Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur.

M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et maladies professionnelles. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, avec un objectif de dépenses de 13 milliards d’euros pour 2011, la branche accidents du travail-maladies professionnelles, AT-MP, représente toujours moins de 5 % du budget de la sécurité sociale. Son impact sur l’équilibre général est donc faible.

Cependant, la branche AT-MP montre les vertus d’un régime assurantiel : l’augmentation de 0,1 point de la cotisation due par les entreprises doit permettre dès l’année prochaine de couvrir les charges et même d’espérer dégager un excédent de l’ordre de 100 millions d’euros.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. Alléluia !

M. Gérard Dériot, rapporteur. C’est suffisamment rare pour être souligné !

Cette augmentation avait été retardée de deux ans pour ne pas faire peser sur les entreprises une charge supplémentaire en période de crise ; ce souci était compréhensible, mais la situation ne pouvait se prolonger. Nous devons nous réjouir que le Gouvernement et les partenaires sociaux se soient mis d’accord pour revenir à un équilibre que nous espérons durable.

Cette perspective est d’autant plus importante que la réforme des retraites a mis à la charge de la branche le financement de la prise en compte de la pénibilité du travail. Or l’ambiguïté de certains des critères retenus pour bénéficier d’un départ anticipé lié à la pénibilité rend difficile l’évaluation précise de l’impact financier qu’auront sur la branche les mesures votées. Les estimations a minima font état de 200 millions d’euros par an. Il nous faudra donc accorder une attention particulière à la mise en œuvre des dispositions relatives à la pénibilité dont on peut penser qu’elles sont appelées à évoluer.

La discussion du projet de loi portant réforme des retraites a également été l’occasion d’un débat essentiel pour la branche AT-MP : à l’unanimité, nous avons décidé que les victimes de l’amiante éligibles au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, ne seront pas touchées par le report de l’âge de la retraite.

Les spécificités du mode de financement de la branche AT-MP – les cotisations sont payées par les entreprises en fonction du risque qu’elles font courir à la santé des travailleurs – nous ont conduits à considérer que c’était la branche, et elle seule, qui devait assumer ses dettes. Ce n’est donc pas à la CADES de prendre en charge, comme le prévoit le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, les 1,3 milliard d'euros de dettes constituées en 2009 et 2010, qui seront résorbées rapidement, si les excédents de la branche se maintiennent. Alain Vasselle et moi-même présentons un amendement en ce sens.

Au-delà de ces considérations financières, nous pouvons nous réjouir de voir les accidents du travail continuer à régresser dans notre pays, avec un recul particulièrement important en 2009, de l’ordre de 7,8 %.

Ces accidents, moins nombreux, sont aussi moins graves, avec une baisse du nombre de décès mais aussi des incapacités permanentes. On ne peut cependant que le constater, c’est toujours dans les mêmes secteurs que l’on compte le plus de victimes : voilà plusieurs années que la manutention manuelle provoque plus du tiers des accidents avec arrêt de travail. Un effort particulier de prévention est donc nécessaire pour mettre fin aux risques récurrents.

Plus préoccupant, le nombre de maladies professionnelles continue de croître. Certes, le phénomène est, en partie, dû à une meilleure reconnaissance des pathologies liées au travail, et il faut souligner l’action de la branche AT-MP en ce domaine ; mais il s’explique également par l’apparition de nouvelles pathologies liées notamment à l’usage des produits chimiques et, surtout, le développement des troubles musculo-squelettiques.

Surtout, le nombre de maladies mortelles s’est accru d’un tiers en 2009, effaçant la baisse enregistrée au cours des cinq années précédentes. Si le nombre de décès reste heureusement faible, il faut, à mon sens, chercher l’explication de cet accroissement tragique dans les conséquences du drame de l’amiante.

La fibre d’amiante est en effet responsable de 90 % des cancers d’origine professionnelle. Il est donc d’autant plus important que le système d’indemnisation des victimes de l’amiante soit efficace. J’y reviendrai en vous présentant mes amendements.

J’aborderai maintenant les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

La mesure la plus importante vise à porter le délai de prescription des demandes des victimes de l’amiante à dix ans, contre quatre ans seulement actuellement.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Gérard Dériot, rapporteur. Cet allongement permettra de traiter les demandes des quelque 650 victimes déjà forcloses, ainsi que les 350 dossiers en attente qui risqueraient de connaître le même sort. Pour avoir étudié les aspects techniques de cette question, j’estime que cette solution est la meilleure.

Les autres dispositions sont plus mineures.

Il s’agit de l’extension aux entreprises agricoles du régime de majoration de cotisation sans notification préalable, que nous avons adopté l’an dernier pour les autres entreprises lorsqu’aucune mesure de prévention n’est prise après un accident.

Il s’agit également de l’instauration d’un système de subventions simplifié pour accompagner les mesures de prévention, ainsi que du versement traditionnel à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles, soit 710 millions d’euros, montant inchangé depuis trois ans.

M. Gérard Dériot, rapporteur. Le prochain rapport sur la sous-déclaration devant être remis en 2011, nous pourrions à cette occasion, si vous en êtes d’accord, madame la présidente de la commission des affaires sociales, auditionner M. Diricq, président de la commission chargée de l’établissement de ce rapport.

Il s’agit, par ailleurs, des dotations, d’une part, au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le FCAATA, à hauteur de 800 millions d’euros, et, d’autre part, au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, de 340 millions d’euros. En augmentation, notamment pour le FIVA, ces dotations correspondent aux besoins.

Il s’agit, enfin, de la fixation de l’objectif de dépenses de la branche pour 2011.

J’en viens donc aux trois amendements portant articles additionnels que la commission des affaires sociales a adoptés sur ma proposition.

Le premier amendement vise à répondre à une demande du Médiateur de la République. Formulée en 2005 ; elle a fait l’objet d’une disposition qui a été votée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, mais elle est restée sans effet, monsieur le ministre.

Il s’agit d’harmoniser les modalités de prise en charge de l’ACAATA, l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. En effet, en l’absence d’harmonisation, des inégalités persistent, qui peuvent aboutir à priver purement et simplement les travailleurs de leur indemnisation. Notre collègue Jean-Pierre Godefroy a rappelé les nombreuses difficultés résultant de cette situation. Cet amendement tend à mettre enfin en place une réelle harmonisation du dispositif.

Le deuxième amendement a pour objet de renforcer le système de lutte contre la fraude en matière de déclaration des accidents du travail par les employeurs. Je n’insiste pas sur ce point, les choses sont claires.

Enfin, le troisième amendement vise également à répondre à un souci d’harmonisation, cette fois pour garantir que les pensions servies pour cause d’invalidité seront calculées sur des bases identiques pour l’ensemble des régimes, toujours dans un souci d’harmonisation.

Sous réserve du vote de ces amendements, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 relatives à la branche accidents du travail et maladies professionnelles. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale s’inscrit dans la continuité des débats que nous venons d’avoir, d’une part, sur la révision du cadre organique de la gestion de la dette sociale et, d’autre part, sur la réforme des retraites.

Les articles qui le composent, tout comme les liens étroits qu’il entretient cette année avec le projet de loi de finances, soulignent avec acuité les difficultés de financement auxquelles est confronté notre régime de sécurité sociale. Ce dernier devrait enregistrer un déficit de 24,8 milliards d’euros en 2010 et de 22,7 milliards d’euros en 2011. Le déficit cumulé sur la période 2011-2014 serait de 79,5 milliards d’euros.

La maîtrise des dépenses doit rester un objectif de premier ordre. Toutefois, force est de constater que, face à l’ampleur des déficits, c’est la question des recettes qui devient aujourd’hui primordiale, sauf à vouloir redéfinir à la baisse le niveau de protection sociale.

C’est pourquoi j’ai choisi de souligner cette année, plus que jamais, la nécessité de définir des circuits de financement respectueux des principes que nous avions, par le passé, choisi de mettre en place, cela afin de garantir autant que possible la pérennisation d’un système que nombre de nos pays voisins ont pu envier au plus fort moment de la crise. Cette ligne de conduite ne signifie ni l’absence de pragmatisme ni celle de la nécessaire prise en compte du contexte économique actuel, bien au contraire.

Aussi, dans la continuité des positions exprimées sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, ou plus récemment sur le projet de loi organique relatif à la dette sociale, je m’oppose au refus du Gouvernement de ne pas procéder à l’augmentation de la contribution pour le remboursement de la dette sociale.

M. Gilbert Barbier. Très bien !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. En effet, cette position de principe conduit à aggraver les déséquilibres financiers des régimes obligatoires de base, par la mise en place de schémas financiers quelque peu « acrobatiques ».

M. Guy Fischer. Il faut le dire au Président de la République !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Que ce soit au titre du refinancement de la dette sociale, du bouclage financier de la réforme des retraites ou de la politique relative aux allégements généraux, la question de la sécurisation des recettes de la sécurité sociale se pose.

J’ai, tout d’abord, un point de désaccord majeur avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette année, sur les modalités proposées de gestion de la dette sociale. Le refinancement des 130 milliards d’euros qu’il nous est proposé de transmettre à la CADES entre 2011 et 2018, soit l’équivalent de dix mois de dépenses d’assurance maladie, mes chers collègues,…

M. Jacky Le Menn. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. … s’appuie, à la suite du vote de l’Assemblée nationale, sur le transfert de 0,28 point de contribution sociale généralisée actuellement affectée à la Caisse nationale d’allocations familiales. Cette dernière, dont les charges ne cessent d’augmenter, ainsi que nous l’a dit à l’instant André Lardeux, se verrait en contrepartie affecter le panier de recettes initialement constitué pour la CADES, mais très critiqué compte tenu de la chute de plus d’un tiers de son rendement dès 2013.

En effet, les mesures constitutives de ce panier ne sont ni aussi pérennes ni aussi dynamiques que la CSG ou la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS,…

M. Jacky Le Menn. C’est vrai !

M. Guy Fischer. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. … deux bonnes raisons qui ont conduit d’ailleurs l’Assemblée nationale, malgré les clauses de garantie organique et législative, à refuser l’affectation de telles recettes à la CADES.

Dès lors, je m’interroge : ce qui serait mauvais pour l’un serait-il donc bon pour l’autre ? (Mme Annie Jarraud-Vergnolle approuve.)

La seule question est-elle donc de choisir entre la fragilisation de la CADES ou celle de la CNAF ?

M. René Teulade. Très bien !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Outre les difficultés de financement de la branche famille, le transfert de CSG n’est pas satisfaisant, car il nie la spécificité de la CRDS. Cette dernière, bien qu’elle soit considérée comme une « imposition de toute nature », revêt une dimension particulière : elle ne finance pas des dépenses de fonctionnement actuelles, encore moins des dépenses d’avenir. Elle constitue le remboursement de dépenses de protection sociale effectuées.

M. Jacky Le Menn. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. À l’heure où le Parlement vient d’accepter non seulement d’utiliser de manière anticipée le Fonds de réserve pour les retraites, mais aussi de prolonger de quatre années la durée de vie de la CADES, à l’heure où le Parlement vient donc de reporter sur les générations futures une charge qu’il souhaitait encore pleinement assumer voilà cinq ans, il ne me semble pas responsable d’accepter le schéma de refinancement de la dette qui nous est proposé, …

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. … et ce, d’autant que le transfert de dette envisagé par le projet de loi de financement est loin de constituer un solde de tout compte. J’aborderai plus loin ce point.

Sauf à vouloir nous départir de nos responsabilités morales et financières à l’égard des générations futures, je vous proposerai donc, mes chers collègues, de voter une augmentation de la CRDS de 0,26 point afin de préserver aussi bien le financement de la CADES que celui de la branche famille. C’est un effort raisonnable et justifié.

S’agissant plus largement du financement de la sécurité sociale, la lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 s’apparente à un terrible tableau Excel, qui ne permet ni d’apprécier précisément l’équilibre proposé, ni de s’assurer à moyen terme de l’adéquation des différentes opérations de transfert.

Par exemple, afin d’affecter le produit du panier fiscal « retraites » discuté dans le cadre du projet de loi de finances, il est proposé, toujours dans le cadre du projet de loi de finances, de flécher à due concurrence, au profit de l’assurance maladie, une partie de la TVA brute collectée sur certains secteurs médicaux. En contrepartie, certaines recettes de la Caisse nationale d'assurance maladie, la CNAM, seraient affectées au Fonds de solidarité vieillesse, le FSV : le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit ainsi d’attribuer à ce dernier le produit de la contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, et une partie du forfait social selon une clé de répartition qui a déjà eu l’occasion d’évoluer.

Les montages financiers proposés sont pour le moins complexes et se révèlent particulièrement difficiles à apprécier, notamment du point de vue de l’équilibre pluriannuel des comptes des différents acteurs. En effet, le rendement et le dynamisme des recettes ne sont pas connus de manière précise ; je dirais même plus, ils sont particulièrement mal connus en 2010, année de transition entre crise et sortie de crise.

Au-delà de la compréhension des circuits de financement créés, il est primordial de s’assurer que les « opérations de conversion » décidées pour permettre la circulation des crédits entre les différents acteurs sont calibrées de manière satisfaisante : par exemple, les recettes attribuées demain au FSV, aujourd’hui à la CNAM, correspondent-elles au montant de recettes supplémentaires perçues par cette dernière au titre de la TVA ?

M. Guy Fischer. Très bonne question !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Un autre sujet de complexité et d’inquiétude réside dans l’évolution à court terme du dispositif des allégements généraux.

Monsieur le ministre, vous avez, de manière surprenante, introduit à l’Assemblée nationale un amendement tendant à supprimer le principe de la compensation du coût de ces allégements. Pour ce faire, vous proposez d’affecter définitivement à la sécurité sociale les impôts et les taxes qui composent ce panier, à l’exception notoire du droit de consommation sur les tabacs.

M. Jacky Le Menn. C’est exact !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Selon vous, il s’agit d’affecter à la sécurité sociale les futurs excédents du panier des allégements généraux, intention louable mais dont les modalités n’apparaissent pas satisfaisantes pour la commission des finances.

Au demeurant, n’est-il pas risqué à moyen et long terme de faire sortir les allégements généraux d’un mécanisme de compensation qui permet, aujourd’hui, de garantir à la sécurité sociale un niveau de ressources à la hauteur des manques à gagner induits par la politique de l’emploi mise en œuvre par l’État ?

Du côté des dépenses, ce qu’il faut garder à l’esprit, me semble-t-il, c’est que les mesures de gestion de la dette sociale que vous nous proposez, monsieur le ministre, ne constituent pas une réponse structurelle à la question des déficits sociaux.

Ce transfert de déficits n’est qu’une mesure de gestion qui n’apporte pas de solution à la dynamique de la dette.

M. Jacky Le Menn. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Par ailleurs, deux catégories de déficits ne sont pas concernées : les déficits futurs de la branche maladie et – on en parle beaucoup moins souvent – la dette des établissements de santé.

Le schéma de reprise de dette englobe, en effet, les déficits de la branche maladie de 2009 et de 2010 et son déficit prévisionnel pour 2011, soit plus de 33 milliards d’euros. Cependant, contrairement aux déficits « vieillesse », rien n’est prévu pour les déficits de la branche maladie à compter de 2012. Or, à l’horizon 2014, le déficit cumulé de cette branche pour 2012-2014 atteindra déjà environ 24,5 milliards d’euros.

Un autre élément est assez peu souvent mis en avant : la dette des établissements de santé. Elle atteint 21,7 milliards d’euros en 2009. Ce niveau élevé d’endettement résulte en partie – cela a été dit à plusieurs reprises – de la mise en œuvre du plan « Hôpital 2007 », qui a conduit à d’importants projets d’investissements hospitaliers, certes nécessaires, mais qui ont été financés principalement par l’emprunt.

Face à ces déficits, quelles mesures prendre ?

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoit de fixer un taux d’évolution de l’ONDAM à 2,9 %. Comme vous le reconnaissez, monsieur le ministre, il s’agit d’un « objectif ambitieux ». Compte tenu de l’évolution spontanée des dépenses, il suppose, comme vous l’avez dit, 2,4 milliards d’euros d’économies. On ne pourra plus, me semble-t-il, aller beaucoup plus loin, sauf à mettre effectivement en œuvre les réformes structurelles qui sont désormais bien connues.

Une action sur les dépenses serait cependant incomplète sans une amélioration du pilotage des comptes sociaux.

De ce point de vue, les propositions du groupe de travail animé par Raoul Briet, sur le pilotage des dépenses d’assurance maladie, devraient apporter des éléments de réponse, notamment l’enrichissement de l’information sur la construction de l’ONDAM, comme vous l’avez rappelé, la mise en réserve de crédits, ou encore le renforcement du rôle du comité d’alerte, qui a été évoqué tout à l'heure.

Je souhaite surtout insister sur la sincérité des projections pluriannuelles. J’y suis déjà revenu à plusieurs reprises, notamment lors de l’examen du projet de loi de réforme des retraites, s’agissant des hypothèses de taux de chômage retenu.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette année fixe la prévision de croissance de la masse salariale à 2,9 % pour 2011 et à 4,5 % à compter de 2012. Une nouvelle fois, cette projection paraît très optimiste, mes chers collègues. Le taux de progression proposé à partir de 2012 n’a, en effet, été atteint ou dépassé que trois fois au cours de la décennie écoulée. Un retour sur les années qui ont suivi la récession de 1993 peut, en outre, nous donner une idée de la prudence qu’il convient d’avoir en « sortie de crise ». Le « rebond » de la masse salariale est très progressif.

Le caractère volontariste des hypothèses retenues dans le cadre du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale risque donc de nouveau de fausser le débat en ne permettant pas de prendre l’exacte mesure de l’ampleur des efforts à fournir pour parvenir à rééquilibrer la situation des comptes sociaux.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 nous interpelle une fois de plus en tant qu’élus : une gestion responsable de la dette sociale, tout comme la sécurisation des recettes et un pilotage sincère des comptes sociaux doivent constituer notre « feuille de route », mes chers collègues.

La commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle propose. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Madame, messieurs les ministres, plusieurs millions de Françaises et de Français s’opposent depuis des mois, sinon plus, à votre politique ultralibérale, notamment en matière de réforme des retraites.

Avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, la protection sociale sera soumise à l’« hyper-austérité » et à une « cure minceur » sans précédent.

Mme Annie David. Très bien !

M. Guy Fischer. Ce sont plus particulièrement l'hôpital public et les personnes âgées qui trinqueront !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mais non !

Mme Annie David. Oh que si !

M. Guy Fischer. Mes chers collègues, l’année 2010 affichera un déficit record : 23,1 milliards d’euros pour le seul régime général. Pour 2011, on table sur un reflux du déficit global de 10 %, qui s’établirait, l’année prochaine, à 20,9 milliards d’euros. Mais nous savons ce qu’il en est des prévisions de M. Vasselle !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Elles sont bonnes ! On a respecté l’ONDAM cette année !

M. François Autain. C’est faux !

M. Guy Fischer. Ce PLFSS, comme le précédent, présente les pires déséquilibres que la sécurité sociale ait été amenée à connaître depuis sa création.

Si l’on devait, d’ailleurs, caractériser ce quinzième plan de financement de la sécurité sociale, ce serait sans doute ainsi : « À situations tristement extraordinaires, réponses malheureusement ordinaires. »

Ne nous y trompons pas, remettons ce budget en perspective : il s’inscrit dans la stratégie du Gouvernement de réduire les dépenses publiques, donc les déficits publics, en en faisant supporter les conséquences essentiellement par les plus modestes et par les générations à venir.

M. Guy Fischer. Madame, messieurs les ministres, vous vous obstinez à répéter les mêmes mesures inefficaces : réduction des dépenses et renoncement à des recettes pourtant facilement récupérables. Et pour quels résultats ? Les rares mesures d’économie que vous appelez « rationalisation des dépenses » pèsent toutes, j’y reviendrai, sur les assurés.

Mme Annie David. Exactement !

M. Guy Fischer. Côté recettes, vous vous contentez de mesures homéopathiques. Personne ne peut sérieusement dire qu’elles auront un impact déterminant sur la situation des comptes sociaux.

Mme Annie David. Évidemment !

M. Guy Fischer. Yves Bur, dans la présentation de son rapport fait au nom de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, précisait qu’il avait qualifié le PLFSS pour 2010 de « projet d’attente » dans la mesure où devaient intervenir en 2011 deux importantes réformes, celle des retraites et celle de la gestion de la dette sociale. Il qualifie le projet de loi de financement pour 2011 de « PLFSS de convalescence ». C’est dire que notre protection sociale est bien malade… Et le mal qui l’habite porte un nom : le sous-financement.

À cet égard, le projet de loi que vous nous présentez est fondé, au mieux sur l’attentisme, au pire sur votre refus délibéré de prendre les mesures qui s’imposent.

Résultat : toutes les branches sont aujourd’hui dans le rouge et nous doutons que cette situation puisse s’inverser l’année prochaine.

Ainsi, le déficit de la branche maladie pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale sera porté à 11,3 milliards d’euros. C’est un montant extrêmement préoccupant, même s’il est inférieur aux prévisions contenues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Cette moindre dégradation n’est pas non plus de nature à permettre une amélioration de la prise en charge par la sécurité sociale. Alors que la crise, les modifications des modes de vie et l’accroissement des pollutions font naître des besoins nouveaux en santé, on constate, année après année, un rétrécissement du champ d’intervention de la sécurité sociale.

Mes chers collègues, souvenez-vous de la loi Douste-Blazy, qui, en 2004, devait permettre à la sécurité sociale de recouvrer l’équilibre. Elle aura surtout été prétexte à instaurer une contribution de un euro sur les actes médicaux, à créer un forfait de 18 euros sur les interventions effectuées à l’hôpital et à augmenter le forfait hospitalier. Celui-ci a d’ailleurs connu une explosion de 70 % entre 2003 et aujourd’hui, c'est-à-dire depuis que vous êtes aux responsabilités !

Mme Annie David. Voilà des chiffres que vous vous gardez bien de citer !

M. Guy Fischer. En 2008, votre majorité a également créé les franchises médicales, a amplifié les déremboursements de médicaments jugés insuffisamment efficaces au lieu de les retirer purement et simplement de la circulation, et a augmenté les pénalités supportées par les patients pour non-respect du parcours de soins.

Le cru 2011 ne fait pas exception : déremboursement partiel des bandelettes d’auto-test pour les diabétiques, exclusion du dispositif Affections de longue durée de certaines catégories de patients hypertendus, augmentation de 91 euros à 120 euros du seuil des actes hospitaliers donnant lieu au paiement du forfait de 18 euros – là, je ne comprends pas : c’est un manque à gagner et non une économie pour la sécurité sociale ! –, hausse du ticket modérateur de 35 % à 40 % pour certains dispositifs médicaux, diminution de 5 % du remboursement pour les médicaments dits à vignette bleue.

Toutes ces mesures cumulées participent insidieusement à la dégradation du niveau de prise en charge.

Mme Annie David. Et voilà !