M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean Desessard. Nous nous opposons à la réforme qui nous attend. Nous nous opposons à la réforme que vous nous préparez encore et encore,...

M. Jacky Le Menn. Plus pour longtemps !

M. Jean Desessard. ... et dont vous accélérez la mise en œuvre par ce texte.

Pour finir, ce plan de financement de la sécurité sociale était l’occasion d’opérer un changement radical dans notre manière de concevoir la santé de nos contemporains : une santé qui soit celle du bien-être, d’une longue vie pour toutes et tous, une santé qui ne soit pas sous perfusion médicamenteuse.

Mme Chantal Jouanno. Et rien sur la sécurité environnementale !

M. Jean Desessard. Comme je le rappelais lors de la première lecture, l’objectif, dans ce texte, devrait être non pas de dépenser moins, mais bien de dépenser autrement.

M. Jean Desessard. Encore une fois, l’austérité proclamée est un faux-fuyant.

La santé n’est pas un coût, elle est une richesse inestimable. Nous devons consacrer les moyens nécessaires pour la préserver. C’est un secteur économique d’avenir, parce que nous vivons plus vieux, parce ce que nous souhaitons vivre mieux, donc moins malades, moins dépendants, et que, pour cela, des moyens notamment humains doivent être mis en place.

Mais, au lieu de penser à la manière de baisser le coût des prestations par des mesures le plus souvent inégalitaires en matière d’accès aux soins – plus on est pauvre, moins on fait appel à la médecine, les chiffres nous le prouvent chaque jour –, pensons encore une fois à l’avenir.

Favorisons une santé préalable en interdisant les produits toxiques aux niveaux français et européen, en écoutant les lanceurs d’alerte – c’est un sujet que vous connaissez bien, madame Jouanno ! – contre un mode de production pathogène, en favorisant la baisse des pollutions, et mettons en place un organisme indépendant d’expertise sanitaire et environnementale. C’est la seule manière de lutter efficacement contre les maladies chroniques, qui creusent tant notre déficit.

Enfin, favorisons l’émergence et le développement d’une économie sociale et solidaire d’accompagnement et de service auprès des hommes et de femmes qui luttent contre la dépendance.

Ainsi réduirons-nous d’autant les soins lourds et les coûts qui leur sont liés.

Ainsi permettrons-nous de sauver notre système de soins et de sécurité sociale.

D’un point de vue fiscal, nous souhaitons rendre la contribution sociale généralisée progressive, dans le cadre d’une fusion avec l’impôt sur le revenu, et mettre sous condition les exonérations de cotisations sociales ; je pense notamment aux 21,2 milliards d’euros constitués par les seules exonérations dites Fillon sur les bas salaires, dont tous les rapports soulignent le manque de ciblage et l’efficacité incertaine.

La sécurité sociale est pour nous un enjeu de société. Une vraie politique de santé environnementale, notamment au travail, une lutte préventive contre les maladies chroniques ainsi qu’une réponse durable à ses besoins de financement sont les piliers d’une politique responsable de santé publique.

Telle n’est malheureusement pas, loin s’en faut, la teneur du texte qui nous est soumis. Nous en prenons tristement acte. Les écologistes voteront donc résolument contre ce projet de loi de financement ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Chantal Jouanno. Ils ne sont pas gentils, ils n’applaudissent pas beaucoup !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.

M. Jean-Pierre Caffet. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, c’est le matin même du début de l’examen par le Sénat du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le 7 novembre dernier, que nous avons appris le contenu du nouveau plan de redressement des finances publiques.

Il nous avait alors été indiqué que le Gouvernement souhaitait uniquement traduire dans le texte transmis au Sénat les conséquences sur les tableaux d’équilibre de la révision de la prévision de croissance pour 2012 de 1,75 % à 1 %. Il nous avait, en revanche, été assuré que les nouvelles mesures de redressement feraient l’objet d’un « collectif social ».

Finalement, le Gouvernement a préféré faire semblant de profiter de l’échec de la commission mixte paritaire et donc de la nouvelle lecture devant l’Assemblée nationale pour introduire, par voie d’amendement, ces nouvelles mesures.

Certes, la procédure finalement retenue permet d’éviter la situation inédite qui aurait consisté en la discussion d’un texte rectificatif un mois seulement après le vote du texte initial, et cela avant même que l’année 2012 ne débute. Reste que la solution choisie est pire que celle qui nous avait été annoncée.

À l’évidence, compte tenu des délais, elle ne permet pas un examen de ces mesures par le Parlement dans des conditions décentes, puisque le texte adopté par l’Assemblée nationale ne nous est parvenu que ce matin.

Contrairement à ce que le Gouvernement affirme, ce n’est pas la brutale dégradation de la situation économique qui l’y a obligé ; c’est sa pratique consistant à espérer jusqu’au dernier moment un improbable retournement à la hausse de la conjoncture ou, plutôt, à attendre le dernier moment pour dévoiler son plan d’austérité.

À cet égard, je rappelle que la prévision de croissance du « consensus des conjoncturistes » pour 2012 est de l’ordre de 1 % depuis septembre 2011. C’est donc dans le projet de loi initial que le Gouvernement aurait dû inscrire les mesures qu’il prévoit de faire maintenant adopter à la va-vite et sans débat.

La première mesure proposée consiste en la fixation d’un ONDAM à 2,5 %, au lieu de 2,8 %, ce qui suppose 500 millions d’euros d’économies supplémentaires.

Ces mesures, qui représentent 50 % des dispositifs de redressement en 2012, sont très peu documentées, voire pas du tout. Cette question rejoint le problème récurrent du manque de transparence sur la construction de l’ONDAM.

Que recouvre, par exemple, la notion de « mesures d’économies relatives aux médicaments » ? S’agit-il de baisses de prix, de déremboursements, de nouvelles réductions des marges des grossistes-répartiteurs ou d’autres mesures encore ?

Ce manque d’informations est encore plus problématique pour les années 2013 à 2015. Le Gouvernement indique que la fixation d’un ONDAM à 2,5 % pour cette période reposera sur « la maîtrise médicalisée des dépenses de soins de ville », « la baisse des coûts des médicaments par le développement des génériques et l’action sur les prix » et « l’amélioration de l’efficience hospitalière et la convergence tarifaire ». Outre le caractère particulièrement vague de ces annonces, aucune donnée chiffrée n’est, à ce stade, avancée. Il s’agit donc là de mesures purement déclaratoires.

Mais le plus « difficile » n’est pas tant, en la matière, de fixer un objectif de dépenses que de le respecter.

Il n’est pas impossible qu’au vu de leur nature les objectifs fixés pour 2012 soient atteints. En revanche, il en va autrement des mesures annoncées pour les années 2013 à 2015. « L’amélioration de l’efficience hospitalière et la poursuite de la convergence tarifaire », que vous invoquez, madame la ministre, dépendent, par exemple, de facteurs qui échappent pour partie aux pouvoirs publics. Indépendamment de l’appréciation qui peut être portée sur la convergence, il est à rappeler que le Gouvernement a été obligé de reporter de 2012 à 2018 son aboutissement, en raison de ses difficultés de mise en œuvre.

La deuxième mesure proposée concerne l’accélération de la montée en charge de la réforme des retraites, pour 100 millions d’euros d’économies en 2012.

Le Gouvernement « raccroche » son amendement à l’article 51 bis B introduit par le Sénat. Je lis dans l’exposé des motifs de l’amendement du Gouvernement : « Avec son article 51 bis B, le Sénat a ouvert le débat sur cette réforme [...]. Le temps des rapports dans ce domaine semble au Gouvernement dépassé dans le contexte actuel de crise des dettes souveraines ».

Le « temps des rapports » est peut-être dépassé, mais il n’en demeure pas moins que la question du bouclage financier de la réforme de 2010 est posée depuis longtemps, et le reste !

La commission des finances avait émis d’importantes réserves à ce sujet dès l’examen du texte. Ces observations ont été confirmées par la Cour des comptes dans un rapport de juin dernier, la Cour insistant sur l’optimisme des hypothèses retenues.

Il est à relever par ailleurs que, sans ces mesures, le schéma de reprise des déficits de la branche vieillesse par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, arrêté en 2010, aurait été totalement compromis.

En effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a prévu le transfert à la CADES, à compter de 2012 et jusqu’en 2018, dans la double limite de 62 milliards d’euros au total et de 10 milliards d’euros par an, des déficits de la Caisse nationale d’assurance vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse.

Or, sans les mesures nouvelles de redressement proposées, le déficit de la CNAV et du FSV aurait dépassé la limite des 10 milliards d’euros par an de reprise par la CADES. Compte tenu des dispositifs annoncés, la limite des 10 milliards d’euros sera juste atteinte, ce qui montre l’extrême fragilité de ce dispositif, dans le contexte actuel.

Troisième mesure, la revalorisation des prestations familiales est fixée à 1 %, au lieu des 2,3 % prévus.

Une nouvelle étape est ici franchie. On peut s’interroger sur la pérennité de cette mesure. Dans l’objet de son amendement, le Gouvernement précise que le dispositif ne serait applicable qu’à « titre exceptionnel » en 2012. Rien n’est évoqué pour les années suivantes. Qu’en sera-t-il effectivement ?

Le Gouvernement justifie, par ailleurs, la moindre revalorisation des prestations familiales par la nécessaire corrélation entre l’évolution de leur masse et celle de la croissance du pays. Étant donné les incertitudes qui pèsent sur notre taux de croissance, on peut donc légitimement s’interroger sur la reconduction de ce taux de 1 % les années suivantes, voire sur son éventuelle baisse à venir.

En tout cas, une chose est sûre : compte tenu du taux d’inflation que vous prévoyez, 1,7 %, tous les bénéficiaires des prestations familiales perdront en pouvoir d’achat, pouvoir d’achat dont Nicolas Sarkozy avait dit pourtant qu’il serait le président. En tout état de cause, cette mesure pèsera sur les familles les plus fragiles, c’est une évidence.

Je dirai un dernier mot de l’impact de ces mesures sur les comptes sociaux.

Le Gouvernement présente les nouvelles mesures de redressement comme une surcompensation de l’impact de la révision des hypothèses macroéconomiques. Il est vrai que le solde des régimes obligatoires de base est amélioré de 100 millions d’euros entre le projet de loi initial et le texte transmis pour une nouvelle lecture au Sénat. C’est néanmoins sans compter l’aggravation du déficit du FSV, qui passerait de 3,7 milliards d’euros à 4,1 milliards d’euros.

Au total, n’en déplaise au Gouvernement, le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV est aggravé de 300 millions d’euros, ce qui constitue un niveau de déficit inquiétant, plus du double de celui de 2007 !

Finalement, vous avez cru habile de reporter la plus grande partie de l’effort de maîtrise des comptes sociaux au-delà de 2012, mais en restant dans le flou le plus total sur vos véritables intentions pour les années à venir. C’est ce qui s’appelle du pilotage à très courte vue, dans la précipitation, c’est-à-dire sans capacité d’anticipation.

Les discours grandiloquents du Gouvernement sur les économies courageuses, voire « la seule politique possible » comme on l’entend à longueur de temps, et encore cet après-midi lors de la discussion du projet de loi de finances, apparaissent pour ce qu’ils sont : un tissu de propos vains et sans aucune vision de l’avenir de notre système de protection sociale.

Ne serait-ce que pour ces raisons, et sans revenir sur celles qui ont été évoquées par de nombreux orateurs, il est clair que nous ne pourrons adopter un texte que par ailleurs vous nous présentez dans des conditions indignes du travail parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’échec de la commission mixte paritaire relative au financement de notre protection sociale a mis en évidence des visions diamétralement différentes : d’une part, celle de la majorité sénatoriale et, d’autre part, celle du Gouvernement soutenu par la majorité de l’Assemblée nationale.

En effet, cette dernière vient consciencieusement de détricoter le projet alternatif de financement de la sécurité sociale que cent soixante-quinze sénateurs avaient adopté le 15 novembre dernier.

Par ce vote, notre majorité avait non seulement rejeté le texte du Gouvernement mais aussi démontré que, dans un cadre contraint par l’article 40 et par la loi organique du 2 août 2005, une alternative au toujours plus de déficits, toujours plus d’injustices et toujours moins d’efficience imposée par la droite depuis 2002 pouvait et devait être proposée à nos concitoyens.

N’en déplaise au ministre du travail, de l’emploi et de la santé, nous n’avons pas « l’impôt dans notre ADN ». En revanche, nous avons à cœur la justice, l’équité et la responsabilité.

M. Ronan Kerdraon. Et le courage !

Mme Christiane Demontès. Sur ce socle, nous avons construit et voté un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 radicalement transformé.

Si nous considérons le retour à l’équilibre indispensable au budget de la nation et aux comptes de la sécurité sociale, encore faut-il que les efforts consentis pour y parvenir soient eux aussi équilibrés. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui, tant la politique gouvernementale ménage les plus aisés, pour faire mieux peser les contraintes financières sur les assurés sociaux et, notamment, les malades.

Démontrant que d’autres choix étaient possibles, nous avons à la fois augmenté les recettes de près de 5 milliards d’euros, permis une réduction du déficit pour 2012 de 30 % et garanti une meilleure prise en compte de la santé et de la protection sociale de nos concitoyens. Voilà nos impératifs !

Quant à la majorité de l’Assemblée nationale, elle a préféré s’en remettre à la logique gouvernementale, qui veut qu’il n’y ait de dépenses acceptables que pour les plus aisés.

De la masse salariale et, donc, de son évolution dépend, nous le savons tous, l’essentiel des ressources de la sécurité sociale. À cet égard, soutenir l’emploi apparaît donc comme important, voire indispensable, notamment en période de crise profonde.

Tel est bien le contexte de notre pays, dans lequel certains dispositifs prennent un relief très particulier. Il en va ainsi de l’emblématique article 1er de la loi TEPA, qui instituait des exonérations fiscales et sociales sur les heures supplémentaires. Cette disposition reposait sur une vision classique libérale selon laquelle le chômage se réglerait tout seul avec le papy-boom. Plus sûrement, elle se voulait l’écho législatif du slogan « travailler plus pour gagner plus ». Elle s’avère en tout point une catastrophe. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Jean Desessard. Cela revient à baisser le taux horaire du travail !

Mme Christiane Demontès. Du point de vue budgétaire, ces exonérations représentent pour les finances publiques un coût total de 4,9 milliards d’euros, dont 3,4 milliards d’euros pour les seuls organismes de sécurité sociale, pour un gain d’à peine 0,15 % de PIB.

Du point de vue de l’efficience, il en va de même. Depuis trois ans, la Cour des comptes estime indispensable de revoir les dispositifs d’exonération de cotisations sociales. D’après le Conseil des prélèvements obligatoires, « l’efficience du dispositif semble très limitée, le gain en PIB étant en tout état de cause inférieur au coût de la mesure ». Ces avis sont également partagés par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, qui stigmatise l’inefficacité du dispositif, marqué par un fort effet d’aubaine. Il recommande donc, a minima, la suppression de la partie employeur des exonérations de cotisations sociales, avant la disparition totale de la mesure.

Vous nous l’assuriez, madame la ministre, vous ne croyez pas que « le travail se partage ». J’en prends acte, mais le problème, avec votre politique, c’est que non seulement vous ne partagez pas, mais de surcroît vous supprimez !

Que l’on se réfère à cet égard à quelques chiffres. En 2007, le taux de chômage était de 8 %. Désormais, il atteint quasiment 10 %. Le nombre de chômeurs de plus de cinquante ans a littéralement explosé, tandis que celui des moins de vingt-cinq ans augmentait fortement. Nous sommes bien loin de la promesse du candidat Sarkozy, qui, en mai 2007, avait pris l’engagement de conduire la France au plein emploi en cinq ans ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

Mme Chantal Jouanno. Et en Espagne ?

Mme Christiane Demontès. En effet, nous voici à l’heure du bilan et notre pays compte près de 10 % de chômeurs, soit plus de 4 millions de demandeurs d’emploi, toutes catégories confondues.

Mme Chantal Jouanno. Et dans les autres pays ?

Mme Christiane Demontès. Monsieur Milon, selon vous, le contingent d’heures supplémentaires a été de 360 millions au premier semestre 2011. Pouvez-vous aussi nous donner l’équivalent temps plein ? En 2008, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, avait enregistré 727 millions d’heures supplémentaires, ce qui représente 466 000 équivalents temps plein. Proportionnellement, ce dispositif aurait donc engendré a minima la perte de 100 000 nouveaux emplois. (Mme Catherine Génisson applaudit.)

Dans le même ordre d’idées, si un emploi salarié coûte en moyenne 41 000 euros en France, cotisations sociales comprises, cela signifie qu’en dépensant les 4,9 milliards d’euros qu’il a consacrés à l’exonération des heures supplémentaires, l’État aurait pu financer entièrement 120 000 emplois, et donc susciter des recettes supplémentaires pour notre protection sociale.

Mme Christiane Demontès. Un autre argument consiste à vanter l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés concernés. Selon un rapport parlementaire récent, il n’est que de 0,3 %, soit 29 euros par mois en moyenne, somme très inégalement répartie, puisqu’elle profite essentiellement aux ménages les plus aisés. En contrepartie, qu’en est-il de celles et ceux qui sont victimes de plans sociaux et de périodes de chômage technique plus ou moins longues ? Quel est, pour eux, et donc pour notre économie, le gain en pouvoir d’achat, l’effet d’entraînement ?

Ce dispositif constitue non seulement un puissant élément de dissuasion pour les entreprises qui auraient la possibilité d’embaucher des jeunes ou des chômeurs, mais aussi un effet d’aubaine que finance la dette. De plus, son incidence négative croît en période de crise, lorsque l’évolution des carnets de commande est plus qu’incertaine.

Compte tenu de ces éléments, la majorité sénatoriale avait donc raisonnablement supprimé l’article 1er de la loi TEPA. Mais rien n’y fait, mesdames, messieurs les sénateurs de droite, le Gouvernement et sa majorité ont choisi l’aveuglement idéologique ! Les Français jugeront et, malgré elles, les générations futures en seront comptables ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous voici, après un délai extrêmement court, de nouveau réunis pour débattre du budget de la sécurité sociale. Je ne dispose que de quelques minutes pour vous faire part de mes remarques, aussi vais-je me concentrer sur quelques points qui suscitent chez moi inquiétude et colère.

Tout d’abord, je ne peux que déplorer, comme beaucoup d’autres, le sort réservé par la majorité de l’Assemblée nationale au texte voté par les sénateurs voilà à peine quelques jours.

Malgré des délais intenables, un travail de qualité avait été fourni pour dégager des marges de manœuvre supplémentaires. Grâce non seulement à l’abrogation de l’article 1er de la loi TEPA, et donc à la suppression des exonérations sociales et fiscales des heures supplémentaires, mais aussi grâce à l’augmentation de la taxation des retraites chapeaux, des stock-options et des parachutes dorés, les sénateurs étaient parvenus à réduire le déficit de la sécurité sociale de 30 % par rapport au texte adopté par la majorité gouvernementale.

Quelle mauvaise foi et quelle hypocrisie que de revenir sur ces sources de financement, à l’heure où le Gouvernement affiche son obsession pour la règle d’or et la réduction à tout prix du déficit !

Je regrette une telle absence d’esprit d’ouverture…

M. Ronan Kerdraon. Nous aussi !

Mme Aline Archimbaud. … et la façon dont ont été balayées, sans nuance, d’un revers de la main, les solutions proposées par le Sénat.

Je pense notamment à la suppression de l’augmentation de la taxe sur les mutuelles, à la suppression de la taxe sur les mutuelles santé pour étudiants, aux dispositions visant à favoriser une plus grande égalité entre les hommes et les femmes dans l’entreprise, au maintien de la revalorisation des allocations familiales au 1er janvier, à la suppression du secteur optionnel, ainsi qu’à la garantie de droits constants en matière d’indemnités journalières en cas de maladie.

Ces mesures étaient justes et absolument nécessaires socialement.

Hier, l’Union pour la majorité présidentielle, réunie en convention à Lille, dévoilait ses propositions économiques et sociales pour 2012, en déclarant vouloir faire des échéances électorales à venir le « rendez-vous du courage ».

Je suis personnellement assez perplexe. Qu’y a-t-il de courageux dans l’attitude du Gouvernement et de sa majorité ? Qu’y a-t-il de courageux à attendre le premier jour de l’examen par le Sénat, en séance publique, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour réviser la prévision de croissance et la ramener de 1,75 % à 1 %, alors que la tendance était prévisible depuis des semaines ?

Qu’y a-t-il de courageux à annoncer un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, puis à changer d’avis au dernier moment et à faire adopter à l’Assemblée nationale, par voie d’amendement, les modifications prévues ? Cette attitude reflète un profond mépris à l’égard des parlementaires !

Qu’y a-t-il de courageux à proposer l’indexation des prestations d’aide au logement et des prestations familiales sur la croissance, et non plus sur l’inflation ? C’est brimer encore une fois les plus précaires, pour qui la différence sera substantielle, étant donné les taux actuels d’inflation et de croissance.

Enfin, qu’y a-t-il de courageux à lancer une politique intolérable de stigmatisation des bénéficiaires de prestations sociales et de suspicion à leur égard ? Cette campagne médiatique, vous le savez, est à la limite de la malhonnêteté intellectuelle, surtout lorsque l’on sait la faible part que représentent ces fraudes par rapport à d’autres, pour lesquelles le Gouvernement semble se montrer beaucoup moins vindicatif.

Mme Chantal Jouanno. Ce n’est pas vrai !

Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, vous n’êtes pas sans savoir que les fraudes des bénéficiaires aux prestations sociales ne représentent que 2 milliards à 3 milliards d’euros,…

Mme Christiane Demontès. De la tricherie !

Mme Chantal Jouanno. Et ce n’est rien ?...

Mme Aline Archimbaud. … ce qui est bien peu par rapport aux autres types de fraudes qui grèvent le budget de l’État. Je pense notamment aux fraudes sociales des employeurs, évaluées entre 8 et 15 milliards d’euros, en particulier au travail au noir, à la fraude fiscale, soit 25 millions d’euros par an, aux fraudes à la TVA, qui représentent entre 7 millions et 12 millions d’euros par an, aux fraudes concernant l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, qui se chiffrent à 4,5 millions d’euros par an.

Aussi, je m’étonne, même si nous devons bien sûr lutter contre toutes les fraudes, que vous axiez toute votre communication politique sur la fraude des plus pauvres.

Quand j’ai entendu parler ce matin dans les médias d’un « FBI » qui serait chargé de recenser les fraudeurs sociaux, j’ai tout d’abord cru à une mauvaise blague. J’ai ensuite réalisé que la proposition était très sérieuse. C’est inquiétant de populisme et de démagogie.

Mme Chantal Jouanno. Et vous ne faites jamais dans le populisme, peut-être ?

Mme Aline Archimbaud. Le courage, on l’attendait de la part du ministre de la santé lors de l’examen du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé ! Avec ma collègue députée écologiste des Yvelines Anny Poursinoff, j’avais d’ailleurs envoyé une lettre ouverte à Xavier Bertrand, afin de l’interpeller sur ce sujet. Elle est restée sans réponse…

Toutefois, l’attitude de la majorité gouvernementale à l’égard des avancées obtenues au Sénat en faveur de la sécurité sanitaire de notre pays indique clairement de quelle nature aurait été cette réponse...

Si vous voulez réellement faire preuve de courage, madame la ministre, puisque tel semble être le nouveau credo du Gouvernement, je vous conseillerai notamment, afin de diminuer l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, de dérembourser les dizaines de médicaments qui n’apportent pas réellement d’amélioration du service médical rendu et gonflent, avec l’argent public, les profits privés des laboratoires pharmaceutiques.

Mes chers collègues, il est tard et je ne serai pas beaucoup plus longue. Je voulais toutefois, avant de rendre la parole, rappeler encore une fois que la crise de la sécurité sociale n’est pas, en amont, une crise financière. C’est d’abord et avant tout la conséquence d’une crise sanitaire.

Aujourd’hui, en matière de santé publique, le véritable enjeu est donc de faire le bon diagnostic, en considérant que la crise de l’assurance maladie découle, pour une bonne part, de la crise sanitaire. L’on ne résoudra la crise de notre système de soins et de son financement que si l’on agit aussi à la source, sur les causes des grandes maladies chroniques actuelles, notamment le stress, la pollution, les conditions de travail, l’alimentation et, plus largement, si l’on s’interroge sur notre modèle de société et de développement, qui a atteint ses limites.

Notre système de santé ne peut plus se limiter à réparer les conséquences de la dégradation de l’environnement. Nous devons, en amont, mettre davantage de moyens dans la prévention, et d’une façon qui ne soit pas marginale. Il faut passer rapidement d’une logique uniquement curative, de réparation, à un système alliant soin, prévention et éducation à la santé. C’est en ce sens qu’il faudrait réorienter les ressources, de façon volontariste. Je propose non pas de nouvelles dépenses, mais, je le répète, une réorientation des moyens actuels, ce qui suppose de donner un coup d’arrêt à la logique de court terme qui inspire aujourd’hui la politique de santé.

Madame la ministre, vous avez vous-même insisté sur la nécessité d’avoir une vision d’avenir des réformes. Réorienter certaines dépenses vers la prévention pour ensuite pouvoir réaliser des économies, voilà une piste qui nous semble sérieuse et qui mériterait d’être rapidement examinée.

J’espère que nous aurons l’occasion, notamment au sein de la commission des affaires sociales, de dépasser les seules logiques de réparation et de court terme dans lequel ce débat nous enferme.

Madame la ministre, la situation est grave ; nous, parlementaires, en sommes conscients. Mais cela ne nous empêche pas d’exprimer notre désaccord stratégique profond !

C’est la raison pour laquelle nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)