M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 262.

M. Guy Fischer. L’article 54, qui vise à supprimer la rétroactivité des aides individuelles au logement, témoigne bien de la sensibilité du Gouvernement, lequel, selon les catégories de Français, prend des orientations différentes.

Cet article est le premier des deux articles qui concernaient initialement, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, la branche famille.

Ces derniers étaient marqués par l’unique volonté de grappiller, partout où c’est possible, quelques millions d’euros supplémentaires, alors que le Gouvernement s’oppose systématiquement, pour ne pas dire automatiquement, à nos propositions de financement, dont l’avantage est de garantir non pas quelques millions d’euros, mais – la nuance n’est pas faible – quelques milliards d’euros.

L’adoption de nos amendements aurait également permis d’assurer un financement juste et solidaire de la protection sociale, alors que, pour votre part, vous sanctionnez une fois encore les familles, et même les familles les plus modestes, c’est-à-dire les familles populaires, puisque les aides au logement concernées par l’article 54 sont soumises à condition de ressources.

À cet égard, le rapport de M. Vasselle est particulièrement éclairant. On y découvre que, selon les estimations de la CAF de Rennes, qui se fonde sur ses propres bénéficiaires, « la suppression de la rétroactivité pénaliserait 20 % des bénéficiaires, dont plus de la moitié sont des étudiants et un quart des salariés ».

Cette disposition, madame la ministre, n’est pas sans nous rappeler celle qu’avait formulée en son temps la ministre du logement et de la ville Christine Boutin, laquelle avait proposé de modifier les critères d’attribution des APL destinées aux étudiants. L’objectif était alors de priver entre 100 000 et 300 000 étudiants du bénéfice de cette aide.

Deux ans après cette annonce, que vous n’avez pu concrétiser à la suite de la mobilisation des étudiants et des organisations qui les représentent, vous n’avez pas changé de ligne de conduite : il s’agit toujours, même si la forme est différente, de réaliser des économies sur le dos des étudiants.

Cette proposition est empreinte de l’injustice qui sert de tuteur à votre politique. Pour justifier ce qui ne l’est pas, vous avancez une nouvelle fois l’argument de la crise. Or, ce faisant, vous sanctionnez encore une fois les jeunes de notre pays, lesquels ne sont pour rien dans la situation actuelle.

L’allongement de la durée de cotisation et le report de l’âge légal de départ à la retraite retarderont leur accès au travail et diminueront le montant de leurs pensions.

Le transfert à la CADES de la dette sociale, que vous laissez s’accumuler avec le temps, se traduira pour eux par de nouveaux efforts qui, comme toujours, porteront sur les seuls revenus du travail. Conséquence de votre politique de transfert de la prise en charge de la sécurité sociale vers celle des particuliers, ils devront sans doute, encore plus qu’aujourd’hui, différer ou retarder les soins dont ils ont besoin.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Guy Fischer. Mais on avance plus vite que prévu ! (Sourires.)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Et alors ?

M. Guy Fischer. Aujourd’hui, nous n’avons quasiment pas parlé ! (Marques d’ironie sur les travées de lUMP.)

Cet amendement de suppression est donc plus que légitime. Confrontés à cette mesure prise à l’encontre des plus modestes, nous sommes véritablement en colère, madame la ministre ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean Milhau, pour présenter l’amendement n° 473 rectifié.

M. Jean Milhau. Cet amendement identique procède des mêmes motivations que celles qui viennent d’être développées par mes collègues. Pour gagner du temps, je considère qu’il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 544 rectifié.

M. Alain Milon. Madame la ministre, je souhaite tout d’abord vous dire combien je suis heureux de vous revoir aujourd’hui au banc des ministres.

M. Jean-Louis Carrère. C’est la diversité ! (Sourires.)

M. Alain Milon. Je ne reprendrai pas tout ce qui a été dit sur cet article.

S’il n’était pas supprimé, il en résulterait un alourdissement du reste à charge pour les bénéficiaires d’un accompagnement en établissement ou service social ou médico-social qui remplissaient antérieurement les conditions d’octroi de l’aide, lorsque la demande de l’allocation n’était pas concomitante avec le début de l’admission dans l’établissement d’hébergement.

Pour cette raison, nous vous invitons, mes chers collègues, à supprimer cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Tout d’abord, je tiens à dire que je suis heureux de revoir Mme le ministre au banc des ministres, avec de nouvelles responsabilités. Je la félicite pour sa nomination et lui adresse tous mes encouragements pour la suite de sa mission.

M. Guy Fischer. Elle est inamovible !

M. André Lardeux, rapporteur. J’en suis d’autant plus heureux que nous sommes compatriotes !

M. Jean-Louis Carrère. Soyez heureux ! (Sourires.)

M. André Lardeux, rapporteur. Je comprends l’intention des auteurs de ces amendements.

Cela étant dit, et pour rassurer certains de nos collègues, je crois que c’est la date de la demande qui compte, et non le fait que le dossier soit complet. Une personne qui déposerait un dossier sans avoir tous les documents nécessaires ne serait pas pénalisée.

Il n’est pas tout à fait illogique qu’une aide sociale soit versée à compter du jour de sa demande. D’ailleurs, les minima sociaux, qui s’adressent souvent à des catégories encore moins favorisées que celles qui nous occupent en ce moment, sont également octroyés à la date de la demande, et non de façon rétroactive, et ce même si les conditions pour en bénéficier sont remplies antérieurement à cette demande.

Je rappelle également que l’article 54 du projet de loi, que la commission n’a pas souhaité modifier, ne change aucunement le montant des aides au logement, que celles-ci soient accordées au titre de la Caisse nationale des allocations familiales ou au titre de l’État, qui sont les deux types d’aides concernées. Les allocataires conserveront donc exactement les mêmes droits, la difficulté se limitant à la rétroactivité de trois mois.

Parmi les CAF que nous avons visitées, une seule a été assez performante et réactive pour nous fournir quelques informations. S’il est bien sûr difficile d’extrapoler à partir d’un seul exemple, je précise qu’il s’agit de la CAF de Rennes : elle couvre un territoire accueillant une grande ville en son centre et une population qui ne me semble pas trop différente de l’ensemble de la population française.

Les informations qui nous ont été remises sont donc assez instructives et démontrent que, en général, les retards de dossier ne concernent pas les personnes les plus vulnérables. Celles-ci étant, heureusement, suivies par les services sociaux et les associations, elles déposent le plus souvent leur dossier en temps et en heure.

Dans le cas de Rennes, si l’on se fonde sur les dossiers antérieurs, et non sur les dossiers à venir, on constate que 20 % des allocataires seraient potentiellement pénalisés. Il s’agit essentiellement de personnes seules, pour une bonne part des étudiants.

Toutefois, on peut supposer – c’est là, peut-être, que l’objectif du Gouvernement ne sera pas rempli … – que ces étudiants seront suffisamment informés de cette nouvelle réglementation par les universités, les institutions dans lesquelles ils s’inscrivent, leurs organisations représentatives, mais aussi les CAF, dont la mission est d’informer les allocataires actuels ou futurs, pour que la mesure ne soit pas aussi opérante que prévu.

À cet égard, je suis même plutôt d’accord avec Mme Claire-Lise Campion quand elle estime que l’économie réalisée sera, à terme, surestimée. Certaines personnes rencontreront peut-être des difficultés la première année, mais, par la suite, seuls les distraits seront victimes de cette disposition, qui, sur le plan technique, est justifiée.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur André Lardeux, mesdames, messieurs les sénateurs, laissez-moi tout d’abord vous dire ma joie de vous retrouver et de vous présenter mes salutations vespérales. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Guy Fischer. Continuez ! (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je voudrais également vous présenter mes excuses personnelles : j’ai été obligée d’interrompre notre travail samedi dernier, au soir, pour des raisons totalement indépendantes de ma volonté, et votre emploi du temps en a été bouleversé. Ces circonstances, j’y insiste, étaient indépendantes de ma volonté. Néanmoins, mes excuses sont tout à fait sincères.

Je suis donc désormais ministre des solidarités et de la cohésion sociale, en charge des dossiers concernant les personnes handicapées, les personnes âgées, la dépendance – un très grand chantier en perspective ! –, la famille, le droit des femmes, les personnes en situation d’exclusion, l’ensemble de la cohésion sociale et de l’économie sociale.

Ce sont des sujets sur lesquels le Sénat et les élus locaux que vous êtes réfléchissent beaucoup, car ils ont de très grandes implications sur les finances et sur la structuration des politiques que vous menez dans vos collectivités locales. Je serai donc très attentive aux avis des sénatrices et des sénateurs, tout particulièrement à l’occasion du grand chantier de la dépendance que le Président de la République et le Premier ministre m’ont demandé de mener. Je ne doute pas que les travaux de vos diverses commissions et de vos divers groupes politiques alimenteront cette réflexion, et je vous assure bien entendu de ma totale disponibilité.

M. Jean-Louis Carrère. Et notre avis sur le conseiller territorial ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce n’est pas un sujet ayant trait à la solidarité !

M. Jean-Louis Carrère. Il a pourtant à voir avec le droit des femmes et la parité !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’en viens aux amendements identiques nos 124, 262, 473 rectifié et 544 rectifié.

L’intervention de M. le rapporteur André Lardeux a été excellente : le dispositif mis en place, voilà de nombreuses années, pour palier un certain nombre de difficultés de mise au point des dossiers d’aide au logement constituait, en quelque sorte, une anomalie par rapport aux dispositifs des autres minima sociaux, pour lesquels il n’existe pas de rétroactivité. Nous faisons donc en sorte, avec cette mesure, d’harmoniser les règles applicables.

Comme l’a très bien dit André Lardeux, et pour répondre à Mmes Claire-Lise Campion et Annie Jarraud-Vergnolle, ce sera toujours la date du dépôt du dossier qui fera foi, dès la première demande et même si le dossier est incomplet. Il n’y a donc pas de risque pour les personnes fragiles qui ne parviendraient pas à rassembler toutes les pièces de leur dossier. Le demandeur de l’allocation ne sera pas non plus pénalisé si son bailleur ne lui a pas transmis l’attestation de logement exigée. Il n’y a donc pas de risque de pénalisation, la date de dépôt du dossier faisant foi.

Je rappelle que cette mesure doit rapporter 240 millions d’euros à partager, à parité, entre les deux financeurs : la branche famille et l’État. Elle participe donc, pour 120 millions d’euros, à la réduction du déficit de la branche famille et, pour 120 millions d’euros, à la réduction du déficit de l’État.

À l’instar de la commission, le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements. Je demande en particulier à M. Milon de bien vouloir, au bénéfice de ces explications, retirer son amendement.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Mme Raymonde Le Texier. Dans le contexte de crise majeure qui est le nôtre aujourd’hui, les allocations versées par notre système de solidarité nationale sont devenues le dernier filet de sécurité pour des millions de nos concitoyens. Au premier rang des allocations les plus importantes, on trouve l’aide personnalisée au logement, l’APL.

Pour bien mesurer ce qui se joue au détour de cet article 54, glissé au milieu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, je rappelle, une fois de plus, que l’APL concerne 2,6 millions de personnes. Cela fait autant de personnes qui ne pourraient pas se loger sans cette ressource. Pourquoi ? Parce que 76 % des bénéficiaires d’une aide au logement gagnent moins que le SMIC, parce qu’il manque 900 000 logements sociaux en France, et parce que 700 000 personnes sont inscrites sur les listes d’attente d’attribution des HLM. En matière de logement, l’APL est ce qui maintient le navire à flot.

Comme l’a rappelé M. André Lardeux, 80 % des personnes concernées par cette rétroactivité sont des jeunes. Or on sait à quel point la précarité des jeunes et des étudiants s’aggrave dans notre pays.

Jeunes, étudiants avec peu de ressources, travailleurs précaires, personnes âgées à la retraite modeste, familles monoparentales, en passant par les familles à faibles revenus … Ce sont encore les plus modestes que nous allons enfoncer avec ces économies dérisoires. Pendant ce temps, nous devrions célébrer le bouclier fiscal, censé avoir remédié au terrible drame de l’exode fiscal des grandes fortunes !

Il est tout de même dommage que le Président et le Gouvernement ne vivent pas dans le même monde que les Français !

Bien sûr, il y a une bonne raison à la suppression de ces trois mois d’APL. L’argument reste inchangé : il faut faire des économies. En l’occurrence, on parle d’une économie de 240 millions d’euros.

Cette économie est sans doute notable pour le commissaire aux comptes qui la vérifie sur son tableau Excel, mais on sait pertinemment qu’elle est dérisoire au regard des déficits publics qui ne cessent de se creuser. Entre 2002 et 2009, la dette publique a quasiment doublé, passant de 800 milliards à 1 500 milliards d’euros. En réalité, nous parlons d’une économie de pacotille pour l’État, qui correspond pourtant à un transfert de charge énorme sur les plus vulnérables !

Avec cette mesure, madame la ministre, vous allez favoriser l’endettement des plus précaires, fragiliser les budgets des bailleurs sociaux, mettre dans le rouge les associations qui font de l’intermédiation locative, accompagnant au quotidien les familles en grande difficulté.

En dernière analyse, l’APL est, pour 2,6 millions de nos concitoyens, la condition sine qua none pour accéder à un logement ou conserver le sien. Autrement dit, l’APL aide à remplir un besoin primaire. Or, selon la définition du dictionnaire le Petit Robert, un besoin primaire est « un besoin indispensable à la survie ».

Est-il vraiment nécessaire que j’aille plus avant dans mon exposé pour vous convaincre, mes chers collègues, de voter ces amendements de suppression ?

Comme n’importe laquelle d’entre nous, vous savez, madame la ministre, que pour être reconnues dans un monde d’hommes, les femmes doivent faire la preuve qu’elles sont deux fois meilleures qu’eux. J’imagine bien la ministre chargée des solidarités que vous êtes – c’est la première des missions que vous avez citées tout à l’heure ! – affirmer sa place et sa nouvelle nomination en ne suivant pas ses collègues du Gouvernement sur cette disposition relative aux trois mois d’APL qu’il faudrait rogner à ceux qui ont le moins. Cette attitude aurait « de la gueule » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux, pour explication de vote.

Mme Sylvie Desmarescaux. Je m’étonne de vos propos, mes chers collègues de l’opposition ! Vous le savez, je vous respecte. Mais permettez-moi de dire que vous délivrez une fausse information.

Aujourd’hui, l’APL est versée dès le premier jour de dépôt du dossier.

Comme chacun le sait, j’ai été assistante sociale pendant longtemps, à l’instar de Mme Le Texier. Un de nos rôles était de responsabiliser les familles. C’est le premier objectif que cette mesure permet d’atteindre : responsabiliser les familles fragiles et en difficulté.

En écoutant vos propos, une personne ne connaissant pas le dossier comprendrait que les plus jeunes et les familles les plus précaires vont perdre trois mois d’aide personnalisée au logement ou d’allocation logement. Je voudrais que nous considérions la réalité : ces bénéficiaires ne vont rien perdre,…

Mme Annie David. La mesure permet bien de dégager une économie !

Mme Sylvie Desmarescaux. … puisque, comme Mme Nadine Morano, alors secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité, me l’avait confirmé lors des travaux en commission, c’est bien le jour du dépôt du dossier qui compte, même si celui-ci n’est pas complet. C’était l’aspect le plus important de cette affaire.

Vous le savez très bien, en tant qu’élus, nous avons la charge de prévenir les familles concernées dans nos communes. Leur entrée dans un logement étant soumise au départ d’une autre famille, elles sont informées, au moins deux mois à l’avance, qu’elles vont intégrer tel ou tel logement social de la commune. Elles peuvent donc déjà déposer leur dossier.

J’ai été cadre à la CAF, j’en ai parlé avec un directeur de mon secteur et j’en suis certaine : la date de dépôt d’un dossier, même incomplet, est bien reconnue, aujourd’hui, comme la date de départ pour le versement de l’allocation logement. La rétroactivité pourra être appliquée par rapport à cette date.

Je pense qu’il faut arrêter de désinformer. C’était déjà le cas au moment de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites … et on recommence maintenant ! C’est pourquoi je tenais absolument à rétablir la vérité. (Applaudissements sur les travées de lUMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Carrère. Ce que nous a dit le rapporteur était donc faux !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Le problème qui se pose aujourd’hui est celui de la dureté de la politique de ce gouvernement envers les familles populaires et modestes.

Par tous les moyens – et l’on pourrait en faire la liste ! –, vous essayez de faire des économies.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit 2,4 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie et 7,2 milliards d’euros sur les quatre branches de la sécurité sociale. Ces mesures auront des incidences très concrètes sur la vie quotidienne des Français, notamment sur celle des plus défavorisés.

Nous y sommes résolument opposés. Il est scandaleux de maintenir le bouclier fiscal et de mettre en œuvre des politiques d’exonération de cotisations pour les entreprises, qui s’élèvent à 172 milliards d’euros, et de faire, dans le même temps, des économies sur l’allocation logement à hauteur de 240 millions d’euros. Notre position sur ce point est intangible : chaque fois que nous aurons à nous opposer à des mesures aussi dures, qui reflètent la dureté de votre politique ultralibérale, nous le ferons, car nous les jugeons purement scandaleuses. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.

Mme Claire-Lise Campion. Je souhaite répondre à Sylvie Desmarescaux, en m’appuyant sur le rapport du rapporteur général Alain Vasselle.

L’objet de cet article, ma chère collègue, est bien la suppression de la rétroactivité des aides individuelles au logement.

Mme Annie David. Évidemment !

Mme Claire-Lise Campion. Si l’on prévoit de faire 240 millions d’euros d’économies, il faut bien les trouver quelque part ! Elles seront faites sur le dos des familles, et des jeunes concernés au sein de ces familles. Il n’y a malheureusement aucune ambiguïté sur cette question. Cette mesure d’une grande dureté, comme le disait Guy Fischer, sera bien une réalité demain, lorsque vous aurez adopté cet article 54.

Permettez-moi de lire quelques lignes du rapport d’Alain Vasselle. Il fait, sur ce point, deux observations, dont la première ne manquera pas de vous intéresser : « Sans modification de comportement de la part des allocataires, la suppression de la rétroactivité pénaliserait 20 % des bénéficiaires, dont plus de la moitié sont des étudiants et un quart des salariés ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Je retire l’amendement n° 544 rectifié. En revanche, je défendrai sur cet article un autre amendement, que je n’entends pas retirer.

M. le président. L’amendement n° 544 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 124, 262 et 473 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 527 rectifié, présenté par MM. Milon, P. Blanc, Laménie, J. Blanc et Revet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - Le quatrième alinéa de l’article L. 542-2 et le premier alinéa de l’article L. 831-4-1 du code de la sécurité sociale sont complétés par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les personnes accueillies en établissement social ou médico-social visés au I. de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, lorsque les conditions d’ouverture du droit sont réunies antérieurement à la demande, l'allocation est versée dans la limite des trois mois précédant celui au cours duquel la demande est déposée. »

... - Le dernier alinéa du I de l’article L. 351-3-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les personnes accueillies en établissement social ou médico-social visés au I. de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, lorsque les conditions d’ouverture du droit sont réunies antérieurement à la demande, l'allocation est versée dans la limite des trois mois précédant celui au cours duquel la demande est déposée. »

La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Il s’agit d’un amendement de repli, la suppression de l’article ayant été repoussée.

La suppression de la possibilité de rétroactivité de trois mois prévue pour le bénéfice des aides personnelles au logement risque d’entraîner des conséquences dommageables pour ces personnes en termes d’alourdissement du reste à charge, lorsque la demande de l’allocation n’est pas concomitante avec le début de la prise en charge.

Pour ces raisons, nous vous demandons la modification de cet article, afin de maintenir la possibilité de rétroactivité de trois mois prévue actuellement pour le bénéfice des aides personnelles au logement, notamment l’APL, destinées aux demandeurs accueillis en établissement social ou médico-social avec hébergement visés au I de l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles, lorsque ces personnes remplissaient antérieurement les conditions d’octroi de l’aide.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement de repli vise une catégorie d’allocataires. Mais faut-il vraiment créer une catégorie distincte d’allocataires ?

Par ailleurs, il concerne essentiellement l’APL. Or les personnes qui sont hébergées, notamment, dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, savent très bien quels sont leurs droits. Surtout, ils en sont informés immédiatement par l’institution qui les accueille, car cela a des conséquences éventuelles sur le budget de l’établissement, ou plus exactement sur les capacités des personnes à honorer leur dette à l’égard de l’établissement.

Pour ces raisons, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai, au nom de la commission, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur. Il n’y a pas de raison de créer de dérogation, dès lors que le dispositif général a été voté. Un accompagnement considérable est assuré par les travailleurs sociaux de ces établissements, et les personnes sont épaulées dans leurs démarches administratives, dès que leur installation dans l’établissement est connue. En l’occurrence – et ici peut-être moins qu’ailleurs ! –, on n’enregistre aucun retard dans le dépôt du dossier et l’établissement de leurs droits.

Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Milon, l’amendement n° 527 rectifié est-il maintenu ?

M. Alain Milon. Je ne retirerai pas cet amendement, mais je souhaite m’assurer que l’on parle bien, pour la date de dépôt du dossier de demande, du premier jour d’admission dans l’établissement. En effet, je connais personnellement des cas où des personnes hébergées en EPHAD ont perdu le bénéfice de l’APL, faute d’avoir fait leur demande ce jour-là.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est la date de dépôt du dossier qui fait foi. Par conséquent, les établissements sont invités à faire déposer le dossier de demande dès le premier jour de l’admission dans l’établissement. Ils s’acquittent d’ailleurs très bien de cette mission.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Cette intervention fera également office d’explication de vote sur l’article qui, je le rappelle, est d’une grande dureté.

Permettez-moi de lire un extrait du rapport de M. Vasselle: « En 2009, 15,6 milliards d’euros de prestations d’aides individuelles au logement ont été versés à environ 6 338 000 ménages ». C’est énorme !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En effet !

M. Guy Fischer. Le rapport indique, ensuite, que « les locataires représentent 91 % des bénéficiaires » ; rien que de très normal !

Je poursuis ma lecture : « Les plafonds de ressources étant particulièrement stricts (pour ce qui est de l’aide à la location, ils sont légèrement supérieurs au SMIC), les aides individuelles au logement bénéficient dans leur grande majorité aux ménages à revenus modestes. En 2009, hors étudiants, 76 % des locataires bénéficiaires d’une aide individuelle au logement avaient un revenu inférieur au SMIC. 59 % des bénéficiaires sont des “ petits ménages”, c’est-à-dire des personnes seules ou des couples sans enfant, 18,5 % sont des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans et 6,5 % sont étudiants ».

Je précise que, dans notre esprit, l’expression « petits ménages » n’a aucune connotation péjorative, bien au contraire…

On voit bien que la volonté du Gouvernement de réduire les déficits budgétaires suppose de « jouer » sur des grosses sommes. Le Gouvernement taille dans le gras…

M. Jean-Louis Carrère. Dans le maigre ! Il n’y a plus de gras !

M. Guy Fischer. En effet ! Je parlais de gras parce que la somme en question est très importante – 15,6 milliards d’euros ! –, mais il s’agit de toute évidence de réduire drastiquement ce qui est aujourd’hui au cœur de la vie et des préoccupations des Français les plus modestes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)