restructuration des zones de police et de gendarmerie en gironde

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, auteur de la question n° 1135, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaitais attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur la restructuration des zones de police et de gendarmerie en Gironde.

C’est en effet par voie de presse que les maires des villes de Gironde concernées ont appris qu’une restructuration des services de police et gendarmerie était en préparation. Ainsi, les villes d’Artigues-près-Bordeaux et d’Eysines, actuellement en zone gendarmerie, passeraient en zone police, alors que la ville de Libourne ferait le chemin inverse, perdant ses effectifs de police au profit de la gendarmerie. Les maires d’Artigues-près-Bordeaux et d’Eysines, qui sont très attachés à leur gendarmerie, regrettent vivement de n’avoir à aucun moment été associés à ce projet.

La ville d’Artigues-près-Bordeaux, commune périurbaine, devrait donc dépendre désormais du commissariat de Cenon, ville classée zone urbaine sensible, ZUS. Or, à ce jour, les effectifs de ce commissariat sont déjà insuffisants pour assurer la sécurité dans les quartiers dits « sensibles ».

En conséquence, je souhaiterais connaître l’état d’avancement du projet de restructuration ainsi que l’évolution prévisionnelle des effectifs de gendarmerie et de police concernés.

Enfin, je m’interroge sur les moyens qui seront désormais mis en œuvre pour assurer la sécurité des villes d’Artigues-près-Bordeaux et d’Eysines.

Ces communes, qui bénéficiaient jusqu’à présent d’un partenariat exemplaire avec la gendarmerie, devront reconstruire une autre collaboration avec la police, si la restructuration a lieu.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, vous appelez l’attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur le projet de mise en œuvre d’une police d’agglomération sur Bordeaux.

La police d’agglomération représente avant tout une nouvelle approche des problématiques de sécurité.

Il s’agit d’organiser l’action des services de sécurité au sein d’un même bassin de délinquance, en les plaçant sous un seul et même commandement, dans un souci de plus grande performance.

Cette approche correspond bien à la notion d’espace urbain continu et homogène. La police d’agglomération existe en région parisienne depuis le 14 septembre 2009, et donne déjà de très bons résultats. La transposition de cette forme d’organisation et de fonctionnement est en cours à Lille, Lyon et Marseille.

Dans la continuité de telles réorganisations, et après en avoir reçu la proposition des directions générales de la police et de la gendarmerie nationales, le ministre de l’intérieur a souhaité un dispositif analogue à Bordeaux. Une étude a donc été conduite en ce sens, sous l’autorité du préfet de la région Aquitaine, préfet de la Gironde. Les résultats de cette réflexion ont confirmé l’intérêt d’une extension de la zone de compétence de la police nationale sur quatre communes de la proche périphérie bordelaise, dont les phénomènes de délinquance sont homogènes par rapport à ceux qui sont constatés sur Bordeaux. Il s’agit d’Eysines, du Haillan, d’Artigues-près-Bordeaux et de Bouliac.

Parallèlement, d’autres évolutions des zones de compétence de la police et de la gendarmerie ont été étudiées sur le reste du département de la Gironde, avec la même volonté de gagner en cohérence et en efficacité. Dans ce cadre, le transfert en zone de compétence de la gendarmerie de la circonscription de sécurité publique de Libourne, qui est éloignée des autres services de police du département et entourée de nombreuses unités de gendarmerie, a été retenu. Là aussi, il s’agit de mettre en place un dispositif opérationnel efficace, placé sous un commandement unique.

Les modalités de ces transferts font actuellement l’objet d’une étude approfondie à laquelle les élus sont pleinement associés. Les cinq conseils municipaux concernés seront d’ailleurs prochainement amenés à donner leur avis sur ces transferts de zone de compétence, dont la mise en œuvre est envisagée en 2011.

Au plan opérationnel, les services de police et les unités de gendarmerie concernés verront leurs effectifs et leurs moyens matériels adaptés à leurs nouvelles missions. Le service public de sécurité offert à nos concitoyens ne s’en verra pas affecté. Le détail du nouveau dispositif ne manquera pas d’être exposé aux élus par le préfet dans le cadre de la concertation lancée sur ce projet.

Ici comme dans bien d’autres, le ministre de l’intérieur sera pragmatique. Si nous voulons améliorer la cohérence des zones de compétence, c’est d’abord pour être au service de la sécurité de nos concitoyens. Le nouveau dispositif devra donc être plus efficace sans être plus coûteux, et compatible avec les moyens de la police et de la gendarmerie. En toute hypothèse, les élus locaux ne manqueront pas d’être associés à cette réorganisation.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Toutefois, vous nous avez indiqué qu’une étude était en cours et qu’elle avait déjà donné lieu à des préfigurations de conclusion, ce qui m’oblige à préciser que les maires n’ont jamais été associés, invités ou même informés pendant que ces travaux ont été menés. En tant que maire d’Artigues-près-Bordeaux, je peux en témoigner en toute connaissance de cause.

Or, nous le savons, en matière de sécurité, c’est d’abord vers le maire que se tournent nos concitoyens pour lui demander des comptes et exiger des réponses efficaces quand se posent des problèmes de sécurité. Nous sommes donc devant une contradiction : comment rendre les maires responsables sans les associer à des projets aussi importants que la restructuration envisagée ?

Nous avons, avec les personnels concernés, des habitudes de travail. D’ailleurs, la question des effectifs va se poser. C’est de tout cela que nous souhaiterions débattre. Je crains que notre conseil municipal ne soit invité à délibérer sur un projet déjà finalisé sans avoir été associé à son élaboration.

Je voudrais donc alerter M. le ministre : les maires concernés sont tous demandeurs d’une réunion de travail en amont. Il ne faut pas que des décisions leur soient imposées.

De plus, je voudrais rectifier un peu l’analyse. Certes, les communes concernées par le projet de restructuration se situent toutes dans l’agglomération bordelaise, mais on ne peut pas comparer la situation de villes en zone police, qui sont souvent classées ZUS, avec celle de communes périurbaines à la limite de l’espace rural, comme Artigues-près-Bordeaux et Bouliac, commune dans laquelle, d’ailleurs, est installé le peloton de gendarmerie et où sont logés tous les gendarmes de Gironde.

Aussi, par souci de cohérence, nous aimerions bien comprendre ce qu’il en est.

réforme du bac sti

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 1072, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Jean-Luc Fichet. Ma question, qui s’adresse en effet à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, concerne les inquiétudes suscitées par la réforme du baccalauréat Sciences et techniques industrielles, ou STI, qui doit être mise en place à la rentrée de 2011.

En Bretagne, comme partout ailleurs en France, les enseignants sont inquiets. Je pense notamment aux personnels des lycées Félix-Le-Dantec, à Lannion, ou Tristan-Corbière à Morlaix. Les craintes sont vives.

Le Conseil supérieur de l’éducation a voté contre les propositions du ministère au mois d’avril 2010, au motif que celui-ci refusait d’accompagner la réforme d’une amélioration du taux d’encadrement. En effet, la réflexion du ministère s’accompagne encore et toujours d’une diminution des postes et des moyens. La rentrée de 2011 s’annonce extrêmement difficile si rien n’est proposé pour revenir sur les suppressions de postes.

Par ailleurs, sur le fond, si une réforme était souhaitable, les acteurs de cette filière craignent que celle-ci ne mette à mal la spécificité de la voie technologique. De leur point de vue, la réforme annoncée a principalement pour conséquence de vider de sa substance tout ce qui faisait l’originalité et l’attractivité de cette filière : fin des dédoublements de classe, fin de toute approche manuelle, plus de travail sur les systèmes réels, plus d’enseignement de la physique appliquée…

La question du contenu de l’enseignement est essentielle, car elle touche à l’emploi des jeunes et à l’avenir des ouvriers qualifiés dans notre pays. La France a besoin de tous les talents. Cette réforme va à l’encontre des discours sur la nécessaire réindustrialisation de la France. Comment peut-on prôner cette réindustrialisation et, dans le même temps, se tirer une balle dans le pied en supprimant la formation des jeunes dans ces domaines ?

Certains patrons de l’industrie ont d’ailleurs déjà anticipé cette moindre formation technique. Ainsi, des secteurs d’activité mettent en place des formations propres à leur métier. Cela revient à privatiser l’éducation nationale ! Ce n’est pas ce que nous voulons !

Le monde du travail a besoin de ces filières techniques et les enfants ont besoin pour leur vie professionnelle d’une formation diplômante, et non d’une formation au rabais.

Enfin, que dire des conséquences de cette réforme pour les établissements scolaires qui, grâce aux collectivités territoriales, ont investi massivement dans l’achat de machines pour leurs élèves ? Va-t-on leur dire que ces investissements n’ont servi à rien ?

Je souhaite savoir quelles réponses vous pouvez apporter face à l’ensemble de ces inquiétudes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous attirez l’attention de mon collègue Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, sur la réforme du baccalauréat STI.

Luc Chatel est retenu ce matin par d’autres obligations, mais sachez que la réforme de la voie technologique constitue pour lui comme pour tout le Gouvernement une initiative fondamentale, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, elle contribue à la diversification des parcours d’excellence au lycée. Ensuite, elle propose une formation riche, gage d’une insertion professionnelle plus large et plus sûre. Enfin, elle donne une nouvelle ambition à la voie technologique.

Vous le savez, les séries STI et STL, Sciences et technologies de laboratoire, n’avaient pas évolué depuis 1993, et demeuraient éclatées entre dix-sept spécialités ou options qui enfermaient les élèves dans des trajectoires souvent irréversibles dès la classe de première.

Cette spécialisation excessive brouillait la distinction entre les séries technologiques et les formations offertes dans le cadre de la voie professionnelle rénovée. Et c’est cette spécialisation excessive qui a en partie entraîné la désaffection qu’ont connue les séries STI, de l’ordre de 20 % en moins de dix ans.

Il fallait redonner toute leur valeur à ces parcours : le Gouvernement a tenu à proposer des séries plus polyvalentes, plus ouvertes et préparant mieux aux études supérieures.

Comme la voie générale, la voie technologique a vocation à conduire tous ses élèves vers l’enseignement supérieur. Bien évidemment, cet objectif doit néanmoins prendre appui sur ce qui constitue la spécificité de cette voie, à savoir une pédagogie fortement ancrée dans des activités pratiques et technologiques.

Ainsi la nouvelle série STI2D, Sciences et technologies de l’industrie et du développement durable, que vous évoquiez dans votre question, monsieur le sénateur, et qui intègre, comme son nom l’indique, la dimension moderne et prometteuse du développement durable, est articulée autour d’un enseignement technologique transversal et ambitieux, commun à tous les élèves, avec notamment deux langues vivantes désormais obligatoires, contre une seule auparavant. C’était un impératif, dans notre monde moderne, que de préparer nos futurs techniciens à la mobilité et à l’échange international.

Cette série assure donc une formation polyvalente à même d’ouvrir des possibilités d’orientation post-baccalauréat. Ce renforcement des exigences dans les disciplines générales va mieux préparer les lycéens à réussir leurs études supérieures.

Ajoutons que cette série est mieux reliée à la voie professionnelle grâce à des passerelles plus nombreuses et qu’elle comporte des enseignements spécifiques propres à chacune des quatre spécialités proposées aux élèves : énergie et environnement ; innovation technologique et éco-conception ; systèmes d’information et numérique ; architecture et construction.

N’oublions pas, également, que chaque lycéen bénéficie désormais d’un accompagnement personnalisé pour l’aider à construire son parcours de réussite.

Vous le constatez donc, monsieur le sénateur, la nouvelle voie technologique conserve la spécificité d’activités pratiques et technologiques, mais elle est plus polyvalente parce qu’elle est nourrie d’une nouvelle ambition et parce qu’elle entend répondre à un enjeu stratégique pour notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, votre réponse ne me satisfait pas pleinement, car elle ne répond pas aux interrogations des enseignants.

Ces derniers ne sont pas opposés à l’évolution de la série technologique, mais ils constatent que les solutions apportées ne sont pas les bonnes. La preuve en est que certaines entreprises privées prennent aujourd'hui l’initiative de former leur propre personnel, considérant que la formation scolaire dispensée n’est plus adaptée à la demande et à l’avenir professionnel des personnes concernées.

Surtout, l’ensemble de ces réformes paraissent obéir au souci de réaliser des économies, ce qui est absolument insupportable. Je citerai, pour ce qui est de la réforme globale de l’éducation nationale, la fin des IUFM, la suppression nette de 16 000 emplois en 2011, la disparition des auxiliaires de vie scolaire, les AVS, et des emplois de vie scolaire, les EVS, la diminution de la scolarisation à l’âge de deux ans dans les écoles maternelles, et j’en passe. Toutes ces mesures nourrissent nos craintes pour l’éducation nationale.

Par conséquent, nous serions heureux que le système soit reconsidéré et que le Gouvernement propose un nouveau pacte éducatif en concertation avec tous les acteurs de la communauté éducative. Ces derniers recevraient ainsi une vraie réponse susceptible de mettre fin à leurs inquiétudes.

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Nomination d’un membre d’une commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré. La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Jean-Marie Bockel membre de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, à la place laissée vacante par M. Jacques Muller, dont le mandat de sénateur a cessé.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Décision du Conseil constitutionnel

M. le président. Par lettre en date du 13 janvier 2011, j’ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel le texte d’une décision du Conseil constitutionnel de conformité à la Constitution de la résolution tendant à adapter le chapitre XI bis du règlement du Sénat aux stipulations du traité de Lisbonne concernant les parlements nationaux.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision sera annexée au compte rendu de nos débats de ce jour.

En conséquence, les modifications de notre règlement sont applicables à compter du 13 janvier 2011, date à laquelle elles ont été déclarées conformes à la Constitution.

Je profite de cette occasion pour remercier MM. Jean-Jacques Hyest, Bernard Frimat et Jean Bizet d’avoir conduit les travaux préparatoires qui ont permis de mener à bien cette réforme de notre règlement.

9

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, la « révolution de jasmin » en Tunisie est un événement considérable : pour la première fois dans cette région, un dictateur est chassé du pouvoir par le peuple.

Mes amis et moi avons éprouvé une très vive émotion quand le jeune Mohamed Bouazizi, de désespoir, s’est immolé par le feu, puis quand le peuple tunisien s’est soulevé contre la dictature de Ben Ali. Cette émotion a laissé place à une grande colère lorsque nous avons constaté que le pouvoir faisait tirer sur la foule, tuant des dizaines de personnes.

Le Président de la République et le Gouvernement sont, quant à eux, restés de marbre. Ben Ali, l’ami de la France soutenu indéfectiblement par notre gouvernement – la visite en Tunisie du Président de la République en juillet 2010 en témoigne –, devait rester en place au nom des intérêts économiques et politiques français.

Madame la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, vous avez enfin pris la parole le 11 janvier dernier, pour proposer d’agir dans le cadre de la coopération entre les deux pays, afin que le droit de manifester puisse être concilié avec le maintien de la sécurité, ajoutant que le savoir-faire de nos forces permettrait de « régler les situations sécuritaires » en Tunisie. Quelle belle leçon de non-ingérence !

Cette attitude est conforme à celle que le gouvernement de la France a adopté depuis des années à l’égard du pouvoir de Ben Ali. Chaque fois que j’ai, avec d’autres, saisi les autorités françaises de graves atteintes aux droits de l’homme dans ce pays, des persécutions dont ont été victimes les intellectuels, les syndicalistes et les démocrates dans leur travail et leur vie privée, des mesures d’emprisonnement qu’ils ont subies, des actes de torture pratiqués à leur égard, la réponse était la même : en raison de la lutte qu’il menait contre les islamistes, le dictateur Ben Ali était considéré comme un bon élève du Maghreb.

Monsieur le président, pour tous ceux qui aspirent à la démocratie en Tunisie, et au-delà dans toute la région, l’attitude de gendarme adoptée par la France est inacceptable. Les propos de Mme le ministre des affaires étrangères, représentante de notre pays, que le Président de la République, par la voix de M. Guaino – c’est un comble ! – qualifie de « maladresses » ou d’« incompréhensions », sont inacceptables. Aussi, nous demandons, pour honorer notre pays, que Mme Alliot-Marie en tire les conséquences et présente sa démission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. Vous ne perdez rien pour attendre !

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, madame Borvo Cohen-Seat.

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Débat sur des questions de politique étrangère

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur des questions de politique étrangère, organisé à la demande de la commission des affaires étrangères.

La parole est tout d’abord à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le ministre d’État, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite de la tenue de ce débat, même si les conditions de son obtention ont été laborieuses.

Nous comprenons fort bien, madame le ministre d’État, que les contraintes inhérentes à vos fonctions rendent souvent difficile le choix d’une date pour nos discussions. Pourtant, les relations extérieures revêtent une importance majeure dans la conduite des affaires de l’État. Il est donc légitime que le Parlement, qui vote les crédits, puisse entendre régulièrement le Gouvernement sur ses priorités et que celui-ci lui rende compte de son action en matière de diplomatie.

À l’occasion de la dernière révision constitutionnelle, il a été décidé qu’une semaine de séance sur quatre serait réservée par priorité au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques. En matière européenne, notre règlement prévoit la tenue de questions orales européennes avec débat. Nous organisons également, de manière coutumière, un débat préalable avant chaque Conseil européen. Ne pourrait-on pas s’en inspirer pour garantir à la représentation nationale, par une loi organique ou par une modification de notre règlement, un débat en séance publique au moins deux fois par an avec le Gouvernement sur les questions de politique étrangère ? Je soumets cette suggestion à la réflexion des responsables de notre assemblée.

Parmi les très nombreux sujets de politique étrangère, je centrerai mon intervention sur la politique de la France en Afrique, tragiquement à l’ordre du jour, sur l’Afghanistan et, enfin, sur la politique étrangère, de sécurité commune et de défense de l’Union européenne.

Je voudrais tout d’abord m’associer à la douleur des familles de nos jeunes compatriotes si lâchement tués au Niger. Ces assassinats nous touchent par le drame de ces vies pleines de promesses si tragiquement fauchées. Ils touchent aussi chaque Français et la France dans son ensemble, puisque c’est à notre pays qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique, AQMI, a déclaré la guerre.

Nous approuvons la politique de fermeté qui a été appliquée à la demande des autorités du Niger. Elle doit marquer un coup d’arrêt aux enlèvements des ressortissants français.

Je veux dire à ceux qui s’interrogent que nous ne devons pas nous tromper d’ennemi. L’ennemi, c’est l’islamisme radical du réseau Haqqani en Afghanistan ou d’Al-Qaïda au Maghreb islamique. Cet ennemi ne prétend pas négocier. Son objectif est à la hauteur de son fanatisme : il ne vise rien de moins qu’à l’instauration d’un califat mondial où s’appliquerait la charia.

C’est contre cet ennemi que nous luttons en Afghanistan, au Sahel et ailleurs, c’est cet ennemi qui nous a déclaré une guerre asymétrique dont les armes sont les attentats suicides, la terreur, la prise en otage de civils innocents.

Si la France et, plus généralement, l’Occident sont devenus une cible, c’est pour nous faire lâcher prise dans ce combat en déstabilisant les opinions publiques, car il s’agit aussi d’une guerre de communication. Mais les premiers visés par cette stratégie, ce sont les pays et les gouvernements du monde musulman – le Pakistan et les pays arabes –, qu’il faut faire basculer dans l’intégrisme.

Notre soutien et notre appui à ces pays fragiles sont donc essentiels.

Je me félicite à cet égard de la décision, prise lors du Conseil « affaires étrangères » du 25 octobre dernier, de demander au Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité d’élaborer pour le début de l’année 2011 une stratégie pour le Sahel fondée sur trois volets : la sécurité, le développement et le dialogue politique.

Certes, l’intégrisme islamique ne doit pas être – comme le fut la lutte contre le communisme au temps de la guerre froide – l’alpha et l’oméga de toute politique et justifier toutes les complaisances. Mais, précisément, nos exigences en matière de gouvernance, de droits de l’homme, de droit des femmes ou de lutte contre la corruption s’inscrivent dans un chemin, certes difficile et chaotique, vers plus de démocratie : non pas une démocratie jeffersonienne artificiellement plaquée, mais une démocratie qui sera inventée par chaque pays en fonction de son génie et de son histoire, sur un socle de valeurs universelles, tout simplement parce que c’est le meilleur des régimes possibles.

Cette politique s’appuie sur un certain nombre de principes rappelés avec force par le Président de la République : respect des indépendances, transparence et non-ingérence.

De ce point de vue, le renouvellement des accords de défense et de partenariat entre la France et les pays africains me paraît exemplaire. Nous souhaitons d’ailleurs, madame le ministre d’État, que les quatre accords avec le Cameroun, le Togo, le Gabon et la République centrafricaine, dont l’autorisation de ratification a été soumise au Sénat, puissent donner lieu rapidement à un débat devant notre assemblée.

Là encore, le problème qui se pose est celui de l’encombrement de l’ordre du jour législatif. Notre commission, quant à elle, a rapporté ces accords et est prête au débat.

Notre politique africaine s’appuie sur ces lignes directrices et nous ne pouvons qu’être frappés de la continuité qui la caractérise depuis trente ans. Notre commission publiera du reste un rapport d’information sur cette question.

Le continent africain fait certes face à de nombreux défis, comme la mal-gouvernance, le cancer djihadiste, les narcotrafics, le sida ou les changements climatiques. Pourtant, l’Afrique est sur le bon chemin et devrait émerger de son instabilité chronique pour peu que nous continuions à l’aider et à la soutenir.

Nos intérêts sont liés. La sécurité et la prospérité de la France et de l’Europe sont indissociables de celles de l’Afrique. Je rappellerai simplement que, sur 1,8 milliard d’habitants que comptera l’Afrique en 2050, 600 millions seront francophones.

Ce sont ces principes que nous appliquons dans la crise ivoirienne. Il n’y a aucune ingérence de la France dans la politique intérieure de la Côte d’Ivoire. Notre pays, comme l’ensemble de la communauté internationale, à commencer par la CEDEAO, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, et l’Union africaine, condamne de la manière la plus énergique les tentatives du président sortant, Laurent Gbagbo, pour usurper la volonté populaire, remettre en cause l’intégrité de la consultation électorale et l’avancée du processus de paix dans ce pays.

Nous écartons toute intervention militaire de notre force Licorne tant qu’il ne s’agit pas d’assurer la protection de nos compatriotes et des ressortissants étrangers si leur sécurité est menacée. Si le recours à la force devenait inévitable, ce serait celui qui est actuellement étudié par la CEDEAO.

Il est toutefois évident que le temps joue contre le président élu, Alassane Ouattara. La Côte d’Ivoire est devenue schizophrène, avec, d’un côté, Laurent Gbagbo, qui dispose de la force publique et de moyens de communication puissants et qui n’a fait aucune concession, et, de l’autre, un président légitime dont la faiblesse est manifeste.

Les sanctions qui ont été prises ne seront pas immédiatement efficaces. Le temps qui passe, la normalisation qui en découle et dont pourrait s’accommoder une partie de la population profitent incontestablement au clan Gbagbo. L’inaction devient la pire des solutions et la communauté internationale joue sa crédibilité.

Il me semble que cette politique prudente de non-ingérence et d’action collective internationale est unanimement approuvée. Il n’en va pas de même pour la Tunisie, pays ami, si proche de la France, qui vient de vivre de graves événements. Nous entendons ces jours-ci des propos bien tardifs stigmatisant la prudence de notre pays face à ces événements. Depuis vingt-trois ans, tous les gouvernements successifs ont fait preuve, à l’égard du défunt régime, d’une retenue que d’aucuns qualifient de complaisance. Il est toujours facile de prédire le passé ! J’observe toutefois que certains procureurs étaient bien discrets, hier, lorsqu’il s’agissait de la situation en Tunisie,…