Mme Raymonde Le Texier. Peut-être pas vous, mais vous avez un esprit subversif, madame Procaccia ! (Sourires.) À gauche, nous sommes finalement plus classiques !

En tout état de cause, les femmes que j’évoquais à l’instant ne pourront pas bénéficier de votre mesure, monsieur le ministre. C’est ce que l’on appelle un piège… que je ne qualifierai pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est illogique !

M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote sur l'amendement n° 598.

M. Nicolas About. Nous tenons à rappeler que la progression de l’emploi des seniors et la réduction des écarts de pensions entre les hommes et les femmes figurent parmi les objectifs fondamentaux assignés au système de retraite par répartition.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Soit M. About est insuffisamment informé, soit il ment délibérément, ce que je ne puis croire… (Exclamations amusées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est impossible ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Les efforts qu’il a déjà consentis pour nous faire avaler l’amère potion gouvernementale me donnent à penser qu’il s’agit plutôt, en cette affaire, d’un mensonge par omission. En effet, notre collègue, qui a présidé la commission des affaires sociales, est trop expérimenté pour que je puisse croire qu’il ait été abusé.

Certes, il convient d’agir pour assurer la pérennité financière de la retraite par répartition, favoriser l’accroissement du taux d’emploi des seniors et la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes. Le projet de loi comporte des dispositions à cette fin, monsieur About, mais cela ne signifie pas que les retraités disposeront à l’avenir d’une pension confortable. En effet, le cumul de l’indexation des pensions sur les prix, héritée de la réforme Balladur de 1993, de l’allongement de la durée de cotisation et du recul de l’âge de la retraite, issus de la réforme de 2003, et des mesures du présent texte ne pourra conduire qu’à un plafonnement des pensions du régime général à hauteur de 50 % du meilleur salaire. Ce sera le cas le plus favorable !

Au moment de voter pour ou contre l’amendement n° 598, il convient de se demander s’il ne vise pas à transposer en France, d’une manière ou d’une autre, le système des retraites fédérales américaines. Le montant des pensions se réduirait alors de plus en plus.

M. Nicolas About. C’est pourquoi il faut augmenter les cotisations !

M. Guy Fischer. Voilà qui doit donner à réfléchir.

Vous appelez de vos vœux l’accroissement du taux d’emploi des seniors, monsieur About, mais il est tout aussi nécessaire d’améliorer le taux d’emploi des jeunes. En ce qui concerne les 55-60 ans, ne nous cachons pas la réalité : les deux tiers des salariés ne sont déjà plus en activité quand ils atteignent l’âge légal de la retraite. Malgré le plan concerté pour l’emploi des seniors, la tendance ne s’inverse que très légèrement.

Nous ne devons pas exclure de notre réflexion l’explosion de la précarité. La mesure ciblée qui nous est présentée ici aura, à l’évidence, un effet d’éviction.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 598.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 754, présenté par MM. Vera, Foucaud et Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La pérennisation des régimes de retraite par répartition nécessite la mise en œuvre d'une politique permettant d'instaurer un niveau élevé d'activité et une qualité de l'emploi satisfaisante pour tous les salariés, notamment en pénalisant les entreprises qui ont un recours systématique aux contrats précaires. »

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement vise à pénaliser les entreprises ayant systématiquement recours aux contrats précaires, tant la qualité du temps de retraite reflète celle du temps d’activité. La pension sera d’autant plus faible que les emplois occupés auront été mal rémunérés et le parcours professionnel plus discontinu.

C’est pourquoi on ne peut envisager la question des retraites sans prendre sérieusement en considération le niveau d’activité. Le Gouvernement oublie en effet le cas des nombreuses personnes qui sont jugées trop jeunes pour prendre leur retraite et trop âgées pour travailler.

M. Wauquiez confiait cet été dans la presse que « la proportion des licenciements double presque après 57 ans ». Contrairement à lui, nous ne pensons pas que la cause de cette situation soit l’âge de départ à la retraite, dont la proximité, à l’en croire, inciterait les entreprises à compter sur « l’assurance chômage et les indemnités de départ pour faire le pont jusqu’à la retraite ».

En réalité, les entreprises avancent d’autres raisons pour expliquer le chômage des salariés en fin de carrière. Elles seraient davantage incitées, en période difficile, à licencier des salariés approchant du terme de leur parcours professionnel. Par ailleurs, le recrutement induit des coûts – recherche, formation, adaptation à un poste – qui rendent finalement peu rentable l’embauche de travailleurs proches de la retraite.

En bref, le taux de chômage des plus de 50 ans s’accroît. Il a augmenté de 17,1 % en un an, selon les chiffres publiés par le ministère fin août. En reculant l’âge légal de départ à la retraite, le projet de loi va encore aggraver la situation de ces personnes.

Dès lors, finissons-en avec l’hypocrisie ! La réforme des retraites n’est pas la solution à la crise sociale que traverse le pays. Le Gouvernement, en présentant les choses ainsi, comme le fait très clairement M. Wauquiez, montre aussi son incapacité à mettre en œuvre des politiques responsables et efficaces pour assurer un emploi au plus grand nombre.

Cette question est préoccupante : non seulement les salariés connaîtront des périodes de chômage plus longues, mais ils en supporteront de fait les conséquences financières au moment de la liquidation de leur pension.

En effet, les allocations de chômage ne sont pas soumises aux cotisations d’assurance vieillesse, et si les périodes de chômage indemnisées peuvent donner lieu à la validation de trimestres d’assurance vieillesse, dans le cas où l’intéressé avait déjà la qualité d’assuré social avant l’interruption de son activité, elles entraînent un réel manque à gagner lors du calcul du montant de la pension.

Par cet amendement, nous demandons que l’État prenne ses responsabilités et lutte activement contre la précarisation du travail, notamment en pénalisant les entreprises qui ont systématiquement recours aux contrats précaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous examinons un projet de loi portant réforme des retraites, dont l’objet n’est pas a priori de répondre à la crise sociale que vous venez d’évoquer, mon cher collègue.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Le présent amendement, qui revêt une importance cruciale, vise à acter notre conception de ce que doit être un régime de retraite par répartition juste et équitable pour l’ensemble des salariés.

Le Gouvernement présente sa réforme comme étant la seule solution à même de pérenniser notre régime de retraite. Certes, le terme de « répartition » est maintenu, mais il est largement vidé de son sens, par la réforme, bien évidemment, mais aussi par les politiques mises en œuvre par la droite en matière d’emploi et de salaires. Ces politiques dénaturent profondément le travail en le dépersonnalisant et en le réduisant, bien souvent, à une simple donnée comptable.

Nous avons demandé que les entreprises ayant systématiquement recours aux contrats précaires soient pénalisées. Qu’il s’agisse de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, ou de la manière dont sont gérées les entreprises publiques non encore privatisées, les salariés du secteur public n’ont rien à envier à ceux du secteur privé en matière de précarité. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2011, sauf erreur de ma part, 34 000 postes supplémentaires seront supprimés.

Par ailleurs, les personnels non-titulaires, dont le nombre a augmenté de 32 % depuis dix ans, sont devenus une variable du fonctionnement des trois fonctions publiques. D’une manière générale, la fonction publique compte aujourd’hui environ 840 000 employés en contrat à durée déterminée, ou CDD, soit 16 % de ses effectifs, et ce pourcentage ne cesse de croître.

Les abus en matière de contrat à durée déterminée se multiplient. Certains employés sont maintenus en poste pendant des années avec un CDD. Dans la fonction publique hospitalière – c’est un débat que nous avons souvent eu avec Mme Bachelot-Narquin –, 20 000 emplois devraient être supprimés dans les deux ou trois années à venir. La privatisation rampante des établissements de santé, qui nourrit le mécontentement des personnels, constitue bien sûr l’une de nos préoccupations.

Il est temps que le Gouvernement retire son projet de loi portant réforme des retraites et revoie largement sa copie en ce qui concerne les politiques de l’emploi.

M. Christian Cambon. Vous vous répétez !

M. Guy Fischer. Et on ne se lassera pas, monsieur Cambon ! Cela vous énervera peut-être mais nous continuerons à le répéter, avec calme, et vous pourrez constater que les manifestations du 12 octobre traduiront avec force le mécontentement et l’anxiété des Français.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que le rapport qui fera le point sur la situation financière des régimes de retraite inclue bien les deux questions fondamentales que sont le niveau élevé de l’activité et la qualité de l’emploi. (Mme Annie David applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 754.

(L'amendement n'est pas adopté.)

(M. Bernard Frimat remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. L'amendement n° 820, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Pour ce faire, la part patronale des cotisations sociales est augmentée sur une durée de trois ans dans les proportions de l'augmentation de la part salariale depuis 1980.

Un décret précise les modalités d'application du précédent alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement vise à augmenter la part patronale des cotisations sociales sur une durée de trois ans, à hauteur de la majoration qu’ont subie les cotisations salariales depuis 1980.

En effet, le taux de la cotisation patronale à l’assurance vieillesse n’a pas évolué depuis 1980 alors que le taux appliqué à la part salariale a progressé de près de 40 %. Or, les salariés supportent déjà la contribution sociale généralisée, la CSG, et la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, lesquelles contribuent à hauteur de 40 % au financement de la protection sociale. En 2008, le produit de la CSG s’est élevé à environ 82 milliards d’euros.

La CSG et la CRDS ont été intégrées dans le bouclier fiscal. Il en résulte que les plus riches ne paient pas leur part de la dette sociale : encore une exonération ! La situation est, hélas ! toujours la même : c’est sur les familles, les salariés et les retraités que repose la solidarité nationale.

Lors de sa création, en 1991, le taux de la CSG – cet impôt à taux fixe, non progressif, destiné à boucher le « trou » de la sécurité sociale – était de 1,08 % sur les revenus salariaux et les allocations de chômage et de 1,10 % sur les autres revenus. Dix-neuf années plus tard, ce taux a considérablement augmenté puisqu’il atteint aujourd’hui 7,5 % pour les revenus d’activité, 6,2 % pour les allocations de chômage et les revenus de remplacement, 6,6 % pour les pensions de retraite et 3,8 % pour les ressources des personnes non assujetties à l’impôt sur le revenu.

Ce taux est de 8,2 % pour les revenus du patrimoine et de placements. Cependant, la CSG ayant, je le répète, été intégrée au bouclier fiscal, elle ne pèse pas lourd pour ceux qui, précisément, ont les plus gros revenus du patrimoine et de placements.

Ainsi, que ce soit par le biais des cotisations sociales ou des contributions, on a assisté au fil des années à un véritable transfert du financement des retraites vers les salariés, vers les familles, ce qui, d’une part, est injuste et, d’autre part, pèse sur le pouvoir d’achat des salaires, donc sur la richesse nationale.

Afin d’assurer le financement du maintien du droit à la retraite à 60 ans, il serait juste d’en revenir à une répartition des cotisations plus équitable entre les entreprises et les salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mme David souhaite l’augmentation d’une partie des cotisations sociales. Cette disposition relevant du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission ne peut qu’émettre qu’un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je ne sais pas ce que vous allez pouvoir dire sur la réponse du ministre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Comme Annie David vient de le rappeler avec talent,…

M. Jean Desessard. Un grand talent !

M. Guy Fischer. … le taux de cotisation patronale à l’assurance vieillesse n’a pas bougé depuis 1980,…

M. Jean Desessard. C’est incroyable !

M. Guy Fischer. … alors que, dans le même temps, le taux appliqué à la part salariale a augmenté de près de 40 %.

M. Jean Desessard. Toujours les mêmes !

M. Gérard Longuet. Vous avez gouverné, non ?

M. Guy Fischer. Il en résulte que le montant de la contribution des employeurs au financement des retraites ne cesse de se dégrader depuis trente ans.

M. Gérard Longuet. Qu’a fait M. Gayssot ?

M. Guy Fischer. Cette situation est injuste et inefficace.

À cela s’ajoutent les différentes exonérations et exemptions de cotisations, les « primes » aux bas salaires dont bénéficient les entreprises, ainsi que la CSG et la CRDS. Ces dernières contributions ne peuvent que vous intéresser puisque, leur assiette étant très large, elles rapportent beaucoup. Et vous nous réservez sans doute une hausse de la CRDS dans quelque temps, monsieur le ministre…

Le taux de la CSG est le même pour tout le monde, ce qui rend cet impôt injuste par nature ; nous l’avons dénoncé dès sa création.

En outre, par définition, ces contributions épargnent les entreprises et les dispensent par la même de leurs responsabilités.

Ainsi, tandis que vous organisez le désengagement des entreprises, vous demandez aux salariés de payer toujours plus pour leur retraite et, plus globalement, pour leur protection sociale. C’est inacceptable !

Les entreprises ont une responsabilité première dans le partage des richesses ; or les cotisations sociales participent précisément de la production de richesses. En vingt-cinq ans, la productivité a augmenté de 50 %. Un actif produit beaucoup plus de richesses aujourd’hui qu’en 1980. Mais les bénéfices de cet accroissement continu de la productivité depuis des décennies ne profitent plus aux salariés.

Cela n’a pas toujours été vrai. Il fut une époque où les salariés pouvaient, de manière certes insuffisante, mais malgré tout réelle, bénéficier d’une part de l’augmentation des richesses qu’ils créaient. Ils ont vu leur vie et celle de leurs enfants s’améliorer. Nous faisons partie de cette génération pour laquelle l’ascenseur social a fonctionné.

M. Guy Fischer. C’est l’inverse qui a cours désormais : nombre de nos concitoyens vivent de plus en plus mal, d’une génération à l’autre.

M. Guy Fischer. Les gains de productivité sont aujourd’hui captés par les seules entreprises ou, plus exactement, par leurs actionnaires et leurs banquiers. L’écart ne cesse de s’accroître entre les revenus du travail et ceux du capital. Le partage de la valeur ajoutée issue du travail humain devient de plus en plus inégalitaire ; ces vingt dernières années, les revenus du capital ont progressé bien plus vite que ceux du travail.

Mes chers collègues, vous qui êtes tous des financiers avisés, vous n’aurez pas manqué de constater que les résultats des entreprises du CAC 40 ont progressé de 85 % au premier semestre 2010... Ce n’est pas moi qui le dis, ces chiffres figurent dans un article du journal Les Échos !

M. Jean-Jacques Jégou. Ce n’est pas La Pravda !

M. Guy Fischer. Alors que les entreprises du CAC 40 affichent des profits records et versent à leurs actionnaires des dividendes substantiels, les salaires, eux, ne progressent pas. On assiste à une confiscation de la richesse produite. Ce qui ne vous empêche pas de demander aux salariés d’assumer l’essentiel du financement de leur protection sociale, par conséquent de leur retraite. Nous considérons pour notre part qu’il est légitime et efficace que les entreprises contribuent davantage à ce financement. C’est pourquoi nous vous invitons à adopter notre amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Fischer, vous dites que la contribution patronale au risque vieillesse n’a pas augmenté. Cela n’est vrai que pour les cotisations assises sur le salaire plafonné – le taux appliqué est passé de 8,2 % à 8,3 % – car une nouvelle ligne a été créée, celle du taux de cotisation de 1,60 %, qui porte sur la totalité du salaire. Dès lors, vous ne pouvez pas affirmer que les salariés payent et que les entreprises sont épargnées.

Par ailleurs, la répartition de la valeur ajoutée entre travail et capital est stable depuis trente ans, selon le rapport Cotis sur le partage de la valeur ajoutée et des profits.

M. Guy Fischer. Cela ne me convainc guère !

Mme Annie David. Ce n’est pas ce que disent les économistes !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 820.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 821, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Afin de satisfaire la réalisation de ce principe, il est mis fin aux mesures générales d'exonérations de cotisations sociales.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Les exonérations de cotisations sociales n’ont cessé d’augmenter au fil des années.

Depuis 1992, elles représentent une ristourne de 21 % au profit des employeurs. Leur montant s’élevait à 3 milliards d’euros en 1993 ; il est passé, si l’on se fonde sur les chiffres déclarés, à 27 milliards d’euros en 2007, puis à 32 milliards d’euros. Selon la Cour des comptes il serait aujourd’hui proche de 62 milliards d’euros. Et le rapport explosif rendu public hier par le Conseil des prélèvements obligatoires évalue même à 172 milliards d’euros les niches fiscales et sociales qui profitent aux entreprises, mais pas forcément à l’emploi.

M. Christian Cambon. Les 35 heures !

Mme Marie-Agnès Labarre. On estime que, depuis 1992, la sécurité sociale a perdu 35 milliards d’euros de cotisations, soit un peu plus d’un an de déficit ! En fait, les exonérations accordées aux patrons ont certainement coûté beaucoup plus cher. C’est inacceptable au regard des comptes de la sécurité sociale et de la situation de l’emploi.

La Commission des comptes de la sécurité sociale, la CCSS, a rappelé dans un rapport publié en juin 2009 que, depuis 1993, les différents dispositifs d’allégement des cotisations sociales ont contribué à la baisse sensible des taux effectifs de cotisations patronales pour les salaires équivalents au SMIC.

Selon ce rapport, les cotisations à la charge des employeurs sont passées de 34,62 % à 4,38 % ente 1980 et 2006. Dans le même temps, celles qui étaient à la charge des salariés sous le plafond de la sécurité sociale sont passées de 12,8 % à 21,5 %, CSG et CRDS incluses.

Les exonérations liées aux bas salaires sont particulièrement intolérables, puisque, précisément, elles incitent les employeurs à privilégier ces bas salaires. Les premiers touchés sont les jeunes, mais aussi les femmes, d’où des incidences négatives sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Ces exonérations ont donc des conséquences directes extrêmement néfastes sur la qualité de l’emploi.

L’effet sur les comptes de la sécurité sociale des cotisations liées aux bas salaires est d’autant plus grand que les cotisations sont proportionnelles et en partie progressives. Ce que vous voulez, de réforme en réforme, c’est faire supporter de plus en plus les dépenses sociales – dépenses vitales – par les salariés, pour le grand profit de la capitalisation boursière et des marchés financiers.

Toutes ces exonérations accordées aux entreprises sont inefficaces et illégitimes. Ce sont autant de recettes en moins pour le financement de la protection sociale dans son ensemble, et pour ce qui nous concerne ici, pour celui des retraites. L’adoption de notre amendement contribuerait donc de manière évidente au financement de retraites de bon niveau.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car il prévoit des dispositions de nature financière.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La multiplication des exonérations est une question cruciale en ce qu’elle opère un transfert du financement de la protection sociale des entreprises vers les ménages et les salariés, ce qui est inadmissible !

Pour la majorité, le travail des salariés constitue un coût à réduire à tout prix. Évidemment, le MEDEF applaudit et en redemande ! Il faut dire que vous ne rechignez pas à lui donner satisfaction, en accordant la priorité au capital et aux dividendes plutôt qu’au travail.

Selon le MEDEF, pour préserver la compétitivité des entreprises, il faudrait absolument exclure tout nouveau prélèvement sur le capital et sur les profits. Qu’à cela ne tienne, vous excluez effectivement tout prélèvement supplémentaire et, qui plus est, vous accordez régulièrement de nouveaux cadeaux au patronat.

Mes chers collègues, s’il était vrai que la multiplication des exonérations favorisait la compétitivité des entreprises, et par là même l’emploi, cela se saurait depuis longtemps. En fait, c’est le contraire !

La vérité, c’est que les exonérations coûtent cher à la sécurité sociale et ont des effets désastreux sur l’emploi. En 2006 et en 2007, dans deux rapports destinés à la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes elle-même avait eu l’occasion de fustiger les exonérations de cotisations, évoquant une véritable fuite en avant. Les magistrats ont dénoncé un dispositif incontrôlé, au coût très élevé et à l’efficacité quantitative incertaine, une efficacité à ce point incertaine qu’ils demandaient que le Gouvernement s’interroge sur la pérennité et l’ampleur du système.

Les exonérations de charge sont passées, je le rappelle, de 3 milliards d’euros en 1993 à 62 milliards d’euros aujourd’hui, soit l’équivalent d’une part importante des dépenses publiques de lutte contre le chômage. À cela s’ajoute le fait qu’un nombre certain de revenus – intéressement, participation, épargne salariale et stock-options – sont exemptés de cotisations et ne contribuent donc pas au financement de la protection sociale.

Or les sommes distribuées au titre de ces dispositifs se sont accrues en cinq ans de 9 %, alors que la masse salariale, elle, n’a augmenté que de 3 %. Ainsi, selon les estimations de la Commission des comptes de la sécurité sociale, s’ils avaient été payés sous forme de salaires, les 17,4 milliards d’euros versés au titre de l’intéressement auraient rapporté 7 milliards d’euros à la protection sociale, dont une part aurait bien entendu alimenté les caisses nationales d’assurance vieillesse et les régimes complémentaires de retraites.

Certes, la loi du 25 juillet 1994 prévoit une compensation intégrale par l’État, autrement dit, par le contribuable, donc par les salariés, alors que les cotisations sociales sont en réalité une part du salaire socialisé, ce qui pose là encore le problème de la responsabilité des employeurs dans le financement de la protection sociale.

Mais même cette loi n’est pas appliquée à la lettre. Les exonérations non compensées par le budget de l’État n’ont cessé d’augmenter depuis 2004. Elles ont progressé de 1,4 % entre 2004 et 2005, de 11,6 % entre 2005 et 2006, de 10,2 % en 2007. Pour le régime général, elles se sont élevées en 2007 à plus de 2,6 milliards d’euros, soit un demi-milliard de plus qu’en 2004.

Par ailleurs, le montant de la dette de l’État au regard du régime général s’élevait, à la fin de 2008, à 5,8 milliards d’euros.

Quel que soit le biais par lequel nous examinons la question des exonérations de cotisations sociales patronales, force est de constater que ces dernières constituent un problème, un handicap pour le financement de la protection sociale, donc des retraites.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter notre amendement de suppression des dispositifs d’exonérations.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Mes chers collègues, je requiers toute votre attention, vous en aurez besoin pour comprendre l’exposé chiffré que je vais présenter.

M. le rapporteur a justifié son avis défavorable par le fait que cet amendement comportait des dispositions de nature financière.

M. Jean Desessard. Il faut savoir ce que vous voulez : vous déclarez dans la presse, y compris dans les journaux télévisés, que nous n’avons pas de projet, mais lorsque nous vous présentons des propositions chiffrées, vous considérez qu’elles relèvent de la loi de finances. J’ai un peu de mal à vous suivre…

Je représente ici les écologistes. Hier, les socialistes nous ont présenté leur projet. Il n’est pas mal ! Peut-être pourrons-nous conclure des accords dans quelque temps ! (Sourires.) Le projet des communistes est intéressant. Peut-être pourrons-nous aussi faire quelque chose ensemble ! (Nouveaux sourires.)

Toutefois, mes chers collègues, les écologistes ont eux aussi un projet. (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.) Notre parti est jeune, certes, mais cela ne l’a pas empêché de réfléchir au problème des retraites. Je souhaite donc vous présenter notre projet au travers de quelques chiffres.

Le montant des exonérations de cotisations sociales est aujourd’hui très important et, même à droite, certains s’interrogent sur leur utilité. Nous prévoyons un changement progressif, qui s’étendra jusqu’en 2020. Nous avons pris les chiffres les plus pessimistes publiés par le Conseil d’orientation des retraites, le COR. Le Gouvernement a retenu le scénario B ; nous, nous n’avons peur de rien : nous avons choisi de nous fonder sur le scénario C, c’est-à-dire sur le scénario le plus pessimiste.

Mes chers collègues, permettez-moi de vous donner le détail des fonds que nous pouvons récupérer : suppression des niches sociales, 8 milliards d’euros par an (Murmures sur les travées de lUMP.) ; réduction de moitié des exonérations sur les bas salaires, 5 milliards d’euros ; suppression des exonérations sur les heures supplémentaires, 1,4 milliard d’euros, augmentation des prélèvements sociaux sur l’intéressement, 0,9 milliard d’euros, hausse des prélèvements sociaux sur l’épargne retraite entreprise – 0,7 milliard d’euros.

Sur les 49 milliards d’euros de déficit, nous, écologistes, avons donc déjà trouvé 8 milliards d’euros !

Il semble que vous ayez quelques difficultés à me suivre. Ne vous inquiétez pas, je vous transmettrai, chaque jour, de nouvelles données qui vous permettront de calculer, avec moi, les recettes que nous récupérons pour combler le déficit affiché de 49 milliards d’euros, selon le scénario le plus pessimiste, et sans augmenter l’âge de départ à la retraite. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)