Mme Christiane Demontès. C’est incantatoire !

M. Éric Woerth, ministre. Non, ce n’est pas incantatoire ! Nous nous appuyons sur des études. L’étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, montre qu’entre 2010 et 2018 le taux d’emploi augmenterait de 10 % pour les 55-59 ans, et d’un peu plus de 10 % pour les 60-64 ans. (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.) Ce sont des prévisions, certes, mais elles sont réalisées par les services de statistique du ministère.

Cette mesure vient en complément de celles qui ont déjà été prises pour améliorer le taux d’emploi des seniors en France. Je pense, par exemple, à l’augmentation du taux de la surcote, qui est passé de 3 % à 5 % dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, à la réforme de la mise à la retraite d’office, à la possibilité du cumul emploi-retraite, ou à la réforme de la limite d’âge dans la fonction publique. Nous avons par ailleurs fermé les préretraites publiques, en dehors, bien entendu, du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA. Nous pénalisons, enfin, les préretraites privées.

Ce sont autant de dispositions qui ne sont pas si faciles à prendre, et qui vont dans le sens de l’amélioration de l’emploi des seniors.

Je rappelle aussi que nous avons la profonde conviction que l’emploi des seniors n’est pas l’ennemi de l’emploi des jeunes. Ce n’est pas parce que des personnes partent à la retraite que les jeunes vont trouver un emploi. L’emploi, ce n’est pas le partage de l’emploi, c’est la résultante de la croissance d’un pays. C’est un point très important, qui nous fait penser que l’on peut améliorer le taux d’emploi des seniors en même temps que celui des jeunes.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Pour affirmer que le taux d’emploi des seniors va s’améliorer, monsieur le ministre, vous vous appuyez sur des prévisions pour 2018. Il faut tout de même être un peu sérieux, et regarder la situation actuelle pour se rendre compte que l’on est loin d’une prévision à la hausse pour le taux d’emploi des seniors.

Il y a un fossé entre les discours des politiques, des confédérations syndicales ou du patronat sur le vieillissement actif et la réalité dans les entreprises. Ce n’est pas moi qui le dis, monsieur le ministre, c’est Delphine Vegas, qui occupe la fonction de consultante chez Sextant Expertise.

Je vous ai déjà parlé du « consensus paradoxal », ou « faux consensus »... (M. le ministre s’entretient avec l’un de ses collaborateurs.) Je vous ai écouté, monsieur le ministre, essayez de m’écouter à votre tour !

M. Éric Woerth, ministre. Mais je vous écoute !

Mme Annie David. Sur le terrain, je peux vous le dire, employeurs, syndicats, salariés et pouvoirs publics ont toujours de bonnes raisons à invoquer pour considérer les plus âgés comme première variable d’ajustement. Nous en avons tous des exemples autour de nous. On invoque, par exemple, le souhait pour les salariés de partir, car ils n’en peuvent plus. On invoque l’usure, la pénibilité du travail. Du côté des employeurs, on invoque également la paix sociale, qu’ils essaient parfois d’acheter en faisant partir les plus anciens. On invoque, enfin, les embauches que les départs anticipés pourraient favoriser.

La crise n’arrange rien, qui a vu se multiplier les licenciements ou les plans de départs volontaires ouvrant des boulevards aux seniors. Révélateur, la part des 55-64 ans au chômage – 3,2 % à la fin de l’année 2009 – est en nette hausse. C’est du jamais-vu depuis 2003.

Un exemple, chez HP-EDS, les plus de 57 ans représentaient plus de 40 % des 651 volontaires !

Le renchérissement de la fiscalité sur les allocations de préretraite, dans le but d’en limiter l’attractivité, n’arrête pas certains grands groupes, et vous le savez très bien.

Autre brèche dans la volonté publique de réduire les départs anticipés ou leur prise en charge par l’assurance chômage : le nombre important de ruptures conventionnelles de CDI parmi les seniors. Là encore, vous devez disposer de chiffres fournis par les services du ministère. Les spécialistes tirent, depuis longtemps, la sonnette d’alarme sur le risque que cette nouvelle rupture du contrat de travail favorise les cessations anticipées et s’ajoute aux contournements connus, par exemple, le déguisement juridique d’une rupture en raison de l’âge en licenciement pour faute. Cela concerne beaucoup les seniors.

Malheureusement, les faits semblent leur donner raison, puisque chez IBM Île-de-France, par exemple, un quart des cinquante-sept ruptures conventionnelles accordées en 2009 concerne des plus de 57 ans, selon la CFDT.

Certaines directions de Pôle emploi s’en inquiètent aussi. Ainsi, comme le pointe celle de Champagne-Ardenne, en 2009, 23 % des chômeurs inscrits à l’issue d’une rupture conventionnelle étaient âgés de 50 ans et plus, alors que, « tous motifs d’inscription confondus, les seniors représentent seulement 10 % de la demande d’emploi enregistrée au cours de la même période ».

Monsieur le ministre, en dépit de vos prévisions incantatoires, je ne pense pas que ce soit une nouvelle mesure d’exonération patronale qui permettra d’augmenter le taux d’emploi des seniors. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’elle grèvera les recettes de notre protection sociale.

M. Roland Courteau. Très juste !

Mme Annie David. Empêchez donc les licenciements, faites en sorte que les entreprises maintiennent les salariés dans l’emploi jusqu’à 60 ans, l’âge de la retraite, faites en sorte que ceux qui ont un emploi ne le perdent pas pour des raisons économiques, à la suite de licenciements boursiers ou de délocalisations, comme c’est trop souvent le cas !

Je pourrais vous citer l’exemple, dans mon département, de Caterpillar qui, après avoir licencié plus de 600 salariés, embauche maintenant du personnel en intérim, y compris certains de ses anciens salariés, partis voilà seulement quelques mois au moment où a été mis en place le plan social.

Ce n’est pas normal, parce qu’il s’agit là de salariés de plus de 50 ans qui n’ont pas la possibilité de retrouver un emploi. Aussi, monsieur le ministre, faite en sorte qu’ils ne perdent pas cet emploi. Dès lors, vous n’aurez pas besoin d’accorder de nouvelles exonérations de charges patronales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Mon propos rejoint celui d’Annie David. L’INSEE a dressé un constat, que nous connaissons tous : en 2009, en France, moins de 39 % des personnes âgées de 55 ans à 64 ans avaient un emploi, soit un niveau inférieur de sept points à la moyenne de l’Union européenne. Il faut savoir que le taux d’emploi des seniors est, en moyenne, beaucoup plus élevé dans certains États du nord de l’Europe.

Par ailleurs, selon les chiffres du ministère du travail publiés en août dernier, le taux de chômage des personnes âgées de 50 ans et plus a augmenté de plus de 17 % entre juillet 2009 et juillet 2010.

On serait en droit d’attendre de la part du Gouvernement des mesures qui s’inscriraient dans un ensemble cohérent en faveur de l’emploi des seniors. Or, avec cet article 32, il nous est proposé simplement quelques dispositions qui, tout au plus, favoriseront peut-être l’emploi de chômeurs en contrats précaires. En tout cas, cette nouvelle aide financière ne nous paraît pas répondre à la nécessité de conforter l’emploi des seniors dans notre pays.

C’est la raison pour laquelle, bien évidemment, nous maintenons notre amendement de suppression de cet article.

Monsieur le ministre, nous demandons au Gouvernement de s’atteler réellement à cette tâche et de proposer de vraies mesures en faveur de l’emploi des seniors. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.

M. André Trillard. Je voudrais simplement inviter certains de mes collègues…

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Lesquels ?

M. André Trillard. … à regarder au-delà des statistiques de 2009 et à étudier les publications de la Banque de France, qui sont toujours très intéressantes.

Elles montrent que, dans le département que je représente, le niveau de l’emploi a rattrapé celui de 2008, la situation s’améliore et tous les indicateurs sont au vert. Je ne pense pas que la Banque de France soit composée de joyeux farceurs qui dénaturent la réalité.

Aussi, je ne saurais que trop encourager nos collègues, et particulièrement Mme David, à lire avec intérêt ces publications ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Chacun ses références !

M. Adrien Gouteyron. Vous devriez élargir votre horizon, monsieur Fischer !

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Peut-être n’avons-nous pas la même culture, mon cher collègue, pourtant nous vivons apparemment dans le même monde. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Comment comprendre que ce projet de loi sur les retraites soit déconnecté d’une politique de l’emploi ? Réformer le système des retraites en pleine phase de hausse du chômage est particulièrement inopérant. Vous savez parfaitement que l’amélioration du marché du travail est essentielle non seulement pour l’emploi des seniors, mais aussi pour les jeunes : un point de masse salariale supplémentaire représente 1,9 milliard d’euros de cotisations supplémentaires.

Pour rendre efficace l’emploi des seniors, il faut concevoir des projets leur permettant d’accéder à la formation continue, adapter les postes de travail à des salariés plus âgés, développer de nouvelles carrières et, surtout, changer les représentations de l’âge.

Pourtant, nous en sommes loin dans les pratiques managériales des entreprises. (Oh ! sur plusieurs travées de lUMP.)

Les départs précoces y sont devenus un outil essentiel dans la gestion des ressources humaines. Ils permettent une baisse des rémunérations, facilitent les restructurations et les changements d’organisation et accélèrent les promotions internes. Pour que les entreprises abandonnent ces pratiques, des sanctions positives et négatives sont nécessaires.

L’aide à l’embauche des seniors ne suscite pas un enthousiasme effréné, y compris du côté patronal. Voici ce que déclarait Mme Parisot : « Un allégement par cible de personnes est assez peu efficace et même discriminatoire. »

En réalité, au-delà des déclarations lénifiantes et des dispositifs d’aide financière aux employeurs, la question qui fait surface, après avoir été longtemps confinée à des rapports confidentiels, est celle du salaire des seniors.

Oui, mes chers collègues, décidément, encore une fois, ce sont les coûts salariaux qui préoccupent certains chefs d’entreprise et non la valorisation humaine du savoir-faire et du savoir-être des seniors dans l’entreprise.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 465 et 1096.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 276 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

L'amendement n° 466 est présenté par M. Kerdraon, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 1097 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Supprimer les mots :

ou à durée déterminée d’au moins six mois

La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 276.

M. Jacques Muller. Nous ne pouvons évidemment qu’être favorables à la mise en œuvre de mesures efficaces, relevant d’une politique active de l’emploi, y compris celui des seniors, car c’est bien l’emploi qu’il faut développer avant de vouloir réformer le système de retraite en difficulté, mais pas n’importe quel emploi. Si l’on veut développer l’emploi, il faut qu’il s’agisse d’emplois socialement utiles et de bonne qualité, c'est-à-dire des emplois non précaires.

Regardons la réalité en face. Actuellement, l’inquiétude des salariés âgés n’est pas tant de travailler au-delà de 60 ans que de pouvoir conserver un emploi jusqu’à 60 ans ! En effet, le taux d’emploi des plus de 50 ans en France, de l’ordre de 38 % seulement, est l’un des plus faibles d’Europe.

Basculer dans le chômage après 50 ans est aujourd’hui dramatique. Le retour à l’emploi relève d’une mission quasi impossible.

Monsieur le ministre, vous considérez le travail jusqu’à 62 ans pour bénéficier de la retraite comme une nécessité, en quelque sorte comme un devoir, alors que le travail au-delà de 50 ans n’est plus, depuis longtemps, un droit.

En retardant l’âge de la retraite à 62 ans et l’âge de départ à la retraite sans décote à 67 ans, vous invitez implicitement les seniors chômeurs, toujours plus nombreux, à rester chômeurs plus longtemps.

Certes, vous prévoyez des mesures pour favoriser l’emploi des plus de 55 ans, mais pourquoi obliger les seniors actifs à travailler plus longtemps, alors que le chômage des jeunes connaît une véritable explosion ? Aujourd’hui, plus de 25 % des jeunes sont au chômage !

M. Jacques Muller. La mobilisation de la jeunesse en ce moment devrait vous interpeller : elle est l’expression d’une profonde souffrance sociale.

Puisqu’il faut développer l’emploi des seniors pour faire remonter un taux d’emploi particulièrement faible, pourquoi ne pas privilégier l’emploi de qualité, c'est-à-dire le contrat à durée indéterminée ? Pourquoi encourager une fois encore les emplois précaires pour les salariés en fin de carrière ?

Cet amendement vise à ce que l’incitation à l’embauche des seniors permette de développer un emploi stable, et non des contrats à durée déterminée.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à l’adopter.

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour présenter l'amendement n° 466.

Mme Odette Herviaux. Cet amendement, comme celui qui vient d’être présenté à l’instant, tend à supprimer la possibilité pour les entreprises de bénéficier d’une aide à la charge de l’État pour embaucher des salariés âgés de 55 ans ou plus pour une durée d’au moins six mois.

D’un côté, on nous propose d’augmenter l’âge de départ à la retraite ; de l’autre, on encourage, grâce à une aide financière importante, les entreprises à garder les seniors, même si ce doit être au moyen d’une sorte de turnover de quelques mois chaque fois.

Cette mesure permettra de multiplier les contrats précaires en jouant sur les qualifications différentes de postes. C’est un encouragement à la précarisation des salariés âgés, comme l’a très bien expliqué Jacques Muller.

C’est le signe aussi que le Gouvernement considère que, après tout, les préjugés d’un certain nombre d’employeurs à l’égard des salariés seniors sont peut-être justifiés : les salariés âgés seraient démotivés, moins productifs ou, surtout, coûteraient trop cher.

Une nouvelle fois, ce type de disposition n’aboutira qu’à changer l’ordre de la file d’attente des chômeurs et à créer, là encore, des effets d’aubaine pour les entreprises.

Monsieur le ministre, j’aurais presque envie de vous soumettre un problème du même type que celui qui consiste à calculer l’âge du capitaine : sachant qu’un tiers des salariés de plus de 55 ans est en recherche d’emploi, il faudrait exercer une dizaine de CDD d’environ six mois ou plus pour parvenir à 60 ans, voire quatre de plus pour parvenir à 62 ans. Combien de temps les chercheurs d’emploi auront-ils passé à Pôle emploi pour trouver quatorze CDD en aussi peu de temps ? En outre, combien l’État aura-t-il versé au bout du compte pour favoriser une éventuelle embauche, ou, plus exactement, le turnover de ces seniors ?

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 1097.

Mme Marie-Agnès Labarre. L’article 32, comme cela a été dit, prévoit la mise en place d’un nouveau contrat aidé. Les employeurs percevront, à leur demande, une aide à l’embauche s’ils recrutent un demandeur d’emploi âgé de 55 ans ou plus, inscrit sur les listes des demandeurs d’emploi.

L’aide à l’embauche, qui prendra la forme d’une exonération partielle ou totale de cotisations sociales afférentes à ce contrat, sera versée en cas de recrutement du senior en CDI ou en CDD d’au moins six mois.

Comme nous l’avons déjà dit lors de notre intervention sur article, nous ne croyons pas à l’efficacité d’une énième mesure d’aide à l’embauche des seniors.

Nous dénonçons les effets d’aubaine que cette mesure ne manquera pas de créer. En effet, chaque création de contrat aidé – trente-cinq heures, contrat nouvelle embauche, bas salaire, etc. – s’est accompagnée de son lot d’effets d’aubaine ou de choix opportunistes de la part des employeurs.

Au demeurant, c’est naturel : puisque le Gouvernement offre à ces derniers cette faculté, ils la prennent et disent simplement merci ! Malheureusement, ces mesures n’ont qu’un effet très limité sur de vraies embauches. Le dernier exemple en date concerne l’abaissement de la TVA dans la restauration.

Mais le dispositif s’accompagnera encore moins d’effets positifs sur l’emploi des seniors si l’aide est attribuée pour une embauche en CDD de six mois.

Tout au plus va-t-on assister à la conclusion de multiples contrats et à leur rupture six mois plus tard, un simple effet de retard qui risque de développer encore la précarisation des seniors.

Le Gouvernement est-il à ce point aux abois qu’il cherche des bouées de sauvetage, même pour six mois ?

Avec cet amendement de repli, nous vous proposons de réserver l’aide à l’embauche aux salariés de 55 ans ou plus qui seront recrutés en CDI.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les amendements nos 276, 466 et 1097 tendent à supprimer l’aide à l’embauche pour les CDD d’au moins six mois. Une telle restriction nuirait à l’efficacité du dispositif. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

Loin de moi l’idée de céder à la caricature, mais j’ai l’impression que vous ne croyez pas à la possibilité de développer l’emploi des seniors. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Selon vous, la meilleure façon de régler la question serait de mettre les gens à la retraite, donc de les exclure du marché du travail. Lorsque nous soutenons qu’ils peuvent y rester, vous répondez que les entreprises n’en voudront pas. Il s’agit, me semble-t-il, d’une vision quelque peu fataliste !

Je considère, pour ma part, que les seniors ont leur place et beaucoup d’avenir dans l’entreprise. Les études la DARES, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, montrent l’évolution de la vision des chefs d’entreprise quant à l’âge auquel on devient un senior. Voilà trois ou quatre ans, on était considéré comme un senior à 55 ans, contre 58 ans aujourd’hui. Cela reste certes insuffisant, mais cela témoigne de l’évolution culturelle que connaît notre pays. Il faut donc tout faire pour développer l’emploi des seniors.

Les mesures que nous prévoyons dans ce texte sont en fait des coups de pouce. Nous mettons en place des allégements de charges, des subventions qui viennent en déduction de charges sociales. C’est une politique somme toute assez classique, inventée voilà bien longtemps avec les 35 heures et qui a depuis évolué.

L’allégement de charges que nous envisageons pour financer la retraite est un allégement ciblé, sur les CDI, certes, mais aussi sur certains CDD. Proposer un CDD de plus de six mois à un senior, ce n’est pas rien, c’est lui mettre le pied à l’étrier.

Il faut conserver la souplesse du dispositif, et c’est pourquoi je suis défavorable à ces trois amendements.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de lUMP.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, la politique que vous mettez aujourd’hui en œuvre avec cet article n’est pas nouvelle. Vous vous y êtes déjà essayé par le passé, notamment avec la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, dont nous avons demandé l’abrogation. J’aurais d’ailleurs bien aimé savoir combien d’emplois ont pu être créés grâce à cette loi, mais aussi combien d’emplois n’ont pas été créés précisément du fait de cette loi ! Mais la fiscalité n’étant pas l’objet de notre discussion, je n’attends pas de réponse ce soir.

En revanche, je souhaite vous poser une question à laquelle vous pouvez répondre.

Depuis janvier 2010, les entreprises d’au moins 50 salariés ou appartenant à un groupe d’au moins 50 salariés encourent une pénalité si elles ne sont pas couvertes par un accord d’entreprise, un accord de groupe ou un plan d’action relatif à l’emploi. L’étendue du choix est donc assez vaste.

Cela nous ramène aux fameux feux vert, orange et rouge évoqués par M. Darcos, qui ont bien vite été mis au rebut, tant le nombre élevé de feux rouge était inquiétant pour les entreprises et, par voie de conséquence, pour le Gouvernement.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer combien d’entreprises sont aujourd’hui couvertes par ce type d’accord et combien ont fait l’objet de la pénalité prévue en cas d’absence d’accord, pénalité qui s’élève, je le rappelle, à 1 % de la masse salariale ?

Par ailleurs, au nombre des mesures que vous avez évoquées, figure le durcissement de la fiscalité. J’ai déjà eu l’occasion de vous dire ce que je pensais d’une telle disposition. Développer le cumul d’un emploi et d’une retraite ne fera que favoriser les salariés experts dans leur métier, ceux qui peuvent se projeter dans un emploi qui les motive véritablement. Cette possibilité de cumul débouchera soit sur l’augmentation de ce type d’emploi, soit sur l’obligation, pour les travailleurs pauvres, de continuer à travailler après l’âge légal de départ à la retraite. En effet, vous le savez, la majorité des salariés qui peuvent partir à l’âge légal de la retraite sans être contraints de continuer à travailler le feront.

Vous pouvez élaborer toutes les stratégies que vous voulez, des blocages culturels subsisteront, que ce soit chez les salariés qui, à 60 ans, souhaitent profiter d’une retraite bien méritée, ou de la part des entreprises qui voient dans les « quinquas » des salariés usés, moins corvéables, moins flexibles, moins « à la botte », si vous me permettez cette expression un peu familière…

M. Dominique Braye. Un peu trop !

Mme Annie David. …. – la fatigue commence à se faire sentir ! –, ...

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Je vous trouve en pleine forme !

Mme Annie David. … bref, des salariés qui répondront moins facilement aux exigences du patronat.

Monsieur le ministre, nous ne refusons pas de demander aux gens de travailler après 58,5 ans, mais, aujourd’hui, bien que vous ne vouliez pas l’entendre, les salariés âgés de 58,5 ans sont hors de l’emploi. Dès lors, tant que vous ne nous proposerez pas des mesures qui permettent réellement aux salariés de travailler, vous n’apporterez rien aux seniors.

Vous pouvez nous présenter les choses de la manière que vous voulez, vous ne parviendrez pas à nous convaincre.

M. Dominique Braye. Nous n’essayons même pas ! On ne peut pas faire boire un âne qui n’a pas soif ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Annie David. Pour véritablement stimuler l’emploi des seniors, il faut les maintenir dans l’emploi. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Dominique Braye. Vous n’y connaissez rien !

Mme Annie David. Vous aurez beau crier, mes chers collègues, il me reste encore une minute et vingt-quatre secondes de temps de parole, et je peux, si j’en ai envie, continuer à vous parler de l’emploi des seniors, de ce qui se passe dans les entreprises. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Dominique Braye. Vous n’y connaissez rien !

Mme Annie David. Peut-être devriez-vous de temps en temps faire des stages dans les entreprises ? (La voix de l’orateur est couverte par les exclamations sur les travées de lUMP.)

Monsieur le président, normalement, l’orateur a seul la parole. Mais ce n’est pas grave, j’aime bien qu’il y ait des échanges dans cet hémicycle…

M. Jacques Berthou. C’est Dominique Braye qui provoque !

Mme Annie David. Notre collègue Braye n’est effectivement pas le dernier à hurler depuis son siège. Mieux vaudrait qu’il prenne la parole et qu’il nous dise devant un micro ce qu’il pense, plutôt que de crier sans cesse et d’insulter tout le monde.

M. Dominique Braye. Si c’est pour dire les mêmes bêtises que vous…

Mme Annie David. Savez-vous, monsieur le sénateur, que vous pourriez être soumis à des sanctions ? (Hou ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Nous l’avons appris récemment, je ne sais plus si c’est lors d’une conférence des présidents ou d’une réunion de bureau. Le règlement prévoit que des sanctions pouvant aller jusqu’à la mise à pied des sénateurs qui se montrent irrespectueux dans cet hémicycle. Peut-être devrait-on commencer par vous ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Dominique Braye. Si le ridicule tuait, vous ne seriez plus là !

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Personne dans cet hémicycle ne peut contester la nécessité d’une politique active de l’emploi pour les seniors au regard de leur taux d’emploi particulièrement faible, qui distingue la France des autres pays d’Europe. Le maintien de l’emploi devrait être une priorité.

Le refus de la commission et du Gouvernement de lier l’aide aux entreprises à la création des seuls CDI me paraît emblématique de leur vision, et ce pour deux raisons.

D’abord, force est de constater que, décidément, le travail précaire est devenu la norme. C’était déjà le cas dans les faits, hélas ! Mais, aujourd’hui, on veut l’inscrire dans la loi.

Ensuite, ce refus traduit un déni de la réalité. Le retour à l’emploi est particulièrement malaisé pour les aînés, ceux qui ont plus de cinquante ans. Lorsqu’ils auront achevé leur CDD, ils basculeront dans le chômage et connaîtront à nouveau une situation difficile.

Il faut engager une politique active de l’emploi en direction des seniors. Je ne peux pas imaginer que l’on rejette des amendements qui visent tout simplement à permettre la création d’emplois normaux, c’est-à-dire d’emplois en CDI. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)