M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question du séjour des étudiants étrangers diplômés dans notre pays est un enjeu qui me préoccupe depuis longtemps. Je vous avais d’ailleurs interpellé, monsieur le ministre, en commission des affaires étrangères, sur la fameuse circulaire du 31 mai 2011.

Je note avec satisfaction de nombreux points positifs dans la circulaire du 12 janvier dernier, qui introduit plus de flexibilité et facilite l’obtention d’une autorisation de travail pour les étrangers ayant achevé avec succès leurs études en France.

Je salue aussi le fait que cette circulaire insiste sur l’indispensable prise en compte de la fréquentation d’un établissement français à l’étranger comme critère facilitant l’obtention du changement de statut.

Représentant les Français établis hors de France et ayant étudié et travaillé dans plusieurs pays étrangers, je crois être bien placée pour apprécier la grande fertilité des échanges internationaux d’étudiants et l’intérêt de faciliter une première expérience professionnelle à l’étranger, tant pour les étudiants, à titre individuel, que pour les pays d’envoi et d’accueil, et tant pour les universités que pour les entreprises.

Si je me refuse pourtant à voter cette proposition de résolution, c’est d’abord parce qu’elle prévoit de « favoriser l’emploi de ces mêmes étudiants étrangers » sur le territoire, ce qui ne me semble pas être un objectif valable en soi.

J’étais voilà quelques jours à Dakar, et les autorités sénégalaises m’ont alertée sur le grave manque de médecins dans ce pays, alors même que de nombreux médecins sénégalais exercent en France.

En 2006 déjà, le président Wade soulignait qu’il était inacceptable que le Sénégal finance des bourses à des étudiants pour étudier la médecine ou l’informatique pendant plusieurs années et que ceux-ci exercent ensuite à l’étranger. Il proposait alors que l’étudiant ait à rembourser cette forme de « pantouflage ».

Mes chers collègues, il est de notre responsabilité de garder en tête ce handicap pour certains pays d’origine, même s’il faut bien sûr se garder de généraliser.

Un autre élément positif de la circulaire du 31 mai 2011, repris à l’identique par celle du 12 janvier 2012, est l’obligation que l’emploi proposé par l’entreprise soit en adéquation avec le parcours du jeune diplômé et que l’obtention du titre de séjour soit conditionnée par la réussite aux examens.

Bien sûr, il faut conserver une certaine souplesse dans l’appréciation du lien entre le domaine étudié et l’emploi, mais cette mesure était indispensable pour limiter les abus, tant de la part des étudiants que de la part d’employeurs indélicats.

D’ailleurs, de nombreux pays, dont les États-Unis, mettent déjà en œuvre de telles mesures.

En outre, s’il est légitime de permettre aux étudiants étrangers de bénéficier d’une première expérience professionnelle en France susceptible de renforcer les acquis de leur formation et de valoriser leur diplôme, cela ne doit pas déboucher automatiquement sur une installation permanente dans notre pays.

Au-delà de cette première expérience professionnelle, il est normal que les salariés souhaitant rester en France passent par une procédure de visa classique.

Au Canada, pays réputé pour son ouverture aux étudiants étrangers, l’autorisation ne peut excéder la durée des études et ne dépasse jamais trois ans. Aux États-Unis, la limite est de un an, pouvant être prolongée d’un an et demi dans certaines filières. En Allemagne, un projet de loi vient de faire passer de 90 jours à un an la durée pendant laquelle les étrangers ont accès au marché du travail à l’issue de leur diplôme.

Je soutiens pleinement la volonté du Gouvernement de mieux encadrer le séjour des étudiants étrangers, mais j’estime indispensable et urgent que nous travaillions ensemble à améliorer l’interface entre ces étudiants et notre administration.

Une augmentation du coût du titre de séjour n’est pas un handicap majeur en termes de compétitivité internationale,…

Mme Hélène Conway Mouret. C’est un obstacle !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … comme le prouve le succès des universités anglo-saxonnes souvent très onéreuses.

Les étudiants à haut potentiel, cette future élite internationale, que les meilleurs établissements du monde se disputent âprement, sont prêts à investir dans des études en France ; d’ailleurs, pour les plus modestes d’entre eux, des bourses existent.

Mais encore faut-il que la qualité de l’enseignement et de l’accueil soit au rendez-vous ! Ainsi est-il impératif de simplifier les procédures et d’éviter à ces étudiants de perdre un temps précieux dans d’interminables files d’attente. Nous voulons, nous devons attirer les meilleurs ; c’est la mission de CampusFrance. Mais la rapidité de l’exécution des formalités administratives et l’atmosphère dans laquelle celles-ci se déroulent sont des facteurs essentiels de succès dans un secteur stratégique et très concurrentiel.

Les conséquences sont directes, non seulement sur l’attractivité de nos universités, mais aussi sur l’état d’esprit dans lequel, de retour dans leur pays, les anciens étudiants vont ou non devenir des relais de la France. Ne gâchons pas ces potentiels vecteurs d’influence en laissant s’installer le désarroi, la déception, voire la rancœur. La dématérialisation d’une partie des formalités permettrait des progrès certains sur ce plan.

Avec plus de 280 000 étudiants étrangers accueillis en 2010, notamment grâce au dynamisme de CampusFrance, la France reste la quatrième destination d’accueil de la mobilité étudiante internationale derrière trois pays anglo-saxons ; mais elle est désormais talonnée par l’Allemagne, qui, voilà quelques semaines, a justement présenté un projet de loi visant à simplifier l’accès à l’emploi pour les étrangers qualifiés.

En ces temps de développement du partenariat franco-allemand, mais aussi face à la nécessité absolue de renforcer notre image, notre attractivité et notre compétitivité, j’ai toute confiance en nos ministres Claude Guéant et Laurent Wauquiez pour poursuivre avec vigilance leur travail sur ce dossier stratégique, en l’envisageant dans toute sa complexité, de la question du titre de séjour à celle de l’accès au logement, sans oublier la simplification des procédures administratives et l’intérêt pour notre pays d’attirer les meilleurs. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup d’arguments très précis, en particulier dans les interventions de l’initiatrice de cette résolution, Mme Bariza Khiari, ont montré à quel point cette circulaire était une aberration.

Comme il ne s’agit pas d’une question de générosité ou de cœur – on n’attend plus cela de votre Gouvernement ! –,...

Mme Sylvie Goy-Chavent. N’exagérez pas !

M. David Assouline. ... mais de raison, on est en droit de s’interroger sur les intentions que vous avez affichées quand il s’est agi de faire peur en faisant croire que nous étions devant une déferlante d’immigrés clandestins !

Au début, pour faire croire qu’il ne s’agissait que de cela, vous évoquiez les étrangers réguliers et leurs familles, qu’il fallait sécuriser en France, et vous teniez des discours tout à fait rassurants, rationnels, y compris sur l’attractivité de nos universités pour les étudiants étrangers. Mais, dans l’engrenage d’une politique politicienne qui est surtout une politique d’affichage, de campagne électorale, de drague d’un certain électorat, tout a dérapé et tous les messages se sont brouillés.

Monsieur le ministre, les libéraux, dont vous êtes et qui ne cessent de louer la libre circulation des biens et de l’argent dans le cadre de la mondialisation, se cabrent, deviennent très restrictifs, dirigistes, étroits d’esprit et se replient dès qu’il s’agit de la libre circulation des personnes !

Au mépris de la raison, de l’intérêt de notre pays, de son image dans le monde, de notre université et des enjeux dans le domaine décisif de la recherche au sein de la compétition internationale, votre circulaire du 31 mai 2011 est venue contrecarrer, ruiner les efforts de tous ceux qui se battent au quotidien pour le rayonnement de nos universités et de nos grandes écoles à l’échelon international, pour l’attractivité de nos structures, afin d’attirer les étudiants étrangers vers notre pays.

En effet, le problème n’est pas de savoir comment on les fait fuir. Depuis plus d’une dizaine d’années et pour tous les acteurs – les présidents d’université, l’administration des universités, nos ambassades à travers le monde –, le problème est au contraire de savoir comment aller les chercher...

Mme Bariza Khiari. C’est vrai !

M. David Assouline. ... dans un monde où la compétition est devenue acharnée dans ce domaine et où la position naturelle de la France est controversée par l’évolution du monde.

Avec cette circulaire, vous avez envoyé le message inverse, à savoir faire comprendre à ces étudiants qu’ils ne doivent pas venir et, pour ceux qui sont déjà là, qu’ils doivent repartir au plus vite. En fait, tous ceux qui sont dans la compétition avec nos structures françaises peuvent vous dire merci !

Au cours des débats sur l’enseignement supérieur, vous avez très souvent évoqué devant nous les classements internationaux, en particulier le classement de Shanghaï ou plus précisément l’Academic Ranking of World Universities, ARWU, précurseur du classement mondial des universités ou Global University Ranking. Selon vous, il ne faut pas trop en tenir compte, car les critères retenus ne sont pas forcément universels. Nous avons nos atouts, d’autres ont les leurs. Il ne s’agit pas de copier l’université américaine, chinoise ou autre.

Mais un critère est présent dans tous ces classements : l’attractivité pour les étudiants étrangers, le rayonnement de notre université et de notre recherche dans le monde. Or, sur ce point, les effets de votre circulaire se font déjà sentir sur le nombre d’inscriptions à CampusFrance. De nombreux étudiants qui avaient envisagé de venir commencent à se dire que la France n’est pas l’endroit où ils doivent aller, car ils vont y rencontrer des difficultés. En effet, le premier emploi étant souvent la validation, la concrétisation du diplôme obtenu, si l’on n’a pas l’assurance de l’obtenir, on préfère ne pas venir, pour ne pas voir ses études et son diplôme dépréciés, voire invalidés.

Pourquoi avoir adressé une telle circulaire ? Probablement parce que l’essentiel pour vous n’est plus l’intérêt de notre pays, ni celui de l’université et de la recherche. Il est plus vraisemblablement d’envoyer des messages à un certain électorat pour une certaine élection...

Je terminerai mon propos sous la casquette de président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, en disant que nous sommes en l’occurrence devant un cas d’école qu’a très bien souligné Mme Laborde.

Cette circulaire va plus loin que la loi que nous avions pourtant déjà contestée ; elle en restreint encore le champ, et cela pour une raison très simple : la volonté d’affichage ! Pis, certains me disent que les préfets vont au-delà de la stricte interprétation de la circulaire et qu’il s’ensuit très souvent des dérapages. C’est dû à toutes les consignes que vous leur envoyez pour que soient montrés du doigt les étrangers, qu’ils soient diplômés supérieurs ou simples travailleurs. Ces dérapages résultent de votre politique et de la façon que vous avez d’inverser le message envoyé de par le monde !

Et, pour qu’un message aussi fort et aussi puissant que les dégâts que vous causez avec cette circulaire puisse en annihiler les effets, je souhaite que le vote de mai 2012 nous permette de revenir sur ce texte. Ce serait un nouveau signe lancé à l’adresse du monde entier ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon engagement en faveur de la formation des jeunes et des étudiants n’est plus à démontrer ici, qu’il s’agisse de leur sécurité sociale ou de leur accès à des stages. En tant que présidente de la commission spéciale sur la formation professionnelle, j’ai pu faire évoluer ces derniers, mais j’ai aussi été la première à alerter les ministères lorsqu’une circulaire s’est concrétisée par une application contraire à la volonté du législateur et du Gouvernement.

Il a fallu de multiples interventions pour redresser une interprétation erronée et tatillonne qui a contraint des centaines d’étudiants à annuler le stage prévu en entreprise en 2010. Et, bis repetita, c’est ce qui semble s’être reproduit avec cette circulaire de mai 2011. Je me réjouis donc, chère Bariza Khiari, que vous ayez inscrit ce débat au Sénat.

Mais, depuis la fixation de l’ordre du jour, un accord a été trouvé entre les trois ministères concernés, ce qui m’a, je l’avoue, contrainte à changer une partie du contenu de mon intervention !

Dans un contexte de crise et de fragilité de l’emploi, il est de notre devoir de faciliter le début du parcours professionnel des étudiants, qu’ils soient français ou étrangers, sans pour autant faire preuve de laxisme.

Les étudiants cherchent à obtenir un diplôme qui ait de la valeur, à découvrir une culture différente, à maîtriser une langue étrangère, à se forger une expérience internationale. C’est l’essence même du programme Erasmus, auquel bon nombre de nos enfants ont participé. En France, les étudiants ont la possibilité de suivre des études intéressantes à des coûts faibles, les frais d’inscription et de visa étant sans commune mesure avec ceux de la plupart des pays réputés pour leur enseignement.

Mais, contrairement à l’auteur de la résolution, j’estime que les étudiants étrangers n’ont pas plus vocation à s’installer en France après leurs études que les étudiants français n’ont vocation à s’installer en Grande-Bretagne, aux États-Unis, au Mexique ou en Australie, après avoir passé des semestres hors de l’Hexagone.

Le texte du 12 janvier revient sur certaines dispositions-clés, comme l’autorisation provisoire de séjour, APS, qui est délivrée aux étudiants étrangers pouvant justifier d’un master.

Je me suis interrogée sur ce délai assez court, mais il s’agit d’étrangers de haut niveau. Si, au bout de six mois, ils n’ont pas intégré une entreprise, c’est que leur diplôme ne correspond pas aux besoins et aux attentes du monde du travail français.

Le fait qu’un étudiant étranger qui décroche un emploi ou une promesse d’embauche « avant la délivrance de son diplôme » puisse obtenir une autorisation est aussi une réelle avancée, tant pour le jeune que pour l’entreprise. Si ce texte revu semble mieux convenir, il ne résout toutefois pas tous les problèmes.

Comme d’autres de mes collègues, j’ai ici un dossier, celui d’une jeune diplômée en économétrie embauchée en CDI mi-2011 dans l’entreprise dans laquelle j’ai travaillé pendant trente ans. Son changement de statut n’a pas été renouvelé. Ce cas parmi d’autres justifie ma position.

Est-ce à des administratifs, qui ne connaissent – je pèse mes mots ! – ni la vie en entreprise ni les besoins spécifiques de celle-ci, d’intervenir dans la politique des ressources humaines d’une entreprise ? (Mme Bariza Khiari applaudit.)

Je doute qu’ils sachent même ce qu’est un actuaire bac+8 ! L’administration n’a pas les compétences pour faire ces choix. Je l’affirme ici, le rôle de l’administration est de vérifier que le contrat de travail est bien établi à des conditions financières comparables à celles des Français et que plusieurs candidats ont bien été reçus avant que la décision ait été prise. L’embauche d’un collaborateur se fait, certes, sur un profil technique, mais aussi sur une personnalité et sur sa capacité d’intégration dans l’entreprise.

Vous le comprenez, mes chers collègues, venant du privé, et d’une direction des ressources humaines, je suis choquée d’une telle intrusion dans la vie de l’entreprise. Monsieur le ministre, je souhaite que les cas traités en 2011 et contestés soient de nouveau étudiés à la lumière de la circulaire de janvier 2012.

Cette discussion est aussi pour moi l’occasion de proposer une évolution.

Dans certains pays anglo-saxons, les entreprises doivent sponsoriser les étrangers qu’elles veulent embaucher. Je propose d’impliquer davantage les entreprises, non pas en leur faisant payer les frais de visas, très faibles en France, mais en les associant davantage à la demande de titre de séjour de l’étudiant de haut niveau qu’elles veulent recruter. Il faut aussi impliquer davantage les universités qui connaissent ces éternels étudiants accumulant diplômes sur diplômes pour rester en France, sans avoir aucune intention d’y travailler ni de revenir dans leur pays origine.

Votre circulaire, monsieur le ministre, ce débat, madame Khiari, auront eu le mérite de nous faire réfléchir ensemble sur cette situation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR, ainsi que sur de nombreuses travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre vieux pays, qui appartient à un vieux continent, a beaucoup appris de l’histoire. Nous le savons, chaque fois que la France abandonne une partie de ses valeurs, trouve quelque compromis pour contourner ses objectifs humanistes, adopte je ne sais quels arrangements techniques pour se détourner de sa mission universelle, cela annonce un recul de sa grandeur et de son rayonnement.

Mme Sylvie Goy-Chavent. N’exagérons rien !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ces petites choses du quotidien qui peuvent paraître quantitativement négligeables auront, dans notre pays et ailleurs, de graves conséquences pour l’image de la France. Nous serons en effet nombreux à nous rappeler celles et ceux, brillants, parfois brillantissimes, qui furent utiles à nos entreprises et que la France jugea pertinent de rapatrier chez eux. Ils s’en souviendront, monsieur le ministre, avec leurs amis, leurs voisins, leurs enfants.

C’est un mauvais coup porté à la France, qui témoigne d’une étroitesse de vue. Qui peut imaginer en effet que notre développement économique serait menacé par quelques milliers d’étudiants étrangers de haut niveau que nos entreprises ont bien voulu embaucher ? Quand il s’agit de faire reculer les droits sociaux, vous ne vous privez pas d’écouter ces mêmes entreprises ! Mais dès lors qu’elles sollicitent ces étudiants brillants, qui leur permettent d’assurer une meilleure exportation de leurs produits, grâce à leur connaissance de cultures que nous n’arrivons pas spontanément à comprendre, vous refusez de les entendre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Il est faux de prétendre que le séjour en France des étudiants étrangers explique le nombre important de médecins étrangers dans notre pays. La raison d’une telle situation est ailleurs : nous ne formons plus assez de médecins qualifiés et refusons de nous donner les moyens d’un véritable aménagement de notre territoire.

Rappelez-vous, ce n’était pas de gaîté de cœur que les infirmières espagnoles venaient dans nos hôpitaux ! C’est parce que nous n’en avions ni formé ni recruté suffisamment. Le problème est d’ailleurs identique pour ce qui concerne les ingénieurs. Face aux difficultés que nous rencontrons dans certains secteurs, ne nous trompons donc pas d’analyse.

Quel étudiant est le plus important pour la France ? L’étranger qui vient y faire ses études, travaille quelques années pour nos entreprises, et défend ensuite, dans son pays ou ailleurs, nos valeurs et nos raisonnements, en assurant le rayonnement de notre langue ? Ou bien celui ou celle dont les études mirobolantes auront été payées par la nation, qui s’enrichira dans notre pays, mais dès qu’il sera riche refusera d’y payer des impôts et s’expatriera ? À mes yeux, le premier est plus important pour la France que le second. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.

Mme Colette Giudicelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais tenter de résumer en trois minutes la position du groupe UMP. Avant tout, je veux dire à Bariza Khiari, qui me connaît, comme je la connais, que j’ai été heurtée par ses propos nous accusant de pousser les étudiants étrangers vers la clandestinité, c'est-à-dire l’illégalité. Ni elle ni moi, je le sais, n’acceptons ce genre de choses.

Jamais les étudiants étrangers n’ont été si nombreux en France, jamais leur nombre n’a autant progressé qu’au cours de ces dix dernières années. La France peut effectivement se féliciter d’être l’une des destinations majeures des étudiants étrangers. Comme le disait Mme Assassi, c’est un honneur pour nous.

Environ 260 000 étudiants ont été accueillis par notre pays en 2011. Nous nous situons parmi les quatre premières destinations mondiales. Au cours de ces dernières années, la part des étudiants étrangers dans l’enseignement supérieur est passée de 7,1 % en 1998 à près de 12 % aujourd’hui. Certains se demandent, de façon allusive, si notre pays n’aurait pas intérêt à diversifier leur provenance, dans un contexte de concurrence internationale de l’enseignement supérieur.

Auparavant, les étudiants originaires des trois pays du Maghreb et des pays africains étaient les plus nombreux et représentaient environ 44 %, soit près de la moitié, des étudiants accueillis. Les choses ont beaucoup évolué, puisque 24 % des étudiants sont aujourd’hui originaires d’Asie, les étudiants chinois arrivant en deuxième position après les Marocains. Nous attirons progressivement les étudiants issus des pays émergents ou développés, ce dont nous nous félicitons. On constate que les étudiants chinois, par exemple, se dirigent moins vers les universités que vers les filières sélectives.

En revanche, la qualité globale de ceux que nous accueillons ne progresse pas. Alors qu’il est important pour notre pays que les étudiants étrangers réussissent aussi bien que les étudiants français, leur taux de réussite est inférieur de 40 % en moyenne.

En outre, comme le rappelaient le député Thierry Mariani et notre collègue François-Noël Buffet, rapporteurs, en 2006, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration, « la répartition par discipline des étudiants étrangers n’est pas satisfaisante, ceux-ci s’inscrivant massivement dans des filières déjà bouchées, qui ne répondent ni aux besoins de l’économie française, ni bien souvent à ceux des pays de départ, contrairement à la logique du co-développement ». Par conséquent, notre système souffre, de toute évidence, d’un manque de sélection des étudiants étrangers.

Par ailleurs, le problème du retour dans le pays d’origine est une question qui me paraît essentielle. Que deviennent les étudiants étrangers formés dans des filières sans issue et dont la formation ne correspond pas à une demande du pays d’origine ?

Enfin, s’agissant des étudiants formés dans des filières performantes, la question de l’« exode des compétences », qui touche durement les pays du Sud, ne doit pas être éludée si nous voulons faire écho à notre souci de favoriser le co-développement.

Pour répondre aux enjeux du retour dans le pays d’origine, la France a posé des règles simples et claires : un étudiant étranger a vocation à rentrer dans son pays d’origine au terme de sa formation, notamment pour permettre à son pays de bénéficier des connaissances qu’il a acquises. Ce premier message doit, me semble-t-il, être rappelé clairement. Au demeurant, l’idée qu’un étudiant étranger puisse conforter ses études par une première expérience professionnelle a toujours été admise.

En conclusion, je dirai que la circulaire du 31 mai 2011 était probablement trop générale. En revanche, la circulaire complémentaire signée jeudi 5 janvier dernier, par MM. Claude Guéant, Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez, permettra de régler de nombreuses difficultés.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne voterons pas la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat qui nous réunit aujourd’hui constitue un bon exemple des progrès importants réalisés depuis cinq ans dans le fonctionnement de notre démocratie parlementaire.

Il y a cinq ans, madame Khiari, vous n’auriez pas pu présenter cette proposition de résolution, tout simplement parce que la Constitution ne prévoyait pas la possibilité d’un tel débat. En 2008, sur l’impulsion du Président de la République, une ambitieuse révision constitutionnelle a permis la mise en place des résolutions, prévues à l’article 34-1 de la Constitution. C’est cette réforme qui rend possible notre débat d’aujourd’hui.

Je suis, pour ma part, très heureux d’avoir l’occasion de présenter à la Haute Assemblée la position du Gouvernement sur la question de l’accès des étrangers récemment diplômés au marché du travail français et de dissiper ainsi les malentendus qui ont pu naître récemment à ce sujet.

Pour que le débat soit parfaitement clair, il convient tout d’abord de rappeler qu’il concerne non pas les étudiants étrangers, contrairement à ce qu’indique le titre de la proposition de résolution, mais bien les ressortissants étrangers qui ont obtenu leur diplôme et donc achevé leurs études.

Quel est le sens de la politique du Gouvernement ?

Cette politique consiste à donner à notre pays toutes les chances de se développer, malgré la crise. Protéger l’emploi existant et redonner du travail aux chômeurs, français ou étrangers : tels sont nos objectifs. La limitation du flux de l’immigration professionnelle vise ces objectifs.

Mais la politique du Gouvernement tend, dans le même temps, à donner à nos entreprises, surtout à celles qui sont exposées à la concurrence internationale, des cadres performants, quelle que soit leur nationalité, dès lors qu’il existe un besoin avéré de cadres étrangers hautement qualifiés susceptibles d’apporter leur talent à notre pays, dans le respect de ses lois ; Mme Giudicelli a eu raison de le rappeler.

La France subissant une crise des plus graves, nous devons prendre en compte les réalités de notre marché du travail. Notre pays compte plus de 2,8 millions de demandeurs d’emploi et, vous le savez, ce nombre a malheureusement tendance à augmenter.

On ne peut pas non plus oublier que 24 % des étrangers non communautaires sont au chômage et que notre population active continuera d’augmenter durablement d’environ 110 000 personnes par an, selon l’INSEE.

Le défi qui nous est lancé est donc d’abord de réussir à former, valoriser et insérer sur le marché du travail la main-d’œuvre déjà présente sur notre territoire. Notre devoir est de permettre aux demandeurs déjà présents en France, qu’ils soient français ou étrangers, de trouver un emploi.

La circulaire du 31 mai 2011, que Xavier Bertrand et moi-même avons signée conjointement, s’inscrit dans ce contexte. Elle traite, je le rappelle, de l’immigration professionnelle en général, que le Gouvernement entend réduire.

Cette circulaire, beaucoup la commentent, mais peu l’ont vraiment lue. À vrai dire, à entendre tout à l’heure certaines interventions, je me demandais si nous faisions référence au même document. Je remercie M. François-Noël Buffet d’avoir rétabli quelques vérités très simples à son sujet.

Ce texte se limite à rappeler le droit en vigueur. Il vise principalement à renforcer les contrôles administratifs dans le cadre de la procédure d’introduction des travailleurs étrangers. Je signale d’ailleurs que ces contrôles permettent aussi de mieux lutter contre les abus commis par certains employeurs peu scrupuleux.

Cette circulaire n’avait donc pas pour objet principal la situation des étrangers récemment diplômés. Elle n’aborde du reste ce sujet qu’à titre subsidiaire, pour rappeler et non pas pour réduire, j’insiste sur ce point, les droits ouverts par la loi au bénéfice des diplômés étrangers. Vous en conviendrez du reste aisément, mesdames, messieurs les sénateurs, une circulaire ne peut modifier la loi.