M. Jean-Pierre Bel. Il s’agit d’un débat, monsieur le ministre !

M. Bernard Piras. Vous n’avez pas répondu aux questions !

M. Éric Besson, ministre. J’ai annoncé en préambule que je répondrais de façon plus détaillée à chacun des orateurs après un propos plus général. Je prends vos réactions comme un encouragement, dont je vous remercie.

Monsieur Biwer, vous avez raison : le centre de gravité du monde industriel se déplace vers l'Asie. C’est pour nous une source de difficultés, appelant des adaptations, mais aussi de chances très importantes. Beaucoup d'économistes ont montré, par exemple, que la croissance des classes moyennes asiatiques représentera, pour les entreprises qui s’y seront préparées, un marché potentiel extrêmement vaste.

Vous insistez sur la nécessité de créer des conditions propices au développement de l'industrie. C’est ce que fait, me semble-t-il, le Gouvernement. J’ai déjà évoqué les douze filières stratégiques sur lesquelles nous travaillons, destinées à faire collaborer des grandes entreprises et des PME, afin que se créent de véritables relations partenariales entre sous-traitants et donneurs d’ordres.

Vous avez également évoqué, monsieur Biwer, le financement des entreprises. À cet égard, le Gouvernement a confié au député Jean-Luc Warsmann une mission sur la mise en place de mesures de simplification applicables à tous les acteurs économiques. C’est là une nouvelle étape dans la voie de la simplification.

Enfin, vous avez souligné à juste titre l'importance du crédit d’impôt recherche, auquel 4 milliards d'euros sont désormais consacrés.

M. Vall, quant à lui, a insisté sur l’image de l'industrie. C'est un sujet que certains trouveront peut-être anecdotique, mais il est exact que certains secteurs industriels ne parviennent pas, actuellement, à recruter. Nous devons montrer à nos concitoyens la permanence du lien existant entre progrès technique et progrès social et leur expliquer comment l'industrie continuera d'améliorer leur vie quotidienne.

Nous devons aussi montrer à nos jeunes dès le lycée, comme nous nous y sommes employés lors de la « semaine de l’industrie », que l'industrie peut être source de métiers extrêmement intéressants, de métiers de qualité, et qu'il faut rompre avec l’idée que les métiers de l’industrie seraient par hypothèse « sales » ou faiblement qualifiés. Telle n’est pas la réalité de l'industrie aujourd'hui.

J’ai rencontré la semaine dernière le Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France. Nous nous sommes accordés pour estimer qu’il fallait mener deux types d'actions : l’État doit apporter son aide et promouvoir des initiatives comme celle de la « semaine de l'industrie », tandis que les fédérations professionnelles doivent défendre leurs métiers et leurs formations.

M. Vall a en outre appelé de ses vœux une simplification administrative. Je rappelle que des assises nationales de la simplification se tiendront le 29 avril.

M. Danglot a évoqué une financiarisation de l'économie. Cela correspond peut-être à une réalité à l’échelon mondial, mais on ne saurait prétendre que, depuis 2007, l’action du Gouvernement se serait inscrite dans cette logique. J'ai déjà évoqué le crédit d’impôt recherche ; je pourrais aussi souligner l'importance du Fonds stratégique d'investissement, dont les engagements se sont élevés à 3,6 milliards d'euros depuis la fin de 2008 : ce n'est pas rien ! Le Fonds stratégique d’investissement est ce fonds souverain dont certains appellent de leurs vœux la création.

Dans le même esprit, je rappellerai que 35 milliards d'euros ont été mobilisés au titre des investissements d’avenir, qui permettront notamment la mise en place des instituts de recherche technologique et de pôles d'excellence industrielle. Voilà deux ans, alors que nous étions au cœur de la crise, la France, sur l’initiative du Président de la République, a choisi d’engager un plan de relance et d’emprunter pour l’avenir. Nous commençons aujourd’hui à voir les résultats de cette politique. Le Président de la République avait déclaré que notre pays devait sortir de la crise plus fort qu’il n’y était entré : c’est le cas, grâce notamment aux investissements d'avenir.

Enfin, monsieur Danglot, vous jugez que l'État n'intervient pas assez, notamment dans le secteur de l'automobile. Je rappelle tout de même que des prêts d’un montant de 6 milliards d’euros ont été accordés à Renault et à PSA, que la prime à la casse a représenté une dépense de plus de 1 milliard d'euros et que les garanties OSÉO apportées à plus de 900 PME ont permis à celles-ci de se consolider et de se développer.

J’ajoute que, en matière de partage de la valeur ajoutée, vos analyses devraient logiquement vous conduire à voter le projet de loi instituant une prime pour les salariés, que défendra mon collègue Xavier Bertrand…

M. Yves Daudigny. Cela m’étonnerait !

M. Éric Besson, ministre. Monsieur Leroy, je vous remercie d’avoir rappelé les différents outils mis en place ou renforcés par le Gouvernement. Je viens d'en citer quelques-uns : le FSI, la Conférence nationale de l'industrie, le crédit d’impôt recherche, les pôles de compétitivité. Comme vous l'avez souligné, l'association des collectivités locales est un élément crucial. Par exemple, si le Fonds stratégique d'investissement a été créé par apports de l'État et de la Caisse des dépôts et consignations, il s’appuie sur le réseau régional de cette dernière pour identifier les dossiers. Quant à la Conférence nationale de l'industrie, sous l'impulsion de son vice-président, Jean-François Dehecq, elle cherche à mieux s'adosser aux réseaux locaux.

À juste titre, vous avez insisté sur l’importance de la confiance, en particulier dans la relation entre capital et travail. Le projet d’attribution d’une prime aux salariés en cas d’augmentation des dividendes versés aux actionnaires témoigne, me semble-t-il, de notre volonté de promouvoir et de renforcer cette confiance. L'idée est simple : quand une entreprise va mieux, il est logique et sain qu’elle en fasse aussi profiter ses salariés.

Concernant enfin l’AFII et Ubifrance, monsieur Leroy, ces deux organismes sont sous la tutelle de mes collègues Christine Lagarde et Pierre Lellouche. Je leur ferai part de vos réflexions.

Monsieur le sénateur Michel Teston, vous avez évoqué l’avenir de la filière autobus et poids lourds. Il s’agit en effet d’un sujet important. Les services du ministère sont déjà en contact avec les différents acteurs, notamment Renault, dont l’État détient une part du capital, et Iveco. La cession d’actions de Volvo par Renault n’a concerné que des actions sans droit de vote. Ainsi, Renault reste le premier actionnaire de Volvo en termes de droits de vote. J’ajoute que Renault Trucks investit de manière régulière en France, qu’il s’agisse des sites de Blainville-sur-Orne, de l’Ain ou du Rhône, où les investissements ont été opérés en lien avec le pôle de compétitivité Lyon urban trucks and buses.

Madame la sénatrice Élisabeth Lamure, je vous ai déjà répondu sur un certain nombre de points. J’ajoute que la Conférence nationale de l’industrie aura bien entendu un rôle clé à jouer sur des sujets tels que la structuration des filières, la compétitivité comparée entre la France et l’Allemagne ou la formation professionnelle. J’en ai parlé récemment avec M. Jean-François Dehecq, vice-président de la CNI. Je suis d’accord avec vous, madame la sénatrice : la CNI doit certes être une structure d’analyse, mais aussi un moteur. Il ne s’agit pas de créer des commissions pour le plaisir : leur utilité et leur caractère opérationnel ne doivent faire aucun doute. Nous aurons l’occasion, très prochainement, de faire ensemble un nouveau point sur ce sujet.

Monsieur le sénateur Jean-Pierre Bel, vous avez évoqué l’écart de compétitivité entre la France et l’Allemagne. J’ai indiqué, dans mon propos liminaire, qu’il serait erroné de réduire ce sujet à celui de la compétitivité-coût. Pour autant, quelles que soient les statistiques retenues, il apparaît que la France a décroché par rapport à l’Allemagne en matière de coût du travail depuis le début des années 2000.

Ce qui est préoccupant, ce n’est pas tant que le coût du travail charges comprises soit désormais supérieur en France à ce qu’il est en Allemagne. Tous les experts reconnaissent qu’il existe une disparité : le débat ne porte que sur son ampleur. Le plus inquiétant, c’est que, en tendance, notre compétitivité par rapport à l’Allemagne est en train de se dégrader en termes de coût du travail. C’est une évidence absolue, quelles que soient les explications que l’on puisse donner de ce fait ! Cela mérite débat, et peut-être la prochaine campagne présidentielle sera-t-elle l’occasion de mettre ces questions sur la table.

M. Jean-Louis Carrère. On n’en prend pas le chemin !

M. Éric Besson, ministre. Il est évident, par exemple, que les employeurs allemands paient moins de cotisations sociales que les employeurs français. Comment tenir compte de cette tendance sans réduire la protection sociale ? Il me paraît absolument nécessaire de répondre à cette question.

Dans cette perspective, il faut avoir une démarche pragmatique. La CNI, qui compte un certain nombre de syndicalistes en son sein, a été saisie du dossier, car il faut au moins que nous soyons d’accord sur le diagnostic, quitte à diverger ensuite sur les conclusions à en tirer.

Vous avez également évoqué, monsieur Bel, la politique en faveur des territoires. Le Gouvernement a pris en compte cette dimension en créant, en mars 2009, le Fonds national de revitalisation des territoires, le FNRT, qui accorde des prêts bonifiés sans garantie aux entreprises créant des emplois dans les territoires les plus en difficulté.

Monsieur le sénateur Daniel Raoul, vous avez parlé des fonds régionaux d’investissement solidaire, les FRIS. Je rappelle que le Fonds stratégique d’investissement alloue 200 millions d’euros par an aux fonds nationaux et régionaux. Un fonds régional vient ainsi d’être créé en Alsace, et le FSI est prêt à cofinancer d’autres fonds.

Vous avez aussi abordé le thème des biotechnologies. J’ai indiqué tout à l’heure à quel point le développement des biotechnologies est un sujet crucial aux yeux du Gouvernement.

En plus des efforts consentis directement par l’État, le FSI a créé en son sein un fonds consacré aux biotechnologies, InnoBio, qui a déjà investi dans plusieurs sociétés prometteuses.

Concernant la production d’électricité d’origine photovoltaïque, je tiens à souligner qu’elle a été multipliée par quarante-cinq en deux ans ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. On partait de rien !

M. Éric Besson, ministre. Certes, on partait de pas grand-chose, mais en soulignant ce fait, vous rendez un hommage appuyé à l’action du Gouvernement ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Nous avons mis fin à ce qu’il faut bien appeler une bulle spéculative. Personne ne souhaite que les finances publiques soient mises à contribution de façon inconsidérée. Or, il existait objectivement une bulle spéculative importante. Nous avons donc pris des dispositions qui permettront le développement du photovoltaïque en France tout en évitant la réapparition d’un tel phénomène.

Enfin, nous avons voulu, dans le même temps, favoriser l’émergence d’une filière industrielle du photovoltaïque. Il ne suffit pas de promouvoir l’énergie solaire ; il faut aussi que cela permette de créer des emplois en France et en Europe. C’est à cela que nous nous sommes attelés.

M. Mirassou a parlé d’acte manqué à propos de ce rapport sur la désindustrialisation.

M. Jean-Louis Carrère. Il a raison !

M. Éric Besson, ministre. Il me semble au contraire utile. Le travail de la mission commune d’information, qui a débouché sur la rédaction d’un rapport dense et argumenté, a largement contribué à nourrir la réflexion.

M. Jean-Louis Carrère. Ce sont surtout les conclusions qui sont un acte manqué !

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement se trouve en phase avec plusieurs des préconisations de ce rapport, mais cela ne signifie pas que le travail soit achevé. Il reste beaucoup à faire. Loin de relever d’un acte manqué, le rapport de la mission commune d’information me semble donc au contraire constituer un apport précieux au renouveau de notre conception de la politique industrielle.

Vous parlez d’anticipation dans les filières clés, monsieur Mirassou. Les comités stratégiques de filière que j’évoquais tout à l’heure ont précisément pour rôle d’anticiper. Celui de la filière aéronautique sera réuni officiellement par mon collègue Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports, et moi-même à l’occasion du prochain salon du Bourget, au mois de juin.

En ce qui concerne la taxe professionnelle, monsieur Mirassou, écoutons ce que nous disent tous les chefs d’entreprise sur le sujet : sa suppression a clairement permis d’accroître la compétitivité de nos entreprises. Si vous ne voulez pas rendre hommage au Gouvernement sur ce point,…

M. Jean-Jacques Mirassou. Non, je ne veux pas !

M. Éric Besson, ministre. … remerciez-le au moins d’avoir tenu compte de ce que disait François Mitterrand à propos de la taxe professionnelle, qu’il qualifiait d’« impôt imbécile » ! Nous avons donc supprimé cette imbécillité. Souvenez-vous en outre que M. Strauss-Kahn (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste)

Vous devriez apprécier que je rende hommage à François Mitterrand et à Dominique Strauss-Kahn !

M. Jean-Louis Carrère. Parlez plutôt de vos nouveaux amis !

M. Éric Besson, ministre. Dominique Strauss-Kahn avait supprimé la part salariale de la taxe professionnelle, en soulignant que cela ne devait être qu’une étape sur la voie de la disparition de cet impôt.

M. Jean-Louis Carrère. Parlez plutôt de vos nouveaux amis !

M. Éric Besson, ministre. Nous avons achevé le travail : c’est donc une œuvre collective que nous avons accomplie.

M. Jean-Louis Carrère. L’UMP parle à l’UMP !

M. Éric Besson, ministre. Monsieur Daunis, je partage votre constat : plus personne ne revendique l’avènement d’une société postindustrielle. C’est parce que nous aurons une industrie forte que nous aurons ensuite une économie forte, par le biais de l’innovation et de l’exportation.

Vous proposez par ailleurs de mêler concurrence et coopération. C’est, encore une fois, la vocation des comités stratégiques de filière et des pôles de compétitivité.

Quant à l’appel à la mise en place d’un Small Business act, s’il s’agit d’indiquer que le Gouvernement doit accorder une priorité au développement des petites et moyennes entreprises, nous sommes d’accord. Mais ne tombons pas dans le fétichisme du Small Business act ! Il s’agit non pas d’un texte gravé dans le marbre, mais d’une construction permanente, révisée quasiment tous les mois. Si l’on agrège les décisions que nous avons prises en faveur des TPE ou des PME, il me semble qu’il existe déjà dans les faits un Small Business act dans notre pays, même s’il ne porte pas ce nom.

Madame Garriaud-Maylam, vous avez évoqué l’internationalisation des PME. Nous aurons l’occasion d’en reparler avec mes collègues Frédéric Lefebvre et Pierre Lellouche, qui travaillent sur certains des thèmes que vous avez cités.

Pour autant, le ministère de l’industrie essaie, lui aussi, de soutenir le développement des PME à l’international. Ubifrance a ainsi signé avec les pôles de compétitivité une convention en ce sens. L’ensemble des outils mis en place par le ministère de l’industrie – je pense notamment à la médiation de la sous-traitance – aident les PME à se renforcer sur leur socle national, et donc, de manière indirecte, à être mieux à même de se développer à l’international. Nous avons par exemple pu constater les résultats de cette action lors de la toute récente foire industrielle de Hanovre, où tous les dirigeants de PME réussissant bien à l’exportation ont expliqué au Premier ministre que leur entreprise disposait d’une base solide en France. Il n’y a donc pas opposition entre développement de l’activité sur notre territoire et expansion à l’international, mais complémentarité.

Il fut un temps où un certain nombre d’économistes vantaient les mérites des sociétés postindustrielles. Je me réjouis que l’ensemble des orateurs, toutes sensibilités politiques confondues, aient montré que la France continue de croire à la nécessité d’une politique industrielle forte dont l’État soit un levier majeur. Cette conviction ressort confortée de la crise financière et économique que nous venons de vivre. On observe que ce sont les pays ayant gardé une épine dorsale industrielle forte qui ont le mieux résisté à la crise, même si eux aussi ont été touchés. Ainsi, si la France a moins souffert qu’un certain nombre de ses partenaires européens, elle le doit notamment à la force toujours réelle de son industrie. C’est cette force que nous voulons tous développer. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Débat interactif et spontané

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure trente par la conférence des présidents.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes au maximum. S’ils sont sollicités, la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires ou le Gouvernement pourront répondre.

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Monsieur le ministre, ma région, la Bourgogne, vient de perdre en deux ans 22 000 emplois, dont 10 000 emplois industriels chez Potain, Kodak, Dim, Fruehauf, Hoover… Chaque fois, les collectivités locales ont été mises à contribution pour pallier les difficultés et reconstruire, au travers de contrats de site. À cet égard, l’État n’a pas toujours honoré sa parole. Les collectivités territoriales se trouvent démunies, d’autant qu’elles ont perdu à la suppression de la taxe professionnelle. Elles affrontent aujourd’hui seules les difficultés liées à la désindustrialisation.

Ma question portera sur un sujet qui n’a pas encore été évoqué, le développement de l’éolien. Le Gouvernement a-t-il vraiment la volonté de le favoriser, à l’heure où la filière commence à se structurer ? En cinq ans, 1 000 emplois ont été créés en Bourgogne dans la production de roulements à billes, de mâts, de pales, par des entreprises innovantes implantées dans des secteurs désindustrialisés comme l’Yonne ou la région du Creusot et de Chalon-sur-Saône.

Le Gouvernement est-il en mesure d’accélérer le processus de décision d’implantation de parcs éoliens et d’accompagner les efforts consentis par des collectivités, notamment en termes de formation, pour aider au développement d’une filière désormais structurée et à même d’exporter, mais en attente ? Le Gouvernement est-il disposé à donner un coup d’accélérateur pour que la filière française de l’éolien puisse atteindre le meilleur niveau européen ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Monsieur Patriat, entendons-nous bien : je n’ai jamais dit que tout allait bien.

M. Marc Daunis. C’est pourtant ce que nous avons compris !

M. Éric Besson, ministre. Après avoir établi le constat des forces et des faiblesses de l’industrie française, nous nous interrogeons collectivement sur les moyens de renforcer nos atouts et de remédier à certaines de nos faiblesses et de nos lacunes.

Le fait que, l’année dernière, pour la première fois depuis 2000, notre industrie ait créé plus d’emplois qu’elle n’en a détruits ne signifie bien évidemment pas que tous les territoires aient connu une amélioration : certains d’entre eux ont continué à souffrir, je n’en disconviens pas.

En ce qui concerne notre politique énergétique, vous en connaissez les fondements. La France a fait, depuis cinquante ans, le choix du nucléaire civil ; ce choix sera maintenu, avec un renforcement de la sécurité et de la transparence. Dans le même temps, conformément aux conclusions du Grenelle de l’environnement, nous entendons développer la production d’électricité à partir des énergies renouvelables.

Ainsi, depuis l’élection du Président de la République en 2007, la production d’électricité d’origine éolienne a été multipliée par dix. Nous développons l’éolien tant sur terre qu’offshore. Lors de la visite qu’il a effectuée à Saint-Nazaire voilà quelques semaines, le Président de la République a annoncé le lancement d’un appel à projets portant sur une capacité de production de 3 000 mégawatts, ce qui représente très exactement la moitié des engagements pris au titre du Grenelle de l’environnement. Cet appel à projets, eu égard à son ampleur, aura nécessairement une dimension européenne. Tout sera lancé au début de l’année prochaine.

Comme vous pouvez le constater, nous respectons scrupuleusement le tableau de marche qui avait été annoncé à la suite du Grenelle de l’environnement. Contrairement à une idée reçue, le Gouvernement est même en avance par rapport à celui-ci, que ce soit en matière d’éolien ou de photovoltaïque.

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Je tiens tout d’abord à remercier et à féliciter les membres de la mission commune d’information, notamment son rapporteur.

M. Daniel Raoul. Et pas son président ?

M. Jacques Blanc. L’industrialisation est un facteur d’aménagement du territoire. Il n’y aura pas de développement rural, de vie dans les zones de montagne sans une véritable industrialisation.

Dans cette optique, il est indispensable que l’accès au très haut débit et à l’électricité soit assuré à des prix identiques sur tous les territoires. Or, aujourd’hui, le coût d’un abonnement au très haut débit est beaucoup plus élevé en Lozère, par exemple, que dans une grande ville, même si les investissements pour l’équipement en fibre optique ont fait l’objet d’aides des collectivités concernées. En outre, dans nos régions, les entreprises fortement consommatrices d’électricité doivent participer au financement des équipements réalisés par ERDF pour assurer leur desserte. Je tenais à mettre l’accent sur ces deux aspects essentiels.

Enfin, s’agissant du photovoltaïque, je souligne qu’un décret fixe des délais d’exécution des travaux sans tenir compte de contraintes liées par exemple à la conduite de recherches archéologiques, qui peuvent fortement ralentir le processus. Pourriez-vous vous pencher sur cette question, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Monsieur le sénateur, je vais demander à mes services d’étudier avec attention le dernier point que vous avez soulevé et d’envisager, le cas échéant, la possibilité d’un « gel » de la période consacrée aux recherches archéologiques.

Pour le reste, vous avez entièrement raison : il existe un lien entre la qualité des infrastructures et le développement industriel. Nous sommes vigilants sur ce point. En ce qui concerne le développement de l’économie numérique, nous avons ainsi pris un certain nombre d’initiatives importantes.

Je ferai d’abord un constat : comme le montre un récent rapport européen, en matière de haut débit, la France se situe à la troisième place en Europe. On peut certes estimer que nous pouvons faire mieux encore, mais cela signifie néanmoins que nous disposons déjà d’une base plutôt satisfaisante.

La grande bataille, c’est celle du très haut débit. Nous étudions actuellement comment améliorer l’aménagement numérique de nos territoires. Le développement de l’équipement en fibre optique constitue un premier axe. Nous avons dépassé, fin décembre, le cap du million d’abonnés, l’objectif étant de doubler ce nombre avant la fin de cette année, ce qui ferait de la France l’un des pays les plus performants à cet égard au sein de l’Union européenne. Nous travaillons sur ce dossier en lien avec les opérateurs, l’État ne jouant dans ce domaine qu’un rôle d’incitation par le biais notamment des investissements d’avenir. Par ailleurs, l’appel d’offres pour la téléphonie et l’accès à internet mobile de quatrième génération sera lancé très prochainement. Comme l’ont voulu tant le Parlement que le Gouvernement, le développement et l’aménagement de nos territoires constituent le premier critère fixé dans l’appel d’offres, le deuxième étant la concurrence et le troisième la valorisation du patrimoine immatériel de l’État.

Il s’agit, je le crois, d’objectifs ambitieux, presque trop aux yeux des opérateurs, mais il doit en être ainsi pour assurer un développement numérique soutenu. Cela étant, un certain nombre de zones ne pourront être couvertes que par le satellite, car bien évidemment tout le territoire ne saurait être raccordé à la fibre optique.

Nous aurons l’occasion de revenir sur tous ces sujets, mais soyez convaincu que le Gouvernement partage la préoccupation du Sénat de maintenir et de développer la qualité de nos infrastructures, qui est l’un de nos atouts.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Je veux saluer à mon tour le travail remarquable réalisé par la mission commune d’information, que j’ai accueillie lors de sa visite dans le Nord.

Je souhaite insister sur l’enjeu essentiel que constitue le soutien aux filières industrielles implantées sur nos territoires, en particulier à la filière ferroviaire, très fortement représentée dans le Nord-Pas-de-Calais, notamment dans le Valenciennois, avec Alstom et de nombreux sous-traitants ou équipementiers.

Il s’agit de soutenir et d’intensifier la recherche et l’innovation au service du développement industriel. Je suis convaincue qu’il ne peut y avoir de maintien et de développement du tissu industriel, par conséquent de l’emploi, si les territoires ne sont pas en mesure d’innover.

L’accent doit être mis avec force sur les liens entre la recherche et le développement industriel, donc sur les relations entre nos universités, nos chercheurs et nos entreprises sur chacun de nos territoires.

Comme le souligne le rapport de la mission commune d’information, il est essentiel que l’ensemble des moyens ne soient pas concentrés sur quelques territoires. Toutes les régions ont besoin d’un système d’éducation et de recherche qui leur permette d’apporter une réponse, en termes de formation, dans les secteurs présentant une importance stratégique pour l’économie régionale. Chaque euro investi pour renforcer la recherche et l’innovation participe de fait à la mise en œuvre des politiques d’aménagement du territoire, tout en renforçant le potentiel compétitif de la France.

Permettez-moi de faire le lien avec le programme d’investissements d’avenir, qui constitue une réelle chance en matière de formation, de recherche et de compétitivité. Dans cette optique, il serait cohérent de conforter le pôle industriel ferroviaire du Valenciennois, et plus largement de la région Nord-Pas-de-Calais, par la création de l’institut européen de la recherche technologique pour l’infrastructure ferroviaire – le projet Railénium –, en lui accordant le statut d’IRT dans le cadre du grand emprunt national.

Le Gouvernement entend-il soutenir cette démarche qui va pleinement dans son sens, qui mobilise une région tout entière et qui a retenu l’attention du jury international lors de son passage dans le Nord-Pas-de-Calais ? La réalisation de ce projet conforterait l’avenir de notre industrie ferroviaire, dans un contexte mondial où peu de chances seront laissées aux secteurs industriels qui n’auront pas misé sur la valeur ajoutée que garantissent la recherche et l’innovation.