Mme Nicole Bricq. Il en manque à l’appel !

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ajoute que vous avez également souhaité renforcer le contrôle exercé par le Parlement sur le Gouvernement en matière budgétaire.

Cette volonté s’inscrit pleinement dans l’esprit de ce texte, dont le principe même est le respect des engagements pris devant la nation, bien sûr, mais aussi devant ses représentants.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez bientôt à examiner des projets de lois-cadres soumis par le Gouvernement. Votre rôle dans la conception de notre stratégie budgétaire deviendra ainsi plus déterminant encore. Aussi était-il naturel que le Parlement examinât systématiquement les programmes de stabilité que la France transmet chaque année à la Commission européenne, comme nous l’avons fait pour la première fois cette année ; c’est un gage de cohérence, mais aussi de transparence.

En prévoyant que ce projet de programme pourra faire l’objet d’un débat et d’un vote à la demande du Gouvernement ou d’un groupe, vous avez, une fois encore, je tiens à le souligner, renforcé l’initiative parlementaire et accordé un nouveau droit à l’opposition, prolongeant ainsi l’esprit de la réforme constitutionnelle de 2008.

Vous avez, enfin, tenu à avancer de deux semaines les délais de dépôt, sur le bureau de l’Assemblée nationale, du projet de loi de finances initiale et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de disposer de plus de temps pour les examiner. Je sais que les commissions sont particulièrement attachées à cette modification du calendrier. De votre côté, vous connaissez la contrainte extrêmement forte que ce calendrier fera peser sur l’exécutif.

J’en viens maintenant à l’unique point sur lequel les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat semblent encore nettement diverger : je pense, bien sûr, à l’impossibilité pour une disposition portant sur les prélèvements obligatoires d’être adoptée hors d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je veux vous dire l’esprit dans lequel le Gouvernement aborde cette question.

Notre priorité est de mettre un terme à la multiplication des niches fiscales et sociales, dont le nombre et le coût sont aujourd’hui excessifs.

M. Bernard Frimat. Qui les a inventées ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Prises isolément, nombre de ces niches peuvent paraître indolores. Pour en mesurer le nombre, l’évolution et le coût réel, il faut les appréhender globalement, ce qui est naturellement impossible lorsqu’elles sont dispersées dans les différents projets de loi examinés tout au long de l’année.

Mme Nicole Bricq. On sait où elles sont !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est pourquoi le Gouvernement s’est fixé une nouvelle règle depuis juin 2010, en s’interdisant de présenter des dispositions affectant les ressources fiscales et sociales en dehors des textes financiers.

Mme Nicole Bricq. Cela n’a rien à voir !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cela lui permet et cela vous permet, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir une vue d’ensemble sur les niches, qui, avec votre accord, seront créées ou supprimées sur l’initiative de l’exécutif.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le problème, c’est le fond et non la forme !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais cela permet surtout de les mettre en regard de l’équilibre budgétaire global défini dans les textes financiers.

C’est l’extension de cette règle aux propositions de loi, comme aux amendements d’initiative parlementaire, qui fait l’objet d’un débat nourri entre vos deux assemblées.

Je veux le dire devant vous aujourd’hui, quelle qu’en soit l’issue, le Gouvernement continuera de respecter la règle que le Premier ministre lui a fixée, comme il continuera de réduire avec détermination le nombre et le coût des niches.

Après un effort encore jamais réalisé de réduction des niches de 11 milliards d’euros en 2011, l’engagement de diminution de 3 milliards d’euros supplémentaires chaque année pendant trois ans – en 2012, en 2013 et en 2014 – sera tenu. Afin que le Parlement soit pleinement informé et associé à cet objectif, je transmettrai aux deux assemblées, comme je m’y étais engagée, le rapport de l’Inspection générale des finances, qui évalue le coût et l’efficacité de chacune des niches.

Je constate également que le cœur de la réforme constitutionnelle portée par ce texte fait consensus entre les deux assemblées ; nous sommes donc tous d’accord sur l’essentiel.

Dès lors, je souhaite qu’un dialogue constructif puisse s’engager sur le dernier point de divergence évoqué, et je serai naturellement très attentive à toutes les propositions que pourra formuler sur ce point la Haute Assemblée, notamment par la voix du président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest.

Nous en sommes, me semble-t-il, tous convaincus, l’inscription de la règle d’or dans la Constitution est une réforme majeure, une réforme d’intérêt public que nous souhaitons tous voir adoptée très rapidement.

Comme vous, je sais que les Français sont troublés par le contexte international et qu’ils attendent, de la part de leurs responsables politiques, des signes très forts de leur détermination à redresser les finances publiques de notre pays.

Permettez-moi de le souligner, c’est bien nous tous qu’ils interpellent aujourd’hui. Car c’est nous tous qui, depuis trente-cinq ans, avons commis une faute collective en accumulant les déficits.

Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons une occasion historique d’effacer définitivement cette faute et de protéger ainsi notre génération et les générations à venir de tout risque de faiblesse future. C’est une démarche responsable que le Gouvernement a entamée depuis quatre ans déjà et qui a reçu le soutien sans faille de la représentation nationale, du moins de la majorité ; elle devrait aujourd’hui pouvoir tous nous réunir.

M. Bernard Frimat. Cela ne va pas être facile !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette occasion historique, nous devons la saisir, et le Gouvernement sait qu’il peut compter sur la sagesse du Sénat pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques nous est soumis, en deuxième lecture, après que l’Assemblée nationale a adopté conformes onze articles sur les dix-sept que comporte ce projet. Ce n’est pas si mal ! (Sourires.)

Tout d’abord, je tiens, moi aussi, à souligner avec force l’accord des deux Assemblées sur le cœur de la réforme, chacune d’entre elle ayant précisé le texte, qui était, à notre avis, assez général et peu contraignant.

C’est ainsi que les députés, puis les sénateurs, ont clarifié et précisé les conditions d’adoption des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, celles de leur modification éventuelle, et l’obligation de rattraper les écarts constatés dans l’exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Le Sénat avait, en outre, aménagé les modalités de contrôle de la conformité des lois de finances et de financement de la sécurité sociale initiale à la loi-cadre, des dispositions approuvées par l’Assemblée nationale.

Le contrôle du Conseil constitutionnel n’est pas un vain mot, puisqu’il est obligatoire. Le Conseil veillera d’ailleurs aussi à contrôler toute initiative intempestive, dont le financement ne serait pas prévu, hors les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, par rapport aux normes fixées dans la loi-cadre.

Si l’on compare ce dispositif très contraignant aux régimes applicables dans d’autres pays européens, tels que, par exemple, la République fédérale d’Allemagne ou la Grande-Bretagne, on peut constater que cette révision constitutionnelle est nécessaire eu égard à la dégradation, depuis plusieurs décennies, de nos équilibres budgétaires, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre.

Contrairement à ce que certains peuvent dire, il s’agit d’une réforme constitutionnelle indispensable, ...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ... à la fois pour la crédibilité financière de notre pays et pour l’obligation impérative de restaurer l’équilibre de nos finances publiques.

Le projet de révision constitutionnelle, si l’on y ajoute l’adoption conforme par les deux assemblées des modalités d’examen par le Parlement du projet de programme de stabilité adressé aux instances européennes, aurait pu être adopté par le Sénat si ne persistait pas un désaccord de fond sur le régime des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires.

Le rétablissement du monopole des lois de finances par l’Assemblée nationale ne peut être soutenu pour les motifs que la commission des lois et plusieurs autres commissions ont largement explicités en première lecture.

Je me permets de rappeler que la commission des lois de l’Assemblée nationale avait, dans un premier temps, supprimé ce dispositif, mais, en séance publique, pour des raisons qui n’apparaissent pas dans les travaux préparatoires, l’amendement a été remplacé par un mécanisme d’irrecevabilité/inconstitutionnalité assez problématique, pour ne pas dire baroque.

Dans le souci – hélas peu compris ! – de la volonté du Sénat de contribuer à une évolution de la réflexion sur ce sujet, nous avons voté un texte substituant au monopole des prélèvements obligatoires un monopole de l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux recettes. Nous avions fait là un effort ! Il nous semblait que nous souscrivions ainsi parfaitement à l’objectif du monopole initialement proposé par le Gouvernement, mais hélas ! en vain.

Sans reprendre en détail les arguments développés en première lecture, nous ne pouvons que maintenir notre analyse des conséquences du monopole des lois financières, qui présente des inconvénients majeurs pour le droit d’initiative parlementaire et pour la cohérence du travail législatif.

Est-il souhaitable et pertinent, trois ans après la révision constitutionnelle de 2008, dont l’un des objectifs était de renforcer significativement le droit d’initiative du Parlement, d’adopter un dispositif qui réduit à néant le droit d’initiative du Parlement ? Nous répondons non, suivant en cela l’avis d’Eugène Pierre, un grand spécialiste du droit parlementaire et du droit électoral, qui indiquait dans le Traité de droit politique, électoral et parlementaire que « le droit d’initiative n’est pas moins important que le droit de vote ».

Est-il cohérent d’appliquer aux parlementaires de nouvelles irrecevabilités, alors qu’ils sont déjà soumis à l’irrecevabilité financière définie par l’article 40 de la Constitution, sans oublier l’irrecevabilité des cavaliers budgétaires ou sociaux, et alors que les mesures de dépenses fiscales les plus importantes ont, en général, été adoptées sur l’initiative du Gouvernement ou, hélas !, pire encore, ont été parfois inspirées par le Gouvernement ? Certainement pas !

Votre prédécesseur, madame la ministre, avait indiqué que cette mesure visait « d’abord à contraindre le Gouvernement lui-même à éviter d’additionner les textes, proposant ici des mesures dérogatoires sur le plan fiscal, là de nouvelles niches sociales. » On ne saurait mieux dire !

Alors qu’il y aurait sans doute lieu de veiller à un respect encore plus scrupuleux de l’article 40 de la Constitution, faut-il pour autant faire peser sur le Parlement le poids de la difficulté qu’éprouve le Gouvernement à se discipliner lui-même ?

Une telle mesure paraît disproportionnée, d’autant que nous devons veiller à assurer une articulation cohérente du monopole avec les règles de priorité définies à l’article 39 de la Constitution.

Comment en effet assurer à la fois la priorité qui revient au Sénat pour les textes dont l’objet principal est l’organisation des collectivités locales – je me permets de souligner que le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler ce point récemment – et la priorité accordée logiquement à l’Assemblée nationale pour les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ?

Le monopole aurait pour effet de vider de tout contenu l’article 72-2 de la Constitution, notamment pour ce qui concerne la compensation des transferts de compétences entre l’État et les collectivités territoriales. Hélas, aucune réponse n’a jamais été apportée à cette contradiction constitutionnelle !

Pour toutes ces raisons, il apparaît que le cadre constitutionnel précis et contraignant des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, ainsi que le contrôle systématique par le Conseil constitutionnel, se suffit à lui-même, d’autant que tout dérapage, que ce soit dans l’élaboration des lois de finances et de financement de la sécurité sociale ou dans leur exécution, sera sanctionné.

À cet égard, on ne peut que saluer la circulaire du 4 juin 2010 du Premier ministre, laquelle prescrit aux ministres de respecter cette « règle d’or », qui relève avant tout de la responsabilité gouvernementale.

Il n’est pas forcément cohérent d’ajouter à une règle constitutionnelle pertinente et nécessaire, et que le Parlement s’honorerait d’adopter, ce qui demeure une règle de procédure, très contestable dans sa forme initiale et dont les effets n’ont pas été parfaitement mesurés.

C’est pourquoi, après maintes réflexions et échanges avec toutes les parties prenantes, dans la mesure où même le monopole différé des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale présente aussi des inconvénients, il est apparu à la commission des lois que le monopole n’était pas le corollaire obligé de la révision constitutionnelle qui nous est proposée, et que nous approuvons.

M. Bernard Frimat. Cela n’est « apparu » à la commission des lois que récemment !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tant que le texte n’est pas voté, nous pouvons débattre, mon cher collègue !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, rapporteur pour avis. Mieux vaut tard que jamais !

M. Bernard Frimat. Il s’agissait d’une simple précision d’ordre chronologique, mes chers collègues !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tel est le sens de l’un de nos amendements, dont l’objet s’adapte parfaitement aux exigences de restauration de l’équilibre des finances publiques, que nous soutenons.

Madame la ministre, d’autres solutions auraient sans doute pu être explorées. Toutefois, celle que nous vous proposons semble en définitive la plus simple, la plus lisible et la plus efficace. Elle est en outre parfaitement conforme à l’exigence impérative de nous doter de règles constitutionnelles qui nous permettront, à l’avenir, de ne plus obérer nos finances publiques.

J’espère que cette règle d’or figurera, comme c’est le cas en Allemagne, dans la Constitution. Je pense qu’une telle évolution est largement suffisante pour éviter le renouvellement de tout ce que nous avons connu depuis trente ans ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien que cela ne soit pas dans ses habitudes, la commission des affaires sociales a souhaité se saisir une nouvelle fois, au stade de la deuxième lecture, de ce projet de loi constitutionnelle, compte tenu de l’importance des enjeux.

Notre rapporteur, Alain Vasselle, l’a dit en première lecture, ce texte mérite d’être soutenu. Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques nous imposeront de définir une trajectoire d’assainissement de nos finances publiques qui aura une portée contraignante pour le Gouvernement et le législateur.

Nous connaissons des déficits depuis bientôt quarante ans et l’expérience a montré que la volonté politique n’a pas réussi à les limiter, même dans les périodes plus favorables où la croissance nous aurait permis de le faire.

Dans ces conditions, les deux assemblées ont trouvé sans mal un accord sur les dispositions du texte relatives aux lois-cadres d’équilibre des finances publiques. Je le rappelle néanmoins, le Sénat avait adopté en première lecture un amendement visant à confier systématiquement l’examen de ces projets de loi-cadre à une commission spéciale composée de membres de la commission des finances et de la commission des affaires sociales. L’Assemblée nationale ayant jugé inutile d’inscrire cette disposition dans la Constitution, nous n’avons pas présenté de nouveau cet amendement. Pour autant, nous persistons à considérer comme indispensable la constitution d’une telle commission spéciale sur des textes de cette nature, car il deviendra essentiel de faire travailler ensemble les spécialistes des finances de l’État et des finances sociales. Nous en ferons d’ailleurs la demande en conférence des présidents.

Si la création des lois-cadres ne suscite pas de difficultés particulières, la question du monopole des lois financières en matière de fiscalité et de recettes de la sécurité sociale reste très débattue entre les deux assemblées, chacune campant sur ses positions : l’Assemblée nationale a confirmé ce monopole, en l’aménageant, tandis que le Sénat a maintenu le dispositif alternatif qu’il préconise. En deuxième lecture, les députés ont rétabli le texte qu’ils avaient précédemment adopté.

La commission des affaires sociales continue à penser, comme la commission des lois saisie au fond, que ce monopole présente plus d’inconvénients que d’avantages.

Il aurait en effet pour conséquence de limiter drastiquement l’initiative parlementaire, et les articles 2 bis et 9 bis, insérés par l’Assemblée nationale, ne changent rien à cet état de fait. Par ces articles, on ne fait en réalité qu’introduire une forme d’hypocrisie dans le dispositif, puisque le Gouvernement serait libre d’invoquer ou non l’irrecevabilité des mesures ne respectant pas le monopole, tout en ayant l’assurance que le Conseil constitutionnel censurerait les dispositions qui n’auraient pas été déclarées irrecevables pendant la discussion.

Par ailleurs, le monopole aurait pour effet de rendre très difficile, pour le Parlement, l’appréhension des grandes réformes. En éclater les mesures constitutives entre des textes ordinaires et des textes financiers que les assemblées ne pourraient discuter simultanément nous mettrait en grande difficulté pour mesurer la portée exacte des évolutions envisagées et proposer des améliorations.

Enfin, le monopole des lois financières aurait pour effet de nous contraindre à débattre de la fiscalité et des recettes de la sécurité sociale exclusivement à l’occasion de textes dont les conditions d’examen sont sévèrement encadrées. À la limite, on pourrait presque soutenir une proposition inverse : est-il raisonnable d’effectuer une grande réforme de la fiscalité dans le cadre de l’examen de la loi de finances, qui ne fait l’objet que d’une lecture dans chaque assemblée et est toujours examinée dans l’urgence ?

J’ajoute que le monopole des lois financières est non seulement dangereux, mais aussi inutile. Dès lors que nous mettrons en œuvre les lois-cadres d’équilibre des finances publiques, Parlement et Gouvernement s’imposeront nécessairement une discipline qui les conduira à cesser de saupoudrer, dans l’ensemble des projets de loi, mesures d’allégement de charges sociales ou niches fiscales.

N’oublions pas que le respect de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques sera vérifié chaque année par le Conseil constitutionnel.

Dans ces conditions, la commission des affaires sociales a proposé, comme la commission des lois, de rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture, lequel subordonne l’entrée en vigueur des mesures relatives aux recettes fiscales et sociales à leur approbation dans le cadre de la loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

Le président de la commission des lois, rapporteur de ce texte, nous propose désormais de supprimer purement et simplement le monopole des lois financières. Il s’agit d’une position raisonnable, qui mérite d’être approuvée et ne vide en rien de sa substance le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis.

Sous réserve de l’adoption des amendements de la commission des lois, la commission des affaires sociales est donc favorable à ce projet de loi constitutionnelle et souhaite que le texte qui résultera de nos travaux, mes chers collègues, puisse faire l’objet d’un accord de la part de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi constitutionnelle dont nous sommes saisis en deuxième lecture me réjouit à double titre.

Tout d’abord, le Sénat et l’Assemblée nationale sont parvenus à un accord sur les lois-cadres d’équilibre des finances publiques, qui devraient constituer un instrument majeur de lutte contre la dérive de nos comptes publics.

Ensuite, s’agissant du monopole des lois financières en matière de prélèvements obligatoires, qui fait encore débat entre nos assemblées, nous devrions adopter tout à l’heure un amendement présenté, au nom de la commission des lois, par M. Jean-Jacques Hyest et visant à la suppression totale de cette disposition.

La commission de l’économie ne peut que se féliciter de cette évolution. Elle s’était en effet saisie pour avis du texte, en première lecture, sur cette seule question du monopole, estimant que celui-ci portait gravement atteinte aux droits du Parlement et, en particulier, aux droits du Sénat. C’est pourquoi de nombreux sénateurs s’étaient mobilisés et exprimés en séance contre une telle disposition.

L’amendement que nous propose aujourd’hui la commission des lois montre que nous avons été entendus, ce dont je ne peux que me réjouir, madame la ministre.

Je rappelle que la commission de l’économie avait adopté un amendement, identique à un amendement présenté par le président de la commission de la culture, M. Jacques Legendre, tendant à supprimer le monopole et à différer au 1er janvier de chaque année l’entrée en vigueur des mesures de dépenses fiscales, afin de permettre au législateur financier de s’en saisir. Cet amendement visait à renverser la charge de la preuve, par rapport au dispositif de validation systématique proposé par les commissions des lois et des affaires sociales.

Peu avant la séance, la commission des lois avait rectifié son amendement, afin d’enserrer la validation dans un délai de quatre mois. À nos yeux, cela aboutissait en pratique à rétablir le monopole. C’est pourquoi j’avais alors présenté en séance, avec nos collègues Jacques Legendre et Jean Bizet, respectivement président de la commission de la culture et président de la commission des affaires européennes, ainsi que de nombreux autres collègues, un sous-amendement à l’amendement présenté par la commission des lois. Aux termes de ce sous-amendement, les dispositifs fiscaux devaient être validés par la prochaine loi de finances, ce qui préservait davantage les droits des parlementaires.

Même si nous avions adopté ce dispositif en considérant qu’il s’agissait d’un moindre mal par rapport à celui qui était proposé par l’Assemblée nationale, la validation systématique présentait un certain nombre d’inconvénients, qui ont d’ailleurs été soulignés lors de nos débats et par la commission des lois de l’Assemblée nationale dans son rapport. Ces réflexions ont d’ailleurs conduit les députés à rétablir le texte qu’ils avaient initialement adopté.

Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation de blocage entre les deux assemblées, blocage dont il faut sortir pour faire aboutir un texte qui conditionne la crédibilité de notre pays au niveau européen.

L’amendement de suppression du monopole proposé aujourd’hui par la commission des lois constitue la solution la plus adaptée. Je voudrais à cet égard saluer la constance et la ténacité de son président.

Madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite souligner la portée du vote du Sénat sur cette disposition, en première lecture et, plus encore, en deuxième lecture. Ce vote devra être pris en considération, car il est très important à double titre : pour les parlementaires que nous sommes, car la maîtrise des finances publiques ne doit pas passer par un affaiblissement du Parlement ; pour le Sénat, qui a su faire preuve d’indépendance afin de préserver ses prérogatives constitutionnelles et la place qu’il occupe dans l’équilibre de nos institutions.

Enfin, ce vote consolide les acquis de la réforme constitutionnelle de 2008, qui a renforcé sensiblement les pouvoirs du Parlement. Plus que jamais, comme le disait M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, il faut faire « le pari qu’en rendant leur liberté aux parlementaires ils mesureront et assumeront la plénitude de leurs responsabilités ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Bernard Frimat. Et où est-il, notre collègue Jean Arthuis ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission de l’économie, mes chers collègues, je constate qu’il ne m’est pas possible de saluer le président de la commission des finances, ni son rapporteur général : sans doute l’absence de ces collègues, si assidus par ailleurs, dit-elle l’importance qu’ils attachent au projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis…

Ainsi donc vous allez parvenir à un compromis, mais il n’a été trouvé que récemment, comme je l’ai fait remarquer tout à l’heure à M. le président de la commission des lois. Et, de fait, les sénateurs de l’opposition non informés ne l’ont appris qu’à quatorze heures quinze, et ceux qui avaient regagné la séance, à quinze heures, les six sénateurs qui constituaient la commission des lois à quatorze heures trente ayant eu le privilège de connaître le compromis en premier.

Madame la ministre, je salue votre effort : en inscrivant ce projet de loi constitutionnelle à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale mercredi après-midi, vous parviendrez à obtenir un vote dans les mêmes termes par les deux assemblées avant la fin de la session extraordinaire. Très bien ! Vous aurez une raison d’être satisfaite…

Cependant, nous savons tous que nous n’irons pas à Versailles. N’y voyez, madame la ministre, aucune marque d’antipathie personnelle, ni contre Versailles ni contre ses représentants… Le fait est qu’aujourd’hui la majorité des trois cinquièmes n’est pas réunie, et que ce n’est pas de manière individuelle, comme la fois précédente, mais à grande échelle qu’il faudrait pratiquer le débauchage si on voulait qu’elle le fût…

Personne ne peut nier que, compte tenu de l’état des finances publiques comme du niveau de la dette, nous nous trouvons dans une situation difficile. Mais, de temps en temps, l’envie me prend de vous inviter à renoncer aux comportements de cour d’école pour considérer simplement les faits, les uns après les autres, et juger sur pièces : quel progrès !

Quand vous dites que le budget de l’État n’a pas été voté en équilibre depuis trente-cinq ans, vous avez raison. Mais quand vous ne dites pas que le niveau de la dette a doublé depuis 2002, vous manquez une autre occasion d’avoir raison ! De même, quand vous ne dites pas qu’une exonération de TVA d’un montant annuel de 3,6 milliards d’euros équivaut à huit années d’économies tirées de la révision générale des politiques publiques, vous ratez une occasion supplémentaire d’avoir raison !

Commençons donc par considérer les faits ; chacun sera ensuite capable de juger.

Face à la situation de nos finances publiques, que nous proposez-vous ? Une révision constitutionnelle, présentée comme un remède miracle…

Vous connaissez, madame la ministre, le propos de Montesquieu régulièrement cité ici, singulièrement au sujet des révisions constitutionnelles : « Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante. » J’ai longuement réfléchi à cette maxime. J’ai conclu qu’elle n’avait pas été observée dans le cas présent, à moins peut-être que le Gouvernement ne soit atteint depuis peu de la maladie de Parkinson, ce qui serait la seule explication possible !

Nous sommes en désaccord sur la démarche.

Il y a d’abord les lapalissades constitutionnelles. Les articles 2 bis et 9 bis du projet de loi constitutionnelle prévoient que le Conseil constitutionnel doit déclarer contraire à la Constitution ce qui est contraire à la Constitution : peut-être ces dispositions font-elles le bonheur de M. Warsmann ; pour notre part, nous ne les jugeons pas indispensables. Dans l’unanimité d’un œcuménisme retrouvé, le Sénat les rejettera une fois de plus : ce sera un point d’accord entre nous cet après-midi !

Le rôle du Conseil constitutionnel est important, et même très important. Nous l’avons encore constaté récemment, lorsque, pour la deuxième fois, il a censuré le projet de loi, frappé de malédiction, fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région. Et il l’a fait parce que le « monopole » reconnu au Sénat pour l’examen en première lecture des textes relatifs à l’organisation des collectivités territoriales n’avait pas été respecté.

Avec le présent texte, vous avez tenté d’établir un monopole, mais vous avez décidé d’y renoncer. Comme nous réclamions la suppression de ce dispositif, nous n’en sommes pas mécontents. Faites encore un petit effort : supprimez les lois-cadres d’équilibre des finances publiques et nous finirons par être d’accord !