Article additionnel avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé
Article additionnel après l’article 1er

Article 1er

I. – Le titre V du livre IV de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Règles déontologiques et expertise sanitaire » ;

2° L’intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé : « Liens d’intérêts et transparence » ;

3° L’article L. 1451-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1451-1. – I. – Les membres des commissions et conseils siégeant auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ainsi que les dirigeants, personnels de direction et d’encadrement et les membres des instances collégiales, des commissions, des groupes de travail et conseils des autorités et organismes mentionnés aux articles L. 1123-1, L. 1142-22, L. 1222-1, L. 1313-1, L. 1413-2, L. 1415-2, L. 1417-1, L. 1418-1, L. 1431-1, L. 3135-1 et L. 5311-1 du présent code, à l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, à l’article 5 de la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale et à l’article 13 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire sont tenus, lors de leur prise de fonctions, d’établir une déclaration d’intérêts.

« Cette déclaration est remise à l’autorité administrative compétente.

« Elle mentionne les liens d’intérêts de toute nature, directs ou par personne interposée, que le déclarant a, ou qu’il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions, avec des entreprises dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de compétence de l’autorité sanitaire au sein de laquelle il exerce ses fonctions, ou de l’organe consultatif dont il est membre, ainsi qu’avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les mêmes secteurs.

« Elle est rendue publique. Elle est actualisée à l’initiative de l’intéressé.

« Pendant les trois ans précédant leur nomination et pendant toute la durée de leur mandat, le président de l’autorité mentionnée à l’article L. 161–37 du code de la sécurité sociale, le directeur général de l’établissement public de l’État mentionné à l’article L. 5311–1 du présent code, le président de l’Institut national du cancer mentionné à l’article L. 1415–2 et le directeur général de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale ne peuvent avoir aucun lien d’intérêts direct susceptible d’affecter ou de paraître affecter l’exercice indépendant, impartial et objectif de leurs fonctions.

« Les personnes mentionnées au présent article ne peuvent prendre part aux travaux, aux délibérations et aux votes des instances au sein desquelles elles siègent qu’une fois la déclaration souscrite ou actualisée. Elles ne peuvent, sous les peines prévues à l’article 432-12 du code pénal, prendre part ni aux travaux, ni aux délibérations, ni aux votes de ces instances si elles ont un intérêt, direct ou indirect, à l’affaire examinée. Elles sont tenues au secret et à la discrétion professionnels dans les mêmes conditions que celles définies à l’article 26 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

« II. – Sont également tenus d’établir la déclaration prévue au I, lors de leur prise de fonctions, les agents des autorités et des organismes mentionnés au même I dont les missions ou la nature des fonctions le justifient et qui sont mentionnés sur une liste établie par décret en Conseil d’État. » ;

4° Après l’article L. 1451-1, il est inséré un article L. 1451-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1451-1-1. – La publicité des séances des commissions, conseils et instances collégiales d’expertise mentionnés au I de l’article L. 1451-1 et qui sont consultés dans le cadre de procédures de décision administrative est organisée, selon le cas, par le ministère de la santé ou par l’autorité, l’établissement ou l’organisme dont ils relèvent ou auprès duquel ils sont placés.

« À cette fin sont prévus :

« 1° L’enregistrement des débats et la conservation de ces enregistrements ;

« 2° Sans préjudice, le cas échéant, de la diffusion en ligne de l’enregistrement audiovisuel des débats, l’établissement de procès-verbaux comportant l’ordre du jour, le compte rendu des débats, le détail et les explications des votes, y compris les opinions minoritaires, et la diffusion gratuite en ligne de ces procès-verbaux sur les sites internet du ministère de la santé ou des autorités, établissements ou organismes mentionnés au premier alinéa. » ;

5° L’article L. 1451-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1451-2. – I. – L’interdiction énoncée au premier alinéa de l’article L. 4113–6 est applicable aux personnes mentionnées à l’article L. 1451–1. Est interdit le fait, pour les entreprises mentionnées au premier alinéa de l’article L. 4113–6, de leur proposer ou de leur procurer les avantages définis au même alinéa.

« II. – Les personnes mentionnées à l’article L. 1451–1 sont tenues à l’obligation définie au premier alinéa de l’article L. 4113–13. Cette obligation est étendue aux liens avec des entreprises intervenant dans le domaine de compétence des autorités et organismes énumérés au I de l’article L. 1451–1. En cas de manquement à ces dispositions, l’autorité administrative peut mettre fin à leurs fonctions. » ;

6° Le chapitre Ier est complété par des articles L. 1451-3 et L. 1451-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 1451-3. – Les conditions d’application du présent chapitre, et notamment le modèle et le contenu de la déclaration d’intérêts, les conditions dans lesquelles elle est rendue publique ainsi que ses modalités de dépôt, d’actualisation et de conservation sont fixées par décret en Conseil d’État. 

« Art. L. 1451-4. – (Supprimé)

7° Le chapitre II devient le chapitre IV et l’article L. 1452-1 devient l’article L. 1454-1 ;

8° Il est rétabli un chapitre II ainsi rédigé :

« CHAPITRE II

« Expertise sanitaire

« Art. L. 1452-1. – (Supprimé)

« Art. L. 1452-2. – Les personnes invitées à apporter leur expertise dans les domaines de la santé et de la sécurité sanitaire au ministre chargé de la santé, aux commissions et conseils siégeant auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, aux instances collégiales des autorités et des organismes mentionnés au I de l’article L. 1451-1 sans être membres de ces commissions, conseils ou instances déposent au préalable une déclaration d’intérêts.

« Le modèle et le contenu de cette déclaration, les conditions dans lesquelles elle est rendue publique ainsi que ses modalités de dépôt, d’actualisation et de conservation sont fixés par le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 1451-3.

« Art. L. 1451-2-1 (nouveau). – Les dispositions applicables à chacune des instances collégiales d’expertise mentionnées à l’article L. 1451-1-1 prévoient la représentation au sein de ces instances de spécialistes de médecine générale et d’experts en sciences humaines. »

II. – 1. Le deuxième alinéa de l’article L. 1123-3, le dernier alinéa de l’article L. 1142-24-3, l’avant-dernier alinéa de l’article L. 1222-7, l’article L. 1312-5, le premier alinéa de l’article L. 1313-9, les II et III de l’article L. 1313-10, le second alinéa des articles L. 1413-11 et L. 1417-7, la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 1418-6 et les sixième et septième alinéas de l’article L. 5323-4 du code de la santé publique sont supprimés.

2. L’article L. 161-44 du code de la sécurité sociale est abrogé.

3. Le dernier alinéa de l’article 5 de la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire est supprimé.

4. Les deux premières phrases du quatrième alinéa de l’article 13 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire sont supprimées. 

III. – L’article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques est ainsi modifié :

1° Le septième alinéa (5°) du I est ainsi rédigé :

« 5° Aux membres des conseils siégeant auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, aux dirigeants, aux personnels de direction et aux membres des instances d’expertise de l’autorité publique indépendante, des établissements publics et organismes mentionnés au I de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique, ainsi qu’aux agents mentionnés au II du même article ; »

2° Après le II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« II bis. – Les déclarations d’intérêts établies en application des articles L. 1451-1 et L. 1452-2 du code de la santé publique sont communiquées à la commission par les autorités qui en sont destinataires. Elle peut, à titre exceptionnel et à leur demande, les assister pour leur contrôle.

« La commission est également chargée de rendre des avis, à la demande des personnes mentionnées au 5° du I, sur les questions d’ordre déontologique relatives à l’établissement de leur déclaration d’intérêts ou à la prévention des conflits d’intérêts susceptibles de les concerner. Ces avis, ainsi que les documents sur la base desquels ils sont rendus, sont secrets. »

IV (nouveau). – Après le deuxième alinéa (1°) de l’article 21 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 1° bis Les articles L. 1451–1–1 et L. 5324–1 du code de la santé publique ; ».

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.

Mme Marie-Christine Blandin. Mon propos concerne la problématique de l’expertise, qui, je le rappelle, est une mission centrale dans la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche.

Afin de garantir l’indépendance de l’expertise, un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de 2008 préconisait une haute autorité spécifique. Ensuite, en 2009, l’article 52 de la loi de programme relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dit Grenelle 1, qui mettait à l’étude un rapport sur la pertinence d’une instance spécifique de garantie de l’indépendance de l’expertise, avait été voté à l’unanimité.

Ne voyant rien venir – deux ans s’étaient écoulés –, je posais une question écrite, en 2010, à Mme Bachelot qui indiquait que la santé n’avait rien à voir avec l’environnement et que le Grenelle ne concernait que ce dernier.

Ne voyant toujours rien venir, je posais avec de nombreux collègues, au plus fort de la crise, une question d’actualité à M. Xavier Bertrand, ministre ici présent, qui me répondait que le problème était tellement grave qu’on allait faire bien mieux qu’une haute autorité de garantie de l’indépendance de l’expertise.

Effectivement, ce projet de loi prévoit désormais des déclarations d’intérêts obligatoires, une commission d’éthique au sein de chaque agence et une charte de l’expertise sanitaire.

Mes chers collègues, je ne voudrais pas qu’il vous échappe que l’on en reste au même état qu’auparavant. Simplement, ce qui était dans le règlement des agences est inscrit dans la loi, ce qui est une très bonne chose. Cependant, le contrôle des déclarations d’intérêts et de la fiabilité des experts en la matière se fera à huis clos, au sein de chaque agence.

Or l’avantage de la haute autorité de garantie de l’indépendance de l’expertise, c’était un contrôle indépendant et extérieur.

Certes, l’amendement n° 115 de M. le rapporteur, qui a été adopté, permettra une centralisation des déclarations d’intérêts.

Mais la haute autorité en question avait bien plus d’ambition. Sa première mission était le contrôle des déclarations d’intérêts. Un tel contrôle nous aurait évité le militantisme du précédent directeur de l’AFSSAPS, M. Marimbert, qui nous a déclaré : « la gestion des déclarations d’intérêts ne doit pas échapper à l’agence concernée, qui est la mieux à même de connaître ces experts et de détecter les anomalies ». On a vu les résultats !

Sa deuxième mission était la médiation sur les expertises contradictoires. Une telle médiation nous aurait évité les chassés-croisés entre l’Agence et le Parlement à propos du bisphénol A.

Enfin, sa troisième mission était le recours des lanceurs d’alerte. Bien des mésaventures auraient pu être épargnées à Mme Irène Frachon et au docteur Georges Chiche, de Marseille, pour ne citer qu’eux.

Tout cela pour vous dire, monsieur le ministre, qu’il faudra revenir sur le manque de contrôle extérieur et prévoir, peut-être, une autorité de déontologie de la vie publique. Nous saisirons de cette question votre collègue en charge de la recherche. Il faudra veiller, dans cette loi, à ce que sa rédaction soit compatible avec un contrôle extérieur de ces déclarations d’intérêts. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l'article.

M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rappelle que, contrairement à ce que l’on pourrait croire ou nous faire accroire, il n’y a pas en France de chaîne du médicament. Tel est le constat, sans appel, que faisaient en juin dernier les inspecteurs de l’Inspection générale des affaires sociales. L’IGAS évoque les trois maillons que sont la sécurité sanitaire, l’évaluation médico-économique et la décision du remboursement par la collectivité. Le projet de loi, monsieur le ministre, est-il de nature à créer une telle chaîne ? Je ne le pense pas.

Ce projet de loi ne fonde pas une nouvelle politique du médicament. Il vise avant tout, on l’aura compris, à restaurer la confiance de l’opinion dans le médicament – les optimistes diront que ce n’est déjà pas si mal ! Certes… C’est à la fois sa force et sa faiblesse dans la mesure où la politique du médicament restera largement aux mains des laboratoires et de leur stratégie industrielle, comme en témoigne l’affaire des pénuries de certaines spécialités.

La FDA américaine, la Food and drug administration, a plus ou moins servi de modèle à ce projet. Cette influence venue d’outre-Atlantique se retrouve dans la volonté du Gouvernement de mettre en place un embryon d’expertise interne, avec l’annonce du recrutement d’une vingtaine d’experts, tels que des pharmacologues, des épidémiologistes, etc.

Nous sommes bien évidemment très loin des effectifs de la FDA, lesquels se comptent en centaines de personnes. L’expertise externe a donc encore de beaux jours devant elle ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le plan prévoit des dispositions pour lutter contre les conflits d’intérêts – c’est l’objet principal de l’article 1er , conflits que, bien évidemment, monsieur le ministre, nous ne confondons pas avec les liens d’intérêts. Nous verrons à l’usage, mais il aurait été plus simple de couper le cordon ombilical économico-financier qui relie les laboratoires au monde sanitaire.

Si le projet de loi initial vise à rétablir la sécurité sanitaire des médicaments, cela ne suffit pas pour autant à faire une politique du médicament. Selon le rapport de l’IGAS de juin 2011, la chaîne du médicament comprend trois maillons, dont j’ai fait état. Mais, en France, ils ne sont pas reliés entre eux, comme l’ont noté les inspecteurs des affaires sociales. Les mesures proposées n’y changeront rien, car elles sont très timides, notamment en matière d’évaluation médico-économique, de fixation des prix et de critères de remboursement.

Ainsi, rien n’est prévu, ou pas grand-chose, pour redonner du pouvoir à l’Agence nationale de sécurité du médicament par rapport à l’Autorité européenne. Demain, comme aujourd’hui, l’ANSM risque de n’être qu’une chambre d’enregistrement des décisions prises à Londres, où 90 % des médicaments reçoivent leur autorisation de mise sur le marché de l’Agence européenne des médicaments, comme le soulignait en juin 2011 le rapport de l’IGAS.

Ainsi demain, comme aujourd’hui, les observations de l’lGAS resteront vraies. La Commission de la transparence, qui accorde les autorisations de remboursement, « ne disposera ni des règles précises ni des moyens de pratiquer une véritable évaluation médico-économique ». Elle se contentera « de reprendre les données issues de la commission d’AMM », lesquelles calculent la balance entre les bénéfices et les risques d’un médicament, mais non le rapport entre le coût et l’efficacité.

En outre, le Comité économique des produits de santé, le CEPS, qui négocie les prix des médicaments avec les industriels, continuera d’agir, selon le rapport de l’IGAS, « de façon isolée, sans contact réel et formalisé avec la Commission de la transparence », en fixant « les prix des médicaments sur des fondements discutables ».

Voilà pourquoi je regrette, par exemple, le fait qu’aucune réforme du remboursement et du prix n’ait été proposée, comme le souligne du reste fort justement dans son excellent rapport notre collègue Bernard Cazeau.

Enfin, il est à noter que le projet de loi initial ne prévoit pas une implication beaucoup plus importante des professionnels de santé dans la gouvernance du système, ce qui constitue un manque important. Il prévoit simplement « l’institution d’échanges privilégiés entre l’Agence nationale de sécurité du médicament – agence dont il faudra d’ailleurs que nous modifions le nom – et les professionnels de santé, dans le cas de signaux mettant en jeux la sécurité sanitaire ». C’est pourtant la moindre des choses, me semble-t-il, que de s’adresser en priorité aux personnes qui prescrivent les médicaments s’ils s’avèrent dangereux.

L’un des enseignements qui avait été tiré d’une autre crise sanitaire, celle de la grippe H1N1 en 2009, avait justement été que le manque d’implication des professionnels de santé avait nui au relais de la campagne de santé publique.

La commission des affaires sociales et son rapporteur ont pu remédier à certaines insuffisances du projet de loi initial, et c’est heureux. Mais, hélas ! nous sommes encore très loin des nombreuses préconisations – au nombre de soixante-cinq – formulées dans l’excellent rapport de la mission commune d’information sur le Mediator – rapport intitulé, je le rappelle à toutes fins utiles, « La réforme du médicament, enfin » , mission présidée par notre ancien collègue François Autain. Ce rapport avait été adopté à l’unanimité des membres de la commission, toutes sensibilités politiques confondues.

Il s’agit donc d’une réforme a minima, ce qui est fort regrettable, compte tenu, d’une part, de l’attente de l’immense majorité de nos concitoyens et, d’autre part, du fait que le médicament, ainsi que l’a rappelé notre collègue migraineuse Virginie Klès, n’est pas un produit de consommation courante, banal, sans effets secondaires. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, sur l'article.

M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a engagé une réforme ambitieuse. Celle-ci est devenue d’autant plus indispensable que le système actuel ne parvient plus à garantir une expertise impartiale et indépendante pour la santé des usagers.

Je ne peux par conséquent que déplorer les modifications apportées au texte en commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Vous l’avez déjà dit dans la discussion générale !

M. Bernard Cazeau, rapporteur. Bis repetita !

M. Jean-Louis Lorrain. Sous couvert de vouloir aller plus loin dans la transparence, nous arrivons à un texte qui, en l’état, n’est ni praticable ni applicable, alors qu’une réforme profonde et efficiente est cruciale. (Mme Catherine Procaccia applaudit.)

Je tiens à revenir sur quelques dispositions majeures instituées par l’article 1er du projet de loi voté par nos collègues députés.

Les dispositions relatives à l’obligation de déclaration d’intérêts prévues dans cet article constituent un réel progrès. Elles permettent de renforcer considérablement la transparence des décisions, et il est évident que la transparence – on pourrait s’attarder sur le contenu de cette notion – est gage de confiance.

L’obligation de déclaration d’intérêts, que le texte systématise, s’impose à un nombre important de personnes. Elle est bien loin d’être restreinte, contrairement à ce qu’affirment certains de nos collègues. La déclaration publique d’intérêts, ou DPI, s’impose aux experts internes ou externes, comme aux personnels des organismes de sécurité sanitaire, mais également à certains agents, aux dirigeants de toutes les autorités et agences de sécurité sanitaire, à tous les membres des diverses commissions et aux professionnels de santé.

L’Assemblée nationale est allée plus loin encore : elle a étendu l’obligation de déclaration d’intérêts aux groupes de travail qui préparent les commissions et les conseils des agences.

De plus, cette déclaration devra être régulièrement actualisée et tout manquement à ces obligations sera sanctionné.

Il faut d’ailleurs prendre garde à ne pas confondre la lutte contre les conflits d’intérêts et la publication des liens d’intérêts. Je pense que beaucoup d’entre nous l’ont compris.

J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu’il ne paraît ni souhaitable ni efficient que la collecte, le contrôle et la publication des déclarations d’intérêts relèvent de la commission de déontologie créée par la loi Sapin. La gestion et le contrôle des déclarations doivent être du ressort de la cellule de déontologie créée au sein de chaque institution. C’est la méthode la plus simple et la plus rapide à mettre en œuvre. Il ne faut toutefois pas reproduire, bien sûr, ce qui s’est fait dans le passé. C’est surtout la méthode qui conduit chaque institution à assumer ses responsabilités, et c’est bien là le point essentiel. Je rappelle que toutes les déclarations pourront être consultées dans une base de données publique.

Le projet de loi oblige également à rendre publics les ordres du jour et les comptes rendus des réunions des commissions de la nouvelle agence, assortis des détails et explications des votes, y compris les opinions minoritaires. Ces informations seront mises à la disposition du public, dans le respect du secret médical et du secret industriel. Transparence ne veut pas dire obligatoirement fin du secret.

Enfin, la charte de l’expertise sanitaire, approuvée par décret en Conseil d’État, est fondamentale pour le bon déroulement des expertises réalisées dans les domaines de la santé et de la sécurité sanitaire. Elle permettra d’indiquer les modalités de choix des experts, le processus d’expertise et ses rapports avec le pouvoir de décision, la notion de lien d’intérêts, les cas de conflit d’intérêts, les modalités de gestion d’éventuels conflits et les cas exceptionnels dans lesquels il peut être tenu compte des travaux réalisés par des experts présentant un conflit d’intérêts ».

Concernant la publicité des débats des instances d’expertise, les séances, qui peuvent être enregistrées, doivent faire l’objet d’un enregistrement. Selon M. le rapporteur, une information écrite serait plus accessible et plus facile à consulter. Or je pense qu’il est plus aisé de visualiser un débat que d’en lire un compte rendu écrit. Surtout, un enregistrement audiovisuel est plus instructif et révélateur. Il permet de voir l’attitude de chacun ou de certains, ce que ne révèlent pas obligatoirement les procès-verbaux et les comptes rendus écrits. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.

M. Ronan Kerdraon. L’article 1er porte sur les liens d’intérêts et la transparence dans le milieu médical. Le drame récent du Mediator a montré combien l’indépendance des experts et la transparence pouvaient faire défaut dans ce milieu.

Le texte du Gouvernement n’a pas, dans les faits, ajouté grand-chose au droit en vigueur. En effet, des dispositions analogues étaient déjà prévues dans les textes législatifs spécifiques aux instances sanitaires, exceptions faites de l’Institut national du cancer et des agences régionales de santé.

Au contraire, le projet de loi initial prévoyait la suppression de certains dispositifs spécifiques, souvent plus complets et plus détaillés. C’est sans doute ce à quoi notre collègue Jean-Louis Lorrain faisait référence lorsqu’il évoquait « une écriture sans excès ». Outre le fait que sa rédaction était confuse et imprécise, l’article proposé par le Gouvernement ne prévoyait ni définition des liens et des conflits d’intérêts ni système de contrôle centralisé des déclarations.

Or les exemples de conflits d’intérêts sont nombreux. Ainsi, la recommandation de la Haute Autorité de santé sur le traitement médicamenteux du diabète de type 2 a été remise en cause par l’association FORMINDEP, qui a saisi le Conseil d’État. Celui-ci, dans un arrêt en date du 27 avril 2011, a annulé la décision par laquelle le président de la Haute Autorité avait refusé d’abroger cette recommandation et lui a enjoint d’effectuer cette abrogation dans un délai de quinze jours.

Pour justifier sa décision, le Conseil d’État a relevé que l’association avait « produit à l’appui de ses allégations des éléments susceptibles d’établir l’existence de liens d’intérêts entre certaines personnes ayant participé au groupe de travail et des entreprises ou établissements intervenant dans la prise en charge du diabète » et que, à aucun moment, « la Haute Autorité de santé n’a été en mesure de verser au dossier l’intégralité des déclarations d’intérêts dont l’accomplissement était pourtant obligatoire de la part des membres de ce groupe de travail ».

De fait, les experts externes des agences ont l’habitude des collaborations avec l’industrie pharmaceutique. L’IGAS relève que, à l’AFSSAPS, ces derniers ont en moyenne six liens d’intérêts chacun. Ce chiffre est d’autant plus significatif que plus d’un quart des experts – 28 % d’entre eux pour être précis – de l’Agence n’ont aucun lien d’intérêts. La simple déclaration d’intérêts proposée par le ministre était donc insuffisante.

Le texte adopté par la commission des affaires sociales, sur l’initiative du rapporteur Bernard Cazeau, a permis des avancées significatives. Ainsi, l’article étend dès à présent la déclaration d’intérêts aux dirigeants des autorités sanitaires et interdit au président de la Haute Autorité de santé et au directeur général de l’AFSSAPS, dans les trois ans précédant leur mandat et au cours de celui-ci, tout lien susceptible d’affecter l’exercice de leurs fonctions. Pour des fonctions aussi importantes, la transparence en matière de relations d’intérêts ne suffit pas. Aucun conflit d’intérêts ne doit tout simplement être possible.

Les déclarations d’intérêts seront par la suite confiées à l’Autorité de déontologie de la vie publique, l’ancienne commission de déontologie créée par la loi Sapin en 1993. Cet ajout tient du bon sens et témoigne de l’impartialité complète dont devront faire preuve les membres des autorités sanitaires dans le futur.

L’article 1er prévoit aussi, parallèlement à la captation vidéo, de diffuser gratuitement en ligne un procès-verbal intégral comprenant « le détail et les explications des votes, y compris les opinions minoritaires ». Il est, de fait, plus aisé de rechercher sur Internet une parole écrite que de devoir retrouver dans une vidéo un passage précis.

Enfin, si l’article supprime la référence au secret industriel et commercial censé limiter la publicité des débats, c’est pour confier le contrôle du respect des secrets protégés par la loi à la Commission d’accès aux documents administratifs afin d’éviter toute invocation abusive tendant à limiter la publicité des débats au sein des agences.

L’article 1er ainsi modifié par la commission permet donc de mettre fin à des pratiques qui n’ont que trop duré dans le milieu médical. Comme le rappellent les inspecteurs de l’IGAS, dans leur rapport d’avril dernier, « la qualité et la légitimité de l’expertise dépendent de son impartialité, de la garantie que celle-ci ne résulte pas d’une analyse biaisée ».