués par des circuits commerciaux hérités de situations de comptoirs d’un autre âge ; de lieux où, proportionnellement à la population, les salaires et les retraites, hormis dans la fonction publique – et encore ! –, entraînent deux fois plus de personnes qu’en métropole sous le seuil de pauvreté.

Je parle de lieux où les femmes, procréant plus que dans l’Hexagone, et souvent matriarches, sont condamnées à des retraites de misère, du moins lorsqu’elles en ont une !

Voilà pourquoi je suis opposé au recul de l’âge du départ à la retraite, et surtout au recul de l’âge du départ sans décote, qui appauvrirait davantage qu’ici les petites retraites et les femmes des outre-mer.

En effet, messieurs les ministres, comment aborder sérieusement une réforme des retraites dans les outre-mer sans traiter des prix, de l’emploi, des revenus, de l’insertion des jeunes et du développement économique ? Savez-vous que les montants des retraites y sont indexés sur l’indice des prix tel qu’il est calculé en métropole ?

En fait, la question des retraites aujourd’hui, comme celle du SMIC DOM avant 1996 ou celle du RSA en 2008, fait partie de ces sujets qui révèlent, de façon récurrente, un véritable positionnement discriminatoire vis-à-vis des ultramarins, et ce au cœur même du processus législatif.

Ne voyez aucune provocation dans mon propos, chers collègues, car je me réfère ici à une définition simple : la discrimination se manifeste tant dans le traitement identique de situations différentes que dans le traitement différent de situations identiques. C’est ainsi que l’on peut prendre des décisions parfaitement inéquitables au nom même de l’égalité !

Or, s’agissant de l’outre-mer, on se comporte souvent comme si les différences étaient tellement incommensurables que l’on ne pourrait les évaluer objectivement.

Dès lors, on bute fatalement sur les deux écueils que sont l’inertie et l’arbitraire. Un exemple d’inertie ? La réforme de l’indemnité temporaire de retraite, l’ITR, adoptée en 2008. Pourtant, dès 1999, des rapports signalaient déjà combien il était important d’établir un indice des prix propres aux territoires concernés.

On créa alors des observatoires des prix ultramarins dans la loi d’orientation pour l’outre-mer, en 2000. Mais il aura fallu attendre mai 2007 pour qu’un décret en définisse les modalités de mise en œuvre. Et l’histoire se répéta ! La question des observatoires des prix dans les outre-mer a été à nouveau débattue en mai 2009, dans le prolongement de la crise sociale. Une loi fut votée en urgence, comme en 2000. De ce texte, on attend toujours les derniers décrets d’application…

Un exemple d’arbitraire ? Avant la présente réforme, la seule mesure récente du Gouvernement concernant les retraites en outre-mer a été la suppression progressive de l’indemnité temporaire de retraite. Cette indemnité avait été créée en 1952 pour les fonctionnaires d’État en poste dans l’océan Indien, l’océan Pacifique et l’océan nord-Atlantique.

Pourquoi ne viser que les seuls fonctionnaires d’État, dès lors qu’en 1983 la décentralisation s’appliquait à l’outre-mer ? Et pourquoi pas également dans les départements français d’Amérique, où la cherté de la vie culmine ?

Mais ce qui est arbitraire aussi, c’est cette réforme de 2008, qui n’a engagé aucun contrôle des prix. Une réforme par laquelle l’État règle ses comptes avec lui-même, en oubliant les salariés du privé, les artisans et les agriculteurs, les conjoints collaborateurs, ou encore les mères de famille, pour lesquelles je sollicite, à travers mes amendements, une attention particulière.

Par ailleurs, à quoi bon présenter les salariés du privé comme victimes des avantages consentis aux fonctionnaires si le revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, est la seule réponse apportée aux premiers, et elle peine elle-même à remplir sa fonction compensatrice !

Enfin, trouvez-vous normal que, dans les départements français d’Amérique, les DFA, les fonctionnaires retraités, majoritairement de catégorie C, tardivement titularisés, subissent une double perte de revenus, soit les moins 20 % du salaire de référence auxquels il faut ajouter les moins 40 % d’indemnité de vie chère ?

Existe-il des prix « spécial retraités locaux » dans les grandes surfaces d’outre-mer ?

On le sait aujourd’hui, le rapport déposé discrètement au Parlement, au début de l’année, indique que le Gouvernement n’envisage pas le dispositif de substitution à l’ITR qu’il avait laissé espérer en 2008.

Que vaut la parole du Gouvernement ? Monsieur le ministre, mes chers collègues, osons aujourd’hui, sur cette question de société majeure, traiter les ultramarins comme des Français à part entière !

Cela implique de tenir compte des différences. Osons la vérité des chiffres et la rigueur des analyses, sans amalgame facile, sans cliché réducteur ! Ne laissons ni l’inertie, ni l’arbitraire décider du sort de presque 3 millions de citoyens, dont le seul tort est de vivre en outre-mer, loin, trop loin de Paris !

En l’état, je ne voterai pas ce projet de loi, non seulement inefficace et injuste sur le plan national, mais inéquitable pour les ultramarins ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu des cinq minutes qui me sont imparties, je n’aborderai pas tous les problèmes. Mais je voudrais tenter de répondre aux interrogations de ceux qui, plus ou moins angoissés, se demandent si la réforme est juste. (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)

Que cette réforme soit nécessaire, personne ne le conteste. C’est une chance que l’on vive plus longtemps dans notre pays. Et, comme on vit plus longtemps, on est plus longtemps à la retraite. Mes chers collègues, comment pourrions-nous ne pas nous réjouir de cet heureux constat ? Simplement, si l’on veut sauver le système par répartition, il n’y a pas de miracle à attendre : il faut répondre à la hauteur de cette nouvelle situation.

Puisque, dans notre pays, on vit plus longtemps, je souhaite que l’on puisse travailler plus longtemps et dans de meilleures conditions.

C’est l’objet d’un certain nombre de volets de cette réforme.

Je vais évoquer trois points sur lesquels le Sénat - ses commissions des affaires sociales et des finances ainsi que sa délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes - a apporté une contribution qu’il peut encore enrichir : il s’agit des trois avancées sociales très importantes dont ce texte est porteur. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut rien exagérer !

M. Jacques Blanc. Le premier point concerne la pénibilité. Il y a quelques années, alors que j’étais responsable d’une formation politique, j’avais souhaité, mais vain, que l’on introduise cette approche de la pénibilité au travail, car, je le savais, c’est souvent dans les postes les plus pénibles que l’on gagne malheureusement le moins d’argent.

Abordé à l’Assemblée nationale, ce thème de la pénibilité est traité au Sénat de manière plus approfondie. La commission nous propose d’aller un peu plus loin en considérant le rôle de la médecine du travail…

M. Didier Guillaume. On en reparlera !

M. Jacques Blanc. … et sa capacité éventuelle à participer demain à une amélioration des conditions de travail pour diminuer la pénibilité.

Aujourd’hui, le Sénat démontre qu’il a compris l’enjeu. Il faudra non seulement prendre en compte la situation des personnes affectées par cette pénibilité, mais encore faire en sorte d’atténuer cette pénibilité en améliorant les conditions de travail dans la société future qui sera la nôtre.

Si donc on améliore les conditions de travail en allant encore plus loin que ce qui a déjà été fait depuis de nombreuses années, notre contribution se traduira par un véritable acquis social. Mes chers collègues, nous avons avancé, n’ayons donc pas de complexes !

Le deuxième point qui me tient particulièrement à cœur – et ce n’est pas mon collègue et ami Paul Blanc qui me démentira – est relatif à la situation des personnes handicapées.

Un amendement déposé sur l’initiative de la commission me paraît tout à fait positif : il vise à élargir le bénéfice de la retraite anticipée pour handicap. J’avais rédigé un amendement tendant à étendre le bénéfice de ces dispositions aux travailleurs handicapés des établissements et services d’aide par le travail, ou ESAT, c'est-à-dire les anciens centres d’aide par le travail. Pouvez-vous me confirmer, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que, comme on me l’a dit, ces personnes entrent bien dans le champ de l’amendement ?

Si j’ai besoin de cette confirmation, c’est parce que les travailleurs handicapés des ESAT n’ont pas de contrat de travail de salarié soumis au code du travail : ils ont un contrat de soutien et d’aide par le travail. Je voudrais vraiment que ces deux statuts soient assimilés et que toute ambiguïté soit dissipée pour l’ensemble de ces travailleurs des ESAT, qui méritent réellement que leur situation soit prise en compte.

Quiconque a eu la chance de traiter ces dossiers en exerçant comme médecin dans de tels établissements éprouve de l’admiration pour ces personnes handicapées auprès desquelles on apprend beaucoup.

Je souhaite vraiment que l’interprétation de cet amendement ne laisse subsister aucune ambiguïté.

Le troisième point a été évoqué tout à l’heure par notre ancien président, Christian Poncelet : il s’agit du dossier des femmes.

Bien sûr, tout n’est pas réglé, mais je crois que l’on peut avancer. Et le Sénat s’honorerait d’avoir permis une meilleure prise en compte de la situation particulière des mères de famille. Agissons au moins à titre provisoire puisque, dans l’avenir, elles auront plus d’ancienneté que les hommes, ce qui est heureux !

Ces trois volets à eux seuls – il y en aurait d’autres - montrent bien que, loin d’être en recul, nous faisons, au contraire, des avancées sur un dossier si difficile qu’il n’a jamais été traité par ceux qui font le plus de bruit aujourd’hui. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Ce sont les gouvernements d’Édouard Balladur et de Jean-Pierre Raffarin qui l’ont abordé par petites touches.

Enfin, comme M. le Président de la République l’a annoncé, j’attends avec beaucoup d’intérêt que, une fois le dossier des retraites bouclé, l’on aborde le problème de la dépendance. Et il faudra le faire dans la sérénité. Car on peut traiter de ces problèmes en dehors de l’invective !

M. Éric Woerth, ministre. C’est vrai !

M. Jacques Blanc. Soyons donc sereins, et le Sénat s’y prête.

Nous aurons donc à traiter demain du problème de la dépendance, avec le cinquième risque. Il s’agit là d’un vrai dossier qui nous interpelle les uns et les autres.

Nous pourrons alors être fiers, mes chers collègues, d’avoir répondu à la hauteur des exigences, d’avoir contribué à sauver le système de retraite par répartition, d’avoir mieux traité de la pénibilité, du problème des handicapés, des mères de famille et de la dépendance, avec le cinquième risque.

Voilà l’action de la majorité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, vous n’entendez rien ! Ne sentez-vous pas la colère monter contre les nouvelles injustices qui se préparent ? Nous étions dans les rues de France le 7 septembre, puis le 23. Nous y étions à nouveau il y a trois jours et nous y serons, s’il le faut, le 12 octobre prochain.

Une réforme de cette importance, qui touche à l’espérance et à la qualité de la durée de vie, dans le contexte actuel de récession, de chômage record, de recul du pouvoir d’achat, de conditions de travail dégradées, de perte de confiance, doit d’abord être acceptée.

Or votre projet est massivement rejeté parce qu’il n’est pas crédible. Et il n’est pas crédible parce qu’en plus d’être profondément injuste il repose sur une équation financière impossible ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Vous prétendez parvenir à l’équilibre dès 2018. Mais les financements prévus reposent pour partie, au-delà des hypothèses, sur un transfert qui déshabille Pierre pour habiller Paul, et sur ce qui ressemble fort à un maquillage rebaptisé « effort net de l’État ».

À l’horizon 2018, 18,6 milliards d’euros sont attendus du seul recours aux trois mesures d’âge, dont le rendement dépend, en réalité, de projections de croissance de la masse salariale.

Ces hypothèses sont tellement fragiles que les dernières prévisions de déficit vous obligent déjà, alors même que la loi n’est pas votée, à revoir votre copie : 2,4 milliards d’euros manqueront. Comment ferez-vous ? Eh bien, il était déjà prévu de prendre à l’UNEDIC pour donner à la CNAV ; il suffira de prendre plus, dites-vous, et le tour sera joué ! Avec un déficit cumulé de l’UNEDIC dépassant 10 milliards d’euros cette année pour atteindre 13 milliards d’euros à la fin de 2011, c’est franchement irréaliste !

Votre prévision d’équilibre global des régimes – non du régime général, toujours en déficit de 4 milliards d’euros en 2020 – qui se fondait il y a peu sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, est revue à la baisse. Vous envisagez une progression de 1,4 % cette année, de 2 % au mieux en 2011, sans meilleure perspective les années suivantes. Or toute croissance qui ne dépasse pas 2 % ne crée pas d’emploi.

L’âge effectif moyen de départ en retraite est à 59 ans et celui de liquidation à 61 ans. Faute d’emploi et de politique d’emploi des seniors, ce sont donc déjà, pour des milliers de nos concitoyens, deux années passées en invalidité, au chômage avec dispense de recherche, ou même au RSA, deux années auxquelles ce projet ajouterait encore deux années à la charge de l’assurance maladie, de l’UNEDIC ou même des conseils généraux !

Les services de l’assurance chômage viennent d’évaluer le coût de ce transfert : entre 440 et 530 millions d’euros !

Vous misez certes sur l’hypothèse – encore une ! – que le recul de l’âge légal de départ en retraite entraînera mécaniquement un recul de l’âge effectif de cessation du travail. Deux données font, au contraire, présumer que la très grande majorité des salariés ne le pourront, ni ne le voudront.

Ils ne le pourront simplement pas, faute de travail. La France connaît l’un des plus bas taux d’emploi des seniors à 38 % et 80 % des femmes qui liquident leur retraite à 65 ans sont sans emploi souvent depuis vingt ans. Ils ne le voudront pas non plus en raison de la dégradation des conditions de travail et du climat professionnel.

Une interrogation subsiste encore sur l’apport des 15,6 milliards d’euros baptisé « effort de l’État ». En tout état de cause, il manquera une recette au moins égale à cette somme en 2018. C’est une autre part d’ombre de vos prévisions.

Ce financement que vous dites d’équilibre ne résiste pas à l’examen et laissera inéluctablement la dégradation se poursuivre. Surtout, il injurie l’avenir en projetant de faire main basse sur le Fonds de réserve pour les retraites.

Ce fonds, créé en 2001 par Lionel Jospin, est destiné à répondre, à partir de 2020, à des besoins démographiques conjoncturels, et n’est nullement, contrairement à ce que vous prétendez, un instrument de gestion courante des comptes. Il est faux d’affirmer que le transfert de ses actifs et de ses ressources à la CADES ne fait qu’anticiper son utilisation en raison de la crise.

C’est un véritable détournement !

Ce serait une décision trois fois irresponsable : irresponsable parce qu’elle nous priverait d’un outil stratégique indispensable pour l’avenir, irresponsable parce qu’elle porterait la signature de bien piètres gestionnaires des deniers publics, en liquidant un capital qui rapporte depuis 2004, exception faite de 2008, pas moins de 4,9 %, irresponsable parce qu’elle révélerait un choix de très court terme.

Prêtez au moins l’oreille aux collègues de votre majorité qui désapprouvent ce siphonnage, aux députés de votre majorité qui viennent de refuser de prolonger de quatre ans la durée de vie de la CADES, estimant, à juste titre, qu’il était de mauvaise politique de supprimer la limite de reprise de dette inscrite dans la loi organique ! C’est là une faiblesse considérable de votre dossier.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, cessez d’endetter la France !

Rendez aux Françaises et aux Français les 100 milliards d’euros et plus de recettes fiscales que vous avez fait disparaître en exonérations et avantages, et dont vous avez privé le budget de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Face à la demande accrue de protection sociale, à l’allongement de l’espérance de vie, aux besoins en santé, à la prise en charge nécessaire de la perte d’autonomie, face à une croissance presque inerte et à une dette portée à un niveau insoutenable, il n’est pas supportable de tailler toujours plus dans les dépenses, de démanteler notre système social et de sacrifier les services publics, alors que, en regard de ces sacrifices, les couches les plus aisées ne participent pas à l’effort commun, garant de notre pacte social.

Nous devons préserver notre système de retraite par répartition en mettant en place une autre réforme, qui est, bien sûr, nécessaire, possible et même indispensable.

Cette réforme doit s’appuyer sur un effort contributif justement partagé entre tous, un effort relevant de mesures démographiques, mais aussi de prélèvements tout à la fois sur les revenus du capital et des entreprises et sur les revenus des salaires.

À l’horizon 2050, 80 milliards d’euros peuvent être financés de manière juste et équilibrée, ce que vous ne proposez pas, et de manière pérenne, ce que vous n’envisagez pas.

Plus personne ne nie, aujourd’hui, l’existence d’un projet alternatif au vôtre.

Ce projet permettra d’obtenir, concrètement, 32 milliards d’euros de recettes, grâce à des mesures démographiques, et nous sommes responsables s’agissant de l’allongement des durées de cotisation.

Nous prévoyons aussi de mettre à contribution les revenus du capital à hauteur de 28 milliards d’euros. À cet égard, monsieur Vasselle, je vous indique que la recette attendue de l’impôt sur les sociétés acquitté par les banques représente bien 3 milliards d’euros, et non 300 millions, comme vous l’avez dit, car il s’agit d’augmenter le taux de 15 points, et non les recettes de 15 %.

Nous proposons, ensuite, une mise à contribution des revenus du travail à hauteur de 27 milliards d’euros, grâce à une hausse de 0,1 % par an.

Ce que nous préconisons, c’est l’institution d’une retraite choisie, universelle et personnalisée.

Notre choix, qui est à l’opposé de votre projet, uniquement comptable et porteur de régression sociale, monsieur le ministre, est orienté par des considérations démographiques, économiques, sociologiques et environnementales.

Ce choix doit également être politique, s’agissant d’instaurer, ou non, une redistribution entre les générations, de prendre en compte, ou non, les inégalités de fait entre hommes et femmes, de considérer, ou non, les différences de durée de vie entre groupes sociaux, et d’intégrer, ou non, les contraintes et la pénibilité propres à certains métiers.

C’est ce choix de justice et de solidarité, d’un nouveau contrat social moderne, auquel aspirent les Françaises et les Français, que demande notre jeunesse. C’est aussi ce choix que nous voulons mettre en œuvre pour la France. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le Sénat entame aujourd’hui l’examen, qui durera sans doute deux semaines, de votre projet de loi portant réforme des retraites, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, le 15 septembre dernier, dans une version qui comporte des modifications et des ajouts par rapport à celle du 23 juillet 2010.

Comme l’ont dit nombre de mes collègues, c’est une réforme indispensable, tant le problème de l’équilibre financier des régimes de retraite est crucial. Notre système connaît, en effet, un déficit de 32 milliards d’euros en 2010. Ce déficit atteindra plus de 45 milliards dans vingt ans, si la Nation ne réagit pas.

M. Jacky Le Menn. C’est du copié-collé !

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Quelle est la situation ? La France a fait le choix d’un système de retraite par répartition, dans lequel ce sont les actifs d’aujourd’hui qui paient les pensions des retraités d’aujourd’hui.

Or, du fait de l’heureux allongement de l’espérance de vie des Français et de l’arrivée à l’âge de la retraite des baby-boomers, le nombre de retraités passera de 15 millions en 2010 à près de 23 millions en 2050 ; dans le même temps, la population active, qui a longtemps stagné, amorce une tendance à la baisse de 0,5 % par an, qui pourrait atteindre 1 % par an à partir de 2012-2013, selon les experts.

On se souvient qu’il y a trente ans il y avait trois actifs pour payer la pension d’un retraité ; aujourd’hui, ils sont moins de deux. À cela s’ajoutent le sous-emploi des jeunes et des seniors ainsi que la faiblesse de notre croissance économique.

Ce constat est largement partagé, je crois, sur les travées de cette assemblée. Il reste à choisir les voies et moyens permettant de rétablir l’équilibre financier de notre système de retraite.

Pour éviter de baisser les pensions de retraite et d’augmenter les cotisations, le Gouvernement, que je soutiens, a fait le choix de relever l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, à l’instar de ce qui existe dans de nombreux pays, notamment européens. Ce faisant, le projet de loi qui nous est soumis tient compte de la pénibilité, tant pour les salariés que pour les non-salariés. Quant à ceux qui ont commencé à travailler tôt, ils bénéficient d’un abaissement de la condition d’âge.

En outre, le projet de loi vise à améliorer l’emploi des jeunes et des seniors, à réduire les inégalités de départ à la retraite entre les hommes et les femmes, à rapprocher le public et le privé.

À ce stade d’évolution du projet de loi, le texte peut encore être amélioré sur de nombreux points : la pénibilité, la situation des chômeurs âgés, les victimes de l’amiante, les personnes en situation de handicap, les femmes ayant au moins trois enfants, et je pourrais continuer l’énumération.

Le texte une fois adopté s’appliquera de plein droit sur le territoire métropolitain et dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, ainsi qu’à Mayotte, pour certaines catégories de la population. Il y a donc lieu de s’interroger sur son calendrier d’application dans la collectivité départementale de Mayotte.

Il va de soi que cette entrée en application est immédiate pour les agents publics recrutés à Mayotte et intégrés entre 2003 et 2010 dans les trois fonctions publiques, d’État, hospitalière et territoriale, conformément à la loi du 11 juillet 2001.

Qu’en est-il pour les autres salariés du public et du privé qui continuent de cotiser à des caisses spécifiques ? On sait que Mayotte ne deviendra un département d’outre-mer que dans sept mois. Il est par ailleurs prévu, dans le projet de loi statutaire, que l’extension de la protection sociale de droit commun se fera par ordonnance dans les dix-huit mois suivant la publication de la loi statutaire.

Enfin, les agriculteurs de Mayotte demandent que des mesures dérogatoires, semblables à celles qui existent dans les quatre départements d’outre-mer, puissent être envisagées pour la mise en place du régime de retraite agricole de Mayotte.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, sous le bénéfice de ces observations, je voterai votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)