Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Jean-Pierre Godefroy. Le Gouvernement propose une baisse drastique des crédits des maisons de l’emploi, que les parlementaires tentent ensuite de minorer.

Souvenez-vous : le projet de loi de finances pour 2011 prévoyait, dans sa version initiale, une diminution des crédits de 47 % par rapport à 2010. La mobilisation des parlementaires avait finalement permis de limiter la baisse à 21,45 %, ce qui n’est tout de même pas mince.

Pour 2012, c’est une nouvelle baisse de 34 % qui est proposée. Après le passage à l’Assemblée nationale, qui a adopté un amendement tendant à augmenter de 15 millions d’euros la dotation pour les maisons de l’emploi, la diminution des crédits reste néanmoins proche de 20 % par rapport aux crédits adoptés en loi de finances pour 2011.

Monsieur le ministre, vous affirmez ne pas être de ceux qui prônent la suppression des maisons de l’emploi au motif qu’elles feraient concurrence à Pôle emploi. C’est ce que vous m’aviez répondu l’an passé. Je partage votre avis lorsque vous déclarez : « Ces deux structures ont des vocations différentes, mais l’ambition qui les sous-tend est identique : faire reculer le chômage. »

En effet, les maisons de l’emploi sont des outils de proximité, réactifs et adaptables, qui permettent aux collectivités locales de construire avec l’ensemble des partenaires locaux des plans d’actions ciblés répondant aux forces et aux faiblesses de leurs territoires.

C’est exactement dans cet esprit que la maison de l’emploi et de la formation du Cotentin œuvre depuis plus de vingt ans. À la fin de l’année 2010, elle a d’ailleurs signé une convention avec l’État, afin de mettre en place un plan d’action territorial en faveur de l’emploi et de la formation pour la période 2011-2014. Cette convention prévoit normalement un financement de l’État à hauteur de 682 167 euros par an. Pour 2011, la baisse de son budget a pu être limitée à 7 % ; pour 2012, elle pourrait être de 10 %. Ces deux fortes baisses en deux ans pourraient l’obliger à réduire considérablement les actions prévues. Dans la conjoncture actuelle, cela me semble difficilement concevable. Et je finis par me demander quel est l’intérêt de contractualiser avec l’État !

En fait, après avoir encouragé la création et le développement des maisons de l’emploi – c’est, je le rappelle, l’œuvre de M. Borloo –, aujourd’hui, vous les étranglez ! Je ne comprends pas la logique d’une telle politique.

Et, sur les contrats aidés, ce projet de budget ne manque pas non plus d’incohérences !

D’abord, il faut que vous nous expliquiez comment vous comptez financer le même nombre de contrats que l’an dernier, c'est-à-dire 340 000 dans le secteur non marchand et 50 000 dans le secteur marchand, avec un budget en baisse de 135 millions d’euros !

À mon sens, la réponse est simple : ce sont les collectivités locales qui payeront ! Ainsi, la prise en charge mensuelle des conseils généraux passera de 83,65 euros par contrat en 2011 à 109,14 euros par contrat en 2012 ; celle de l’État diminuera donc d’autant.

Faisons un calcul simple. La prise en charge par les conseils généraux passe donc de 83,65 euros à 109,14 euros par mois, soit une augmentation annuelle de 305,88 euros. Multiplions ce chiffre par le nombre de contrats aidés dans le secteur non marchand, c'est-à-dire 340 000. Au total, ce sont ainsi plus de 103 millions d’euros supplémentaires à la charge des départements !

Par ailleurs, on peut s’interroger sur la sincérité des chiffres proposés.

En 2011, dès le mois de février, soit à peine deux mois après le vote du budget, le Président de la République a annoncé la création de 50 000 contrats supplémentaires et la dotation prévue pour les contrats uniques d’insertion et les contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CUI-CAE, a été majorée à hauteur de 145 millions d’euros par la première loi de finances rectificative pour 2011, celle du 29 juillet 2011.

Pour 2012, et compte tenu des perspectives peu encourageantes pour le marché du travail, il n’est pas insensé de penser que l’enveloppe proposée ne suffira pas à faire face à l’ampleur des besoins. Mais probablement ne voyez-vous pas les choses à très long terme ! J’en veux pour preuve que, contrairement aux années précédentes, la présentation des entrées prévisionnelles en contrat d’insertion n’est plus répartie sur les deux semestres. De là à penser que la durée des contrats sera réduite au premier semestre… Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre pourquoi !

Il y aurait beaucoup d’autres choses à dire sur ce budget, qui finalise les désengagements du Gouvernement et qui n’est clairement pas à la hauteur des enjeux. Mes collègues qui interviendront après moi ne manqueront pas d’en parler.

Le problème tient au fait que votre politique de l’emploi se résume en fait à des exonérations et des allégements de cotisations sociales patronales ayant pour double objectif de diminuer pour l’employeur le coût du travail peu qualifié, ce qui est supposé faciliter l’embauche – on a bien vu le résultat ! –, et de basculer le financement de la protection sociale des employeurs sur la fiscalité et les ménages, via l’épargne retraite, l’assurance privée et les mesures d’économies faits sur les retraites ou l’assurance maladie.

En cela, votre politique est parfaitement alignée sur les recommandations du MEDEF et de l’Association française des entreprises privées, l’AFEP.

Au final, on peut considérer que ce budget n’hypothèque pas totalement l’avenir, puisqu’il ne contient que des mesures de court terme et que toute mesure susceptible d’être prolongée est transférée sur des opérateurs du service public de l’emploi assistés d’opérateurs privés, comme Pôle emploi, l’AFPA, ou le FPSPP. Mais telle n’est pas notre conception d’une politique de l’emploi ambitieuse et volontariste !

C’est pourquoi nous rejetterons en bloc les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Caroline Cayeux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » constitue l’une des principales missions du budget général, puisqu’elle rassemble l’ensemble des crédits de l’État concourant à la réalisation des politiques de l’emploi et à la mise en œuvre du droit du travail.

Les crédits de cette mission sont examinés dans un contexte bien particulier, alors qu’il nous faut respecter un savant jeu d’équilibriste entre, d’une part, la maîtrise des dépenses et, d’autre part, l’indispensable soutien aux politiques de l’emploi.

Les chiffres du chômage doivent nous pousser à poursuivre la mobilisation engagée par le Président de la République. Ceux qui nous ont été communiqués au mois d’octobre ne sont pas satisfaisants. Pour autant, la politique du Gouvernement en matière d’emploi a permis d’éviter un certain emballement du taux de chômage. Nous avons connu une hausse du nombre de demandeurs d’emploi de 30 % en deux ans, mais le Royaume-Uni a connu une augmentation de 50 %, les États-Unis une augmentation de 100 %, et l’Espagne une augmentation de 121 % !

Mme Chantal Jouanno. Il ne faut pas l’oublier !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ne cherchez pas à fuir vos propres responsabilités !

Mme Caroline Cayeux. Ces chiffres ne doivent pas servir à nous exonérer,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ah !

Mme Caroline Cayeux. … mais ils permettent de mettre en perspective l’action du Gouvernement dans le domaine de l’emploi.

Certes, la dotation de cette année est en diminution de 16,6 % en autorisations d’engagement et de 10,7 % en crédits de paiement, mais cette baisse est imputable à l’extinction des dispositifs du plan de relance et à la poursuite des économies sur certaines dépenses d’intervention.

Face à cette situation exceptionnelle, ce budget s’inscrit dans le cadre de la nécessaire politique de redressement des finances publiques attendue par les Français.

Nous devons aussi concentrer nos efforts. Le Gouvernement a fait le choix de cibler les siens sur les publics les plus fragiles. Ce budget entérine une stabilisation des mesures à destination de ces publics.

Je peux évoquer les jeunes. L’accent est mis sur le développement de l’apprentissage, le lien étude-emploi étant le meilleur rempart contre le chômage. Qu’il s’agisse de l’adoption de la proposition de loi dite « Cherpion », texte que vous avez largement soutenu, monsieur le ministre, ou encore de l’aide à l’embauche des apprentis, nous rattrapons notre retard.

En matière d’apprentissage, les résultats de la campagne menée sont probants, puisque 65 % des jeunes déclarent qu’elle leur donne envie de suivre les formations de ce type et que 91 % des parents se déclarent prêts à les recommander. Toutes les ressources sont mobilisées – je pense aux missions locales et aux entreprises – pour aider les jeunes à trouver un emploi. L’ouverture d’un guichet unique de l’alternance permet de remplir un contrat d’apprentissage en moins de dix minutes.

Je voulais aussi évoquer l’engagement pris par le Président de la République le 7 juin dernier pour que les personnes handicapées retrouvent, elles aussi, le chemin de l’emploi. L’enveloppe, en augmentation, permettra de prendre en charge 20 535 handicapés. Le développement de l’insertion professionnelle des personnes handicapées est une priorité qui s’est traduite par une augmentation du nombre d’aides au poste en entreprise adaptée, à hauteur de 1 000 places supplémentaires par an pendant trois ans, ce qui représente un effort, significatif, de plus de 14 millions d’euros dès 2012.

Les personnes en reconversion de carrière ne sont pas laissées pour compte puisqu’a été prévue dans la première loi de finances rectificative pour 2011 une prime de 2 000 euros pour les entreprises recrutant des demandeurs d’emploi âgés de plus de quarante-cinq ans.

Permettez-moi d’évoquer l’article 62 de ce projet de loi de finances, qui prévoit de prolonger la majoration de l’aide accordée aux ateliers et chantiers d’insertion dans le cadre d’un contrat aidé. Il y a environ 5 000 structures d’insertion par l’activité économique en France.

C’est un acteur important, puisque ces structures réalisent 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, issus de l’activité d’environ 250 000 personnes par an. Ce secteur tient une place essentielle dans les politiques de l’emploi. Aussi l’État y consacre-t-il des crédits budgétaires importants, qui ont été augmentés de plus de 60 % depuis 2005, notamment dans le cadre du plan de cohésion sociale et du plan de relance de l’économie en 2009.

Pour 2012, l’État a confirmé qu’il était déterminé à poursuivre dans ce sens, puisque le soutien au secteur de l’IAE, avec 207 millions d’euros, est stable par rapport à 2011.

L’objectif de la mission « Travail et emploi » est également de faire en sorte que les services et les opérateurs gagnent en efficacité.

Il convient de signaler que la subvention des charges de service public accordée à Pôle emploi est reconduite, alors qu’une nouvelle convention tripartite est en cours de négociation avec l’État et les partenaires sociaux.

Si l’on ne connaît pas encore le détail de la feuille de route qui sera confiée à l’opérateur pour la période 2012-2014, la volonté clairement exprimée par le ministre Xavier Bertrand est de mettre l’accent sur la déconcentration des moyens et des objectifs,…

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est vrai !

Mme Caroline Cayeux. … afin de mettre en œuvre une gestion au plus près des besoins exprimés par les territoires. Ainsi, les responsables sur le terrain pourront disposer de réels moyens pour influer sur la situation de l’emploi au niveau local.

Enfin, je dirai un mot, à titre personnel, du budget des maisons de l’emploi. La diminution des subventions qui leur sont allouées s’explique par la volonté de maîtriser les dépenses d’intervention de l’État. Nos collègues députés ont certes adopté un amendement octroyant 15 millions d’euros supplémentaires aux maisons de l’emploi, mais ce budget est néanmoins en baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2011.

Les élus que nous sommes sont conscients de l’utilité de ces structures, en dépit de l’évolution de leurs missions rendue nécessaire par la création de Pôle emploi. L’établissement d’un nouveau cahier des charges ainsi que la diminution des crédits inquiètent les personnels. Il me paraît indispensable que le Gouvernement procède à une évaluation complète des maisons de l’emploi, en analysant leurs performances respectives et en étudiant les possibles perspectives d’évolutions.

Les maisons de l’emploi mènent une action remarquable qui complète celle de Pôle emploi. En leur sein, élus locaux, entreprises et associations sont mobilisés pour mener une politique d’État, mais surtout une politique locale unissant toutes les forces sur le terrain.

De nombreux exemples démontrent qu’une approche de proximité, ancrée dans la réalité du monde de l’entreprise, permet une action préventive d’accompagnement afin que les salariés concernés par les reconversions puissent retrouver une activité professionnelle et acquérir de nouvelles compétences.

Je suis bien consciente, ainsi que mes collègues cosignataires de l’amendement que je présenterai dans quelques instants, du contexte économique et financier actuel. Néanmoins, je considère que ces structures constituent une véritable valeur ajoutée pour l’amélioration du service public de l’emploi.

Les maisons de l’emploi ont su développer des partenariats extrêmement privilégiés et totalement nécessaires à un accompagnement très étroit, sans jamais faire doublon avec les services de Pôle emploi.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’écouterai avec une grande attention les réponses que vous nous apporterez sur ce sujet.

Mes chers collègues, malgré les contraintes budgétaires actuelles, le Gouvernement reste fidèle à son engagement en faveur de l’emploi, aux côtés de nos concitoyens les plus fragiles.

M. François Patriat, rapporteur spécial. Vous y croyez ?

Mme Caroline Cayeux. Nous assumons ce budget et le principe de responsabilité qui l’inspire.

Mes chers collègues, ni démagogie ni sacrifice, il s’agit simplement de responsabilité. Bien évidemment, le groupe UMP soutiendra cette politique. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Serge Dassault, rapporteur spécial, applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, une chose est frappante à la lecture du projet de loi de finances pour 2012 : alors que la France compte plus de 4,4 millions de demandeurs d’emploi en catégorie A, B et C, soit 4,7 % de plus qu’il y a un an, la majorité présidentielle a fait le choix de réduire de 12 % l’effort national pour l’emploi, soit 2,5 milliards d’euros de moins.

Monsieur le ministre, la crise est-elle terminée ? Les problèmes d’emploi sont-ils loin de nous ?

Madame Cayeux, je ne fais pas la même analyse que vous de la situation des jeunes : ils n’ont d’autres choix que les petits boulots, les stages ou le chômage ! Les entreprises, à la recherche du profit, ont remplacé progressivement les CDI par des CDD et les CDD par des stages. Aujourd’hui, plus de 1,2 million de jeunes stagiaires vivent avec 417 euros par mois, sans bénéficier du droit du travail et de l’assurance chômage, sans cotiser pour leurs retraites.

Faute d’une véritable politique de l’emploi, et alors que 77 % des salariés ont un CDI, la moitié des moins de vingt-cinq ans occupent un emploi précaire. Ce sont eux qui, en premier lieu, subissent les aléas d’une économie qui va mal, d’une société dans laquelle les inégalités explosent.

Mais ce ne sont pas seulement les jeunes, c’est toute la société qui est touchée par la montée de la précarité. Le chômage de longue durée, en hausse de 7,7 % sur un an, touche maintenant 1,7 million de personnes.

Face à la détresse et à la précarité dans laquelle se trouvent les Français, les crédits de cette mission manquent de sincérité tout autant que de justice et traduisent votre manque de volonté.

Ils manquent de sincérité, car ils ne sont cohérents que pour le premier semestre de l’année 2012.

En effet, le Gouvernement prévoit, par exemple, de réduire les crédits alloués aux contrats aidés, mais, malgré cette coupe de 135 millions d’euros par rapport à 2011, il affiche les mêmes objectifs. Comment est-il possible de faire autant avec moins de moyens ? C’est sur ce point, monsieur Godefroy, que je n’ai pas tout à fait la même analyse que vous. Selon moi, il s’agit tout simplement d’un tour de passe-passe. La seule façon de créer autant d’emplois aidés avec moins de moyens est de réduire la durée de ces contrats.

Je m’explique : alors que les contrats aidés étaient répartis avant sur deux semestres, en 2012 ils seront tous ventilés dès le début de l’année ; comme par hasard, monsieur le ministre, vous distribuez les contrats aidés juste avant un grand rendez-vous électoral…

Plutôt que de créer des emplois pérennes, plutôt que de permettre aux Français de sortir de la précarité, votre seul objectif est de faire baisser temporairement le chômage, pour des raisons de pure communication.

Monsieur le ministre, la politique de l’emploi ne doit pas cesser en avril 2012. Elle ne doit pas non plus s’arrêter aux frontières métropolitaines.

Quand on sait le sort que vous réservez aux dispositifs pour l’emploi en outre-mer, on en viendrait presque à regretter la situation de la métropole !

Les crédits destinés aux contrats aidés pour les départements d’outre-mer avaient déjà été réduits de 30 % en 2011 ; vous voulez les réduire encore de 9,5 % pour 2012. Les départements d’outre-mer, déjà durement touchés par la crise, n’avaient pas besoin d’un tel désengagement, qui laisse à penser que les DOM sont des territoires de seconde zone !

L’injustice dont vous faites preuve envers les DOM marque cette mission. On retrouve la même injustice dans la suppression de l’allocation de fin de formation, l’AFF, et de l’allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation, l’AFDEF, dont bénéficiaient les chômeurs en fin de formation. Les suppressions de crédits touchent principalement les allocations qui étaient destinées aux demandeurs d’emploi en fin de droits.

Avec la non-reconduction de l’allocation équivalent retraite, l’AER, vous privez de ressources des demandeurs d’emploi seniors ayant validé leurs trimestres de retraite, retraite qu’ils ne peuvent pas prendre faute d’avoir atteint l’âge requis. L’allocation transitoire de solidarité que vous avez instituée pour remplacer l’AER n’est même pas budgétisée !

L’emploi et la solidarité devraient être votre priorité. Finalement, vous flattez les marchés financiers et vous récoltez la précarité !

Que peuvent faire les salariés de Pôle emploi, puisque vous diminuez leurs ressources ?

Face au manque de volonté que vous manifestez pour soutenir le retour à l’emploi, je crains que le chômage, qui a déjà augmenté de 30 % depuis 2008, ne continue son ascension.

Pôle emploi fait face à l’arrivée d’un grand nombre de chômeurs avec de trop faibles moyens : 1 800 postes ont été supprimés l’an dernier, alors que l’effectif de demandeurs d’emploi suivis par chaque conseiller, qui était de 100 l’an dernier, est désormais proche de 115. On est loin des objectifs fixés par l’ancienne ministre de l’économie et de l’emploi, Christine Lagarde, à savoir un conseiller pour 60 demandeurs d’emploi.

Comme je l’ai constaté en participant à la mission d’information sénatoriale relative à Pôle emploi, les chômeurs sont malmenés en raison de cette insuffisance de moyens, humiliés, voire radiés trop souvent illégalement. Les usagers toujours plus nombreux de Pôle emploi se retrouvent face à des conseillers débordés, qui n’ont pas les moyens de les accompagner correctement. D’où ce malaise, et cette souffrance, que l’on constate aussi bien chez les salariés de l’opérateur que chez les usagers.

Le mois dernier, un cas extrême nous a rappelé cette situation dramatique. Un informaticien de quarante-cinq ans, au chômage et en fin de droits, a pris deux conseillers de Pôle emploi en otages.

Les gens craquent parce que c’est trop dur ! Le désespoir grandit pour tous les chômeurs et aucune réponse n’arrive, car si les files d’attente s’allongent, elles débouchent rarement sur un emploi. Et, plus grave, seulement un chômeur sur deux est indemnisé.

Plutôt que de tailler dans les dépenses des emplois aidés et dans les allocations destinées aux demandeurs d’emploi en fin de droits, il serait urgent de lancer un grand plan national pour l’emploi dans les services solidaires et les activités écologiques de proximité.

Pour nous donner les moyens de notre volonté, supprimons les niches fiscales. Comment expliquer à un jeune, à la recherche d’un premier emploi et d’argent pour payer son loyer, que vous préférez alléger l’ISF plutôt que de soutenir l’emploi ?

Nous ne pouvons accepter une politique qui creuse les inégalités, laisse filer les licenciements dans le secteur industriel et tolère que les seniors restent sans ressources. Nous devons conduire une action ambitieuse pour tous les précaires de la métropole et des départements d’outre-mer.

Si l’emploi est la priorité des priorités, comment accepter la diminution des crédits de cette mission ? Non, monsieur le ministre, les sénatrices et sénateurs écologistes ne soutiendront pas ce budget et voteront contre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. François Patriat, rapporteur spécial, et M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis, applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Travail et emploi » enregistrent une diminution de 12 % par rapport à l’an dernier. Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté une baisse supplémentaire de 85 millions d’euros.

Pourtant, le chômage est reparti à la hausse depuis avril et ne manquera pas de continuer à augmenter.

Dans un contexte où la croissance est insuffisante pour pouvoir espérer que le chiffre des demandeurs d’emploi diminue, nous attendions du Gouvernement un acte volontariste pour protéger les Français les plus fragiles. Ce geste n’a manifestement pas eu lieu !

Ce budget, nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, finalise le désengagement du Gouvernement par rapport à la politique de l’emploi.

Mes collègues ont fait état de toutes les mesures auxquelles nous nous opposons. J’interviendrai, pour ma part, plus particulièrement sur la suppression, depuis le 1er janvier 2011, de l’allocation équivalent retraite, décision que vous voudriez taire mais que nous avions déjà anticipée pour la dénoncer lors de la réforme des retraites.

Cette allocation, et vous ne l’avez jamais accepté, permettait, année après année, aux travailleurs involontairement privés d’emploi et justifiant, avant l’âge légal, du nombre suffisant de trimestres pour une retraite à taux plein de faire la jonction entre la fin de l’allocation chômage et le début du versement de leur pension.

Il s’agit de personnes ayant commencé à travailler tôt, souvent fatiguées, usées par le travail ainsi que par des conditions de vie difficiles et fréquemment précaires. Il s’agit de la population ouvrière des grands bassins du textile, du cuir, de la métallurgie, d’anciens bassins industriels où le taux de chômage atteint 15 % et où l’accès à l’emploi est des plus difficiles.

L’AER assurait, je l’ai dit, à des personnes modestes un revenu mensuel de moins de 1 000 euros, somme maximale pour un individu seul puisqu’elle est servie sous conditions de ressources. Elle avait déjà été supprimée au 1er janvier 2009 par la loi de finances pour 2008, ce qui avait privé plus de 65 000 personnes d’une ressource indispensable à la survie de leur foyer.

La mobilisation de notre groupe et des associations avait permis le rétablissement de l’AER pour 2009 puis pour 2010, mais la mesure n’a pas été prorogée ensuite.

Il a seulement été prévu, dans la loi portant réforme des retraites, que les chômeurs qui en bénéficiaient au 31 décembre 2010 continueraient à le faire jusqu’à l’âge de leur retraite.

Dans le budget que vous nous présentez, aucun crédit n’a été programmé pour financer de nouvelles entrées en 2011. Se trouve donc entérinée la fin de l’AER, prétendument remplacée par l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS.

Cependant, ce dispositif ne touchera pas le même public et concernera un nombre beaucoup plus limité de bénéficiaires : le chiffre annoncé de 11 000, largement surévalué, semble-t-il, est à comparer avec celui des 50 000 bénéficiaires de l’AER en 2010.

Les conditions fixées par le décret qui crée l’allocation transitoire de solidarité sont en effet pour le moins restrictives.

Il faut avoir soixante ans : en seront donc exclus tous les demandeurs d’emploi en fin de droits n’ayant pas atteint cet âge mais ayant cotisé suffisamment pour bénéficier de leur pension de retraite.

Il faut avoir été indemnisé par l’assurance chômage à la date du 10 novembre 2010 : en seront donc exclus tous les demandeurs d’emploi indemnisés à compter du 11 novembre, même s’ils remplissent toutes les autres conditions.

Il faut être né entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1953 : en seront donc exclus tous les demandeurs d’emploi en fin de droits à partir du 1er janvier 2011, qui remplissaient les conditions d’accès à l’AER, ainsi que ceux qui sont nés après le 31 décembre 1953.

Ainsi, nombre de salariés qui perdent leur emploi et qui n’en retrouveront pas, étant donné l’état du marché du travail, n’auront bientôt plus accès à un dispositif de préretraite et se retrouveront donc bénéficiaires des minima sociaux : l’allocation spécifique de solidarité, l’ASS, soit 15,37 euros par jour sous condition de ressources, ou le revenu de solidarité active, le RSA, soit 467 euros par mois pour une personne seule.

Non seulement ils perdront environ un tiers de leur allocation, ce qui est énorme sur des budgets familiaux aussi modestes, mais ils devront de surcroît attendre plus longtemps, jusqu’à 62 ans à l’horizon 2017, pour bénéficier d’une retraite, alors qu’ils ont suffisamment cotisé pour cela...

Cette injustice criante permettra au Gouvernement d’économiser plusieurs centaines de millions d’euros en précarisant les seniors les plus fragiles, sans doute pour les punir d’avoir commencé à travailler trop tôt…

Pour finir, je soulignerai un détail fâcheux : aucun crédit n’est prévu pour financer l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS ; le Gouvernement nous explique qu’elle sera financée par redéploiement de l’allocation spécifique de solidarité, alors que celle-ci est déjà sous-évaluée dans le projet de budget dans un contexte de hausse du chômage de longue durée.

Le Gouvernement jette dans la pauvreté plus de 40 000 personnes. C’est inadmissible !

Je vous demande, en mon nom et au nom de l’ensemble de mes collègues socialistes, de faire preuve d’équité et de rétablir les crédits en conséquence. À défaut de quoi, une fois de plus, il incombera aux collectivités territoriales – conseils généraux, communes – de répondre aux demandes de solidarité, et vous accuserez avec arrogance les élus locaux de trop dépenser. C’est scandaleux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)