M. Joël Guerriau, rapporteur. Dogmatisme !

M. Philippe Bas. Cela forme un tout cohérent et a été imaginé avec les meilleures intentions du monde, celles dont on dit que l’enfer est pavé : d’abord, préserver une ressource naturelle menacée, puis assurer son expansion pour faire face à la croissance des besoins des consommateurs au meilleur prix et, enfin, offrir aux entreprises de pêche qui auraient survécu à la cure d’amaigrissement prévue par la Commission des conditions d’exploitation favorables grâce à l’élimination de la concurrence et à la concentration des intervenants.

Nous ne pouvons accepter d’abandonner la pêche française à un avenir aussi funeste.

Le rapport de notre collègue Bruno Retailleau a fort bien montré que les fondements scientifiques des constats alarmistes portant sur l’évolution de certains stocks de poissons sont affectés d’une forte marge d’erreur, de l’ordre de 30 %. Bruno Retailleau a également démontré que le critère du « rendement maximal durable » utilisé par la Commission conduisait à placer la barre inutilement haut, car il est nettement plus exigeant que le critère tiré de la limite de sécurité biologique. Il a mis en évidence le fait que, si l’on parle de « rendement maximal durable », ce sont 75 % des stocks qui sont en surpêche, tandis que si l’on retient le critère de mise en danger biologique, seuls 32 % des stocks sont menacés.

M. Joël Guerriau, rapporteur. C’est déjà pas mal !

M. Philippe Bas. Par ailleurs, seulement 50 % des stocks ont fait à ce jour l’objet d’une évaluation scientifique.

Pour justifier une réforme à la fois brutale et radicale, la Commission européenne dresse un bilan exagérément négatif de la politique européenne actuelle, un bilan injustement sévère.

Les prescriptions posées au cours des dernières années pour la protection de certaines espèces, loin d’avoir été inefficaces, ont permis de donner un coup d’arrêt à leur surexploitation et d’améliorer l’état des stocks. Ainsi, on comptait trente-deux stocks surexploités en 2004 dans l’Atlantique ; on n’en comptait plus que dix-huit en 2011 !

M. Joël Guerriau, rapporteur. C’est déjà trop !

M. Philippe Bas. Ces éléments objectifs, ainsi que la connaissance humaine et vécue que nous avons des réalités de la pêche sur la plupart des travées de notre assemblée, où siègent de nombreux élus des régions portuaires, ne peuvent que nous rendre particulièrement vigilants, pour ne pas dire suspicieux.

Nous avons des désaccords fondamentaux avec de nombreux éléments qui sont au cœur du dispositif proposé par Mme Damanaki.

Nous ne voulons pas d’un rythme d’atteinte des « rendements maximaux durables » tellement brutal qu’il pourrait conduire à la fermeture de la moitié de nos pêcheries en trois ou quatre années. Je l’ai dit, il faut à la fois plus de temps, une meilleure connaissance scientifique des stocks de poissons et l’utilisation d’un instrument de référence qui soit respectueux des exigences de renouvellement espèce par espèce, sans pour autant être abusivement contraignant.

Nous ne voulons pas que les « totaux admissibles de captures » deviennent des quotas individuels transférables obligatoires, en somme des droits à pêcher librement échangés sur un marché.

En effet, le marché de ces quotas ne manquerait pas de se développer rapidement au détriment de la pêche artisanale. Confrontés à la difficulté persistante d’investir dans de nouveaux bateaux, inquiets pour l’avenir de leur activité, beaucoup de marins pêcheurs approchant l’âge de la retraite ne manqueraient pas de céder leurs droits à des entreprises de pêche capitalistiques, dotées de moyens financiers importants.

Ces quotas individuels constitueraient un puissant moyen d’évincer du marché les petits producteurs en accélérant de manière irrésistible la concentration de la flottille de pêche que nous observons déjà depuis plusieurs années. Je ne crois pas que cela aille dans le sens d’une meilleure préservation de la ressource, bien au contraire.

Nous ne voulons pas non plus d’une politique du « zéro rejet ». Elle ne profiterait qu’à la pêche minotière et pénaliserait nos pêcheurs artisanaux en diminuant la valeur de notre pêche. Le caractère aveugle d’une telle disposition la rend inadaptée aux réalités de la pêche.

Nous ne voulons pas d’une politique commune de la pêche qui ignore la petite pêche artisanale. Nous ne pourrons pas nous contenter d’une dérogation qui n’exonérerait qu’une faible partie de notre flottille artisanale des contraintes trop rigides de la réforme, si celle-ci n’évolue pas suffisamment. La concession faite en faveur des navires de moins de 12 mètres ne disposant pas d’engins remorqués n’est pas suffisante. Elle laisse de côté une part beaucoup trop importante de notre flottille.

C’est pourquoi nous avons soutenu avec force les amendements proposés par nos collègues Jean Bizet et Gérard Le Cam pour exiger la prise en compte de la « petite pêche », concept qui va bien au-delà de la seule « pêche côtière » telle qu’elle a été définie par la Commission.

Comme la commission de la pêche du Parlement européen, nous devons réclamer un programme communautaire spécifique de soutien à la petite pêche.

Nous ne voulons pas de la bureaucratisation des décisions imposées aux pêcheurs. L’accumulation des réglementations de toute sorte engendre des coûts supplémentaires et des contraintes qui ne sont pas toujours justifiées.

Je citerai un exemple ; vous le connaissez déjà, monsieur le ministre. L’interdiction totale de la pêche de la raie brunette, qui repose sur une vision indistincte de l’état du stock dans l’ensemble des eaux européennes, pénalise inutilement et injustement les pêcheurs de la baie de Granville, où cette variété est en réalité très abondante. Revenons à la raison ! On doit pouvoir pêcher la raie brunette là où elle est abondante, dans des conditions prévues par des plans de gestion attentifs à la ressource.

Enfin, nous ne voulons pas du démantèlement des moyens déjà si modestes consacrés par l’Union européenne à la modernisation de la flottille de pêche, à l’installation des jeunes, à la régulation du marché en cas d’effondrement des prix.

Nous voulons qu’un cadre communautaire suffisamment souple soit posé. L’Union doit définir les grands objectifs mais laisser le soin de définir les modalités de leur application à des instances de concertation régionales, pêcherie par pêcherie, dans le cadre de plans pluriannuels, en faisant confiance à la profession au sein de ces instances.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, nos pêcheurs sont des hommes et des femmes de qualité. Ils ont du caractère, ils ont du courage, ils ont de l’endurance et ils connaissent leur métier. Ils sont conscients de l’exigence du développement rural. Ils ne veulent pas laisser dépérir la ressource halieutique. C’est leur ressource ! Ils en sont les premiers défenseurs. Avec leurs organisations, ils sont responsables. Ce ne sont pas des prédateurs. Faisons-leur confiance, ils le méritent, ils accomplissent leur métier dans des conditions souvent difficiles, parfois dangereuses, toujours épuisantes, et ils le font sans aucune sécurité pour leur revenu, soumis à tant d’aléas, et sans assurance pour leur avenir.

La réforme Damanaki a été conçue sans les écouter. À nous aujourd’hui de faire entendre nos pêcheurs en affirmant une volonté politique forte et unanime. (Très bien ! et applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

4

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

situation de l'emploi

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Ma question s'adresse à M. le ministre du redressement productif.

L’annonce a été officialisée ce matin par la direction du groupe PSA : près de 8 000 emplois directs seraient supprimés sur différents sites de l’entreprise, avec les conséquences que l’on peut deviner sur les familles, les sous-traitants, les bassins d’emplois. L’impact économique et social réel irait donc bien au-delà de ces 8 000 emplois.

C’est une terrible nouvelle, si elle est vérifiée, pour l’industrie française, qui a déjà perdu, faut-il le rappeler, 750 000 emplois au cours des dix dernières années.

Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de « craindre un choc pour la nation à l’annonce de cette nouvelle ».

Élu d’un département, le Doubs, où l’automobile est un secteur dominant, je suis particulièrement bien placé pour mesurer le poids décisif de cette industrie.

Il n’est plus temps, bien sûr, d’épiloguer sur la stratégie de la direction de PSA, non plus que sur l’absence de stratégie du précédent gouvernement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Claude Jeannerot. Nous devons faire face ensemble à la situation. L’action du Gouvernement, de Pôle emploi, des organismes de formation tels que l’AFPA – l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – sera bien sûr décisive, qu’il s’agisse de la reconversion des sites ou du soutien aux salariés licenciés et à tous ceux qui seront touchés.

C’est une mauvaise nouvelle également pour l’emploi. Chacun le sait, cette annonce intervient dans un contexte difficile. Après treize mois consécutifs de hausse, le nombre de demandeurs d’emploi « tangente » les trois millions. Les jeunes sont particulièrement touchés : 22 % d’entre eux ne trouvent pas de travail. De plus, la durée moyenne du chômage atteint aujourd’hui treize mois.

Monsieur le ministre, la nouvelle de ce matin, émanant du groupe PSA, suscite de nombreuses questions. La perspective des destructions d’emplois envisagées constitue-t-elle, à vos yeux, une fatalité ? Est-elle inéluctable ? Peut-elle encore être remise en question ?

Au-delà, comment assurer un avenir au secteur de l’automobile, essentiel à la vie et à l’avenir économique de nos territoires ?

Je vous remercie de bien vouloir éclairer le Sénat sur ces différents points. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Guillaume. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur Jeannerot, c’est évidemment un choc pour le pays que cette annonce concernant de nombreux sites du groupe PSA. Voilà bien longtemps que notre pays n’avait pas connu des projets de cette nature, aussi graves, aussi lourds.

Vous le savez, la direction a annoncé non seulement que les structures du groupe seraient affectées, à hauteur de 3 500 salariés, mais également que le site d’Aulnay-sous-Bois serait fermé en 2014 et que 1 400 salariés du site de Rennes seraient concernés. Or celui-ci a déjà connu, en 2009, une suppression massive d’emplois.

C’est évidemment pour nous l’occasion de réfléchir un instant sur le passé, sans pour autant accuser quiconque puisque, souvenez-vous, nos prédécesseurs avaient apporté une aide de trésorerie de 3 milliards d’euros à PSA sous forme de prêts ainsi qu’une aide de 1 milliard d’euros à la banque de PSA.

MM. Christian Cointat et Roland du Luart. Ces sommes ont été remboursées !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Il y a eu, évidemment, tout au long de ces années, le soutien public du crédit d’impôt recherche, la prime à la casse, le chômage partiel…

Comment en sommes-nous arrivés là ? C’est la première question, qui m’a conduit, avec l’appui du Premier ministre, à demander à M. Emmanuel Sartorius, ingénieur général des mines, lequel a déjà enquêté sur Renault et n’est pas, pour ainsi dire, « membre » de la filière automobile, de conduire une mission sur cette dernière. Il aura donc le regard et l’indépendance nécessaires pour éclairer le Gouvernement, la représentation nationale ainsi que l’opinion publique sur les raisons stratégiques qui ont mené PSA à la situation actuelle : 700 millions d’euros de pertes au premier semestre, consommation de 200 millions d’euros de trésorerie par mois, alors que, l’année dernière, PSA a distribué 200 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires ! (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Arnaud Montebourg, ministre. Comment, donc, a-t-on pu en arriver là ?

Je vous le dis, nous n’acceptons pas en l’état le plan élaboré par PSA. Nous allons par conséquent, en liaison avec les organisations syndicales, lesquelles auront leurs propres experts pour examiner la situation, demander à PSA, d’abord de justifier sa situation, ensuite d’ouvrir un dialogue social, dont le Premier ministre a exigé qu’il soit exemplaire. Ce dialogue devra permettre d’envisager toutes les voies possibles, surtout les plus loyales, c’est-à-dire autres que celles que PSA a prévues, sur plusieurs sites de France, pour des milliers de salariés et de familles.

Il est évident que la nation tout entière devra se rassembler autour de ce symbole national qu’est l’industrie automobile française, car celle-ci a une longue histoire, dans laquelle des marques célèbres comme Peugeot et Citroën occupent une grande place.

La France a un avenir automobile, mais cet avenir exige que nous prenions les bonnes décisions. Toutes les stratégies, toutes les solutions seront sur la « table de la République ». Nous les examinerons lorsque nous y verrons clair et que nous pourrons partager le diagnostic sur la situation de PSA. Ensuite, nous reviendrons devant vous, parlementaires, avec des propositions concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Robert Hue applaudit également.)

critères concernant la régularisation des personnes en situation irrégulière

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Pendant cinq ans, une politique contraire à nos valeurs républicaines a été mise en œuvre (Exclamations sur les travées de l'UMP.) : humiliation d’hommes et de femmes arrêtés comme des malfaiteurs, parfois avec leurs enfants ; stigmatisation de ceux et celles qui leur viennent en aide ; reniement des promesses ministérielles de régularisation des travailleurs et travailleuses sans papiers.

Vous avez annoncé une circulaire aux préfets avec des critères clairs. Cette volonté d’application uniforme sur le territoire national d’un code que la gauche et les écologistes n’ont pas voté n’est qu’un palliatif, même si nous l’apprécions.

Vous le savez, les circulaires n’ont pas valeur de loi : les sans-papiers et « sans-papières » (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP et de l'UCR.) ne peuvent être des administrés de seconde zone, dont le statut est ou serait régi par des circulaires.

De plus, en laissant entendre que ces nouveaux critères n’augmenteraient pas le nombre des régularisations annuelles, vous fixez a priori ce nombre, indépendamment de toute réalité humaine et de toute notion de justice.

Or ceux qui nettoient nos parkings et nos bureaux, celles qui s’occupent de nos jeunes enfants et de nos vieux parents, ceux dont les enfants sont scolarisés et ont le droit de vivre leur vie en France avec leurs camarades, bref, tous ceux qui font partie de notre environnement social, depuis parfois de nombreuses années, ont droit à une vraie remise à plat de leur statut.

À quand, monsieur le ministre, une refonte intelligente, et digne d’une grande nation, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ?

À quand la prise en compte législative des normes internationales ou encore celle des « mariages rouges », où celui des deux membres du couple qui est en situation régulière fait du chantage ou va plus loin encore à l’égard du sans-papiers ou de la sans-papière ?

À quand la gestion humaine des étrangers malades ?

À quand une véritable analyse du « coût »des étrangers non européens, mais surtout de leurs apports à notre économie et à notre « vivre ensemble » ?

Bref, monsieur le ministre, à quand, enfin, une grande loi sur l’immigration, loin des fantasmes de ces dernières années ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame Lipietz, vous voudrez bien excuser l’absence de Manuel Valls, qui a dû partir dès aujourd'hui pour Chamonix en raison du drame survenu ce matin, au cours duquel neuf alpinistes ont trouvé la mort, quatre autres étant toujours portés disparus. Naturellement, la présence sur place du ministre de l’intérieur était nécessaire.

Vous interrogez le Gouvernement sur les critères de régularisation applicables aux étrangers présents sur notre territoire en situation irrégulière.

Admettre au séjour est un acte important, qui doit être pris selon des règles claires, compréhensibles et objectives.

Notre but est de mettre fin à tout arbitraire. Conformément à l’engagement présidentiel, des critères objectifs, transparents et appliqués uniformément sur le territoire seront définis. Un examen individuel de chaque dossier sera assuré.

Ces critères sont simples : les années de présence en France, la situation par rapport au travail, la scolarisation des enfants, les attaches familiales. Les étrangers non concernés feront l’objet d’une procédure d’éloignement dans des conditions qui respecteront leurs droits et leur dignité.

Le Gouvernement souhaite sortir des logiques de quotas, qui empêchent tout simplement l’application du droit.

Notre volonté est de mener une politique à la fois responsable et équilibrée. Il n’y aura pas de régularisation massive.

M. Christian Cointat. Très bien !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Pour ce qui est de la méthode, afin de travailler dans la sérénité et le dialogue, le ministre de l’intérieur a décidé de consulter largement. Ainsi, dans les semaines à venir, Manuel Valls recevra les associations, syndicats et organisations impliqués. Ce travail conduira à la publication d’une circulaire dès le mois de septembre.

Enfin, vous savez comme nous qu’une politique migratoire ne se résume pas au nombre des régularisations effectuées. C’est une politique globale et cohérente qu’il nous faut mener. La fermeté dans la lutte contre les filières d’immigration irrégulière doit se combiner à des procédures respectueuses des droits. Ainsi, la place des enfants n’étant pas dans un centre de rétention, le ministre de l’intérieur a publié la semaine dernière une circulaire visant, pour les familles, à privilégier l’assignation à résidence.

Madame la sénatrice, vous avez aussi exprimé le souhait d’une gestion humaine des étrangers malades. Comme vous le savez, l’article 29 du projet de loi de finances rectificative pour 2012, dont vous débattrez avant la fin du mois, prévoit la suppression de droit de timbre de 30 euros pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État. (M. Henri de Raincourt s’exclame.)

L’enjeu, c’est aussi et surtout l’intégration républicaine des étrangers présents légalement sur notre territoire. Là aussi, sur un terrain abandonné depuis de nombreuses années, les Français nous attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées du groupe CRC.)

situation générale de l'emploi

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Lors de la conférence sociale qui vient de se tenir, vous avez mis à l’ordre du jour une négociation sur la « sécurisation » des emplois.

Aussi, quand le groupe PSA annonce qu’il envisage de supprimer 8 000 emplois, dont ceux des 3 500 salariés du site d’Aulnay-sous-Bois, le Gouvernement est au pied du mur. Laissera-t-il supprimer 8 000 emplois dans l’automobile après que l’État a accordé 4 milliards d’euros de prêts aux constructeurs ?

Monsieur le Premier ministre, nous avons constaté que le débat était ouvert sur les solutions, même si certains, le MEDEF en tête, soutiennent toujours les mêmes : exonérations de cotisations sociales, transfert du financement de la protection sociale des entreprises sur les ménages, au travers de la TVA ou de la CSG. Or ces solutions n’ont pas fait la preuve de leur efficacité en termes de créations d’emplois, loin s’en faut : les résultats sont là !

D’autres choix sont possibles : favoriser la demande en France par une hausse des bas salaires, diminuer les charges financières des entreprises, notamment les PME, développer une politique publique du crédit ; mais aussi conditionner l’utilisation des fonds publics et l’accès aux marchés publics.

Que dire d’Airbus, qui envisage de fabriquer les A320 commandés par les Américains aux États-Unis plutôt qu’à Toulouse ?

Que dire de l’entreprise Camiva, qui dispose du marché des camions de pompiers, qui a fait de gros bénéfices l’an dernier et qui veut partir en Allemagne ?

Monsieur le Premier ministre, ma question, c’est celle de l’urgence.

Le temps nous est compté pour stopper la disparition annoncée de quelque 75 000 emplois et, en réalité, avec les effets induits, trois ou quatre fois plus, sans compter les conséquences dramatiques pour les familles, les comptes sociaux et les territoires. Le nombre de postes menacés est de 13 000 dans l’automobile, 8 600 dans les transports, dont plus de 5 000 à Air France, 8 500 dans la distribution, dont 3 400 à la société Doux, 2 000 dans les banques et les assurances. Et cette liste est loin d’être exhaustive : vous le savez, il y en a bien d’autres !

Monsieur le Premier ministre, comme je vous l’ai déjà dit, il faut un moratoire sur les plans sociaux, s’appuyant sur des mesures législatives et réglementaires d’urgence.

Vous avez évoqué, comme le Président de la République, la nécessité « d’encadrer les licenciements abusifs ». Saisissez le Parlement de toute urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame la sénatrice, vous avez raison de le faire observer : nous sommes actuellement confrontés à une « hémorragie » de plans sociaux qui avaient été soigneusement dissimulés au cours de la période électorale. (Protestations sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Claude Gaudin. C’est facile !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Je veux dire, en réponse aux protestations de l’opposition, que Camiva a annoncé la fermeture de son usine de Savoie le 7 mai, au lendemain de l’élection présidentielle. S’agissant d’Air France, c’est une semaine plus tard que ses dirigeants sont venus me trouver pour m’annoncer un plan de 3 500 départs volontaires,…

Mme Natacha Bouchart. Qu’allez-vous faire, monsieur le ministre ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. … soit autant de personnes qui vont perdre leur travail, qu’ils soient d’accord ou non.

La situation de Bouygues a été présentée à l’ancien Premier ministre, François Fillon, il y a plusieurs mois, sans aucune réponse en retour. Et nous avons maintenant 600 personnes sur le carreau !

Pour ce qui concerne SFR, l’annonce date d’il y a quelques jours. S’agissant de la fermeture du site de Rio Tinto en Savoie, nous ne sommes au courant que depuis un mois.

Mme Natacha Bouchart. Qu’allez-vous faire pour ces salariés ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Les dirigeants de Sanofi viennent de débarquer pour nous dire qu’ils envisagent la suppression de plusieurs milliers d’emplois. Que ne l’ont-ils dit plus tôt ? L’année dernière, cette société a fait 5 milliards d’euros de bénéfices ! (Exclamations sur les travées de l'UMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Bref, madame Borvo, vous avez raison : ces dissimulations et ces silences ne nous empêchent pas de devoir réagir maintenant et de préparer l’avenir. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)

La question est de savoir ce que le Gouvernement et la nation tout entière entendent faire face à des plans sociaux que l’on peut qualifier, comme l’a fait le Premier ministre dans son discours de politique générale, d’abusifs. Il y a des plans sociaux qui ne sont pas justifiés par la situation financière de l’entreprise.

Il est nécessaire que le législateur puisse se donner les moyens de faire le tri, d’octroyer des contre-pouvoirs aux salariés.

Tous ces éléments figurent dans la négociation menée dans le cadre de la Grande Conférence sociale. Un certain nombre de projets sont à l’étude. Ils feront l’objet d’une discussion une fois que les partenaires sociaux auront constaté soit leur accord, soit leur désaccord. Nous souhaitons intervenir rapidement.

Il est nécessaire que la puissance publique se réarme, après s’être déclarée impuissante. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Il est nécessaire que les groupes qui gagnent de l’argent ne profitent pas de la situation pour se défaire de leurs salariés. Nous avons déjà assez à faire avec les groupes qui perdent de l’argent et qui sont obligés de se séparer de leurs collaborateurs.

À nous d’être intelligents collectivement, pour faire en sorte que la France reste une grande nation productive et industrielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Alain Gournac fredonne « Paroles, paroles ! »)

décentralisation

M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.

M. Christian Bourquin. Monsieur le Premier ministre, il y eut, après 1981, une décentralisation pour redynamiser la France, pour la relancer. Il y eut, après 2002, une décentralisation pour faire des économies et transférer les déficits de l’État vers les collectivités territoriales.

Au cours de votre discours de politique générale, vous avez insisté sur la décentralisation et nous avons apprécié les objectifs que vous avez fixés.

Êtes-vous prêt à aller, dans le cadre de notre modèle républicain, jusqu’à un État-nation qui soit véritablement et strictement un État régalien, conservant la main sur les six ou sept thèmes prioritaires, garant des services publics pour tous les citoyens et en tous lieux – les finances nationales, la monnaie, l’éducation, la santé, la justice, la sécurité, tant extérieure, avec l’armée, qu’intérieure, avec la gendarmerie et la police –, toutes les autres fonctions qui relèvent de la sphère publique étant assurées par les territoires, régions et départements ?

Êtes-vous prêt à mobiliser les moyens financiers nécessaires pour y parvenir ? Êtes-vous prêt à vous concerter avec l’ensemble des élus locaux pour travailler en vue de cet objectif ? Êtes-vous prêt à mettre en place un pouvoir régalien autonome dans les territoires, comme cela a été fait dans d’autres pays européens, notamment en Italie et en Espagne ? Êtes-vous prêt à ce véritable big-bang territorial ?

Monsieur le Premier ministre, est-ce dans cette voie que vous comptez aller ? Si tel est le cas, les élus locaux que nous sommes sont prêts à travailler avec ardeur à vos côtés ! (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Jean-Louis Carrère applaudit également.)