Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le constat est simple mais terrible : notre école n’assume plus son devoir républicain.

Monsieur le ministre, vous avez entrepris la refondation de l’école, afin de permettre à tous les élèves qui lui sont confiés de développer leurs potentialités et d’accéder au niveau de qualification le plus élevé possible, dans les meilleures conditions possibles. Au-delà des notes et des bulletins, la réussite scolaire signifie également bien vivre à l’école, y aller sans ennui et avec plaisir. Or ce dernier mot est rarement employé pour décrire l’école d’aujourd’hui.

J’ai choisi de m’arrêter sur deux points : le climat scolaire et la santé à l’école.

Le droit à l’éducation et celui de s’épanouir dans un environnement favorable et protecteur constituent une priorité. Si la majorité des enfants aiment l’école et s’y sentent bien, une proportion grandissante d’entre eux se déclarent victimes de violences ou de harcèlement. Quand un enfant n’a pas suffisamment de mots à sa disposition pour exprimer ce qu’il ressent, il utilise les injures et les coups. Ensuite, c’est l’engrenage : violences entre élèves mais aussi envers les enseignants ou les parents ; la presse s’en est récemment fait l’écho.

Monsieur le ministre, je me réjouis de voir que, pour la première fois, le mot « violence » apparaît dans l’organigramme de votre ministère, avec la création d’une délégation ministérielle à la lutte contre les violences scolaires, à la suite des travaux d’Éric Debarbieux et Georges Fotinos. Je salue également la création d’un nouveau métier, celui d’assistant de prévention et de sécurité ; les premiers personnels sont en cours de formation. J’y vois un signe évident que la présence des adultes doit être renforcée dans nos écoles et lycées.

Réunir les conditions de la réussite, c’est aussi rendre notre école attentive à la santé des élèves et des personnels. On ne peut dissocier la capacité de l’élève à apprendre de sa santé. Un enfant qui a faim, qui voit ou entend mal, un enfant troublé par sa situation familiale, un enfant en déficit de sommeil, un enfant habitant dans un logement dégradé voire insalubre, un enfant vivant dans une trop grande promiscuité, est un enfant qui ne peut se concentrer ni travailler correctement.

On constate aujourd’hui la résurgence de maladies oubliées. Les cas de gale, de tuberculose ou de rougeole se multiplient. L’accès aux soins est devenu très difficile ces dernières années, de sorte que nombre de familles fragiles renoncent à se soigner. Or la dimension éducative de la santé constitue un facteur essentiel de bien-être des élèves, de réussite scolaire et d’équité.

Malheureusement, on déplore un manque cruel de personnels de santé dans l’éducation nationale. Comment peut-on être réellement attentif à la santé de chaque élève quand si peu de personnels y sont affectés ? Comment les infirmières scolaires peuvent-elles suivre plusieurs collèges et écoles de manière efficace ? Comment admettre que les infirmières, au-delà de leur mission d’accueil, d’écoute et de soin, doivent aussi remplir certaines missions des médecins – bilan des six ans, par exemple – et intervenir dans l’enseignement privé alors qu’elles sont payées sur des fonds publics ? Leur reconnaissance en catégorie A constitue une avancée, mais il s’agit maintenant de renforcer leurs missions : elles doivent continuer à jouer un rôle d’écoute et demeurer proches des élèves.

J’en viens aux médecins. S’il convient de saluer la publication, le 20 juillet 2012, des décrets de revalorisation indiciaire de la médecine scolaire, qui sont entrés en application le 1er août, il s’agit maintenant d’engager une véritable politique de recrutement afin de pourvoir aux postes vacants, dont le nombre augmente à chaque rentrée scolaire, et de reconnaître enfin aux médecins de l’éducation nationale la spécialisation en médecine générale ou en santé publique.

Il conviendrait également – pourquoi pas ? – de promouvoir la sensibilisation de chacun dans les écoles, notamment par l’inscription de la prévention dans les programmes de sciences et techniques du vivant du cycle préélémentaire et élémentaire. Je reprends ici les préconisations de notre ancien collègue Jean-Claude Etienne et de Christian Corne dans un avis du Conseil économique, social et environnemental, intitulé Les enjeux de la prévention en matière de santé et publié en février dernier.

La réussite éducative passe par la remise en place d’une formation des enseignants ou encore par l’adaptation du temps scolaire et éducatif. Le chantier est vaste, mais ô combien nécessaire et attendu. Il s’agit de garantir une vraie justice scolaire afin que nos jeunes retrouvent enfin le plaisir d’apprendre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enseignant que j’étais se réjouit du présent débat sur la réussite scolaire, laquelle est le moteur de l’ascenseur social. Je souhaite apporter un éclairage différent en vous exposant le vécu d’un petit territoire d’outre-mer du bout du monde où l’on débat aussi sur un meilleur avenir de l’école.

Certains problèmes, qui ne sont pas différents de ceux que rencontre la métropole, s’y trouvent cependant amplifiés, pour ne pas dire exacerbés.

Bien évidemment, la réussite scolaire passe en premier lieu par des conditions matérielles satisfaisantes, qui sont, hélas ! déficientes à Wallis-et-Futuna. À Futuna, voilà deux ans et demi, le cyclone Tomas a tout détruit, à commencer par les écoles ; le bâti scolaire est dégradé sur l’ensemble du territoire. À Wallis, le lycée ayant été construit selon des normes totalement inadaptées à un climat tropical humide, les élèves travaillent dans des conditions difficiles malgré les rénovations réalisées au cours de ces dernières années.

Nos établissements disposent d’équipements et de dotations de fonctionnement plus que limités. Par exemple, ils ne bénéficient pas d’un équipement informatique suffisant ni de connexions internet satisfaisantes, ce qui représente un sérieux handicap pour les élèves au cours de leur cursus scolaire. Sur un territoire exigu et éloigné de tout, internet est pourtant primordial pour s’ouvrir au monde et le découvrir. Cette déficience est aussi particulièrement problématique, car le retard que prennent les jeunes dans la maîtrise de l’outil informatique les pénalise ensuite par rapport à leurs condisciples métropolitains lors de la poursuite de leurs études supérieures.

La fracture numérique est d’autant plus pénalisante pour les élèves de Wallis-et-Futuna qu’elle n’est pas compensée sur place, et c’est le moins que l’on puisse dire, par des bibliothèques aussi fournies que la BNF. Il est vraiment dommage que peu de livres soient proposés aux jeunes.

Des conditions autres que matérielles déterminent également la réussite scolaire. Ainsi, l’enseignement qui est dispensé doit être non seulement de qualité, mais aussi adapté. Dans ce domaine, on peut identifier en premier lieu les formations proposées aux élèves. De ce point de vue, Wallis-et-Futuna est bien mal loti.

Certes, même si des élèves encore très jeunes sont obligés de partir loin de leurs familles, en Nouvelle-Calédonie ou en métropole, je comprends bien que toutes les filières d’enseignement – baccalauréats techniques ou professionnels, BEP, CAP – ne peuvent être proposées sur place. En revanche, le choix des filières laisse à désirer. Ainsi, la nouvelle carte des formations projetée par le vice-rectorat ne me semble pas correspondre aux réalités locales et mériterait d’être discutée de nouveau avec l’ensemble des acteurs concernés.

Enfin, le dernier point important que je voudrais mettre en exergue concerne la gestion des ressources humaines par le ministère, car les personnels d’enseignement sont déterminants dans la réussite éducative.

Les enseignants venant de métropole exercer leur fonction à Wallis-et-Futuna subissent un choc culturel très fort. Le choix des personnels que l’État envoie est donc délicat à gérer. Il conviendrait que le territoire y soit mieux associé, selon une formule qui reste à inventer.

Trop souvent, nous avons accueilli des professeurs peu impliqués et, ayons l’honnêteté de le reconnaître, peut-être prioritairement intéressés par un séjour au soleil et par une meilleure rémunération en raison de l’indexation appliquée.

À l’inverse, hélas ! fréquemment, des professeurs très motivés et engagés n’ont pu prolonger leur séjour. La formule actuelle – un séjour de deux ans renouvelable seulement une fois pour une même période – est dommageable. J’ai pu moi-même en constater les effets négatifs par rapport à des séjours plus longs.

Une plus grande souplesse permettrait une meilleure gestion du personnel. Par exemple, une installation sur le territoire d’une durée de deux ans, renouvelable à la carte pour une période de trois ou quatre ans, au choix de l’enseignant et, bien entendu, en fonction de l’évaluation de son travail, pourrait être imaginée. Tout en laissant aux professeurs qui ne souhaitent pas prolonger leur séjour le choix de partir, elle aurait l’avantage d’impliquer ceux qui désirent rester et qui, aujourd’hui, menacés par le couperet d’un départ obligatoire à court terme, se sentent démotivés. Cela se ressent tant dans leurs comportements que, de fait, dans la réussite de leurs élèves.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les brèves observations que je voulais formuler. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly.

M. Dominique Bailly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques jours, afin de remédier à la situation critique de nos jeunes concitoyens sortis du système scolaire sans qualification, nous avons adopté le projet de loi portant création des emplois d’avenir. S’il est de notre devoir de les aider à accéder à l’emploi, il est aussi nécessaire que nous prenions les mesures permettant de réduire le nombre de jeunes Français en échec scolaire qui, chaque année, se présentent malheureusement sans diplôme sur le marché du travail.

Selon de nombreuses études, les systèmes scolaires les plus efficaces et les plus favorables à l’égalité des chances sont majoritairement ceux qui œuvrent pour la mixité sociale dans les établissements scolaires. Or les travaux de la mission d’information sur la carte scolaire ont montré que l’assouplissement de celle-ci voulu et mis en œuvre par le précédent gouvernement a considérablement accentué la ségrégation. Il est donc urgent de revoir la dérégulation de la carte scolaire et de repenser cet outil au service de la mixité sociale et de l’égalité des chances.

Toutefois, il ne s’agit pas de revenir à la situation qui prévalait avant la réforme de 2007, c’est-à-dire à la sectorisation pure et simple. Il nous faut définir ensemble de nouveaux instruments de régulation qui prennent en compte les spécificités des territoires, et j’insiste sur ce point.

Dans son rapport, dont je salue la qualité, notre collègue Françoise Cartron s’est attachée à porter un diagnostic différencié selon les territoires. C’est, selon moi, la clé de la réussite d’une véritable réforme de la carte scolaire. En effet, les enjeux en la matière sont très différents en milieu urbain ou rural, dans une agglomération comme Paris, dans les grandes métropoles régionales ou encore dans les villes moyennes. Si certains établissements de zones urbaines souffrent de stratégies d’évitement de la part des parents, les zones rurales sont, elles, davantage victimes de la raréfaction des moyens alloués aux établissements de petite taille.

En tant qu’élu du département du Nord, je suis confronté à des problématiques très différentes selon les territoires. Ce département, le plus peuplé de France, compte non seulement des aires urbaines densément peuplées, qui couvrent une grande partie de son territoire, mais aussi de nombreuses zones rurales. Seule une différenciation fine de la carte scolaire permettra de répondre à la diversité des enjeux. Ainsi, les aires urbaines de mon département pourraient bénéficier de secteurs élargis, potentiellement plus mixtes socialement que les secteurs actuels. Les zones rurales, dans lesquelles il faudra tenir compte des temps de transport scolaire et où l’élargissement des secteurs n’est pas envisageable, se verraient redynamiser par le maintien des ressources des établissements de petite taille et par la rationalisation de l’offre de formation.

Je tiens par conséquent à insister cet après-midi sur la nécessité de faire reposer une réforme de la carte scolaire sur une véritable concertation. Un dialogue constant entre les collectivités locales et les services déconcentrés de l’État devra être mis en place afin de garantir l’application territoriale des politiques éducatives, que vous pilotez, monsieur le ministre. Cette coordination avec les collectivités, qui ont une connaissance fine des territoires, permettra de réaliser de nets progrès en matière de rationalisation des implantations d’établissements – sujet ô combien délicat –, de définition des secteurs et d’élaboration de la carte des formations.

Les collectivités locales pourraient apporter une plus-value certaine en cas de redécoupage des secteurs de recrutement des collèges. En effet, un tel redécoupage, dont la finalité serait de rapprocher la composition sociologique de chaque secteur, nécessitera, au préalable, un examen approfondi des profils sociaux et, surtout, une analyse prospective des mutations démographiques et économiques attendues sur le territoire.

Dans certaines zones, l’élargissement des secteurs actuels pourrait être envisagé, et la possibilité pourrait être laissée aux conseils généraux de définir des secteurs communs à plusieurs collèges. Il conviendra alors non seulement de repenser l’offre de formation, mais aussi de redéfinir les règles d’affectation au sein des collèges, afin de garantir le brassage des publics dans tous les établissements.

M. Alain Néri. Très bien !

M. Dominique Bailly. Enfin, les conseils généraux pourraient également être sollicités pour mettre en place une modulation des dotations en fonction de la composition sociale des établissements. L’objet d’une telle mesure serait d’accorder plus aux collèges et aux lycées défavorisés et de réduire ainsi les inégalités de performances entre les établissements scolaires.

M. Dominique Bailly. Si l’échelon départemental semble le plus pertinent pour mener cette concertation, l’échelon communal devra, bien évidemment, lui aussi être associé au dialogue.

L’éducation a longtemps été le domaine réservé de l’État. Les collectivités territoriales sont pourtant aujourd’hui de plus en plus sollicitées pour garantir aux élèves et aux enseignants de bonnes conditions de travail. D’ailleurs, le bilan positif des projets éducatifs locaux montre que l’avenir de notre système éducatif passe par davantage de décentralisation. En effet, ces projets ont permis de mettre en place un réel dialogue entre les différents acteurs d’un territoire. C’est pourquoi, à l’aube d’un troisième acte de la fameuse décentralisation, il est temps d’adopter une nouvelle vision de l’école qui passe, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, par une application territoriale des politiques éducatives.

L’éducation doit être la priorité de l’action publique, et nous devons garantir à tous les citoyens français un accès égal à un enseignement de qualité, quel que soit leur lieu de résidence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, être jeune dans la société française est devenu un problème, tant pour celui qui ne possède aucune qualification que pour celui qui a fait le choix de poursuivre des études à l’université, faute de débouchés professionnels avérés.

Pourtant, une filière permet à l’élève ou à l’étudiant de bénéficier tout à la fois des enseignements d’une scolarité dite « classique » et d’une véritable formation professionnelle en entreprise. Je veux bien sûr parler de l’apprentissage.

Mes chers collègues, lorsque l’on parle des conditions de la réussite scolaire, de quoi s’agit-il ? Bien évidemment de fournir à nos enfants la formation qui leur permettra de s’épanouir et d’arriver armés sur le marché du travail. Mais je me demande toujours pour quelle raison l’on s’obstine à vouloir absolument que nos enfants soient bacheliers s’ils ne sont pas faits pour le devenir.

Au pays de Pascal et de Descartes, il était de tradition de placer le savoir abstrait au-dessus du savoir concret, de choyer le lettré, l’intellectuel, l’étudiant et de traiter avec condescendance, voire avec une certaine forme de mépris, l’artisan ou l’apprenti.

Nous savons tous combien cette hiérarchie implicite des savoirs marque depuis longtemps notre système éducatif et influence les élèves et leurs familles, notamment au moment de l’orientation professionnelle. Les options du lycée professionnel, de l’apprentissage, de la formation en alternance sont encore trop souvent ressenties comme des choix par défaut réservés à ceux qui n’auraient pas les moyens intellectuels de poursuivre leur formation dans des filières académiques.

C’est oublier l’importance de la qualification pour les artisans, qu’ils travaillent dans le bâtiment, la coiffure ou les métiers de bouche. C’est oublier également que l’apprentissage est le meilleur moyen de susciter des vocations et de transmettre un savoir-faire.

Je tiens en cet instant à saluer tous les artisans qui forment des apprentis. Très souvent, ils se transforment le soir en maître d’école. Remarquons que certains métiers requièrent encore plus que d’autres une culture du savoir-faire. Je prendrai l’exemple du pâtissier. S’il est incapable de définir la quantité de sucre, de crème ou de beurre nécessaire à la confection de son gâteau, il le ratera.

C’est oublier enfin que l’apprentissage est une arme efficace contre le chômage des jeunes et une qualification très recherchée par les entreprises. En effet, les jeunes ayant suivi la voie de l’apprentissage obtiennent plus facilement un emploi en CDI et peuvent prétendre plus rapidement à des hausses de salaire. À l’issue de leur formation, 79 % d’entre eux trouvent un premier emploi dans les trois mois et 90 % dans les six mois. Ils sont 50 % à avoir signé un CDI à la sortie de l’apprentissage, et près d’une fois sur deux ils commencent leur carrière au sein de l’entreprise qui les a formés.

Enfin, il est un volet rarement évoqué : la dynamique entrepreneuriale de celles et ceux qui sont passés par ces filières. On estime à environ 40 %, tous secteurs confondus, le nombre d’apprentis qui, au sortir de leur formation ou à terme, deviendront chefs d’entreprises.

Dès lors, ne vaut-il pas la peine de tenter la voie de l’apprentissage plutôt que celle de la formation générale et théorique ?

Pourtant, cette formation en alternance qu’est l’apprentissage continue d’éprouver de grosses difficultés à trouver sa place dans le système éducatif français.

Tournons-nous vers l’Allemagne, notre voisine : deux tiers des jeunes y sont formés par l’alternance, contre un tiers en France. Comment combler notre retard ?

Le modèle allemand est plus efficace que le nôtre pour au moins quatre raisons.

Tout d'abord, les parents disent souvent à leurs enfants : « Obtiens une qualification, suis une formation et tu reprendras tes études plus tard ». Nous avons des difficultés à développer cette culture.

Ensuite, en Allemagne, la question de l’orientation des jeunes est abordée très tôt. Dans ces conditions, l’apprentissage relève d’un choix individuel assumé, non d’une solution de rechange, d’un pis-aller après une succession d’échecs scolaires.

Le troisième élément fort de l’apprentissage en Allemagne est lié à son mode d’organisation. Depuis toujours, ce sont les entreprises elles-mêmes qui pilotent le système de formation professionnelle, en adéquation avec leurs nécessités, ce qui permet une évaluation fine des besoins sur le territoire national.

Enfin, nos amis allemands s’appuient sur une coordination forte entre les différents bassins d’emploi.

Pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, le Gouvernement, pleinement conscient des enjeux en la matière, avait affiché un objectif de bon sens : un jeune sur cinq formé par l’alternance à l’horizon de 2015. Pour ma part, je suis intervenu à plusieurs reprises, notamment en 2011 lors de notre débat sur l’apprentissage, pour réclamer une nécessaire égalité de traitement entre les apprentis et les étudiants. Il s’agit là d’une forme de reconnaissance indispensable à ces formations.

Monsieur le ministre, dans un contexte économique contraint, il est urgent de poursuivre en ce sens. Nous ne pouvons qu’encourager les jeunes à s’engager dans cette voie d’excellence, faire partager le succès de celles et ceux qui réussissent par l’apprentissage, rendre leurs lettres de noblesse aux métiers qui recrutent mais qui ne séduisent plus les jeunes.

L’alternance, j’en suis sûr, est une formule gagnante pour tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est de l’éducation que dépendent l’avenir de notre jeunesse et le redressement de la France.

« Refonder l’école et refonder la République par l’école ! » : c’est en ces termes, monsieur le ministre, que vous vous adressiez, aux côtés de votre collègue George Pau-Langevin, aux enseignants lors de la rentrée. Il n’en faut certes pas moins pour éponger la dette éducative qu’on nous a laissée…

Bien sûr, dans ce contexte, l’enseignement français à l’étranger semble bien privilégié. En effet dans le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, le taux de réussite au baccalauréat est de 95 %, près de 60 % des reçus obtenant une mention. Pourtant, ces chiffres exceptionnels cachent une réalité plus nuancée : l’excellence éducative ne concerne que les élèves dont les familles satisfont aux critères draconiens d’attribution de bourses scolaires ou ont les moyens financiers nécessaires pour inscrire leurs enfants dans des établissements parfois extrêmement onéreux.

Le Président de la République s’est engagé à ouvrir davantage les portes de ces établissements. La première étape passe par la suppression de la prise en charge indifférenciée de la scolarité pour les lycéens. Par ailleurs, une révision globale du système de bourses est en cours, pour qu’aucun enfant français vivant à l’étranger ne soit privé d’un enseignement français pour des raisons financières. Nous nous félicitons de cette évolution, destinée à rendre « l’école plus juste » dans le réseau de l’étranger aussi.

Malgré tout, les deux tiers des enfants français demeurent exclus du système. C’est le cas, tout d'abord, pour des raisons d’éloignement géographique : l’AEFE constitue l’un des réseaux les plus denses au monde, mais il va de soi que ce maillage ne peut être parfait.

Plus inquiétante est la pénurie de places au sein des établissements. L’AEFE est en sous-financement chronique depuis des années, rejetant sur les parents l’essentiel du financement du réseau. C’est pourquoi un relèvement du plafond d’emplois des professeurs titulaires détachés est vainement sollicité depuis longtemps. Le réseau français à l’étranger a d’ailleurs malheureusement été tenu à l’écart du plan d’urgence du Gouvernement pour la rentrée de 2012.

L’exclusion de deux élèves sur trois de l’enseignement français à l’étranger s’explique aussi par une autre spécificité du réseau : la quasi-absence de parcours différenciés.

La prise en charge du handicap, tout d'abord, reste très insuffisante, malgré les efforts qui ont été accomplis. Un état des lieux de la loi de 2005 sur le handicap serait d’ailleurs bienvenu dans le réseau à l’étranger.

En effet, l’aide à la prise en charge des AVS, les auxiliaires de vie scolaire, demeure très faible et l’information des familles trop parcellaire. La scolarisation des enfants en situation de handicap figure parmi les grands thèmes de la concertation sur la refondation de l’école. À cet égard, il est essentiel que les enfants handicapés ne soient pas exclus de fait des établissements d’enseignement français à l’étranger, d’autant plus qu’il n’existe parfois aucune solution de rechange dans le système scolaire local.

Toutefois, au-delà de ce thème spécifique, c’est tout le problème de l’offre éducative qui doit être évoqué : l’enseignement français à l’étranger ne compte pratiquement pas de filières pour les élèves qui ne peuvent ou ne veulent pas suivre la voie générale.

Les filières techniques et professionnelles demeurent exceptionnelles. Dans ces conditions, les élèves relevant d’un tel enseignement sont gentiment invités, pour ceux, nombreux, qui ne peuvent rentrer en France, à rejoindre les établissements scolaires locaux. Cela ne pose pas de problème dans les pays aux systèmes éducatifs similaires au nôtre, mais quid des autres ? Il y a quelques semaines, l’Assemblée des Français de l’étranger a d’ailleurs demandé un état des lieux sur ces filières techniques et sur les besoins en formations professionnelles dans le réseau. L’échec scolaire se transforme donc en « réorientation dans le système de scolarité du pays ».

Le réseau français à l’étranger a des qualités indéniables. Toutefois, les résultats au baccalauréat, supérieurs de plus de dix points à ceux qui sont constatés en France, sont en réalité assez illusoires. À cet égard, il serait très intéressant de mener des études de cohorte pour analyser véritablement les raisons qui conduisent les élèves à quitter le système français.

Certes, le réseau d’enseignement français à l’étranger constitue une filière d’excellence, mais veillons à ne pas en faire simplement une pépinière de privilégiés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois minutes pour parler de l’école en Guyane, c’est nettement insuffisant. Néanmoins, je ferai de mon mieux pour vous dire l’essentiel durant ce laps de temps.

La situation de l’école en Guyane appelle un jugement sévère : la plupart des indicateurs de réussite sont très en retrait par rapport à ceux de la métropole, mais aussi par rapport à ceux des autres départements d’outre-mer, ce qui montre que l’objectif d’égalité des chances pour les jeunes Guyanais est tenu en échec. Ainsi, 58 % des 25-34 ans ayant quitté le système éducatif sont sans diplôme, contre 26 % en Martinique, la moyenne nationale étant de 19 %.

La Guyane cumule les handicaps et les retards, qui ont pour conséquence de lui conférer le triste privilège « des plus mauvais résultats de France sur tous les plans », selon les mots d’un ancien recteur.

Pour expliquer cette situation, il est mis en avant plusieurs facteurs propres à la Guyane.

Premier facteur : la forte croissance démographique. Celle-ci serait la contrainte majeure de l’académie, avec un taux de croissance de 4 % à 5 % par an, voire de 8 % pour certains établissements, comme ceux qui sont situés dans l’ouest guyanais.

Deuxième facteur : la diversité des origines et des cultures des populations. Quelque 102 nationalités sont présentes sur le territoire, et l’on compte 15 langues usuelles. Pour plus de la moitié des élèves du premier cycle, le français n’est pas la langue maternelle.

Troisième facteur : les difficultés de recrutement et de stabilisation sur leur poste des enseignants, notamment dans les zones les plus excentrées. En Guyane, le corps enseignant est essentiellement métropolitain et souvent inexpérimenté, car il est affecté dans le département au titre de premier poste. Les conséquences en sont un véritable gap culturel et un turn-over considérable, qui atteint les 80 % dans certains établissements, d’où la difficulté d’élaborer un véritable projet pédagogique à moyen et long terme.

Monsieur le ministre, si l’on tient vraiment à résorber les retards de l’académie de Guyane, il est plus que nécessaire d’y mener une autre politique, plus adaptée aux réalités du territoire. Pour cela, j’ai émis diverses suggestions, conditions à la réussite de l’école, lors de la concertation sur la refondation de l’école qui s’est déroulée en Guyane du 29 août au 22 septembre 2012.

Premièrement, il faut multiplier les possibilités d’apprentissage offertes par la diversité des parcours et des compétences réunis sur le territoire.

L’apprentissage des langues autres que le français, langue commune obligatoire, est éminemment souhaitable. Il est nécessaire car ce multilinguisme, quelles que soient les langues concernées, est une chance à saisir plutôt qu’un handicap. Une école bilingue dès la maternelle ? Et pourquoi pas ? On voit des écoles de ce type fonctionner dans d’autres régions de France, où une langue régionale existe à côté du français.