Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, je m’exprimerai en mon nom propre, car la position de mon groupe sera exprimée par ma collègue Raymonde Le Texier. Cela étant, je vous rassure, il n’y aura pas de divergence de vues entre nous. (Sourires.)

Tout d’abord, je remercie très sincèrement Mme Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et Alain Milon, rapporteur de ce texte, qui nous ont permis d’avoir un débat de très haute qualité. Cela ne me surprend guère, car la commission des affaires sociales nous avait déjà offert cette possibilité lors de l’examen du texte sur l’assistance médicalisée pour mourir. Mme Debré a rappelé tout à l’heure, comme M. le ministre l’avait fait, combien ce débat avait été marquant. Preuve est donc faite que, dans cet hémicycle, quand on s’écoute, qu’on se respecte – ce qui est, bien sûr, souvent le cas – et qu’on a la volonté d’avancer ensemble, on peut faire de grands pas.

Mme Isabelle Debré. Surtout dans des débats comme celui-là !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je veux aussi remercier et féliciter les administrateurs de la commission, qui ont beaucoup travaillé et nous ont grandement aidés à examiner ce texte complexe. (Mme Isabelle Debré et M. Guy Fischer applaudissent.)

Les raisons pour lesquelles je voterai ce texte, madame la présidente, sont toutes simples.

Tout d’abord, ayant toujours été favorable au maintien de l’anonymat concernant le don de gamètes, je suis heureux que le Sénat soit allé dans le sens que je souhaitais. Dans tous les cas de figure, pour l’instant, l’anonymat et la gratuité du don sont des garanties républicaines.

Ensuite, un amendement a été adopté sur un sujet que je suis depuis très longtemps et sur lequel il était difficile d’avancer ; je veux parler du statut juridique des enfants mort-nés. Le texte adopté par le Sénat constitue un grand progrès et donne satisfaction à chacun. Il reprend aussi les souhaits formulés par le Médiateur de la République. Cette avancée est considérable, surtout lorsqu’on songe à la douleur des mamans et papas confrontés à cette épreuve.

Deux points me paraissent essentiels.

Premièrement, contrairement à certains, je suis très satisfait que le Sénat, hier, ait adopté mon amendement tendant à ouvrir l’assistance médicale à la procréation à tous les couples, quels qu’ils soient. C’est une bonne chose tant pour la fertilité médicale que pour la fertilité sociale. Je remercie d’ailleurs particulièrement Alain Milon d’avoir soutenu cet amendement.

Deuxièmement, nous avons eu, ce matin, un très long et très important débat sur la recherche sur l’embryon. Le Sénat a permis de réaliser une avancée considérable en matière de liberté de la recherche, tout en prévoyant d’encadrer cette dernière. Le dispositif répond sans aucun doute aux souhaits des chercheurs. Il a pour vocation d’ouvrir encore davantage nos chercheurs sur le monde et de donner du crédit à la recherche française.

Pour toutes ces raisons, bien sûr, je voterai le texte issu de nos travaux.

Néanmoins, je ne veux pas occulter les quelques regrets que j’éprouve.

Il n’y a pas de regret à proprement parler concernant le rejet de nos amendements relatifs à la gestation pour autrui, dans la mesure où nous les avions surtout déposés pour ouvrir le débat : nous savions qu’ils ne seraient pas adoptés. La discussion doit maintenant se poursuivre. Du reste, il était illusoire de penser régler la question à l’occasion de l’examen de ce texte. Mais nous devions en discuter et rompre le silence. Bien sûr, je suis malgré tout déçu que, ces amendements n’ayant pas été intégrés au texte, le débat ne puisse pas se poursuivre à l’Assemblée nationale, à moins que certains de nos collègues députés ne décident de présenter des amendements similaires à ceux que nous avons défendus.

Mon vrai regret porte sur le sort des enfants nés de la gestation pour autrui. Notre amendement a été « renvoyé dans les cordes ».

La gestation pour autrui n’est pas interdite en France en ce sens que les personnes qui se rendent à l’étranger pour y avoir recours ne sont pas poursuivies quand elles reviennent sur le territoire national. Pourtant, les enfants nés à l’étranger d’une gestation pour autrui, soit n’ont pas d’état civil français, soit sont apatrides, soit ont un carnet de famille sur lequel figure le seul nom du père. Croyez-vous que nous allons pouvoir rester longtemps dans cette situation ?

En n’essayant pas de trouver au moins une solution pour ces enfants, est-ce que nous n’acceptons pas que ce soient les innocents qui soient les victimes ? Car ces enfants qui n’ont rien demandé vont devoir subir les effets de cette situation !

Or il doit bien y avoir une solution à ce problème d’état civil,…

M. Christian Cointat. Absolument !

M. Jean-Pierre Godefroy. … et une solution qui ne remette pas en cause les convictions de chacun ! Nous ne pouvons pas accepter de frapper ainsi l’innocence ! Il n’est pas concevable que ces enfants soient considérés, à l’école ou ailleurs, comme des étrangers ! Il n’est pas admissible que, plus tard, ils ne puissent prétendre à certains emplois ou activités parce qu’ils ne sont pas Français !

Ces enfants ne sont pas responsables de la décision de leurs parents. Ils ne sont pas responsables de la loi sur la gestation pour autrui. Ils n’ont fait que naître grâce à une pratique qui n’est pas interdite en France ! Par pitié, essayons de trouver une solution pour ces enfants !

M. Christian Cointat. Très bien ! Bravo !

M. Jean-Pierre Godefroy. Mes chers collègues, je vous prie de m’excuser pour ce plaidoyer un peu passionné, mais c’est un sujet qui me tient à cœur !

Cela étant, je voterai sans arrière-pensée ce projet de loi dans la rédaction qui résulte des travaux du Sénat, car je considère qu’il s’agit d’un texte progressiste, humain et profondément républicain ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Brigitte Bout. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, moi aussi, j’ai apprécié le climat de nos débats. Nous avons tous pu constater combien il est agréable de travailler lorsque le débat n’est pas formaté ni joué d’avance.

Ce débat portait sur des valeurs, mettant en jeu des histoires personnelles ; il a fait apparaître des doutes, des interrogations et nous a permis de dépasser les traditionnels clivages entre la gauche et la droite. Nous avons ainsi pu retrouver tout l’intérêt du débat parlementaire. À cet égard, je salue le talent et la mesure dont ont fait preuve M. le rapporteur et Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Cela dit, j’exprimerai malgré tout quelques regrets.

En premier lieu, dans la mesure où chacun s’accorde à considérer que ce débat dépasse les oppositions politiques habituelles – et les lignes de fracture n’étaient en effet pas celles qui séparent traditionnellement la droite de la gauche –, je m’étonne que l’on ait eu plusieurs fois recours à cette espèce de « vote bloqué » qu’est le scrutin public, où l’on dépose des paquets de bulletins dans les urnes ! La décision est alors prise, de fait, par les absents. Alors que chacun exprime ses doutes, que le débat est intéressant et permet aux positions individuelles d’évoluer, les bulletins de ceux qui n’ont pas participé au débat permettent un « vote bloqué », bien entendu en faveur du statu quo !

En second lieu, lors de la discussion générale, j’avais fait référence aux tabous qui sclérosent le débat, bloquent les évolutions nécessaires et empêchent de dépasser le statu quo auquel s’accroche le ministre.

Nous avions l’occasion d’envoyer un signe fort à la communauté homosexuelle en donnant enfin à ses membres la possibilité de donner leur sang et d’accomplir ainsi une démarche citoyenne. Nous avons manqué cette occasion et la solution proposée est décevante.

S’agissant de la gestation pour autrui, mercredi dernier, la Cour de cassation a implicitement renvoyé le législateur à ses responsabilités, en refusant d’admettre la transcription des actes de naissance des enfants nés à l’étranger d’une gestation pour autrui. Plutôt que d’assumer ces responsabilités, nous restons en deçà de la complexité de la réalité et laissons des enfants « juridiquement orphelins ».

Néanmoins, les sénatrices et le sénateur écologistes notent certains points positifs : le maintien de l’anonymat du don de gamètes, l’un des principes essentiels de notre bioéthique ainsi respecté ; l’ouverture de l’accès à l’assistance médicale à la procréation pour les couples de femmes, et j’espère que cette disposition sera maintenue, malgré les déclarations du ministre, ce matin ; l’autorisation de la recherche sur les embryons et les cellules-souches.

C’est l’avancée obtenue sur ce dernier point qui guidera notre vote.

Certes, les écologistes regrettent l’absence d’avancée sociétale majeure dans ce projet de loi. Pour autant, afin de ne pas marquer d’opposition à ce progrès pour la recherche, les sénatrices et le sénateur écologistes voteront pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme de l’examen d’un texte, il est de coutume de saluer la qualité de nos travaux. Je ne me plie que rarement à cette tradition, la trouvant le plus souvent aussi superfétatoire que convenue, mais tel n’est pas le cas aujourd’hui.

Aujourd’hui, c’est en toute sincérité que je tiens à saluer la qualité et l’atmosphère de nos travaux.

Tout d’abord, je veux rendre hommage à l’exigeant travail de notre rapporteur, Alain Milon, qui a su garder la tête froide et surtout rester fidèle, tout au long des débats, à ses convictions, et adresser mes remerciements à la présidente de la commission des affaires sociales, Muguette Dini : les avancées importantes que nous avions réalisées en commission, et leur survie pendant les débats, leur doivent beaucoup.

Je sais que, dans un tel débat, les lignes de fracture dépassent les clivages habituels, car ces sujets nous renvoient, chacun individuellement, à des convictions nourries de nos histoires personnelles et de nos intimités. Pour autant, cela ne garantit pas des débats respectueux et constructifs. Or ceux-ci l’ont été, et c’est tant mieux !

Concernant le vote du groupe socialiste sur ce projet de loi, je vais vous dire où nous en étions encore hier soir, voire ce matin. S’il était resté conforme au texte que nous avons reçu de l’Assemblée nationale, un texte qui n’avait fait que reculer, un texte timoré, un texte rétrograde, nous aurions voté contre. Compte tenu des améliorations apportées lors de son examen en commission, nous envisagions de nous abstenir. Mais, au vu des progrès majeurs qu’une majorité répartie sur toutes les travées a permis de réaliser, nous voterons le texte finalement issu de nos travaux.

Nous le voterons avec d’autant plus de résolution que M. Bertrand, juste avant de quitter cet hémicycle, a annoncé que le Gouvernement reviendrait sur les principales avancées lors de la navette.

Alors, quelles sont les avancées qui justifient pleinement notre vote positif et notre enthousiasme, mais que le Gouvernement s’attachera bientôt à sabrer allègrement, à moins de se heurter à une vraie résistance ?

Premièrement, nous saluons l’autorisation de la recherche sur les cellules souches. Réclamée depuis des années par les chercheurs et attendus avec espoir par les malades et leurs familles, cette autorisation a enfin été votée par notre Haute Assemblée. Nous sortons de l’hypocrisie qui consistait à interdire globalement cette recherche, tout en accordant des dérogations, presque sous le manteau, mais surtout nous envoyons un message de la représentation nationale aux chercheurs et aux malades. Ce message est simple : la recherche sur l’embryon n’est plus un champ de craintes ou de transgressions morales, c’est d’abord un champ d’espoirs, que nous souhaitons cultiver !

Deuxièmement, l’adoption de l’amendement n° 25 de notre collègue Jean-Pierre Godefroy a ouvert l’accès à l’aide médicale à la procréation aux couples souffrant d’« infertilité sociale », c’est-à-dire aux couples homosexuels. Cette autre avancée majeure fera date et témoigne de la transformation de notre regard sur le couple et sur la parentalité.

Au-delà de ces deux dispositions, d’autres éléments progressistes fondent notre vote positif.

Une majorité des membres de cet hémicycle souhaitait réintroduire l’anonymat sur le don de gamètes – je n’en étais pas. Elle a obtenu gain de cause.

Sur la question des enfants nés sans vie, il était temps d’avancer : nous l’avons fait.

Nous estimions que tous les débats n’étaient pas tranchés, sur la gestation pour autrui notamment, et qu’il faudrait remettre l’ouvrage sur le métier. Nous pensions donc qu’il fallait inclure dans ce texte une clause de révision : cela a aussi été fait.

Bien sûr, nous déplorons des manques, mais, grâce à la plupart d’entre nous, sur toutes les travées, de réelles avancées sont enregistrées. Nous savons, hélas, que tout sera fait pour que ce texte ne reste pas en l’état.

L’ouverture d’esprit, l’écoute, le courage dont certains ont fait preuve ici incitera peut-être, nous l’espérons, nos collègues de l’Assemblée nationale à se montrer plus progressistes. C’est une raison supplémentaire pour que le groupe socialiste salue ce beau combat en votant pour ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe centriste, dans sa grande majorité, votera ce projet de loi ; quatre de nos collègues s’abstiendront et cinq autres voteront contre, dont moi-même.

Je n’ai malheureusement pas pu suivre l’ensemble des débats, mais j’ai trouvé passionnants ceux auxquels j’ai assisté, notamment hier, lorsqu’il a été question de la gestation pour autrui, bien que je sois personnellement très opposé à cette pratique. Je voudrais d’ailleurs remercier Mme la présidente de la commission et M. le rapporteur d’avoir assumé franchement leurs positions – même si je ne les partage pas –, notamment lorsque M. le rapporteur nous a expliqué qu’il avait déposé des amendements pour que l’on puisse ouvrir ce débat.

Je crois que c’est l’honneur du Sénat d’aborder tous les problèmes. Nous devons avoir le courage, quelles que soient nos opinions – je défends moi-même une certaine vision éthique – et, malgré les cris d’orfraie que l’on peut entendre à l’extérieur, d’aborder toutes les questions.

Le débat sur la gestation pour autrui appelle une deuxième remarque de ma part. Hier soir, j’ai été un peu surpris d’entendre que la plupart de nos collègues favorables à cette pratique considérait qu’elle correspondait à une évolution inéluctable.

Permettez-moi de vous faire part de mon expérience personnelle dans un autre domaine. J’appartiens à la « génération 68 » et je me souviens des discours tenus à l’époque sur la famille ou la vie personnelle, qui ont prévalu jusqu’aux années 1980. Souvenez-vous des mots d’ordre : plus de famille, collectivité complète des enfants, Peace and Love partout ! L’ensemble des médias adoptait ce discours, de même que la classe politique, et tout le monde pensait que cette évolution était inéluctable, que toutes les générations nouvelles devaient adopter cette logique. Or, dès le début des années 1980, nous avons pu constater que la jeune génération manifestait un grand attachement aux valeurs familiales, que la famille constituait sa préoccupation principale.

J’invite donc nos collègues qui défendaient la gestation pour autrui à se méfier, car aucune évolution n’est inéluctable. Je sais bien que nous sommes tous influencés par la pensée marxiste et que nous croyons que le progrès se réalise obligatoirement. Ce n’est pas vrai : dans l’histoire, on observe aussi des retours aux valeurs fondamentales.

Je dois maintenant expliquer pourquoi, à titre personnel, je voterai contre ce projet de loi. Je pense en effet que la situation va évoluer et j’appartiens, par ailleurs, aux Défenseurs d’éthique, un courant politique peut-être assez « braqué », voire un peu brutal, mais je ne le regrette pas.

Deux raisons essentielles expliquent mon vote.

En premier lieu, je suis tout à fait opposé à l’autorisation accordée aux couples homosexuels de recourir à l’aide médicale à la procréation ; je pense que le Gouvernement et l’Assemblée nationale devraient revenir sur les dispositions adoptées par le Sénat.

En second lieu, l’autorisation encadrée de la recherche sur les cellules souches embryonnaires me pose de nombreux problèmes. À titre personnel, je réfléchis depuis longtemps à ces questions ; malgré tout, je me laisse peut-être porter par mon éthique personnelle et je demeure opposé à ces pratiques, mais j’avoue qu’il n’est pas simple d’avoir à choisir, surtout quand on songe à nos chercheurs, qui s’interrogent également beaucoup.

Quoi qu’il en soit, je voterai contre ce projet de loi, en espérant qu’il retrouve, au cours de la navette, l’esprit qui avait prévalu à l’Assemblée nationale sur ces deux points.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je tiens tout d’abord à remercier M. le président Gérard Larcher, qui nous a permis, en amont, d’organiser les Rencontres de la bioéthique, ainsi que M. Josselin de Rohan, qui, en confiant à notre groupe la responsabilité d’un travail sur les cellules souches, nous a permis de nous interroger ; j’ai découvert les potentialités de ces recherches à cette occasion.

Je remercie également Muguette Dini et Alain Milon, non seulement pour la façon dont ce débat a été préparé, mais aussi pour leur logique, car ils ont su la mener à son terme. Leur logique est une logique de la vie. Mais je m’inscris dans une autre logique de la vie.

Je l’avoue, au terme de ce débat, je regrette un de mes votes : celui que j’ai émis hier sur le transfert des embryons post mortem. À la suite de ce vote, monsieur le rapporteur, vous avez demandé une suspension de séance pour que la commission des affaires sociales se réunisse, afin de la consulter sur le sort qui devait être réservé à ces embryons. J’ai alors vu le médecin que vous êtes, cher Alain Milon, bouleversé à l’idée de devoir annoncer à une femme que le choix qui lui est ouvert se réduit à cette alternative : la destruction de l’embryon ou son don.

Cette problématique que nous avons évoquée, hier, en petit comité, au salon Victor Hugo, s’applique dans les mêmes termes aux 159 000 embryons surnuméraires que nous avons produits jusqu’à aujourd’hui.

Je comprends Alain Milon et un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues, lorsque vous dites que, finalement, la différence n’est pas énorme entre l’interdiction assortie de dérogations et l’autorisation encadrée. Vous avez raison, cher Alain Milon, sur le plan technique, il n’y a pas de grande différence : les deux expressions veulent dire à peu près la même chose, mais l’interdiction pose une limite symbolique.

La vraie différence, nous aurions pu l’établir grâce au diptyque que je proposais à nos collègues d’adopter et qui nous aurait peut-être permis de revenir au texte de l’Assemblée nationale, à savoir : « Oui à la recherche, quand elle ne porte pas atteinte à la viabilité et à l’intégrité de l’embryon. » Telle est la première raison pour laquelle je ne pourrai pas voter ce texte.

La deuxième raison de mon vote négatif tient au fait que j’ai eu le sentiment que nous jouions le rôle de scribes, comme je l’ai dit lors de la discussion générale. Finalement, nous avons autorisé la vitrification ovocytaire, mais sans véritable contrepartie, car la pratique des embryons surnuméraires se poursuit. En outre, le diagnostic préimplantatoire sur l’enfant à naître en vue de soigner un enfant déjà né, ou DPI-HLA, perd son caractère expérimental : nous n’en connaîtrons donc pas les conséquences. En ce qui concerne le financement de la recherche sur la trisomie 21, j’ai regretté que l’amendement de notre collègue Bruno Retailleau ait été balayé. Enfin se pose le problème de l’abandon de la stricte finalité thérapeutique : désormais, l’assistance médicale à la procréation a aussi une finalité sociale.

Telles sont les raisons pour lesquelles, pour la première fois, et croyez bien que j’en suis désolée, madame la secrétaire d’État, je voterai contre un texte du Gouvernement. Je vous remercie néanmoins de la façon dont, avec Xavier Bertrand, vous avez participé à ces débats.

Je veux aussi remercier, à cette occasion, l’ensemble des administrateurs de la commission.

Permettez-moi enfin, mes chers collègues, de remercier publiquement, même si c’est tout à fait inhabituel, mes deux collaboratrices, Margaux Ripley et Marie Souleau Joffre, qui, depuis cinq ans, ont réalisé un travail exceptionnel. Il m’est arrivé de remettre au ministère des documents comparant toutes les productions des différentes instances, et mes interlocuteurs ont souvent été étonnés du travail abattu par mes collaboratrices.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Mes chers collègues, je commencerai mon propos en vous remerciant toutes et tous. Ce projet de loi touche à l’humain, et la diversité des points de vue exposés, durant ces quatre jours, sur ses différents aspects prouve la complexité des décisions que nous avions à prendre.

En vous écoutant les uns et les autres, je constatais que chacun avait des raisons personnelles d’être content, ou mécontent, de tel ou tel article, de tel ou tel alinéa. Mais, au bout du compte, je pense que ce texte est, malgré tout, globalement satisfaisant.

Les quatre jours de débat que nous venons d’avoir ont fait suite à plusieurs semaines de discussion au sein de la commission des affaires sociales et à toutes les réunions organisées par Muguette Dini et Marie-Thérèse Hermange dans le cadre des Rencontres de la bioéthique.

Finalement, nous avons réussi à nous « faire une idée », qui n’est certainement pas – surtout pas ! – une idée définitive : d’où la nécessité d’une révision de la loi. Les convictions d’aujourd’hui pourront être ébranlées dans les jours ou les semaines qui viennent par telle ou telle découverte.

Je voudrais donc saluer la qualité du travail effectué au sein de notre assemblée et saluer la sérénité de nos discussions. Je vous ai dit, en début de séance, que nous avions le devoir, au-delà des crispations naturelles, normales, humaines, de marier la raison et la sagesse… J’ai le sentiment, malgré les regrets des uns et des autres, que nous y sommes parvenus.

La commission des affaires sociales avait apporté des modifications importantes au projet de loi.

Elle avait autorisé, dans des conditions aussi strictement encadrées qu’aujourd’hui, les recherches sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires, considérant que le régime actuel d’interdiction assortie de dérogations fragilisait la recherche française. Cette autorisation a été confirmée ce matin.

Elle avait rétabli la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes, après sa suppression du texte par l’Assemblée nationale, mais selon de nouvelles modalités de levée automatique pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2014. La suppression de la levée de l’anonymat a finalement été entérinée.

Elle avait, contre l’avis de son rapporteur, supprimé la possibilité de transfert post mortem des embryons, ouverte par l’Assemblée nationale, la jugeant contraire à l’intérêt de l’enfant. Cette position a été maintenue.

Elle avait prévu l’élaboration d’un référentiel pour les techniques d’insémination avec donneur. Cette proposition a reçu un accueil favorable.

Elle avait refusé le don de gamètes avant d’avoir soi-même procréé, ainsi que l’autoconservation, considérant qu’il s’agirait là d’un changement complet de l’esprit du don. Le même argument a justifié la suppression de la priorité d’accès à une greffe pour le donneur d’organe. Ces propositions ont été approuvées.

Elle avait institué une obligation d’association des citoyens aux questions de bioéthique par l’organisation d’états généraux tous les cinq ans et avant toute modification de la législation sur la bioéthique. Cette obligation a été maintenue.

Elle était revenue sur l’abrogation de l’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale, texte attendu par une grande partie des professionnels. Cette position a été confirmée par le Sénat.

Enfin, elle n’avait pas autorisé la gestation pour autrui, tout en soulignant les difficultés que pose la filiation des enfants nés de ce procédé à l’étranger. Nous avons eu, comme nous le souhaitions, un débat de très haut niveau sur ce sujet hier soir.

En définitive, mes chers collègues, tout en remerciant les collaborateurs qui nous ont entourés et en saluant l’intelligence dont ils ont fait preuve dans l’analyse ainsi que leur sens de la synthèse – car il n’est pas toujours facile de nous suivre ! –, je voudrais vous dire que le texte issu de nos travaux grandit une fois encore le Sénat ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne serai pas longue, mes chers collègues, car Alain Milon a déjà exposé tout ce que je souhaitais vous dire.

Je voudrais néanmoins insister sur la remarquable tenue de ces débats et souligner à quel point j’ai admiré la cohérence dont chacun d’entre vous a fait preuve dans ses convictions.

Je pense, en particulier, à Marie-Thérèse Hermange. Tout le monde sait que je ne partage pas ses convictions, mais je tiens à la féliciter d’avoir conservé cette cohérence. Je voulais aussi la remercier de nous avoir si bien éclairés l’année dernière. Je ne suis pas certaine que, sans cet éclairage, j’aurais pris conscience de manière aussi nette de mes responsabilités dans le cadre de l’examen de ce projet de loi.

Je crois que notre collègue mérite vraiment qu’on lui rende hommage.

La qualité de nos échanges doit aussi beaucoup aux présidents de séance qui se sont succédé – M. Jean-Pierre Raffarin, pour sa toute première présidence, M. Jean-Léonce Dupont, M. Bernard Frimat, M. Roland du Luart et vous-même, madame la présidente –, ainsi qu’à l’ensemble de nos collaborateurs, qui, dans les différentes fonctions qu’ils occupent, travaillent silencieusement auprès de nous.

Enfin, madame la secrétaire d’État, tout en vous chargeant de transmettre mes remerciements à M. Xavier Bertrand, je vous remercie de votre écoute, de vos explications, de vos réponses et, même si nous n’avons pas toujours été d’accord, bien entendu, de votre courtoisie. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.