M. Guy Fischer. Ça, c’est certain !

M. Jacques Mézard. Nous voulions une avancée démocratique ; vous excluez des départements et des régions la représentation politique de tous les courants, à l’exception de deux d’entre eux.

M. le président. Mon cher collègue, il est temps de conclure !

M. Jacques Mézard. Nous continuons à attendre ce qui était le plus urgent : comme dans la société, moins d’injustice entre les territoires et entre les contribuables locaux.

Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe RDSE et tous les radicaux de gauche ne voteront pas ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais rappeler d’emblée que notre peuple, dans son énorme majorité, a signifié son opposition à votre réforme des retraites. Vous l’avez pourtant votée !

De très nombreux élus locaux, y compris de la majorité, leurs associations vous ont signifié leur opposition à cette réforme des collectivités locales en l’état. Mais, pour répondre au souhait du Gouvernement, l’Assemblée nationale l’a pourtant aggravée, et il s’est trouvé une majorité à la commission mixte paritaire pour l’approuver.

Pourtant, pour tenir compte des critiques, fondées sur les réalités locales, notre assemblée est revenue, peu ou prou, sur la mise en cause de l’autonomie locale.

Elle a renvoyé à des lois ultérieures le mode d’élection des conseillers territoriaux et la suppression de la compétence générale ; elle a supprimé l’interdiction des cofinancements, conservé les compétences fiscales des communes membres d’une métropole, instauré la consultation obligatoire des habitants pour les communes nouvelles et repoussé le cavalier législatif que constitue l’article 1er B.

Tout cela a été balayé par la majorité à l’Assemblée nationale et au sein de la commission mixte paritaire. Les débats de cette dernière sur l’article 1er B, qui porte le seuil de présentation d’un candidat au deuxième tour de l’élection cantonale de 10 % à 12,5 %, sont significatifs des coups de force et du mépris des élus qui ont émaillé le débat parlementaire.

Il s’agit là d’un cavalier législatif, puisqu’il modifie un article du code électoral portant sur l’élection cantonale. Il est donc hors sujet dans cette réforme. Le Conseil constitutionnel appréciera…

M. Guy Fischer. On y reviendra !

Mme Éliane Assassi. Le Sénat avait rejeté cette disposition qui a aussi posé problème à la commission mixte paritaire, problème évacué après un tour de passe-passe sur le mode « Belle marquise, vos beaux yeux… Vos beaux yeux, belle marquise... », et l’abstention d’un sénateur au terme d’une suspension de séance ! Et alors que le président Warsmann avait constaté que la commission mixte paritaire était en situation de blocage, autrement dit, en échec.

Vous avouerez que c’est pour le moins troublant…

Ainsi, après un découpage des circonscriptions législatives sur mesure, voici un seuil sur mesure voulu par l’UMP pour l’UMP, sans doute inquiet à l’approche de mars 2011.

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

Mme Éliane Assassi. Dans ces conditions, sauf à vous déjuger, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, il serait vraiment inconcevable que vous adoptiez aujourd’hui cet article ; comme il serait inconcevable que vous validiez un mode d’élection des conseillers territoriaux que vous avez supprimé du projet de loi.

Le scrutin uninominal à deux tours, c’est le recul du pluralisme, de la proportionnelle en œuvre dans les conseils régionaux, et, monsieur About, de la parité. Sans compter de grandes disparités de représentation de nos concitoyens résultant du fameux tableau !

Réforme des retraites, réforme des collectivités locales : je remarque que, décidément, les femmes sont malmenées par la majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Elles sauront s’en souvenir !

Mme Éliane Assassi. Les délégations parlementaires aux droits des femmes, l’Observatoire de la parité, des élu-es, des associations vous ont demandé de renoncer à cette régression de la parité. Il faut aujourd’hui les entendre.

M. Jean-Louis Carrère. Les femmes de l’UMP vont voter contre !

Mme Éliane Assassi. Quant au durcissement des pénalités dont se targue notre collègue Yves Détraigne, nous savons tous ce qu’il en est. Il suffit de voir ce qui se passe à l’Assemblée nationale !

Une chose est d’avoir des candidates, autre chose est d’avoir des femmes élues, ce que seule permet la proportionnelle.

En outre, la création de cet élu « à deux têtes » signe une régression démocratique. Elle préfigure la disparition des départements, contre l’avis unanime des 102 présidentes et présidents de départements qui viennent, à leur quatre-vingtième congrès, de rappeler que « les départements représentent plus que jamais l’échelon de gouvernance, de niveau de responsabilité et d’action le mieux adapté ».

La double fonction des conseillers territoriaux, la réduction du nombre des élus favoriseront à coup sûr un renforcement des pouvoirs de l’administration sur les élus. Mais c’est bien ce que veut la majorité : recentraliser les décisions et défaire la décentralisation.

Depuis le début, les auteurs de la réforme – et en premier lieu le Président de la République – en dissimulent les véritables enjeux sous de faux prétextes : le nombre trop élevé des élus, leur coût, le « millefeuille », qui est d’ailleurs passé pour l’instant de quatre niveaux à dix. De quoi, vous l’avouerez, attraper une indigestion !

Mme Évelyne Didier. C’est sûr !

Mme Éliane Assassi. Leur objectif réel est tout autre : il est d’avoir les mains libres pour accélérer la mise en œuvre d’une politique au bénéfice de leurs amis grands entrepreneurs et financiers.

Il est de permettre aux grands groupes privés de faire main basse sur ce qui est aujourd’hui assuré par les entreprises et services publics.

Les entreprises du CAC 40 ont réalisé, en 2009, 47 milliards d’euros de bénéfices.

M. Guy Fischer. Vinci et compagnie !

Mme Éliane Assassi. Mais elles veulent toujours plus, et vous êtes d’accord.

Les entreprises et les services publics peuvent bien se réduire à la portion congrue ; Bouygues, Vinci et quelques autres prendront la suite. C’est déjà le cas pour la construction et le fonctionnement des prisons en partenariat public-privé. Pourquoi pas des écoles, des crèches, des cantines municipales, des collèges, comme certains sont tentés de le faire tant les finances des collectivités territoriales sont mises à mal ? Pôle emploi proposera peut-être aux agents publics de s’y « recycler ». Les usagers et contribuables paieront ; les actionnaires empocheront.

Mme Évelyne Didier. Le tour est joué !

Mme Éliane Assassi. Or aujourd’hui, les assemblées élues relaient les besoins de nos concitoyens et font obstacle à vos objectifs. Il vous faut donc réduire leurs possibilités d’action, réduire les services publics, réduire le tissu associatif.

Alors la réforme organise, notamment avec les divers regroupements, la disparition à terme des échelons de proximité que sont les collectivités locales, y compris de manière autoritaire sous la houlette des préfets.

En supprimant la compétence générale des régions et départements, et les financements croisés, elle interdit aux collectivités de mener les politiques sur lesquelles elles ont été élues. Le report à 2015 ne changera rien au désastre à venir !

Et je ne parle pas de l’étranglement financier des collectivités ! Mon collègue Bernard Vera y reviendra.

Le fil conducteur de cette réforme, c’est la logique libérale, celle de quelques intérêts privés contre l’intérêt général.

Mes chers collègues, l’article 24 de la Constitution fait de notre assemblée la représentante des collectivités locales. Elle ne serait pas dans son rôle si sa majorité adoptait un texte en contradiction avec les choix majoritaires qu’elle a elle-même exprimés.

Au nom de mon groupe, je vous demande donc de ne pas valider le texte qui nous est soumis.

Pour notre part, parce que notre boussole est la réponse aux besoins et aux aspirations de nos concitoyens, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il est tout à fait exceptionnel que notre hémicycle soit aussi fourni de collègues de qualité, à l’occasion du vote des conclusions d’une commission mixte paritaire.

M. Jean-Michel Baylet. Il faut venir plus souvent !

M. Gérard Longuet. Mais nous sommes à un rendez-vous historique pour notre assemblée. La question qui se pose avec simplicité est la suivante : avons-nous l’intention, nous sénateurs, de laisser à d’autres le soin de prendre la main en matière de réforme des collectivités locales ? (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est déjà fait !

M. Gérard Longuet. Pour cette raison, mes chers collègues, je le dis avec conviction, j’invite le groupe UMP dans sa totalité à soutenir les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP.) Sans ce soutien, que j’espère unanime, nous laisserions à l’Assemblée nationale, qui a certainement qualité et compétence, mais qui n’a pas notre culture et notre expérience, le soin de construire cette étape de la réforme des collectivités locales.

Examinons ensemble, avec tranquillité, les conclusions de cette commission mixte paritaire.

J’ai écouté avec intérêt Jean-Patrick Courtois, qui a dit des choses vraies, fondées sur son expérience. Je voudrais à cet instant le saluer pour son implication personnelle et pour les travaux conduits par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

J’ai écouté avec étonnement Jean-Pierre Sueur, car j’avais le sentiment qu’il nous parlait d’un autre texte, d’un autre rendez-vous (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), et qu’au fond sa dialectique avait pour seul objet de nous rappeler qu’il ne pouvait pas combattre ce maillon nouveau que nous apportons à la construction, à la réforme, à la modernisation des collectivités locales (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées), et qu’il cherchait dans des accidents de la commission mixte paritaire un prétexte pour justifier son refus d’un avancement qui se situe dans la culture française de décentralisation raisonnée, réfléchie, construite, certes avec force par les lois Deferre en 1982,…

M. Roland Courteau. Vous avez voté contre en 1982 !

M. Gérard Longuet. … mais prolongée et appliquée d’une façon constante, en particulier par la connaissance et l’engagement de notre Haute Assemblée. C’est bien là la difficulté que nous devons gérer ensemble.

Sont sans doute réunies ici, dans cet hémicycle, le maximum de compétences rassemblées sur le thème des collectivités locales. Nous avons assurément, et les chiffres parlent d’eux-mêmes, le maximum d’expérience en matière de collectivités locales, ce qui veut dire, chers collègues – je me tourne en particulier vers mes amis de l’UMP –, le maximum de diversité dans cette compétence et cette expérience.

Or nous devons venir à l’unité. Nous avons tous des raisons, à travers nos expériences personnelles – j’ai été treize ans conseiller général, douze ans président de région, j’ai été conseiller municipal dans la majorité et dans l’opposition –, de regarder les collectivités locales à l’aune de notre propre expérience et de souhaiter – qui le département, qui l’intercommunalité, qui la métropole, qui même le pays, dont certains ont apporté sur nos territoires de véritables avancées – que l’organisation des collectivités locales se construise à partir de notre expérience personnelle.

Ce que nous vous demandons aujourd’hui, mes chers collègues, à l’occasion de ce vote, c’est de nous rassembler sur deux évolutions simples qu’aucun d’entre vous ne peut combattre raisonnablement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

De ces deux évolutions simples, la première est d’abord d’achever l’intercommunalité, qui est assurément une grande réussite française. Lorsque nous avons ouvert le débat au sein du comité Balladur, il y a eu de beaux esprits, et notamment – permettez-moi de le dire – dans la presse, qui ont découvert à l’occasion, et par exception – tous ne sont pas compétents sur ce sujet des collectivités locales –, des références, un benchmarking européen, qui semblaient faire de la France une sorte d’arriérée, prolongeant indéfiniment l’héritage des paroisses, voire de l’Ancien Régime. C’est exactement le contraire !

Dans une société française qui cherche ses repères, les collectivités communales de base sont assurément la première porte d’accès à la vie publique, celle qui permet à chacun de nos compatriotes, et en particulier aux plus faibles d’entre eux, d’avoir un interlocuteur.

Monsieur le ministre, vous avez eu raison de porter au plus loin l’intercommunalité – monsieur Jean-Pierre Chevènement, votre travail était remarquable –, et nous avons souhaité maintenir les communes afin que perdure cette solidarité française, mais en leur donnant définitivement la dimension de l’intercommunalité pour être certains qu’elles puissent assumer les services publics qu’elles doivent rendre à nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Nous avons à travers ce texte sur l’intercommunalité apporté une réponse durable, qui marie à la fois une tradition, une expérience française, une proximité, une solidarité, en quelque sorte une humanité, qui est celle de notre territoire,…

Mme Annie David. Il sort le grand jeu !

M. Gérard Longuet. … en faisant en sorte que ces 36 000 communes travaillent demain dans ces 2 000 intercommunalités, dont nous savons qu’elles seront généralisées au travers de ce projet de loi, en respectant cette réalité communale, cet engagement de femmes et d’hommes qui, sur le terrain, permettent à la vie locale d’exister. C’est nous qui le faisons et vous ne pouvez pas le contester. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est du baratin !

M. Gérard Longuet. D’ailleurs, au cours des débats – je les ai tous suivis – le groupe socialiste n’a pas contesté cette action en faveur de l’intercommunalité car il sait parfaitement que nous avons eu le courage de faire ce qu’il n’a pas su faire lorsqu’il était au gouvernement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste se transformant en brouhaha.)

M. Jean-Louis Carrère. Quel baratin !

M. David Assouline. C’est honteux !

M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, nous avons tous des intercommunalités différentes : les uns vivent leurs intercommunalités de montagne avec quelques milliers d’habitants ; d’autres gèrent de grandes communautés urbaines. Mais cette diversité, la loi la reconnaît, la respecte et, s’il y a quelques imperfections (Ah ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.), nous aurons l’occasion inlassablement, comme nous l’avons fait dans ce travail de construction des collectivités locales, de remettre sur le chantier tel ou tel aspect qui aurait pu manquer à l’examen du législateur dans le texte précédent.

Le système n’est pas fermé, mais le principe général est sein, durable : construire l’intercommunalité…

M. Jean-Marc Todeschini. Vous la tuez !

M. Gérard Longuet. … en respectant la commune, là où certains d’entre vous, chers collègues socialistes, voulaient supprimer la commune en assurant l’élection directe au suffrage universel des conseils communautaires. (Tollé sur les travées du groupe socialistes. –- Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Gérard Longuet. Aujourd’hui, à la veille du congrès des maires vous l’oubliez, mais c’était bien dans vos programmes ! (Un brouhaha persistant s’installe, couvrant la voix de l’orateur.)

M. Jean-Louis Carrère. La ficelle est un peu grosse !

M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, je vous remercie de me donner l’occasion de défendre le deuxième point issu de la commission mixte paritaire : le conseiller territorial.

M. Guy Fischer. On n’en veut pas !

M. Gérard Longuet. Il y a une réalité française. La vie quotidienne, lorsqu’elle n’est plus communale, lorsque l’intercommunalité cède la main, repose sur le département.

J’ai été pendant douze ans président de région.

M. Gérard Longuet. Chacun d’entre nous sait qu’un responsable, un président d’association, un chef d’entreprise va presque toutes les semaines à la préfecture du département. Il va, reconnaissons-le, bien moins souvent à la préfecture de région.

Nous devons défendre la région pour ce qu’elle apporte : un rassemblement de territoires, qui permet à la France des provinces d’être respectée de Paris. En effet, pendant très longtemps, Paris aimait discuter avec des communes isolées, des départements perdus, voire avec des circonscriptions. Mais, lorsqu’il a fallu traiter avec des régions fortes de sujets majeurs comme les itinéraires autoroutiers, les lignes de TGV, à ce moment-là, Paris, les ministères, les administrations centrales, le conseil général des ponts ont rencontré de véritables interlocuteurs…

M. Jean-Louis Carrère. Ils les ont fait payer !

M. Gérard Longuet. … qui avaient l’autorité de représenter les territoires vis-à-vis de Paris, non pas sur l’extrême quotidien mais sur les grands projets universitaires,…

M. Roland Courteau. N’importe quoi !

M. Gérard Longuet. … les grands projets d’infrastructures, les grands projets de filières économiques.

M. Jean-Louis Carrère. Quel galimatias !

M. Gérard Longuet. C’est le rôle de la région. Cela ne veut pas dire que régions et départements s’opposent, cela veut dire qu’ils se complètent, mais sont différents.

Il fallait apporter une réponse.

Monsieur le ministre, la valeur ajoutée la plus originale de ce texte, c’est de sauver le conseiller général,…

Un sénateur du groupe socialiste. Il est mort !

M. Gérard Longuet. … qui est un élu de proximité que chacun d’entre nous connaît et apprécie. (Le brouhaha s’intensifie.)

Monsieur le président, peut-on parler dans cette assemblée ? Si cela ne vous intéresse pas, mes chers collègues, sortez ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Si vous voulez vous comporter comme des députés partisans, essayez de vous faire élire à l’Assemblée nationale, mais ne venez pas ici ! (Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Annie David. C’est de la provocation !

M. le président. Poursuivez, mon cher collègue !

M. Gérard Longuet. Le conseiller général ne souffre que d’une seule faiblesse : l’extrême diversité de son assise démographique.

Peut-on raisonnablement penser que des collectivités qui gèrent près de 4 % du PIB – les départements – et dont la vocation sociale, culturelle, de soutien de proximité ne peut que se maintenir puissent continuer d’être gérées par des assemblées reposant sur l’extraordinaire diversité de la représentativité des femmes et des hommes qui les composent ?

Le Conseil constitutionnel nous demandait de réviser les assises cantonales pour abandonner l’héritage révolutionnaire et faire en sorte qu’il y ait une certaine proximité démographique dans la représentativité des conseillers généraux. C’est exactement ce que prévoit ce projet de loi : …

M. Gérard Longuet. … sauver le conseiller général en lui donnant une assiette démographique équilibrée.

M. Roland Courteau. Vous savez que ce n’est pas vrai !

M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, vous avez eu l’intelligence – nous l’avions évoqué dans le comité Balladur sans le formaliser – de faire en sorte que ces rapprochements démographiques fonctionnent non seulement dans le cadre départemental mais aussi dans le cadre régional, de telle sorte que l’élu le plus familier de nos compatriotes après le maire – le conseiller général – puisse être à la fois le gestionnaire respecté du département, parce que représentant des assises démographiques comparables, et, pour les domaines de compétence de la région, l’élu qui représente les territoires au sein de l’ensemble régional.

M. Jean-Louis Carrère. Il ne sera plus rien !

M. Gérard Longuet. C’est ce conseiller territorial qui assurera l’unité dans la diversité du département et des régions.

M. Jean-Louis Carrère. Vous le diluez !

M. Gérard Longuet. Nous avons donc un système qui tend à la rationalité. C’est un système qui s’éloigne des solutions magiques.

Nous avions eu, au début de cette réflexion, des donneurs de leçon extérieurs ne connaissant rien à la vie locale et qui, d’un trait de plume, à partir de leur réflexion nationale et internationale, voire cosmique, nous expliquaient qu’il fallait supprimer ceci ou cela.

M. Jean-Louis Carrère. Nous avons la majorité, vous auriez pu en tenir compte !

M. Gérard Longuet. Nous sommes partis de notre expérience de terrain, de l’histoire de notre pays, de l’histoire de notre République, des étapes franchies successivement, et vous avez retenu, monsieur le ministre, une idée que nous soutenons : le conseiller territorial est en effet le trait d’union entre l’échelon local, qui gère au quotidien la vie de nos compatriotes dans le cadre du département, et l’assemblée régionale, qui sera l’interlocuteur puissant et donc respecté des décideurs nationaux, lesquels, de Paris, s’appuyaient sur la compétition des territoires, voire les guerres picrocholines entre petites métropoles locales et, jouant des oppositions historiques, pouvaient prendre des décisions qui n’étaient en rien celles des territoires.

M. Roland Courteau. Vous n’y croyez même pas !

M. Gérard Longuet. Nous en avons trop souvent souffert dans nos régions pour ne pas nous réjouir que les territoires soient enfin rapprochés et réconciliés pour être vis-à-vis de Paris des interlocuteurs respectés. Les administrations centrales et les grandes entreprises devront prendre en considération leurs positions. (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.)

Je voudrais à cet instant conclure par une réflexion simple.

Nous sommes dans une logique d’effort continu.

M. Jean-Louis Carrère. Toujours pour les mêmes !

M. Gérard Longuet. Il n’y a pas de solution miracle, pas de Big Bang, pas de Grand Soir des collectivités locales. Il y a le respect d’une expérience issue du terrain, avec une volonté de rationalisation.

Cher Nicolas About, en effet, tout n’est pas totalement satisfaisant,….

M. Roland Courteau. Ah ! Quand même !

M. Gérard Longuet. … y compris pour les sénateurs de l’UMP. En particulier, nous ne ressentions pas, comme les députés, l’extrême obligation d’imposer une clause de 12,5 % des inscrits pour accéder au second tour, parce que nous connaissons la vie locale et nous savons qu’une certaine dispersion n’a jamais nui.

Monsieur Sueur, vous nous dites qu’il n’y a pas de parité et que c’est un recul.

Quelle est la différence ? Le scrutin uninominal, à l’inverse du scrutin proportionnel, ne rend pas certaine la parité. (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.)

Avez-vous donc si peur du parti socialiste et de sa culture que vous vous pensez incapables de présenter des femmes pour les candidatures de conseiller territorial ? (Protestations véhémentes sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Regardez les Yvelines !

M. Gérard Longuet. Vous avez donc la certitude que les candidates issues des listes régionales ne pourraient pas devenir demain des conseillères territoriales ! Ce pessimisme est tout à fait invraisemblable…

M. Roland Courteau. Vous ne manquez pas d’estomac !

M. Gérard Longuet. … ou alors il cache la certitude d’une culture misogyne que vous assumez tranquillement devant nous. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Nous avons tout simplement renvoyé au projet de loi n° 61 le soin de fixer le niveau à partir duquel la proportionnelle s’appliquera pour les collectivités locales.

Pourquoi avons-nous adopté ce report ? Tout simplement parce qu’il faudrait que les maires s’expriment plus clairement qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent.

L’Association des maires de France a retenu le seuil minimum de 500 habitants pour la proportionnelle. Mais l’Association des maires ruraux nous dit que c’est à partir du premier habitant qu’il faut la proportionnelle.

M. Jean-Marc Todeschini. Vous n’avez pas tout lu !

M. Gérard Longuet. Il n’est donc pas complètement anormal pour des élus qui ont l’ambition de représenter les collectivités locales de donner aux associations d’élus locaux le temps de fixer le seuil qu’elles préfèrent.

M. Jean-Louis Carrère. Cet argument est un peu spécieux !

M. Gérard Longuet. En adoptant cette attitude, nous respectons ceux qui nous mandatent dans cette assemblée.

Que les élus communaux et l’AMF se mettent d’accord et nous prendrons en considération les points de vue, dans le cadre du projet de loi n° 61, dès lors qu’ils seront enfin convergents.

M. Jean-Marc Todeschini. C’est laborieux !

M. Gérard Longuet. Enfin, s’agissant de la proportionnelle, je dis à mes amis centristes qui ont la tentation de ne pas voter ce texte : …

M. Jean-Marc Todeschini. Ils ont bien raison !

M. David Assouline. Vous les avez humiliés !

M. Gérard Longuet. … je suis de culture libérale,…

Mme Éliane Assassi. Ultralibérale !

M. Gérard Longuet. … je viens de l’UDF (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) et, contrairement à certains de mes amis gaullistes, je n’ai rien contre la proportionnelle aux élections législatives.

Je considère, en particulier, que le système allemand est sans doute l’un des plus pertinents qui soient. Mais, dans une élection territoriale, il convient de représenter des hommes et des femmes ainsi que des kilomètres carrés et, si vous adoptez la proportionnelle, vous gommez la représentation de l’espace (Mme Jacqueline Gourault s’exclame), sauf, chère Jacqueline Gourault, à faire des élections par petits secteurs géographiques, ce qui aboutit, on l’a vu en 1986 lorsque François Mitterrand avait rétabli la proportionnelle, à avoir, dans l’immense majorité des cas, une élection majoritaire au bénéfice des deux grands partis, car le nombre d’élus n’est pas suffisant pour que la proportionnelle fonctionne réellement.

C’est la raison pour laquelle, parce que nous défendons les territoires, parce que le ramassage scolaire, l’aide aux personnes âgées à domicile sont les mêmes, qu’il y ait des habitants ou pas, nous considérons que les territoires à faible population ont aussi le droit d’être représentés dans les assemblées départementales et régionales. L’application de la proportionnelle les priverait de cette représentation. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Voilà l’ensemble des raisons pour lesquelles, chers collègues de l’UMP, chers collègues centristes – je n’attends pas de grandes surprises du groupe socialiste…