Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. À mesure que nous avançons dans ce débat,…

M. Didier Guillaume. Nous reculons ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. … nous nous rendons compte qu’un clivage existe entre nous. S’opposent deux conceptions de la société ; on jugera sans doute outrancier de remonter à 1936, mais j’ai malgré tout l’impression que l’on retrouve aujourd'hui les clivages qui opposaient alors partisans et adversaires de la semaine de 40 heures ou des congés payés.

Nous l’avons dit à de nombreuses reprises, la vérité, c’est que vous voulez faire vite ; vous voulez vous débarrasser de ce débat, d’autant que Mme Parisot commence à s’impatienter…

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Oh là là !

M. Jean-Jacques Mirassou. L’article 5 concerne le relèvement de l’âge légal de la retraite de 60 à 62 ans et, y répondant comme un écho, l’article 6 fait passer de 65 à 67 ans l’âge requis pour bénéficier d’une retraite sans décote. Ces articles me font dire que, à un moment donné, il ne fera pas bon être peu qualifié dans notre pays et entrer sur le marché du travail à 16 ou 17 ans.

On expliquera à la personne peu qualifiée qui fera un travail pénible que, bien que totalisant le nombre d’annuités requis, elle devra se « coltiner » deux ans de plus, et à telle autre – ami ou amie, voisin ou voisine, etc. –, également peu qualifiée, mais ayant un parcours professionnel chaotique, qu’elle restera vraisemblablement deux ans de plus au chômage, a fortiori s’il s’agit d’une femme. Dans les deux cas, ce sont les mêmes qui seront pénalisés ; ce seront les victimes, je n’irai pas jusqu’à dire expiatoires, de votre projet de loi.

Plusieurs de nos collègues ont présenté ici différentes mesures visant à financer cette réforme. L’article 1erA du projet de loi dispose, avec lyrisme, que « la Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ». Mais plus nous avançons dans le débat, plus nous nous apercevons qu’il s’agit en réalité d’un effet d’annonce.

Pourtant, une République comme la nôtre, qui se revendique comme aboutie, avait indiscutablement les moyens intellectuels et financiers d’imaginer un système permettant de mettre en adéquation la situation actuelle du marché du travail sur le plan à la fois sociétal et économique avec les fondamentaux que vous affirmez par ailleurs faire vôtres, ceux qui sont issus du programme du Conseil national de la Résistance.

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous avez en quelque sorte baissé les bras et voulu expédier le débat sur la double injonction de Mme Parisot et de M. Sarkozy. Ce débat, vous l’avez complexifié à l’extrême, mais, chaque jour qui passe fait que les Françaises et les Français ont compris votre méthode.

Ils se focalisent sur les 60 ans et les 65 ans, mais vos déclarations n’ont, jusqu’à présent, – quand il y en a eu ! – pas été de nature à les rassurer, pas plus que nous, du reste.

Vous le comprendrez aisément, nous mettrons à profit chaque seconde du temps dont nous disposons pour lutter contre un projet de loi inique, allant à contre-courant de l’Histoire, comme l’a excellemment souligné notre collègue Pierre Mauroy, vendredi soir, et ne garantissant pas du tout l’avenir.

Ainsi que Jean-Louis Carrère l’a dit à l’instant, la retraite par répartition, pour vous, c’est : pfft, à dégager ! et le dossier suivant sur la liste, c’est tout simplement celui de la sécurité sociale, cette sécurité sociale qui fut mise en place par le Conseil national de la Résistance, fondée sur les solidarités contributives, et que vous entendez également faire glisser lentement mais sûrement vers les assurances privées. Eh bien, sachez-le, sur ce dossier, vous nous trouverez encore face à vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Virapoullé. Depuis ce matin, l’opposition veut faire porter à la majorité la culpabilité de la réalisation de cette réforme. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. C’est vrai que vous êtes coupables !

M. Jean-Paul Virapoullé. Mes chers collègues, je vous écoute religieusement depuis ce matin. Par courtoisie, je n’ai jamais interrompu un orateur ; ayez donc la gentillesse de m’écouter quatre minutes !

En l’occurrence, nous plaiderons non pas coupables, mais responsables.

Responsables de porter un projet de loi pour sauver l’équilibre financier de la sécurité sociale.

M. Jean-Paul Virapoullé. Responsables de déplacer de deux ans le cursus de l’âge de la retraite eu égard à l’amélioration de la santé et à l’allongement de la durée de vie des Français.

M. Jean-Louis Carrère. Décidément, vous êtes décomplexés !

M. Jean-Paul Virapoullé. Responsables de moderniser notre système de retraite.

Responsables aussi de vouloir réduire la première source d’inégalité qu’est l’écart de salaire entre les femmes et les hommes. M. le ministre Woerth a indiqué ce matin qu’un projet de loi serait prochainement déposé sur ce sujet.

Responsables de vouloir faire verser la pension vieillesse dès le premier jour du mois, comme cela est envisagé et comme le demandent les personnes âgées.

Où sont les coupables ?

Les coupables, ce sont ceux qui, dernièrement encore, ont demandé aux lycéens de manifester. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Bariza Khiari. On ne peut pas laisser dire cela !

M. Jean-Paul Virapoullé. J’ai entendu à la télévision que deux jeunes lycéennes avaient été grièvement brûlées. (Murmures.) Évidemment, c’est plus facile à supporter quand il ne s’agit pas de vous ni de vos enfants !

M. Jean-Louis Carrère. Surtout, n’allez pas manifester !

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur Carrère, je suis entré dans la vie publique par la porte du syndicalisme agricole en 1967…

M. Jean-Louis Carrère. Vous l’avez un peu oublié !

M. Jean-Paul Virapoullé. Non, puisque je suis dans la vie publique depuis quarante ans maintenant !

Je voudrais dire à ces deux jeunes filles qui vont porter à vie dans leur chair les traces de cette manifestation…

M. David Assouline. C’est de l’instrumentalisation !

M. Jean-Paul Virapoullé. Cela vous fait mal, mais écoutez-moi quand même ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est de la récupération !

M. Jean-Paul Virapoullé. Je veux leur dire qu’elles verront, au moment de leur retraite, dans cinquante ans – j’espère qu’elles auront un métier –,…

Mme Annie David. Il faut cotiser cinquante ans maintenant ?...

M. Jean-Paul Virapoullé. … que l’ouverture des droits à la retraite aura conservé cette évolution que nous lui apportons aujourd'hui, tout simplement parce que les éventuels futurs gouvernements que vous soutiendrez ne toucheront pas à la mesure que nous allons voter ce soir, de même que les gouvernements de droite n’ont pas touché à la CSG !

Quant à qualifier ce projet de « scélérat », je rappellerai ce que disait, en 1991, le député communiste Guy Ducoloné, à propos de la CSG : « Cette réforme est décadente, elle est répugnante. »

Mes chers collègues, lorsque les propos sont excessifs, ils sont insignifiants !

Mme Janine Rozier. Très bien !

M. Marc Daunis. Arrêtez !

M. Jean-Paul Virapoullé. Et ils ne peuvent pas caractériser un projet de loi de cette ampleur, qui touche toutes les Françaises et tous les Français !

Pas plus que vous, nous ne sommes élus pour punir les Français ! Mais nous sommes, pour notre part, responsables de l’avenir de la sécurité sociale et de la retraite des Français ! Et, ce soir, nous avons le courage de faire cette réforme à laquelle aucun gouvernement ne touchera par la suite ! (Applaudissements nourris et prolongés sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.

Mme Michèle André. Je souhaite intervenir en cet instant en qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, au nom de mes trente-cinq collègues qui ont adopté, voilà quelques jours, neuf recommandations.

Je tiens notamment à attirer votre attention sur la recommandation n° 3 : « La délégation souhaite que l’on procède à une évaluation de l’évolution sur le long terme des écarts de pension entre les femmes et les hommes et que soit évalué avec précision, pour chaque génération, l’impact du recul de l’âge légal de départ en retraite, ainsi que de l’âge du taux plein sur les écarts de retraite entre femmes et hommes. »

Bref, nous voulons les études d’impact que, avec d’autres, nous avions demandées.

Ainsi, Marie-Jo Zimmermann, mon homologue à l'Assemblée nationale, le 29 juin 2010, alors qu’elle procédait à l’audition Mme Brigitte Grésy, que tout le monde connaît aujourd'hui puisqu’elle a été chargée par les ministres du travail qui se sont succédé de réaliser une étude particulièrement importante sur la question des retraites, lui faisait part des observations suivantes : « Je souhaitais que le projet de réforme des retraites contienne une partie spécifiquement relative aux femmes. Je m’en suis ouverte, à l’époque, à M. Darcos ; mais, comme son successeur, il considérait que la question de la retraite des femmes avait été réglée par la réforme des majorations de durée d’assurance. »

Mme Brigitte Grésy lui répondait en ces termes : « Une idée communément admise veut que l’on réglera le problème de la retraite des femmes en renforçant l’égalité professionnelle. Or, les projections du COR montrent, en 2040 encore, une différence de niveau irréductible de 30 % entre les pensions des femmes et celles des hommes. »

Mme Annie David. Voilà ! Tout est dit !

Mme Michèle André. « En matière de retraite, certains pays de l’Union, tels l’Italie ou la Grande-Bretagne, continuent de traiter différemment les hommes et les femmes. Si, en réformant, on ne veut pas faire cette distinction en France par crainte de la jurisprudence communautaire – mais, à mon sens, il convenait d’en faire établir une nouvelle – pourquoi ne pas prévoir un traitement spécifique pour les hommes et, en grande majorité, les femmes éligibles au minimum contributif ? Ce sont de petites pensions, et beaucoup attendent d’avoir 65 ans avant de prendre leur retraite pour avoir une pension à taux plein. On pourrait, pour eux, maintenir à 65 ans l’âge de la retraite à taux plein ; rien n’oblige à lier le report de l’âge de la retraite et le recul de l’âge de la retraite à taux plein.

« Quant au minimum contributif majoré, instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 uniquement pour les carrières longues, c’est un dispositif extrêmement défavorable aux femmes, qui ont pour beaucoup une carrière discontinue. Cette mesure n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact.

« Mais le problème de fond que pose aux femmes le projet de réforme, c’est le recul de l’âge de la retraite à taux plein à 67 ans. Il faut reconnaître que, les enfants étant un bien social, la solidarité doit jouer pour les femmes qui les portent et les élèvent. »

Elle concluait ainsi : « Comme les femmes travailleront difficilement jusqu’à 67 ans, leur pension subira une décote considérable. Le moyen de remédier à cette situation pourrait être de maintenir à 65 ans l’âge de la retraite à taux plein pour toutes celles et tous ceux qui sont éligibles au minimum contributif. »

En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, donc, j’aimerais vous poser une question, monsieur le ministre, à vous qui êtes chargé dans ce gouvernement des droits des femmes. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

Je ne parviens pas à comprendre par quel calcul vous arrivez à ces 3,5 milliards d’euros du coût estimé de la retraite des femmes à taux plein ! Notre collègue Jacqueline Gourault y a fait allusion tout à l'heure, aucun document ne nous permet de comprendre ce calcul.

Sans doute cela tient-il à mes origines auvergnates – si nous avons l’habitude de compter l’argent, c’est peut-être parce que nous en manquons –, mais je voudrais bien comprendre votre calcul, car j’ai un doute réel tant sur la somme avancée que sur le nombre de personnes concernées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Je voudrais tout d’abord, madame la présidente, répondre à M. Virapoullé.

Mon cher collègue, je vous le dis avec beaucoup d’égards, vous n’avez pas le droit de nous accuser de pousser les jeunes à manifester. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

En réalité, vous savez que votre réforme est terriblement impopulaire et vous craignez la jonction entre la jeunesse et le mouvement social.

M. Marc Daunis. Exactement !

M. Didier Guillaume. C’est cela, la réalité !

M. Jean-Paul Virapoullé. Vous êtes responsables !

Mme Bariza Khiari. Est-ce nous qui proposons une prétendue réforme qui mécontente les Français ? Retirez votre projet et il n’y aura pas de manifestations ni de grèves ! (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste ! – Exclamations amusées sur les travées de lUMP.) Je vous le dis, vous y viendrez : si ce n’est par choix, ce sera par nécessité !

J’en arrive à mon explication de vote, madame la présidente.

J’ai lu au début de l’après-midi ce magnifique poème d’une citoyenne qui nous appelait au secours : « Qu’avons-nous fait pour que vous nous condamniez au travail à perpétuité, condamnées à faire du chiffre jusqu’à en être tristes et à être rentables jusqu’à en perdre l’âme, sans avoir le temps de veiller sur nos aînés et sur nos enfants ? »

Monsieur le ministre, cette femme met en vers votre projet de société, mais, que ce soit en vers ou en prose, vous n’entendez rien !

Mon collègue Jean-Louis Carrère a parlé de la « droite décomplexée », dont vous vous revendiquez avec force. Vous voulez, dites-vous, faire preuve de modernisme, d’anticipation, de vision d’avenir et casser les tabous. Malheureusement, sous prétexte de ce jeu de massacre, vous supprimez un acquis social majeur : la retraite à 60 ans, pour la repousser à 62 ans et, par effet mécanique, pour beaucoup, à 67 ans, sans vous interroger une seconde sur ce que cela implique comme « galère » pour nos concitoyens. Belle politique de civilisation !

Repousser l’âge d’une retraite à taux plein à 67 ans, notamment pour les femmes, est une étape de plus dans le démantèlement de notre « vivre ensemble », cela a été remarquablement dit par Catherine Tasca ce matin.

Nous le répétons : les femmes ont une retraite nettement inférieure à celle des hommes : moins de la moitié d’entre elles mènent une carrière complète, un tiers d’entre elles travaillent jusqu’à 65 ans pour éviter la décote. Et il faudrait les faire patienter jusqu’à 67 ans ? Quelle injustice ! Elles ont des carrières en dents de scie parce qu’elles mettent au monde des enfants qui assureront la retraite de tous. Et, paradoxe, elles sont pénalisées pour cela au moment de leur propre retraite !

Monsieur le ministre, vous découvrez tout à coup l’inégalité salariale et vous voulez faire une loi à ce sujet, encore une ! Mais regardez autour de vous : en dépit d’une loi sur la parité, combien de femmes siègent au Parlement ? Une loi ne fait pas l’égalité, nous le savons tous, mais elle est là pour corriger les grandes inégalités.

En fait, vous nous proposez d’ajouter de l’injustice à l’injustice ; ça, c’est du « lourd » ! Nous voterons résolument contre cet article parce que vous proposez aux Français une vie de « galère », dominée par les théologiens du marché, du grand casino mondial. Nous voterons contre parce que vous avez eu l’inélégance de répondre à Pierre Mauroy qu’il était nostalgique, voire passéiste !

M. Éric Woerth, ministre. Non, j’ai dit qu’on ne gouvernait pas avec la nostalgie !

Mme Bariza Khiari. Pierre Mauroy avait envie de changer la vie des ouvriers qu’il connaissait et voulait leur donner un espoir de vie.

M. Guy Fischer. Eh oui !

Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, nous sommes ses héritiers : parce que, nous, nous ne renonçons pas à changer la vie dans le plus beau sens de cette formule. En effet, pour nous, la politique, c’est prendre sur soi le destin d’autrui. Ce n’est pas votre conception ; alors ce sera non, dix mille fois non ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Comment pouvez-vous ne pas voir, monsieur le ministre, à quel point cette mesure de prolongation jusqu’à 67 ans suscite un profond rejet dans le pays ?

Tout à l’heure, sur France Inter, j’écoutais Mme Jacqueline Panis expliquer une position qui est également la nôtre. Elle concluait en disant qu’elle était déçue. Ceux qui étaient autour de moi pensaient qu’elle avait raison : c’est tellement évident !

Je n’imaginais pas, voilà encore quelques mois, que vous iriez jusqu’à proposer ces 67 ans ! Cela me paraissait réellement inconcevable et j’étais persuadé que vous ne le feriez pas. Mais je vois bien que vous êtes très gênés, les uns et les autres, pour défendre une telle mesure ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Arrêtez !

M. Jean-Pierre Sueur. Depuis une semaine, nous ne cessons de dire que cette réforme est profondément injuste.

Je rappelle que la contribution des personnes bénéficiant du bouclier fiscal au financement de cette réforme n’est que de 500 euros à 700 euros par an, ce qui est dérisoire par rapport à leurs revenus !

Il faut, dites-vous, être rigoureux et veiller aux dépenses ; fort bien ! Mais si l’on multipliait par deux, trois ou quatre ce que l’on demande aux Français protégés par le bouclier fiscal, ces derniers pourraient parfaitement assumer le coût de la réforme et il ne serait alors plus nécessaire de reculer l’âge à 67 ans.

Vous savez que d’autres choix sont possibles pour une réforme plus juste, pour une répartition plus équitable de la charge financière et des efforts demandés, et qu’ils permettraient très facilement de maintenir la limite à 65 ans. Tout le monde le sait et absolument personne ne peut démontrer le contraire !

J’ajoute qu’il faudrait aussi tenir compte de la pénibilité, car il existe bien des métiers pénibles qui doivent ouvrir des droits. Vous rendez-vous compte de ce que cela suppose d’exercer jusqu’à 67 ans certains emplois ? Dans le département où je suis né, le Pas-de-Calais, dans celui où j’ai passé ma jeunesse, le Nord, et dans celui où je vis aujourd’hui, le Loiret, je connais beaucoup d’ouvriers qui ne l’acceptent pas ; c’est même de toutes leurs fibres qu’ils le refusent !

À défaut de pouvoir vous l’expliquer, je vous livre une conviction qui vient du cœur et, contrairement à M. Virapoullé, je ne cherche pas à faire de la récupération ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Samedi et dimanche, nous avons entendu les réactions qu’ont suscitées les manœuvres consistant à faire examiner l’article 5 et l’article 6 avant tous les autres. Si nous siégeons encore à cette heure-ci, c’est bien parce que tout l’après-midi vous avez espéré, à la veille de la manifestation, être en mesure d’annoncer aux journaux télévisés de vingt heures que le recul à 67 ans était adopté !

Maintenant, vous espérez que les gens regarderont les actualités après le film de la soirée pour apprendre la nouvelle ou qu’ils écouteront la radio demain matin. Qui sait, peut-être cela les dissuadera-t-il d’aller manifester ? Dites-le donc que c’est ce que vous voulez ! C’est cynique et méprisant, mais c’est la vérité ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Évidemment, c’est une conception du dialogue social ! Mais il en existe une autre, qui consisterait à reconnaître que la mesure n’est pas acceptée, qu’elle doit donc être retirée et qu’il convient d’ouvrir une négociation sur le sujet avec les syndicats. Voilà une méthode qui, je vous l’assure, aurait une tout autre allure !

Tous ceux qui, demain au réveil, apprendront à la radio, avant d’aller manifester, que cette mesure est votée auront le sentiment que c’est cynique, dérisoire, et qu’on les méprise. Voilà ce que nous pensons et c’est la raison pour laquelle nous voterons bien entendu contre cet article ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Relayant nombre de propos tenus ces derniers jours, M. Virapoullé, loin de se sentir coupable, a tenté de théâtraliser les débats. Il n’a fait, en vérité, que prolonger la mise en scène !

Vous n’avez pas compris que, si nous argumentons avec autant d’énergie et de conviction, c’est parce que cette réforme est une affaire sérieuse. Oui, nous voulons réformer le régime des retraites parce qu’il y va de son avenir ! La retraite, c’est, pour ainsi dire, le seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Or vous avez souvent sous-estimé cet aspect fondamental pour les Français.

Malgré les déconvenues et les signes contraires que vous envoyiez, nous voulions croire qu’un débat était possible au Sénat, comme il aurait pu avoir lieu à l’Assemblée nationale. Mais un préalable était nécessaire : une négociation avec tous les syndicats de notre pays, qui ont montré à quel point ils étaient responsables. S’agissant d’une conquête essentielle du mouvement ouvrier, ils voulaient négocier. Loin d’attiser le feu, ils appelaient simplement M. Sarkozy à ouvrir de telles négociations !

Nous avons fait valoir nos arguments. Oui, il manque 45 milliards d’euros à l’horizon 2025, et il serait irresponsable que la représentation nationale et l’État n’étudient pas toutes les pistes pour trouver cet argent. Nous étions prêts à chercher ensemble, sans a priori, comme toujours quand on est républicain, une solution efficace et juste.

Les efforts, parce qu’il en faut, doivent être équitablement répartis. Aujourd’hui, le système repose avant tout sur les cotisations des salariés, ceux qui, dans leur immense majorité, font vivre le système et n’ont que leur salaire pour vivre. Auparavant, c’était possible grâce à une pyramide des âges favorable. Aujourd’hui, non seulement le capital ne cesse de grossir au détriment des revenus, mais la pyramide des âges n’est plus favorable.

Que faire ? Il fallait chercher du côté des revenus du capital ou de ces salaires différés tels que stock-options, bonus et autres gratifications exorbitantes, auxquels vous ne touchez pas ou de façon si infime que vous ne trouvez pas suffisamment d’argent, sans nuire à la croissance, sans affecter les petites entreprises, ni les petits propriétaires, ni les détenteurs d’un livret A.

Vous aviez donc un autre choix, qui recueillait un consensus et qui consistait à vous attaquer à ces revenus dont vous ne voulez surtout pas effrayer les détenteurs, ne serait-ce que parce qu’ils participent aux cercles de financement de votre parti. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Qu’est-ce qu’il raconte ? N’importe quoi !

M. David Assouline. Or, selon nous, personne ne doit se soustraire à l’effort national !

Faute de faire ce choix-là, vous ne trouvez que 20 milliards d’euros, lesquels ne vous permettent pas de pérenniser le système de retraite par répartition.

M. Alain Gournac. Ce n’est pas vrai !

M. David Assouline. Il vous en manque donc encore 25 milliards. Ainsi, vous mettez en danger le système. Mais cela ne vous empêche pas de clamer partout que vous êtes efficaces et que ce sont les autres qui ne savent pas gérer !

Avec notre proposition, les 45 milliards d’euros peuvent être trouvés à l’horizon 2025.

M. Christian Cambon. Qui veut gagner des millions ?

M. David Assouline. Avec votre plan, il vous manquera toujours 15 milliards. Voilà la vérité !

Je conclurai en évoquant la méthode.

Vous avez fait des mises en scène, vous avez dépensé beaucoup d’énergie en communication, mais vous ne vous êtes pas réellement attaqué au problème. Et il nous a fallu examiner les articles 5 et 6 avant même l’article 1er ! Expliquez donc aux Français comment vous respectez le travail parlementaire !

Comme l’a dit mon ami Jean-Pierre Sueur, vous voulez avant tout que le cœur de la réforme soit voté avant demain, pour pouvoir dire alors : « Circulez, y a plus rien à voir ! »

Eh bien, sachez que nous serons présents, jour et nuit s’il le faut, tant que le débat durera, parce que tant que ce projet de loi ne sera pas voté et promulgué, c’est-à-dire pas avant de nombreux jours, les articles 5 et 6 ne seront pas définitivement en vigueur !

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Assouline !

M. David Assouline. Alors, peut-être le Gouvernement écoutera-t-il les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Les femmes partent en retraite en moyenne à 61 ans et demi, soit un an plus tard que les hommes ; 44 % des femmes ont effectué une carrière complète, contre 86 % des hommes.

En droits directs, les femmes touchent 825 euros en moyenne, contre 1 426 euros pour les hommes, soit 50 % de moins. Enfin, les femmes représentent 57 % de l’ensemble des allocataires du minimum vieillesse.

Telles sont les inégalités chroniques que subissent déjà aujourd’hui les femmes retraitées, et que je tenais à rappeler même si on les a évoquées à maintes reprises tout au long de ces débats.

Repousser de 65 ans à 67 ans l’âge légal de la retraite sans décote, c’est prendre le risque de fragiliser un peu plus un grand nombre de femmes.

Si je suis d’accord, je tiens à le répéter en cet instant, pour considérer qu’une réforme est nécessaire afin de sauver notre système de retraite, si j’admets la nécessité du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 pour tous, je regrette que les aménagements concernant cette borne qui passe de 65 ans à 67 ans aient été limités aux seuls parents – surtout des femmes – de trois enfants, nés entre 1951 et 1955, soit une période de quatre ans et demi. Ce dispositif ne concernera donc qu’un nombre très restreint de femmes.

Je regrette profondément qu’un travail plus fin, plus subtil n’ait pas été engagé pour prendre en compte la situation des femmes dans toutes ses caractéristiques, dans toutes ses nuances. Ce travail de fond aurait été tout à fait nécessaire.

Pour toutes ces raisons, je m’abstiendrai sur cet article.