M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.

M. Didier Guillaume. Cet article 1er crée un comité de pilotage des régimes de retraite, chargé apparemment d’un certain nombre de missions, dont l’objectif est de garantir la pérennité financière des régimes et de parvenir à l’équilibre en 2018. Tout un programme, alors que, nous vous le disons depuis la semaine dernière, votre réforme n’est pas équilibrée financièrement !

L’intérêt de cet article reste à démontrer, tant la création d’un énième comité semble pour le moins surprenante. La majorité et le Gouvernement ne nous avaient pourtant pas habitués à créer des comités… Notre pays dispose déjà d’organismes qui travaillent quotidiennement sur la question des retraites, le COR en étant le meilleur exemple. Nous ne comprenons donc vraiment pas quelle peut être l’utilité de ce nouveau comité, car c’est au Gouvernement et au Parlement, comme l’ont dit fort justement les orateurs qui m’ont précédé, qu’il revient de prendre les décisions garantissant la pérennité financière et l’équité des régimes de retraite par répartition, et non à un comité Théodule, même s’il est composé, sans aucun doute, de personnalités qualifiées.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Didier Guillaume. C’est à la représentation nationale qu’il appartient de prendre ses responsabilités !

Cette année déjà, vous vous êtes abrités derrière un rapport alarmiste du COR pour justifier votre réforme. Qui sait si ce comité de pilotage ne vous permettra pas, dans quelques années, de légitimer une nouvelle réforme, marquée à nouveau du sceau de l’injustice et même de l’iniquité ? Se retrancher derrière l’urgence pour réformer n’autorise pas à faire toujours peser l’effort sur les plus faibles !

J’aimerais revenir sur le nom que vous avez choisi : « comité de pilotage ». À l’heure où la communication prévaut souvent sur l’action – nous y sommes maintenant habitués ! –, je suis certain que ce choix n’a rien d’anodin.

Le choix de ce nom est révélateur de la politique que vous menez. Vous me faites penser au capitaine d’un bateau qui dériverait inéluctablement vers un iceberg sans pouvoir agir sur le gouvernail. Un capitaine sans gouvernail, un avion sans pilote, une réforme sans orientation logique, voilà la vérité ! Créer un comité de pilotage, c’est reconnaître implicitement que la réforme que vous nous présentez va à la dérive : tout juste met-elle le cap sur l’injustice ! (M. Bruno Sido s’exclame.)

Cette réforme aurait dû engager toutes les générations, elle aurait dû créer un pacte des générations. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le seul pacte qu’ont conclu les générations a consisté à s’opposer à votre réforme !

D’ailleurs, lorsque nous vous expliquons point par point notre projet, vous vous obstinez à nous répondre que les jeunes devront payer les conséquences de la réforme que nous proposons : c’est une erreur et le président de notre groupe vous démontrera l’inverse dans un instant.

En revanche, vous occultez de manière volontaire un fait majeur des années 2000 : si vous n’aviez pas drainé le Fonds de réserve pour les retraites, si vous ne l’aviez pas asséché, nous n’en serions pas là où nous en sommes aujourd’hui.

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. N’importe quoi !

M. Didier Guillaume. Les jeunes seront spoliés des sommes qui avaient été mises de côté pour leur permettre de ne pas subir trop lourdement le pic démographique de 2020.

À l’heure où les manifestants déferlent sur la France, où toutes les générations manifestent, vous n’avez rien d’autre à nous présenter que la création d’un comité de pilotage. Or les Français ont besoin non pas d’un comité de pilotage, mais d’un pilote habile et talentueux qui leur montre le cap à suivre !

Il faut rassurer les Français et non les inquiéter ! Il faut rassembler les Français et non les diviser ! Il faut rassembler toutes les générations avec un seul objectif : la pérennité du régime de retraite par répartition !

Au moment où, sur tous les Google – puisque tout le monde a un iPhone –, le journal Le Monde annonce que le Président de la République s’apprête à supprimer le bouclier fiscal et l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, contrairement à tout ce qui était affirmé jusqu’à présent, vous n’êtes plus à un reniement près : alors, renoncez à cette réforme des retraites, reprenons le dialogue à son point de départ, cela vaudra mieux pour l’ensemble de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Guy Fischer et Robert Tropeano applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, sur l’article. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. Jean-Pierre Bel. Les problèmes que vient d’évoquer Didier Guillaume concernant le financement de cette réforme des retraites sont importants et intéressants. Hier, au terme d’une discussion riche sur l’article 6, j’ai noté que l’intervention de M. le ministre a consisté à reprendre le projet d’une autre réforme possible des retraites défendu par le parti socialiste – pour nous, c’était un élément de satisfaction –, pour le tourner en dérision et contester les modalités de son financement.

Je souhaiterais y revenir, si vous me le permettez, car un peu d’interactivité ne ferait pas de mal à nos débats : l’intervention assez longue de M. le ministre mérite en effet que nous précisions nos arguments.

Oui, nous voulons mettre à contribution les revenus du capital !

M. Marc Daunis. Voilà !

M. Claude Bérit-Débat. C’est clair !

M. Jean-Pierre Bel. Nous voulons augmenter les prélèvements sur les bonus et les stock-options, je le confirme, en portant le taux de 5 % à 38 %.

Oui, – et nous l’assumons ! – nous voulons multiplier par cinq les prélèvements sur l’intéressement. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Oui, nous voulons créer une surtaxe de 15 % à l’impôt sur les sociétés acquitté par les banques et je demande à M. Woerth s’il trouve surprenant de taxer les banques, qui ont été sauvées de la faillite par l’argent du contribuable. N’aurait-on pas le droit de leur demander un effort de solidarité ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Leurs marges sont immenses et notre projet les condamnerait, si je comprends bien, à leur corps défendant, à des hausses de leurs tarifs ? Tout cela n’est pas sérieux !

Nous voulons également supprimer ce que l’on a appelé la « niche Copé ». Vous nous dites qu’elle évite l’évasion fiscale, mais nous nous souvenons que le même argument nous avait été servi pour défendre le bouclier fiscal. Or, aucun chiffre, aucune étude sérieuse n’ont démontré que le moindre exilé fiscal était revenu…

M. Yves Daudigny. Si, Johnny Halliday !

M. Jean-Pierre Bel. … grâce à des dispositifs qui instaurent en fait, purement et simplement, de nouveaux privilèges !

M. le ministre feint d’être surpris en découvrant ces chiffres : c’est tout simplement que la philosophie de notre projet est radicalement différente de la sienne.

Oui, nous proposons de mettre les revenus du capital à contribution pour des montants dix fois supérieurs à ce que propose le Gouvernement : ainsi, nous souhaiterions prélever 19 milliards d’euros en 2011, contre 2,2 milliards d’euros prévus par le Gouvernement. Est-il surprenant de proposer une contribution du capital à l’effort national ?

La vérité, c’est simplement que nous voulons mettre beaucoup plus fortement à contribution ceux que l’on a maintenant coutume d’appeler « les amis du Fouquet’s » et les grandes fortunes. Naturellement, cela vous paraît inacceptable.

Je souhaite également revenir sur un autre point très important dans notre développement d’hier, à savoir l’emploi des seniors. En effet, nous considérons que la hausse de l’emploi des seniors apporterait bien, je le confirme, 6 milliards d’euros. Le ministre nous a reproché hier d’avancer ce chiffre d’un « coup de baguette magique » ! Mais il faut être particulièrement myope pour ne pas voir que l’augmentation du taux d’emploi a des effets mécaniques sur les cotisations : plus il y a d’actifs au travail, et plus ils cotisent !

M. Didier Guillaume. C’est évident !

M. Jean-Pierre Bel. Il est tout de même surprenant de devoir rappeler de telles évidences !

Car là est le point faible de la réforme que nous présente le Gouvernement : elle n’adopte pas une approche globale, elle sépare les retraites de l’emploi, alors que tout est lié.

Enfin, si j’étudie votre projet et la manière dont vous le financez, c’est lui qui me paraît non financé ! En effet, dès 2011, il vous manquera 25 milliards d’euros. Vous me reprocherez sans doute d’être dogmatique et doctrinal, d’inventer des chiffres, mais vous devriez vous rappeler la « réforme Fillon », qui était censée être financée à 100 %...

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Non, à 60 %

M. Jean-Pierre Bel. … et dont nous constatons qu’elle n’est déjà plus suffisante.

Puisque notre parole peut être mise en doute, je reprendrai les propos de la présidente de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV : « Le compte n’y est pas en termes de ressources et de financement. À l’horizon 2020, on sait très bien qu’il faut de l’ordre de 45 milliards d’euros par an pour financer le régime et là, sur la table, [le ministre du travail, Éric Woerth,] nous met 29 milliards d’euros, donc il en manque ». Faites le calcul !

La présidente de la CNAV ajoute que ce projet « n’est pas équilibré » et qu’il faut « réfléchir à une assiette de financement différente », alors qu’aujourd’hui seuls les salaires sont mis à contribution.

Je pense donc, messieurs les ministres, que vous devriez faire preuve de moins d’arrogance lorsque vous décrivez le projet concurrent qui vous est opposé et d’un peu plus de modestie lorsque vous présentez le vôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Guy Fischer, Jacques Mézard et Robert Tropeano applaudissent également.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.

M. Jean-Pierre Michel. M. le ministre voulait nous répondre, vous lui coupez la parole ! C’est incroyable !

M. le président. M. le ministre m’a fait signe qu’il répondrait lorsqu’il donnerait l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements de suppression.

L’amendement n° 1 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 64 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Daudigny, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L’amendement n° 251 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

L’amendement n° 319 rectifié est présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L’amendement n° 635 rectifié est présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf et Darniche.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 1.

M. Guy Fischer. Cet amendement tend à la suppression de l’article 1er, car vous aurez compris que, sur le fond, nous contestons la logique même de cet article qui crée un nouvel organisme, le comité de pilotage des régimes de retraite.

En effet, si la vocation de ce comité est de pallier les défaillances actuelles du pilotage du système de retraite, il a surtout pour but, selon les trois missions qui lui sont confiées, de proposer des mesures financières correctrices et de suivi, dont nous contestons le bien-fondé.

Il viserait, semble-t-il, à sauver notre système par répartition en assurant sa pérennité financière et la solidarité intergénérationnelle. Admettons !

Certes, le morcellement du système en de multiples régimes et la complexité du calcul des pensions ne facilitent pas une gouvernance efficace, mais cette situation est le résultat d’une organisation de ces régimes sur des bases socioprofessionnelles et correspond à une réalité ! À l’évidence, il faut simplifier ce système, nous le reconnaissons.

Certes, ce comité se voit confier un pouvoir si le dérapage des comptes menace la pérennité financière du système et notre commission a voulu en faire un « comité d’alerte ». Encore faut-il s’entendre sur la notion d’efficacité et s’interroger pour savoir à qui elle profite ! Mais, à mon avis, l’essentiel n’est pas là. Le défaut majeur de ce nouvel organisme est de n’envisager le problème fondamental de la place de la retraite dans notre société que sous le seul angle comptable et technique.

De surcroît, je comprends mal l’intérêt de créer un tel comité alors qu’existent déjà un organisme similaire, Yves Daudigny l’a très bien dit, le Conseil d’orientation des retraites, le COR, ainsi que toute une série d’autres structures dont la vocation est précisément de réaliser des études à partir desquelles le Gouvernement et le Parlement peuvent prendre, de manière éclairée, leurs décisions.

Ce comité exercerait donc des attributions assez proches de celles du COR, principalement celle de réfléchir et de faire des propositions sur les perspectives de financement de la réforme des retraites.

La rédaction retenue pour définir les missions de ce comité est également très vague, puisqu’il doit simplement « veiller » à la réalisation de divers objectifs, sans même que soient précisés les moyens qui lui seront attribués. Nous nous interrogeons également sur la légitimité des personnalités appelées à y siéger, si éminentes soient-elles, vis-à-vis des représentants des organisations syndicales, de ceux de la CNAV, de l’AGIRC-ARRCO, ou bien encore des caisses de retraite de la fonction publique ?

Non, il ne serait ni raisonnable, ni efficace de créer un organisme redondant par rapport au COR ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 64.

M. Yves Daudigny. Vous ne voulez pas nous écouter, nous devons donc insister, peut-être sans répéter pour autant tous les arguments !

L’article 1er crée un comité de pilotage des régimes de retraite et lui fixe des objectifs et des missions qui sont une succession de déclarations de principes.

Même si le rôle de ce dernier a été modifié par la commission des affaires sociales du Sénat – cela a déjà été dit –, il n’en reste pas moins que l’intérêt de cet article reste à démontrer, tant la création d’un énième comité semble finalement surprenante.

C’est au Gouvernement et au Parlement, et non à un comité de pilotage, qu’il revient de prendre les décisions qui garantissent la pérennité financière et l’équité des régimes de retraite par répartition. Vous ne nous ferez pas accepter qu’un comité de ce type décide à notre place !

Par ailleurs, le Conseil d’orientation des retraites, créé en 2000, a pour mission essentielle d’assurer le suivi et l’expertise, concertée et permanente, de notre système d’assurance vieillesse et de faire des propositions.

L’article 6 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a consacré et élargi son rôle.

Rappelons – cela mérite d’être détaillé – qu’il a pour mission :

« De décrire les évolutions et les perspectives à moyen et long termes des régimes de retraite légalement obligatoires, au regard des évolutions économiques, sociales et démographiques, et d’élaborer, au moins tous les cinq ans, des projections de leur situation financière ;

« D’apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes ;

« De mener une réflexion sur le financement des régimes de retraite […] et de suivre l’évolution de ce financement ;

« De formuler les avis [préalables aux décisions à prendre tous les quatre ans relatives à la durée d’assurance requise dans les régimes de retraite] prévus aux III et IV de l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; […] »

À travers le rappel des missions du Conseil d’orientation des retraites, comment ne pas saisir et mesurer l’inutilité de ce comité de pilotage des régimes de retraite ?

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous avons déposé cet amendement, que je vous invite à soutenir. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 251.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Comment ne pas être séduit par ce nouveau comité de pilotage des régimes de retraite ?

Ce comité devrait veiller au respect des objectifs du système de retraite, tels que la lisibilité, la transparence, la pérennité financière ou la solidarité intergénérationnelle.

Il me semble pourtant que le Conseil d’orientation des retraites, lui aussi, suit l’évolution des régimes et fait des propositions pour assurer leur solidité financière et leur fonctionnement solidaire.

C’est la même chose, non ? Où est la différence ? Pourquoi créer un organisme supplémentaire ?

Nous disposons également d’une Commission de garantie des retraites, qui rend des avis sur les évolutions des durées d’assurance ou de services, et sur les bonifications.

Il me paraît donc inutile de superposer une nouvelle structure, alors que les missions décrites dans l’article sont déjà exercées par des organismes existant.

Nous sommes en train de confectionner un millefeuille illisible et indigeste pour nos citoyens. Ce n’est pas pour rien qu’ils sont des millions, aujourd’hui, à défiler dans la rue (M. Jean-Louis Carrère applaudit.), tout simplement pour dire qu’ils refusent cette manière de faire, qu’ils refusent d’être considérés comme des irresponsables. Car l’irresponsabilité, c’est vous ! (Exclamations sur plusieurs travées de lUMP.) Et elle vient s’ajouter au mépris !

M. Alain Gournac. Ça suffit !

Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est pourquoi, aujourd’hui, nous vous demandons une fois encore de faire preuve d’un peu plus de responsabilité et de retirer cet article 1er du projet de loi. Nous, parlementaires Verts, souhaitons que soit maintenu le contrôle législatif actuel sur les régimes de retraite. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)

M. Jacky Le Menn. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l'amendement n° 319 rectifié.

M. Yvon Collin. En créant un comité de pilotage des régimes de retraite, le Gouvernement se décharge de compétences qui doivent normalement lui incomber.

En effet, l’article 1er détaille les missions de ce comité, qui sont notamment de tendre vers la pérennité financière des régimes de retraite ou vers leur équité.

Le respect de ces principes doit guider l’action du Gouvernement, et pas seulement celle du comité de pilotage.

Cet amendement a donc pour objet de supprimer l’article 1er et le comité de pilotage des régimes de retraite, afin que le Gouvernement conserve le rôle central dans cette matière fondamentale.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l'amendement n° 635 rectifié.

M. Philippe Dominati. Dans ce débat qui s’est engagé, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes un certain nombre, au sein de la majorité, à avoir besoin d’être convaincus.

En effet, la création d’un organisme supplémentaire démontre simplement qu’un dispositif n’a pas bien fonctionné et, apparemment, il s’agit du Conseil d’orientation des retraites.

Celui-ci a travaillé ; il a établi un diagnostic ; il a défini la nécessité d’une équation pour rétablir ou sauvegarder notre système de retraite. Or on s’aperçoit que l’expression politique qui résulte de ce constat est totalement différente.

Il y a bien un dysfonctionnement dans le dialogue social de notre pays depuis des années : nous identifions des nécessités, des problèmes à affronter et, lorsque nous abordons la phase politique, l’opposition retrouve un rôle souvent excessif ou hors sujet. Dès lors, en tout cas, nous n’y arrivons plus.

Vous vous sentez alors dans la nécessité de créer un nouveau comité de pilotage pour pallier les défaillances constatées à ce jour dans le pilotage des retraites, ce qui soulève des interrogations.

Je contredis d’ailleurs M. Guy Fischer. Cette solution ne satisfait absolument pas les libéraux ! Nous voudrions simplement que le système soit clair, que le comité institué joue son rôle et ait la crédibilité nécessaire pour convaincre les Français de la nécessité de prendre les mesures économiques les plus justes pour les générations futures.

Voilà pourquoi, avec un certain nombre de collègues, nous nous interrogeons sur la création de ce comité de pilotage des régimes de retraite, qui, ne s’accompagnant pas de la suppression d’autres comités, contribuera à cette incompréhension et à ces difficultés pédagogiques vis-à-vis de nos concitoyens.

L’amendement que nous présentons n’est donc pas de même nature que ceux qui émanent de l’opposition, qui vous aurait reproché de ne pas avoir créé ce comité si vous n’en aviez pas eu l’intention ou si vous aviez envisagé de le mettre en place dans le cadre du Conseil d’orientation des retraites.

Nous demandons, au nom de la simplification et des nécessités pédagogiques, d’améliorer le dialogue social dans notre pays et de changer les méthodes ayant prouvé leur inefficacité depuis des années, dans ce domaine, dès lors que nous abordons la phase politique.

Telle est l’interrogation que nous sommes un certain nombre à soulever au sein de la majorité et, monsieur le secrétaire d’État, il faudra nous convaincre de l’utilité de ce comité.

Je précise que nous partageons également l’intention initiale de la commission quant à sa composition, qui, nous le voyons, est extrêmement variable.

Les interrogations reflétées ici sont aussi celles de certains de nos collègues membres de la commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. S’agissant de ces amendements de suppression, je voudrais revenir sur des constatations que nous avons faites au cours des travaux de commission, mais également dans le cadre de réflexions plus brèves. Je pense notamment aux conclusions de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale – la MECSS –, le thème des retraites ayant été abordé, comme d’autres thèmes, dans le calendrier de cette mission d’enquête de la commission des affaires sociales.

Nous disposons d’une multiplicité de régimes et, c’est vrai, les différentes réformes ont permis de faire progressivement converger certaines règles vers un socle plus partagé. Ce pilotage reste malgré tout très morcelé, la situation actuelle étant aussi le fruit d’une histoire, que celle-ci soit économique – souvent – ou sociale.

Une approche beaucoup plus globale et transversale est donc nécessaire.

Vous l’avez très bien vu, mes chers collègues, parmi les objectifs que nous cherchons à atteindre avec ce projet de loi, on trouve la pérennité financière et – on l’a souvent répété – une plus grande équité. Mais, in fine, ce qui nous importe le plus, ce qui constitue l’objectif véritable de cette réforme, c’est de garantir un certain niveau de vie aux retraités. Notre démarche n’est donc pas, comme le disent certains, simplement technique et/ou financière.

Le comité de pilotage nous permet de répondre à cette préoccupation, qui, au travers des discussions, semble partagée par l’ensemble des acteurs du système de retraite.

Contrairement à ce que certains de nos collègues ont dit et à ce que j’ai pu entendre lors de la discussion sur une certaine motion référendaire, il n’a jamais été question de déposséder le Parlement de ses prérogatives. (Mme Christiane Demontès est dubitative.) Il est bien précisé, à l’alinéa 6 de l’article 1er du projet de loi, que le comité « propose au Gouvernement et au Parlement les mesures de redressement qu’il estime nécessaires ».

Quant au COR, mon cher Philippe Dominati, pour y participer, je crois qu’il a fait ce qui était de son ressort !

Le COR est d’abord un comité technique, mais c’est aussi, depuis 2003, un important lieu de concertation, au regard de sa composition. Si nous pouvons progresser, d’une part, dans notre réflexion et, d’autre part, en tant que décideurs politiques, dans notre action, nous le devons à ce socle qui n’est que ce qu’il est… Le COR n’a pas vocation à être force de proposition et, du fait de sa composition, ne peut se voir fixé un tel objectif.

J’insiste donc, mes chers collègues, en l’occurrence il n’est question de déposséder ni le Parlement ni le COR de leurs prérogatives. D’ailleurs, le Parlement n’est pas écarté puisque aujourd’hui nous sommes appelés à prendre des décisions concernant l’âge du départ à la retraite – nous l’avons fait aux articles 5 et 6 du projet de loi – alors que ces dispositions pourraient ne concerner que le domaine réglementaire. Le Parlement reste donc bien au cœur de la décision.

Le comité de pilotage sera spécialement dédié au suivi de l’ensemble des régimes de retraite. Je vous rappelle qu’on évoque parfois 21 régimes obligatoires de base et qu’il existe une multiplicité – on parle d’une centaine – de régimes de retraite dans le seul domaine obligatoire. Autre exemple, le GIP Info Retraite se compose de 36 régimes légalement obligatoires.

La commission a également souhaité clarifier les compétences du COR et du comité de pilotage, en renforçant le caractère opérationnel et stratégique des missions de ce dernier. Nous nous sommes rapprochés du modèle du comité d’alerte de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie – l’ONDAM –, comité que nous évoquerons prochainement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et avons chargé le comité de pilotage d’être le gardien vigilant non pas de l’orthodoxie, mais du suivi des retraites.

Dans le cadre d’articles additionnels, la commission des affaires sociales vous fera une proposition, qui a largement été évoquée, présentant des perspectives d’avenir.

Pour toutes ces raisons, elle ne peut qu’être défavorable à la suppression de ce comité de pilotage.

(M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)