droits des ressortissants français dans les cas de divorce dans les familles franco-allemandes

M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 1375, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Roland Ries. Madame la secrétaire d’État, voilà un certain nombre d’années que les familles franco-allemandes en cours de séparation – ou non séparés, mais souhaitant s’établir hors du territoire allemand – rencontrent de grandes difficultés pour conserver la garde de leurs enfants. J’ai personnellement été interpellé à plusieurs reprises dans ma ville par certaines de ces familles qui ont décidé de vivre en France – c’est leur choix !

Il semble que le droit de la famille allemand privilégie, prétendument au nom de l’intérêt de l’enfant, le maintien de ce dernier dans le pays où il a été socialisé, c’est-à-dire l’Allemagne. Tel est en tout cas le principe défendu par le Jugendamt, service allemand d’aide sociale à l’enfance. Dans les faits, en cas de séparation d’un couple franco-allemand, les juridictions allemandes attribuent quasi systématiquement l’autorité parentale au parent allemand résidant sur le territoire allemand. Pour les couples non séparés mais souhaitant s’établir à l’étranger, les enfants sont également parfois retenus sur le sol allemand.

Un document de travail de la commission des pétitions du Parlement européen du 28 janvier 2009 fait d’ailleurs état d’un très grand nombre de pétitions venant de toute l’Europe sur cette question. Pour le président de cette commission, le député européen polonais Marcin Libicki, s’il est « déplacé de critiquer ou de condamner le système d’administration d’un État membre, […] il serait cependant parfaitement inapproprié de ne pas reconnaître le nombre très élevé de violations de droits de parents qui semblent avoir eu lieu […] ».

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme a déjà eu l’occasion de se prononcer sur un certain nombre de cas. Dans l’arrêt Görgülü c. Allemagne du 26 mai 2004, ainsi que dans l’arrêt Haase c. Allemagne du 8 avril 2004, la Cour a jugé qu’il y avait eu violation de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au droit au respect de la vie privée et familiale. En effet, dans les deux cas, les tribunaux allemands, sous l’impulsion du Jugendamt, ont retiré les droits parentaux de façon disproportionnée et sans même procéder préalablement à une audition des parents.

Au regard du nombre de pétitions reçues par le Parlement européen, des arrêts prononcés par la Cour européenne des droits de l’homme condamnant l’Allemagne et des sollicitations que reçoivent les parlementaires, il importe à mon avis que le Gouvernement français se saisisse sérieusement de la question et agisse. Je souhaiterais donc savoir, madame la secrétaire d’État, quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour aider ses ressortissants face aux administrations allemandes.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le sénateur Roland Ries, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le garde des sceaux.

Votre question porte sur la coopération familiale franco-allemande en matière de déplacement illicite d’enfants. Cette coopération avec l’Allemagne, mais aussi avec les autres pays de l’Union européenne, est centrée sur l’intérêt de l’enfant.

Afin de permettre de surmonter les difficultés susceptibles d’être rencontrées lors de séparations familiales à dimension internationale, les États ont élaboré des instruments internationaux définissant des règles communes, dont le premier objectif est de prendre en compte, comme je viens de l’indiquer, l’intérêt des enfants concernés.

Sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants trouvent à s’appliquer divers accords bilatéraux et des conventions multilatérales telles que la convention de La Haye du 25 octobre 1980, dont la France et l’Allemagne sont signataires. Ces instruments organisent une coopération entre États afin d’assurer le retour immédiat de l’enfant au lieu de sa résidence habituelle ou de protéger et d’organiser le droit de visite d’un parent.

Cette convention a été complétée pour l’Union européenne par le règlement communautaire 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit « Bruxelles II bis ». Ce texte établit des règles de compétence des juridictions en matière de droit familial. En outre, cet instrument fixe une véritable norme juridique commune qui s’impose à tous les États de l’Union européenne et qui permet tant de prévenir les risques de décisions contradictoires que de garantir la circulation facilitée des décisions de justice émanant des juridictions compétentes.

Par ailleurs, la convention de La Haye de 1996 sur la responsabilité parentale et la protection des enfants est entrée en vigueur en France le 1er février 2011 et en Allemagne le 1er janvier 2011. Dans son application, tout sera mis en œuvre pour que l’intérêt de l’enfant soit pris en compte et que les droits de visite soient respectés.

En outre, depuis 1998, ont été affectés en Allemagne des magistrats de l’ordre judiciaire français, chargés de renforcer et de simplifier la coopération entre nos pays en matière d’entraide judiciaire.

Pour parfaire ce dispositif, il convient de souligner que, dès 2001, le ministère de la justice a mis en place un système spécifique d’aide à la médiation familiale internationale qui s’inscrit pleinement dans le dispositif communautaire et s’applique aussi à d’autres situations, en particulier à celles qui ne sont pas couvertes par des mesures internationales. Au 1er mars 2011, vingt-trois situations étaient traitées dans ce cadre, aucun dossier concernant l’Allemagne n’étant ouvert.

Il faut enfin souligner que la coopération entre les autorités centrales française et allemande est de grande qualité et qu’elle aboutit régulièrement au retour d’enfants, aussi bien en Allemagne depuis la France qu’en France depuis l’Allemagne.

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces explications, même si ces dernières ne me satisfont pas complètement. Elles avaient d’ailleurs été déjà données en réponse aux interpellations de Richard Yung le 20 mars 2008 et, plus récemment, d’André Reichardt, le 7 juillet 2011.

Nous rencontrons un problème spécifique avec l’Allemagne, compte tenu de l’existence du Jugendamt, que j’ai évoqué dans ma question. Le Gouvernement, à partir d’exemples précis que je pourrais lui fournir – j’ai en effet été sollicité par plusieurs personnes directement concernées –, pourrait se pencher plus spécifiquement sur le fonctionnement du Jugendamt. Certes, nous ne pouvons pas intervenir directement dans un État qui n’est pas le nôtre ; mais il y a là, me semble-t-il, une interprétation restrictive des textes, peut-être liée aux problèmes démographiques de l’Allemagne – je dis bien « peut-être » –, qu’il conviendrait de regarder de plus près. Il me paraîtrait donc souhaitable, madame la secrétaire d’État, que les services du garde des sceaux étudient plus spécifiquement cet aspect de la question, ce qui permettrait éventuellement de faire avancer les choses.

l'urssaf et les exonérations de charges sociales des organismes d'aide à domicile

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, auteur de la question n° 1388, adressée à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

M. Joël Bourdin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur les exonérations des cotisations patronales appliquées aux rémunérations des aides à domicile des agents embauchés par les centres communaux d’action sociale, les CCAS.

L’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale prévoit une exonération à cet égard, mais en précisant qu’elle concerne les agents affectés aux aides à domicile employés soit sous contrat à durée indéterminée, soit sous contrat à durée déterminée pour remplacer des agents salariés absents ou empêchés.

Ce dispositif, s’il posait autrefois des questions d’interprétation, a récemment été précisé par des arrêts de la Cour de cassation, une interprétation très stricte lui ayant été donnée à cette occasion.

Un contrat à durée déterminée ne peut donc servir de support à une mesure d’exonération. Cependant, en zone rurale notamment, la permanence de la mission sur un territoire étendu de faible densité démographique, avec un élément aléatoire dans la distribution des populations aidées, peut justifier une souplesse de gestion des personnels entraînant le recours à des contrats à durée déterminée.

Ainsi, certains CCAS, en toute bonne foi, ont, au moins dans les années passées, eu recours à des emplois à durée déterminée, en estimant remplir les conditions exigées pour l’exonération, et se sont mis ainsi en situation difficile.

Les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, ou URSSAF, qui exécutent un plan de contrôle comptable de l’assiette des cotisations et appliquent l’article L. 241-10, ont ainsi, au cours des récentes années, condamné à reversements assortis de pénalités lourdes maints CCAS, avec des montants qui non seulement introduisent un déséquilibre financier de la gestion de ces derniers, mais mettent aussi en péril leur existence.

Que la législation s’applique, notamment depuis que la Cour de cassation a précisé son domaine, soit. Mais comment éponger les nouveaux engagements quand ceux-ci sont équivalents au budget de fonctionnement annuel des CCAS ? J’aimerais d'ailleurs connaître le nombre de CCAS qui se trouvent en difficulté de ce fait.

Certes, le code de la sécurité sociale prévoit une procédure en vue de retarder la mise à exécution de l’opération de reversement ; mais ne peut-on pas, pour les CCAS ayant fait l’objet de contrôle et s’agissant d’organismes dont la mission sociale est avérée et difficile, trouver des mesures d’atténuation rapides, significatives et définitives ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de Mme Valérie Pécresse. Ma collègue, qui regrette de ne pouvoir être présente ce matin au Sénat pour vous répondre, m’a demandé de vous apporter des éléments d’information.

Comme vous le savez, monsieur le sénateur, les centres communaux d’action sociale, de même que les centres intercommunaux d’action sociale, font l’objet de contrôle de la part des URSSAF, de la même façon que tous les autres employeurs dans notre pays. Certains ont pu faire une application incorrecte des textes, entraînant à cette occasion un redressement de cotisations ou de contributions dues. Néanmoins, ces derniers peuvent en contester le bien-fondé et obtenir, par les voies de recours amiable, voire contentieuses, leur remise ou abandon, total ou partiel.

Il n’y a actuellement pas, à la connaissance des pouvoirs publics, de problème spécifique aux centres communaux d’action sociale, s’agissant de l’application de la législation des prélèvements sociaux. Si un dispositif a été mal compris et appliqué, une clarification, ou une instruction, peut être faite à leur destination.

Mme Pécresse tient à rappeler que les règles de prélèvements servent à garantir le paiement des cotisations nécessaires au financement de la protection sociale des salariés et que le Gouvernement, s’il est attaché à simplifier la tâche des cotisants, est naturellement très vigilant quant à la situation financière de la sécurité sociale dans le contexte actuel qui, comme vous le savez, monsieur le sénateur, est difficile pour les finances publiques.

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. J’excuse naturellement l’absence de Mme Valérie Pécresse, laquelle a actuellement d’autres sujets de préoccupation.

Sur le fond, madame la secrétaire d'État, certains CCAS contrôlés sont dans une situation difficile qui va probablement entraîner – tel est le cas dans mon département – une réduction de leurs activités. En effet, que pourra faire un CCAS devant opérer un reversement correspondant à la totalité de son budget de fonctionnement ? Je ne sais pas !

J’aimerais que ce point soit pris en compte. Des procédures de recours sont bien évidemment prévues par le code de la sécurité sociale, mais je souhaiterais, étant donné l’objet social des CCAS et la bonne foi de ceux qui ont eu recours à des contrats à durée déterminée, qu’une clarification soit apportée. De surcroît, les URSSAF vont poursuivre leur mission de contrôle, ainsi que me l’a confirmé le président de l’URSSAF de mon département. D’autres organismes vont être contrôlés et de nouvelles collectivités vont se trouver en situation difficile. Certes, les responsables sont un peu fautifs, mais l’interprétation des textes était floue. Il faut donc essayer de faire en sorte que ces services sociaux ne soient pas en difficulté.

taxe additionnelle à la taxe spéciale de consommation prévue à l'article 266 quater A du code des douanes

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, auteur de la question n° 1405, adressée à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-Étienne Antoinette. Madame la secrétaire d'État, le prix élevé du carburant est un problème particulièrement aigu en Guyane. Il fut le déclencheur du mouvement social de décembre 2008 qui a conduit à la paralysie du département.

Or, l’origine des prix très élevés du carburant en Guyane est la même que celle de la taxe additionnelle à propos de laquelle je vous interroge aujourd’hui : l’obligation issue des normes communautaires de s’approvisionner en carburants auprès de la SARA, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles.

En 2007, la hausse du prix des carburants due à l’approvisionnement auprès de la SARA était de 25,6 centimes pour le litre de supercarburant et de 20,6 centimes pour le litre de gazole. Toutefois, cette augmentation a été étalée par une hausse progressive jusqu’en novembre 2008, date à laquelle l’écart de prix entre l’approvisionnement à Trinidad-et-Tobago et l’approvisionnement auprès de la SARA a été comblé.

L’étalement de la hausse des prix du carburant a eu deux effets : d’une part, retarder les manifestations de colère et, d’autre part, assurer à la SARA que le manque à gagner résultant de la hausse progressive des prix serait compensé par une dotation de l’Agence française de développement, ou AFD, garantie par l’État, d’un montant de 19,5 millions d’euros.

Cette « facilité de trésorerie », comme la nomme la loi de finances rectificative du 25 décembre 2007, devait être ensuite compensée par une taxe que les Guyanais paieraient. Le litre de carburant aurait alors été augmenté de 4 à 8 centimes d’euro, peut-être jusqu’en 2018.

Le contexte économique et social guyanais a conduit le Parlement, lors du vote de chaque loi de finances depuis 2007, à reporter l’entrée en vigueur de cette taxe. Or, cette année comme les précédentes, il serait insupportable pour les Guyanais de faire face à une augmentation supplémentaire du prix du carburant.

Je vous rappelle que, pour ce mois-ci, les prix au litre du supercarburant et du gazole sont respectivement fixés à 1,67 euro et 1,50 euro en Guyane contre 1,42 euro et 1,30 euro à Paris. Il n’est pas concevable, au regard de ces prix très élevés, de prévoir une hausse supplémentaire par rapport aux variations mensuelles que décrète la préfecture.

Si la situation économique et sociale des ménages guyanais nous enjoint d’abroger cette taxe, deux autres raisons militent en faveur de cette suppression.

Tout d’abord, en reportant chaque année l’entrée en vigueur de la taxe, le Parlement et le Gouvernement endossent la responsabilité d’une augmentation continue des intérêts de l’aide accordée par l’AFD. Le capital est de 19,5 millions d’euros, mais les intérêts s’ajoutent depuis 2007.

Si les Guyanais ont bénéficié de l’étalement de la hausse des prix, le Gouvernement et le Parlement sont aujourd’hui responsables du coût de cette mesure.

Permettez-moi de poser d’autres questions sur cette facilité de caisse accordée à la SARA : la dotation de l’AFD n’étant pas inscrite dans les comptes annuels de cette société, l’aide a-t-elle bien été attribuée ? Si oui, à qui ? Puisqu’il s’agit d’une aide d’État, la procédure communautaire a-t-elle été respectée ? À cet égard, pouvez-vous nous indiquer quelle a été la réponse de la Commission européenne à la notification préalable au versement de l’aide ?

Je ne peux croire qu’une aide illégale aurait été versée ni même qu’une aide légale n’aurait pas été notifiée, car, dans l’un des deux cas, l’État serait dans l’obligation de récupérer l’aide versée. Il ne serait alors plus question que les Guyanais soient assujettis à la taxe additionnelle sur les carburants, devenue caduque.

Madame la secrétaire d’État, allez-vous soutenir, à l’occasion de l’examen du prochain projet de loi de finances, l’abrogation de la taxe additionnelle à la taxe spéciale de consommation sur les carburants en Guyane ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Valérie Pécresse ce matin.

Comme vous venez de le rappeler, les carburants routiers distribués en Guyane ont été mis aux normes européennes le 1er février 2007. Compte tenu de la situation économique, le surcoût de cette mise aux normes n’a pas été appliqué aux consommateurs guyanais dès 2007.

L’article 88 de la loi du 25 décembre 2007 prévoyait que ce surcoût devait être lissé dans le temps, une taxe additionnelle à la taxe spéciale de consommation devant être appliquée pour financer cet étalement.

Mais comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, l’entrée en vigueur de cette taxe a depuis été reportée, et ce à plusieurs reprises.

En effet, et particulièrement depuis 2010, un rattrapage significatif des prix économiques des carburants est intervenu en Guyane, notamment sur le fondement des recommandations formulées par une mission parlementaire, par l’Autorité de la concurrence et par l’Inspection générale des finances.

Un nouveau dispositif réglementant les prix des produits pétroliers en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane est opérationnel depuis le décret du 8 novembre 2010. En octobre 2011, les prix de vente réglementés en Guyane s’établissent à 1,67 euro le litre de supercarburant et à 1,53 euro le litre de gazole.

Un retour au niveau de fiscalité antérieur a été effectué au 1er juillet 2011.

Dans ce nouveau contexte, il semble maintenant opportun non pas de supprimer cette taxe, mais d’étudier comment le dispositif de taxation additionnelle pourrait s’insérer sans modifier les équilibres actuels.

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

M. Jean-Étienne Antoinette. La nouvelle réglementation aboutit à une différence de plus de 20 centimes d’euros entre le prix pratiqué en Guyane et la moyenne des prix constatée dans l’Hexagone. Dans ce contexte, je ne vois pas comment les Guyanais pourraient absorber l’obligation de rembourser cette taxe.

Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu à ma question sur la légalité de l’aide ou de la subvention versée aux pétroliers. Quelle a été la réponse de la Commission européenne à la notification préalable au versement de l’avance de trésorerie à l’AFD ?

hausse du prix du tabac et marché parallèle du tabac dans les régions frontalières

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question n° 1389, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et transmise à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ma question porte sur le récent relèvement de 6 % des prix des produits du tabac. Le Gouvernement prétend que cette augmentation pourrait avoir un effet efficace sur l’état sanitaire de nos concitoyens. Certes, cette préoccupation est louable, mais elle se heurte à la dure réalité. Pour avoir un tel effet, cette hausse devrait être accompagnée d’un important programme d’éducation sanitaire, en particulier à destination des jeunes, qui sont le public visé par cette mesure. Or, quand on voit l’état de délabrement avancé de la médecine scolaire, on comprend qu’il ne s’agit là que d’une attitude de façade.

En réalité, l’augmentation du prix du tabac, malgré les justifications vertueuses du Gouvernement, ne vise, très prosaïquement, qu’à tenter de renflouer les caisses de l’État. Elle pénalisera, c’est une évidence, les personnes dont les revenus sont les plus faibles, à l’instar de la taxe sur les sodas, dont nous aurons l’occasion de reparler.

Autrement dit, cette solution, si simple qu’elle en est même simpliste, aura des conséquences très négatives pour les débitants de tabac.

Aujourd'hui, 20 % des ventes de tabac se font en dehors du circuit officiel, c'est-à-dire des bureaux de tabac. Il y a évidemment une corrélation entre la hausse du prix du tabac et l’augmentation de ce taux.

Par ailleurs, on voit prospérer un marché parallèle, qui est parfois très organisé, parfois le fait uniquement de revendeurs isolés. En tout état de cause, ce marché est source d’un manque à gagner pour les buralistes.

En tant que sénateur de la Haute-Garonne, je suis particulièrement bien placé pour évoquer ce sujet. Dans notre département, nous sommes soumis à la double peine. Il n’aura en effet échappé à personne que la Haute-Garonne est un département limitrophe à la fois de l’Andorre et de l’Espagne. Les augmentations du prix du tabac y ont un effet très négatif et mettent véritablement en danger l’ensemble des buralistes frontaliers et au-delà. Ces derniers ont pourtant fait l’effort de diversifier leur offre. Je rappelle en outre qu’ils remplissent le rôle d’auxiliaires de l’État en assurant la vente des timbres fiscaux.

Madame la secrétaire d’État, concrètement, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour lutter contre le trafic de cigarettes et de tabac ? Quelles mesures entend-il adopter pour aider les buralistes à surmonter cette énième augmentation du prix du tabac ?

Je rappelle que, dans les campagnes, dans le monde rural, au sein des villages et des bourgs, un bureau de tabac est plus qu’un simple commerce. Il permet véritablement de préserver le lien social.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le sénateur, Valérie Pécresse, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, me charge de vous apporter la réponse suivante.

Depuis 2003, les autorités françaises ont renforcé leur engagement en matière de lutte contre le tabagisme en poursuivant une politique de santé publique volontariste, qui se traduit, entre autres, par le relèvement progressif des prix des produits du tabac, tout en veillant à préserver la rémunération des buralistes. L’augmentation des prix du tabac intervenue le 17 octobre dernier est conforme aux annonces du Premier ministre le 24 août 2011.

S’agissant des différentiels de fiscalité et de prix du tabac entre États membres qui favorisent les achats de tabac à l’étranger, je vous indique que le rapport au Parlement établi en juillet dernier souligne que la structure de la fiscalité du tabac est d’ores et déjà harmonisée au sein de l’Union européenne.

Néanmoins, les effets de cette convergence fiscale ne se font pas immédiatement ressentir sur les prix de vente au détail, et des écarts significatifs demeurent. Voilà pourquoi la France pèsera de tout son poids auprès de la Commission européenne pour qu’une harmonisation des prix du tabac s’engage.

À défaut, il nous semble naturel et nécessaire de poser la question des restrictions de circulation du tabac. C’est la position que Xavier Bertrand et Valérie Pécresse devraient défendre ensemble à Bruxelles auprès du commissaire européen chargé des questions de santé.

L’étude réalisée par le ministère du budget en septembre 2011 sur les achats réalisés en dehors du réseau des buralistes fait ressortir que si 20 % du tabac consommé ne provenait pas du réseau des buralistes, seuls 5 % ont une origine illégale, les 15 % restants correspondant à des achats légaux réalisés en dehors du réseau français.

S’agissant de la lutte contre les trafics illicites, les services douaniers ont enregistré en 2010 leur meilleur résultat dans le domaine de la lutte contre les trafics de cigarettes et de tabac. Plus de 12 800 constatations ont abouti à la saisie de 350 tonnes de tabac, pour une valeur de plus de 81 millions d’euros.

De 2005 à 2010, les résultats douaniers dans la lutte contre les trafics de tabac ont ainsi progressé de 46 % en valeur et de 68 % en volume.

Mais nous n’en resterons pas là ! Valérie Pécresse a annoncé le 12 septembre 2011 à Lesquin un plan de renforcement de la lutte contre la contrebande de tabac. Ce dernier se décline en dix mesures, qui ciblent précisément les acteurs et les modes opératoires délictuels. Outre l’augmentation des objectifs de saisie fixés à la douane, les orientations portent sur les nouvelles méthodes d’investigation.

Enfin, s’agissant des buralistes, Valérie Pécresse a signé le 23 septembre dernier avec le président de la Confédération nationale des buralistes de France un troisième contrat d’avenir pour une période de cinq ans.

Le nouveau contrat, qui couvre la période 2012-2016, vise à conforter l’attractivité de l’activité de buraliste. Tout d’abord, il prévoit annuellement une augmentation de la rémunération liée à la vente de tabac. Ensuite, il aménage les aides budgétaires à l’activité, notamment les remises compensatoire et additionnelle, et les recentre sur les buralistes les plus en difficulté, notamment dans les zones frontalières, lesquelles sont plus exposées. Par ailleurs, il renforce la subvention de l’État au titre de la sécurité des buralistes, qui sera portée dès 2012 de 10 000 euros à 15 000 euros. Enfin, il consacre le rôle important de la profession, premier réseau de commerces de proximité – vous l’avez dit, monsieur le sénateur –, dans l’aménagement du territoire, notamment en zone rurale, via la mise en place d’une prime de service public de proximité d’un montant annuel de 1 500 euros.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que Valérie Pécresse tenait à vous apporter en réponse à vos interrogations.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. La panoplie est importante, madame la secrétaire d’État ! Toutefois, vous n’arriverez pas à sortir de la logique de duplicité que j’évoquais tout à l’heure, à savoir dire : « Vive la santé, à bas le tabac ! » tout en regardant les rentrées fiscales avec des dollars plein les yeux, à la façon de l’Oncle Picsou… Il faudra bien que le Gouvernement mette fin un jour ou l’autre à cette ambigüité !

Vous dites, madame la secrétaire d’État, que, selon une étude, seuls 5 % des 20 % des achats réalisés en dehors du réseau des buralistes ont une origine illégale. Peut-être… Mais vous ne m’empêcherez pas de penser que, dans un département limitrophe tel que celui de la Haute-Garonne, ce taux mériterait d’être revu à la hausse.

Si j’ai posé cette question orale, c’est parce que je connais très bien les terribles difficultés dans lesquelles sont plongés les buralistes, singulièrement dans le Piémont pyrénéen.

Vous avez également rappelé, madame la secrétaire d’État, que les bureaux de tabac jouent un rôle majeur en termes de maintien du lien social dans les villages. Il convient donc de resituer le problème dans le cadre d’une politique d’aménagement du territoire.

Je prends note des mesures que vous avez annoncées en faveur de cette catégorie de commerçants, mais j’aimerais être sûr qu’elles prendront effet à court terme et qu’elles seront de nature à rassurer la profession concernée.

Je resterai donc très vigilant quant à ce dossier.