M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, chers collègues, comme cela a déjà été dit, c’est conformément au souhait du Président de la République, pour honorer un de ses engagements pris pendant la campagne présidentielle, que nous sommes présents aujourd’hui dans cet hémicycle afin d’examiner le texte préparé par le ministère de l’égalité des territoires et du logement.

Il ne s’agit pas moins que de refonder une politique publique du logement répondant tout à la fois à une urgence, à une exigence et à une obligation de solidarité. Il s’agit de remettre l’État devant ses responsabilités. Et parce qu’il y a là, vous l’avez dit, madame la ministre, une priorité nationale, il appartient à l’État de permettre, à terme, à chacun d’accéder à une offre de logements à loyers abordables et de qualité, conformément du reste à ce qui a été validé par le choix des électeurs.

C’est un impératif, et c’est la raison pour laquelle, au-delà de l’obligation de travailler en urgence – sur laquelle nous avons fourni des explications –, je voudrais faire remarquer à ceux qui ont exprimé une indignation vraie ou fausse que leur émotion doit être relativisée et mise en regard de l’expression du suffrage universel lors de l’élection présidentielle. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

D’ailleurs, ceux qui s’indignent aujourd’hui sont aussi ceux qui, en leur temps, ont accepté avec beaucoup de bienveillance, à coups de taux zéro, de loi Robien ou Scellier, de sacrifier temporairement le logement social au profit de l’investissement locatif privé !

Faut-il rappeler, après M. le rapporteur, que si, en 2011, on a assisté à une accélération du nombre de création de logements sociaux, c’est en grande partie grâce à l’effort des collectivités territoriales, dont l’engagement financier a rattrapé puis dépassé celui de l’État ? Faut-il aussi rappeler que ce dernier ne se privait pas de leur faire des procès en gabegie financière ?

Nous connaissons la situation actuelle. La part des ressources des ménages consacrée au logement connaît des niveaux sans précédent, avec une moyenne qui se situe à 25 %. Dix millions de personnes sont concernées par la crise du logement, trois millions sont très mal logées, et cinq millions vivent dans des conditions extrêmement précaires. Au total, plus de 1 700 000 personnes ont déposé des demandes de logements sociaux, le déficit d’offres se situant à plus de 900 000. Le délai d’attente pour l’obtention d’un logement social varie en fonction des communes de un an à neuf ans.

Chacun doit avoir en tête ce reportage diffusé le week-end dernier à la télévision, où l’on voyait qu’une jeune mère célibataire n’avait à offrir qu’un placard en guise de chambre à son enfant, malgré une demande d’accès à un logement social datant de plusieurs années.

Chacun doit également avoir en tête les images de ces sinistres qui ont lieu – ce fut encore le cas tout récemment – dans des immeubles délabrés, où les victimes – qui expriment toujours le même désarroi – sont exploitées par des marchands de sommeil sans scrupules, situations que nous avons été nombreux ici à évoquer.

Un constat s’impose : la crise est profonde et atteint un tel paroxysme qu’il appartient à l’État de monter en première ligne dans le cadre de cette guerre contre la précarité affectant le logement social.

C’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui, avec le texte élaboré par le Gouvernement que vous nous présentez, madame la ministre. C’est une étape absolument indispensable : nous avons ainsi l’occasion, mes chers collègues, d’envoyer un signe fort dans le cadre d’une politique du logement relancée et actualisée, qui engage l’État pour la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, pour un total de 2,5 millions de logements sur le quinquennat.

Un tel enjeu politique s’impose à nous dans sa complexité. Les paramètres à prendre en compte, qu’ils soient administratifs ou d’une autre nature, ne sont pas les mêmes que ceux qui s’imposaient voilà dix ans. Je pense notamment au sort des familles monoparentales, mais aussi aux besoins qui s’expriment dans les territoires ruraux, où la crise frappe malheureusement aussi.

Aujourd’hui, il nous appartient donc de légiférer sur l’opportunité donnée à l’État et à ses établissements publics de mobiliser leur foncier de manière forte et rapide, en ouvrant la possibilité de cessions facilitées jusqu’à la gratuité pour ce qui concerne la création de logements sociaux.

La maîtrise du foncier est la clé de tout : elle permet la relocalisation pertinente des projets ; surtout, le prix du foncier conditionne le montant des loyers. Par ailleurs, il s’agit aussi d’accroître les obligations en matière de logements sociaux en relevant le seuil prévu initialement par la loi SRU de 20 % à 25 %, tout en augmentant sensiblement les pénalités à l’encontre des communes dites récalcitrantes.

Chacun sera d’ailleurs amené à balayer devant sa porte et on verra bien qui manifestera la volonté politique de participer à cet effort !

J’ai été frappé par vos propos, monsieur Dallier, et de l’insistance avec laquelle vous avez évoqué un scénario catastrophe, tout en rappelant l’acuité et la pertinence des décisions des élus locaux, ainsi que leur honnêteté intellectuelle. Vous n’hésitez pas à expliquer que, pour « échapper » au problème, certains d’entre eux seraient capables de fabriquer des petites surfaces plutôt que des appartements d’une taille qui soit en adéquation avec la demande.

Les grandes dispositions de ce texte illustrent le sens de l’action du Président de la République et de sa majorité en ce qui concerne la politique du logement : il s’agit d’une politique volontariste, mettant chacun face à ses responsabilités, tout en redonnant à la solidarité nationale la place qui est la sienne, dans une société qui se voudrait aboutie.

Il y a, je le répète, urgence. L’heure est donc non pas à la tergiversation, mais bien à l’action ! Vous pouvez, madame la ministre, compter sur nous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.

Mme Colette Giudicelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis trente-cinq ans, nous aurons connu successivement dix-huit lois et d’innombrables décrets relatifs au logement des Français, sans parler des dispositions qui ont trait à l’urbanisme.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui prétend régler, comme par magie, le problème du logement, en imposant aux communes une hausse des quotas de construction et des pénalités en cas de non-respect de ces quotas.

On ne peut bien évidemment que constater les difficultés que rencontrent les ménages désireux d’accéder à la propriété ou de trouver un logement en location dont le loyer soit compatible avec leurs revenus. Ce phénomène s’observe avec plus d’intensité en Île-de France et en région PACA. Car tous les habitants de la Côte d’Azur ne sont pas riches ! Vivent aussi dans notre région des jeunes femmes fonctionnaires, seules avec deux enfants, qui, avec un loyer de 700 euros pour un trois pièces, ont bien du mal à nourrir leur petite famille jusqu’à la fin du mois ! Ce sont des situations que nous vivons tous les jours.

Mais le problème du logement n’est pas seulement tributaire de la volonté des collectivités territoriales de construire ou non de nouveaux logements sociaux. Les stigmatiser encore et toujours me semble un peu facile. C’est bien beau d’augmenter les pénalités ! Mais, au final, madame la ministre, qui va les payer ? Nos concitoyens, une fois de plus !

L’accession sociale me semble plus que jamais un maillon indispensable à la résolution de la crise du logement : dans notre pays, vous le savez, le taux de propriétaires est bien inférieur à celui de nombre de nos voisins, pour ne pas dire de tous nos voisins. Pour autant, nos concitoyens n’aspirent pas à demeurer éternellement en HLM. Nous devons donc leur offrir des perspectives d’évolution et leur permettre, grâce à des dispositifs adaptés, d’accéder à la propriété.

Aujourd’hui, une grande quantité de logements sociaux pourraient ainsi être libérés. Une telle ambition peut aussi passer par l’encouragement à la vente des logements à leurs locataires. Cette démarche, qui fut lancée sous l’impulsion du général de Gaulle – nombreux sont ceux qui l’ignorent – par la loi du 10 juillet 1965, fut reprise ensuite par la loi Méhaignerie du 23 décembre 1986.

L’expérience le montre, lorsque les locataires d’un immeuble deviennent propriétaires, les dégradations cessent, les tensions diminuent et les problèmes aussi, ce qui me semble très important.

J’ai déposé récemment une proposition de loi visant à modifier les conditions d’attribution des logements sociaux, afin de promouvoir la mobilité au sein du parc locatif. Comme l’a reconnu la Cour des comptes, nombre d’occupations sont en effet anormales ou indues. Personne n’imagine, au niveau national, la quantité d’appartements concernés par ce problème ! Certains locataires vivant en HLM disposent par ailleurs de revenus ou d’un patrimoine - il peut s’agir d’un commerce, d’un appartement donné en location ou même d’une résidence secondaire -, alors même qu’ils ne paient auprès de certains bailleurs que 120 euros pour un quatre pièces. Et ce ne sont pas les faibles surloyers imposés qui les inciteront à quitter leur logement social !

Une telle situation est particulièrement choquante, même si, évidemment, la solution ne pourrait pas être mise en place du jour au lendemain et sans que des exceptions soient prévues.

Le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et la lutte contre l’exclusion ne règle pas les situations abusives de ces locataires. La législation actuelle, en matière de dérogation au principe de maintien dans les lieux, ne concerne en effet que deux cas, la sous-occupation ou le dépassement des plafonds de ressources. Là encore, de nombreux logements sociaux pourraient être libérés au profit de nos concitoyens les plus modestes, qui en ont bien besoin. Je compte d’ailleurs, madame le ministre, sur votre soutien pour m’aider à faire passer la proposition de loi que j’ai déposée en la matière.

De nombreuses autres pistes pourraient être explorées, sans stigmatiser de manière aveugle nos communes. Ainsi, dans ma ville, que mon collègue sénateur des Alpes-Maritimes connaît bien, il est imposé à chaque promoteur privé, depuis plus de dix ans, la construction de 20 % de logements sociaux à chaque fois qu’une demande de permis de construire d’un logement privé est déposée, sous peine, si ce seuil n’est pas atteint, de devoir acquitter une amende de 80 000 euros par appartement social non construit. Ces crédits sont inscrits sur une ligne très particulière du budget de la ville et ne peuvent être affectés qu’à l’achat de terrains destinés à la construction de logements sociaux.

Cela étant, je voudrais attirer votre attention, madame la ministre, mes chers collègues, sur les problèmes particuliers des Alpes-Maritimes, où il est désormais quasi impossible, pour un ménage moyen, de se loger. Vous me répondrez qu’il convient de dégager rapidement des réserves foncières. Or, sur les cent soixante-trois communes de ce département, cent dix-huit sont soumises à la loi Montagne, seize à la loi Littoral et cent sept à la loi Littoral et aux plans de prévention des risques naturels prévisibles, les PPRN. Imaginez les conséquences de la suppression, d’un coup de plume, de 48 % de l’espace constructible, comme on a pu le voir à Menton ! Je ne comprends pas, madame le ministre, que l’on légifère sans prendre en compte les particularités géographiques et économiques locales.

L’article 55 de la loi SRU est devenu non seulement un élément important de la politique du logement, mais aussi un symbole : le seuil de 20 % de logements sociaux fait partie des exigences que les communes prennent en compte. Cet article a toujours été appliqué de manière rigoureuse et transparente. Les informations relatives à son application, en particulier les constats de carence, ont toujours été rendues publiques. Les sénateurs, qui représentent les collectivités, ont toujours été très attachés au respect de cette obligation. Faire des élus locaux les boucs émissaires sur ce problème du logement est difficilement acceptable.

Comme tout est allé très vite, j’espère, madame la ministre, que nous aurons l’occasion de reparler de l’ensemble de ces sujets beaucoup plus longuement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis leur création, les établissements publics fonciers locaux, les EPFL, ont connu un très grand succès, notamment après le vote, en décembre 2000, de la loi SRU. Face au désengagement de l’État durant la période que nous venons de vivre, les EPFL se sont révélés des outils pragmatiques d’anticipation de la maîtrise du foncier, préalable indispensable à toute politique d’aménagement et de développement du territoire.

Au cours des dix dernières années, vingt et un EPFL ont été créés, et ces structures décentralisées, dotées d’une gouvernance locale, connaissent une croissance importante, à la fois en termes de population couverte – plus de 7 millions d’habitants en 2011 – et de montant des acquisitions foncières, avec 150 millions d’euros mobilisés en 2011.

Pour satisfaire aux engagements du Président de la République et à la volonté du Gouvernement de produire annuellement 500 000 logements, dont 150 000 logements sociaux, il serait donc pertinent de s’appuyer sur la réactivité et l’efficacité des outils que sont les EPFL, en élargissant leur périmètre d’action, a minima sur la totalité des territoires départementaux, voire davantage en fonction des volontés locales.

La lenteur des opérations d’acquisition foncière, due à leur complexité, est en effet très souvent incompatible avec l’urgence qui préside à la mise en œuvre du présent projet de loi, pour répondre à la triple exigence sociale, économique, mais aussi morale que vous avez rappelée, madame la ministre.

Or, en l’absence de réserve foncière, la production de logements sociaux en nombre suffisant serait rendue plus difficile.

Les EPFL sont les instruments d’une telle politique. Ils ont capitalisé des savoir-faire, mènent des procédures d’acquisition foncière, sont délégataires des droits de préemption urbains et conduisent des procédures d’expropriation dont la durée s’étale sur plusieurs années. Ils disposent, j’y insiste, de ressources autonomes qui, progressivement, les rendent indépendants du marché bancaire et leur permettent de réaliser des interventions au moindre coût.

C’est pourquoi il est nécessaire, madame la ministre, de doter rapidement les collectivités locales de cet outil foncier permettant de lutter contre la rétention foncière et la spéculation, afin de réaliser les objectifs en matière de construction de logement social, en zone urbaine comme en zone rurale.

Pour ce faire, il me paraît nécessaire de favoriser l’émergence, là où ils n’existent pas, de nouveaux établissements publics fonciers, en privilégiant, dans une logique de décentralisation et de proximité avec les territoires, les établissements publics fonciers locaux. Ce point me semble d’autant plus primordial que l’implantation d’un programme de logement social ne se décrète pas, mais se négocie en étroite concertation avec les communes et les bailleurs sociaux.

Il est également indispensable de simplifier les modalités d’extension des EPFL existants, de manière à ce qu’ils puissent rapidement couvrir l’ensemble des périmètres départementaux, voire régionaux, là où ils sont implantés.

Enfin, je me félicite que votre projet de loi, madame la ministre, vise à rendre plus efficace encore le dispositif de la loi SRU, en augmentant considérablement les pénalités des communes récalcitrantes. Il serait opportun, me semble-t-il, que ce prélèvement puisse prioritairement être affecté aux EPFL, afin de renforcer leurs moyens d’action pour des acquisitions à la fois foncières ou immobilières, en vue de la constitution de réserves foncières.

Il me serait très agréable, madame la ministre, de connaître votre point de vue sur le rôle déterminant joué par les EPFL. Sur la base des préconisations de l’association nationale des EPFL, j’ai en effet l’intention de déposer une proposition de loi visant à élargir le rôle des EPFL sur tout le territoire national. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, je souhaite simplement indiquer à nos collègues que la commission des affaires économiques se réunira dès que vous aurez suspendu la séance, pour examiner les amendements déposés sur le titre Ier.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite à présent répondre aux différents orateurs qui se sont exprimés au cours de la discussion générale.

M. Charon, dans son intervention, a taxé ce projet de loi de texte politique. Sans doute était-ce une critique dans sa bouche, mais, pour ma part, j'y ai vu un immense compliment. Oui, monsieur le sénateur, ce projet de loi est éminemment politique parce qu’il exprime une volonté, parce qu'il a un objectif et parce qu’il se donne les moyens de le mettre en œuvre. Il s'agit non pas de créer du logement pour une quelconque clientèle électorale, mais bien de rendre accessible le logement pour celles et ceux qui ont besoin.

Il est absolument indispensable de ne pas se tromper sur le diagnostic. À cet égard, les chiffres que vous avez cités tout à l'heure sont parfaitement inexacts. Aujourd'hui, dans l'ensemble du parc HLM de France, seuls 13 % des locataires – et non pas 50 % – dépassent le plafond de ressources au moment de l'entrée dans les lieux. Quant à ceux dont les revenus sont supérieurs à 200 % du plafond, ils ne représentent que 0,5 % du total, soit un taux encore plus faible.

Conséquence, parmi d’autres, de la crise, les occupants du parc HLM en France seraient plutôt en voie d'appauvrissement, ce qui est d'ailleurs une source d’inquiétude. C'est cette situation que nous devons traiter et ce projet de loi vise à apporter une première réponse au problème.

Nous avons fait le choix de nous appuyer sur une loi existante. Le travail parlementaire qui a été mené sur l'initiative d’abord de Louis Besson, puis de Jean-Claude Gayssot, qui a fait voter la loi SRU, a été très intéressant et très utile. C’est pourquoi j'ai fait le choix non pas de rédiger un nouveau texte, mais de tirer le bilan de la loi SRU tout en cherchant à améliorer celle-ci. S’agissant du travail parlementaire, il me semble que c'est une bonne méthode et je pense aussi que les membres d’un gouvernement – en tout cas, c'est ainsi que je conçois mon rôle – ont vocation à faire évoluer les lois, sans forcément vouloir laisser leur nom à un texte. Est-il bien nécessaire, mesdames, messieurs les sénateurs, de vouloir sans cesse réinventer l'eau tiède ?

Il était en revanche absolument indispensable de faire évoluer cette loi sur deux points : d'une part, augmenter le nombre minimum de logements sociaux – je reviendrai sur les arguments des uns et des autres – ; d’autre part, aggraver les pénalités.

Cette dernière mesure était nécessaire, parce que ce système de pénalités s’est révélé extrêmement incitatif. Aujourd'hui, sur les 977 communes qui sont soumises à la loi, 613 respectent leurs engagements. Cela signifie que le dispositif s’est révélé efficace pour celles et ceux qui le souhaitent. Je regrette que Mme Giudicelli ne soit plus là parce qu'elle doit bien connaître M. Giudicelli, maire de Menton depuis 1989, commune qui compte aujourd'hui 7 % de logement social, alors même, et c’est aisément vérifiable, qu’elle poursuit de grands programmes de construction de logements neufs aux quatre coins de son territoire.

Aussi, la volonté des uns et la force des sanctions à l’égard des autres qui refusent de participer à cet effort collectif sont des éléments déterminants. Et si les sanctions ne s'appliquent que dans de très rares cas, c'est que l’effet dissuasif de ce projet de loi aura été suffisant et que l’objectif aura été atteint.

Pourquoi faut-il augmenter le pourcentage de logements sociaux ? Parce que la pression existe et qu'elle est très forte. Mais c'est pour cette raison aussi que, dans ce projet de loi, nous avons fait le choix du pragmatisme. Ainsi, si la situation de tension n'existe pas dans une agglomération, le seuil sera maintenu à 20 %. Le seuil de 25 % ne sera mis en œuvre que dans les communes où la pression est socialement identifiée.

En réponse notamment à Mme Lienemann et à M. Dilain, je confirme que la question est bien celle de la pression sociale, c'est-à-dire la demande de logement social, le niveau des revenus. Il est question non pas de la pression générale sur le parc, mais bien de l'identification du critère social des personnes qui sont en situation de demande de logements. C'est bien ce que prévoit le projet de loi. C'est également pour cette raison que la question de l'équilibre entre les différentes formes de logement – et les différentes formes de financement correspondantes : PLS, PLUS et PLAI – est essentielle.

Monsieur Dallier, votre intervention pouvait paraître extrêmement séduisante de prime abord. Ce que j'aimerais savoir, mais ce que nous ne saurons jamais ni vous ni moi, c'est ce qu'aurait fait le brillant maire des Pavillons-sous-Bois si la loi SRU n'avait pas existé. Croyez-vous que ce volontarisme en faveur de la construction de logements sociaux aurait été si fort ? Cela restera une question sans réponse pour vous comme pour moi.

M. Philippe Dallier. Faites-moi ce crédit !

Mme Cécile Duflot, ministre. Je vous fais tout le crédit du monde, monsieur le sénateur, mais je le répète : ni vous ni moi ne pouvons répondre à cette question. D'ailleurs, vous avez fait la démonstration très claire que, y compris dans une commune où le foncier manque, il est possible, par la préemption d'immeubles, par l'achat de propriétés bâties, de transformer du logement existant en logement social et que d'autres communes qui s'opposent à toute construction peuvent utilement tirer des leçons de votre expérience.

Certains souhaiteraient rendre automatiques les sanctions, considérant qu'à partir du moment où le constat de carence est établi une sanction doit être infligée. Des amendements ont été déposés dans ce sens et nous pourrons donc débattre de manière approfondie de ce point. Sur les cent cinquante communes qui étaient en situation de carence pour la période 2008-2010, pour dix-huit d’entre elles, les préfets n'ont pas procédé à une majoration du prélèvement, et ce pour des raisons qui peuvent être parfaitement objectives, par exemple des retards dans les opérations de construction liés à des découvertes archéologiques ou à des recours contre les permis.

C'est le deuxième élément de pragmatisme de ce projet de loi : je souhaite, parce que je pense qu’elle est utile, maintenir cette possibilité, dont on voit bien qu'elle est utilisée avec discernement, de dispenser de sanction les communes qui sont manifestement de bonne foi, qui font preuve d'une réelle bonne volonté pour résoudre ces difficultés.

Je dis à M. Collomb et à M. Fouché, qui ont évoqué cette question – M. Fouché dans des termes un peu plus brutaux –, qu’il s’agit, avec ce projet de loi, d’avoir non pas une vision univoque, mais, au contraire, une vision politique, volontariste, pragmatique, qui tienne compte de la réalité des situations. J'assume parfaitement cette position.

S’agissant de la question du partage et des équilibres entre PLUS, PLAI et PLS, le débat porte notamment sur le stock des logements existants – sont-ils évalués de manière différente ? Il est très délicat de classer rétrospectivement dans les catégories actuelles du logement social des logements issus soit d'un parc comme celui de l'EPINORPA, l’établissement public de gestion immobilière du Nord – Pas-de-Calais, soit des constructions HBM, ces habitations à bon marché des années vingt et trente.

En revanche, je pense qu'il est tout à fait normal que le Parlement débatte des équilibres à respecter dans les critères de rattrapage entre le PLS, le PLUS et le PLAI. Là encore, l'histoire nous montre que, en l’absence de toute obligation de rattrapage, de façon curieuse, certaines communes font 100 % de PLS. Aussi, la voie de la contrainte, qui n'était pas celle qu’avait choisie le législateur voilà douze ans, semble assez naturelle et normale si l'on veut que ces communes participent elles aussi à la réalisation de logements à caractère très social que sont les PLAI.

J'en profite pour signaler que nous travaillons avec la Caisse des dépôts et consignations pour pouvoir disposer, dans les zones particulièrement tendues, d'un financement bonifié et donc mettre à disposition des logements à loyers encore plus bas afin de loger ces personnes dont j'ai parlé tout à l’heure, qui ont des difficultés à sortir de l’hébergement et à accéder aux logements classiques.

Mme Schurch, M. Labbé, Mme Lienemann, M. Dilain et M. Collin ont évoqué ce point. Au vu du nombre des amendements déposés sur cette question, ce projet de loi sera peut-être amené à évoluer en prenant en compte la réflexion du Sénat.

Troisième élément sur lequel je souhaite revenir : l'investissement locatif.

Ce projet de loi repose sur trois éléments importants, mais il n’est bien sûr lui-même que le premier étage d'une fusée. D’autres étages viendront s’y ajouter. En particulier, la prochaine loi de finances sera l’occasion de poser les questions des logements vacants, de la fiscalité applicable au foncier urbanisable et de l'investissement locatif.

De manière très pragmatique, je considère que, dans la situation de crise que nous connaissons, tout ce qui peut contribuer à mettre à la disposition des familles de notre pays des logements accessibles est une bonne chose.

L'un des échecs du dispositif Scellier a notamment résidé dans sa très grande transparence, laquelle a eu pour conséquence, assez naturellement, une augmentation, voire, dans certains endroits, une explosion du coût des opérations, certaines d’entre elles n’étant que des placements à visée fiscale, sans propriétaires occupants. Ces opérations s’en sont trouvées déséquilibrées. Enfin, les contraintes afférentes au niveau des loyers, qui reposaient, comme l’ont relevé certains d’entre vous, sur un zonage très daté, n'étaient pas suffisantes pour permettre d’offrir des loyers se situant en deçà des prix du marché.

Nous travaillons sur un dispositif avec pour préoccupation première la question de l'accessibilité. Nous voulons que les loyers soient significativement inférieurs à ceux du marché. À cette fin, nous nous appuierons dans les prochains mois sur le dispositif d'encadrement que nous allons mettre en place ainsi que sur les observatoires des loyers, qui nous permettront d'avoir une connaissance très fine des niveaux de loyer territoire par territoire, quartier par quartier, type de bien par type de bien. L’objectif est que les dispositifs d'incitation fiscale soient parfaitement corrélés avec la réalité du territoire.

Donc, à ceux qui s'inquiètent de la fin prochaine du dispositif Scellier comme à ceux qui ne la regrettent pas, je dis que cette réflexion est aujourd'hui en cours et que le débat est ouvert.

S’agissant des cessions gratuites, je remercie infiniment Marie-Noëlle Lienemann des paroles très aimables qu'elle a eues. Je lui sais également gré d’avoir observé que, lorsque des terrains publics ou appartenant à l'État sont vendus très cher, en fin de compte, ce sont l'État et les collectivités territoriales qui payent, au moyen d’un dispositif qui s'appelle la surcharge foncière, lequel consiste à attribuer des subventions permettant d'équilibrer le prix des terrains par rapport au prix normal d'une opération au regard des financements du logement social classique. Il est évident qu’une cession à un tarif beaucoup plus intéressant, voire la gratuité dans certains cas, est beaucoup plus économe des finances publiques qu’une cession au prix du marché à laquelle il faut ajouter, pour que l'opération de logement social puisse se faire, une subvention pour surcharge foncière. Il s'agit là d'un bon usage des deniers publics. Il est bien plus efficace d'agir directement sur le prix du foncier public dans ce cadre.

M. Dubois, pour résumer son propos, a estimé qu'il était très difficile de mener ce débat avec les services de Bercy. Les derniers épisodes que chacun a en tête montrent effectivement que ces sujets sont sensibles. En tout cas, ils suscitent l’attention et la mobilisation de tous, tant celles du Président de la République que du Premier ministre, afin que les difficultés soient dépassées.

Puisque certains se sont inquiétés de la situation de différents établissements, en particulier de Réseau Ferré de France, qui possède un certain nombre de terrains, je tiens à dire que les échanges que j'ai eus avec le président de RFF sont extrêmement encourageants. Sachez, monsieur Mézard, puisque vous avez fait part de votre préoccupation, qu’il a exprimé sa ferme volonté de travailler avec les collectivités territoriales et avec l'État. Toujours est-il qu’il a fait part de son souci, lequel sera pris en compte, que ne disparaissent pas des emprises foncières ferroviaires qui pourront être utiles dans les années qui viennent.

Cette préoccupation est intégrée dans notre réflexion et, s’agissant des plus grands terrains, le décret d’application de la future loi créera une instance d'échange et d'arbitrage sur les projets qui seront constitués et sur la préservation, pour l'avenir, de certaines emprises ferroviaires.

J’évoquerai enfin des plus questions périphériques évoquées par Valérie Létard et René Vandierendonck.

Monsieur Vandierendonck, vous le savez, l’échange sur l’abrogation de la majoration de 30 % des droits à construire a porté ses fruits, puisque des discussions transpartisanes ont eu lieu avec l’ensemble des responsables.

Madame Létard, je sais à quel point le rôle social du parc de l’EPINORPA est déterminant. La modification de son statut sera extrêmement utile dans la perspective d’une rénovation de ce patrimoine, qui devient donc nécessaire pour 50 000 logements.

Cette contribution en faveur du logement social de la région Nord - Pas-de-Calais est décisive et j’ai bon espoir, grâce au travail important accompli sur ce sujet, que ce dispositif réponde au souhait de l’ensemble des parlementaires qui se sont préoccupés de la question.

Monsieur Rome, vous avez évoqué les établissements publics fonciers. C’est surtout leur absence sur certains territoires qui montre, à l’inverse, leur efficacité sur d’autres. Certes, les recouvrements ont parfois des conséquences néfastes, mais cette question sera abordée dans la loi-cadre, puisque, vous l’aurez maintenant compris, un certain nombre d’éléments trouveront leur traduction dans le projet de loi de finances, comme l’investissement locatif ou la fiscalité sur les terrains à bâtir.

Je pourrais également évoquer la question primordiale des 1 à 2 millions de logements vacants identifiés dans notre pays. La taxe en la matière n’a pas été très efficace, sauf, par exemple, dans l’agglomération lyonnaise, où la volonté d’instaurer un peu de coercition a prouvé son efficacité pour la libération de ces logements.

Monsieur Labbé, la vente à la découpe et les agences de listes seront au nombre des questions discutées dans le cadre de cette future loi. Il en sera de même, M. Collomb l’a évoqué, des recours abusifs, de la clarification des procédures en matière d’urbanisme ainsi que de la densification, comme je l’ai déjà dit, mais certains ne m’ont visiblement pas bien entendue. Le dispositif sera, je l’espère, extrêmement utile, opérationnel et efficace pour les collectivités locales qui en ont besoin.

Je m’en tiendrai à ces observations, car l’examen des amendements nous permettra d’approfondir l’ensemble de ces questions.

En conclusion, je répondrai à l’interpellation de M. Collomb, qui s’est inquiété de ma détermination, de mon audace et de ma souplesse. Qu’il soit rassuré : je serai souple quand il le faut, audacieuse à chaque instant et, comme chacun a pu déjà le mesurer, totalement déterminée ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)